Le Grand Bal

- Parce que ce n'est pas un prénom courant, certainement. Mais je lui dirais que tu le trouves charmant, ça lui fera très certainement plaisir. Les corbeaux aiment être complimentés.

Elle répond d'une voix monocorde, mais si l'on prête bien attention à son attitude, il est possible de voir qu'elle même ressent une certaine fierté lorsqu'elle parle des corbeaux. Une fierté qu'elle n'a pas besoin de dissimuler, tant elle est discrète et mystérieuse, à l'instar de tout le reste de sa personne. Ou peut-être est-ce parce qu'elle ne ressent pas le besoin de cacher ses émotions, à cet instant précis ?

Cormoran et Andromeda arrivent finalement devant le buffet, qui est tellement grand et coloré que la jeune femme se sent brusquement toute excitée. Elle ne remarque pas que c'est à contre-coeur qu'elle lâche les doigts du jeune homme, pour venir tapoter vivement ses mains l'une contre l'autre. Elle pense à toute la nourriture qu'elle va pouvoir ramener à ses oiseaux, et à quel point ils vont être contents, et ça la rend heureuse à son tour.

Quand Cormoran évoque le fait qu'ils pourraient être des macarons Bertie Crochue, une lueur d'amusement naît dans le regard de la jeune femme aux cheveux gris. Elle imagine dans sa tête ce à quoi ressemblerait une telle dégustation, et elle ne peut s'empêcher de trouver la scène vraiment intéressante.

- Ce serait amusant ! Est-ce que tu imagines la tête de certains instructeurs s'ils tombaient sur ce genre de goûts ?

Elle poursuit dans sa lancée, peu encline à s'arrêter.

- Et puis je ne trouve pas le goût vomi si mauvais...

Et un éclair de lucidité la traverse. Elle se rend compte que ce n'est peut-être pas la meilleure des choses à dire à un homme qu'elle trouve suffisamment intéressant pour l'accompagner à un bal.

- Enfin, comparé à d'autres. Tu as dit que les jaunes sombre sont aux fruits de la passion ? C'est un beau nom, tu ne trouves pas ? Les fruits de la passion...

Elle se perd un instant dans sa tête, oubliant de répondre à la dernière question qu'il lui pose. Les fruits de la passion. Ca lui évoque tout un tas de choses agréables. Elle aime ça. Alors elle prend un macaron jaune sombre entre ses mains, et croque dedans, non sans avoir jeté un regard à Cormoran.

Blinky n’avait pas été forcée de le pousser hors de l’infirmerie ce soir-là. Il s’était d’ailleurs assuré qu’aucun malade ne serait présent à l’infirmerie, tâche ardue au vue des énergumènes présents au Domaine. Tout le monde devait participer au bal, et si cela signifiait devoir employer des méthodes un peu brusques pour que chaque enrôlé soit sur pied, et bien, il était tout à fait l’homme de la situation. Il avait donc employé les quelques heures libres qu’il avait pour se préparer et faire une dernière ronde dans les serres - pas dans cette ordre, bien entendu, afin pour une fois de ne pas se présenter en charmante compagnie et maculé de terre ou de coupures diverses et variées.

Le résultat final aurait pu paraître aussi nonchalant que son attitude, mais la tenue était clairement travaillée. Ses cheveux avaient subi un brin de discipline pour que les boucles retombent en une masse harmonieuse autour de son visage sans pour autant le gêner, et sa tenue était impeccable. Les tatouages qui se mouvaient parfois sur sa peau apparaissent encore au niveau de son col, mais ses manches étaient pour une fois retenues comme elles se devaient par le pli que formait le vêtement, couvrant ses poignets. La robe, d’un vert sombre, laissait entrevoir une chemise brodée d’argent et un veston mêlant ces deux couleurs.

Odysseus s’était chargé des dernières préparations musicales tandis que les Elfes couraient ça et là pour terminer de préparer la salle. Il aurait pu aider, mais taquiner le baguettier et musicien était bien plus amusant et il savait qu’il aurait été de trop. Il avait donc attendu plus ou moins sagement en sirotant une dernière tasse de thé, observant Odysseus travailler alors que les enrôlés commençaient à affluer dans la salle, ne leur jetant qu’un vague regard dénué d’intérêt pour la plupart. Saluant ses collègues d’un signe de tête ou d’un sourire - particulièrement plus appuyé envers Morrigan, par exemple, ou amusé devant la tête de Vyàsa, qui aurait souhaité être tout autre part.

Et puis elle était entrée.

Elle était magnifique, bien entendu. Il ne s’était pas attendu à autre chose, pour un nombre incalculables de raisons allant de ce qu’il savait d’elle et ce qu’il pensait habituellement même quand elle ne paraissait pas avoir fait d’efforts pour un évènement particulier, mais aussi tout simplement parce qu’elle était ravissante et qu’il la trouvait fascinante. Frêle, trop frêle, ce détail qu’il ne pouvait s’empêcher de remarquer, mais sa robe lui allait à merveille, sa coiffure dégageait son visage, ses yeux paraissant plus sombres, plus perçants. Elle le regarda d’ailleurs à peine, ce qui le fit sourire plus qu’autre chose. Après les tensions qu’il y avait eu entre eux ces dernières semaines, il ne pouvait s’empêcher de penser que c’était de bonne guerre.

Il la quitta des yeux à regret, se tournant vers son cavalier pour l’ouverture du bal. Monsieur le Directeur n’était pas encore arrivé, mais ils avaient reçu l’ordre de commencer avant que celui-ci n’entre. Les discussions commençaient déjà à résonner dans la salle alors que les divers couples s’éparpillaient vers le buffet ou dans les coins de la salle. Il s'inclina devant son ami avec ce même air amusé et un brin moqueur, avant de lui tendre le bras. "Je te demanderais bien si tu souhaites vraiment m'accorder cette première danse, mais je crains que te laisser le choix reviendrait à te donner de faux espoirs. Prêt?"

Odysseus, un peu raide, s’inclina à son tour. “Allons-y” D'un geste de baguette, l'introduction de la première musique retentit alors qu’il posa sa main sur le bras du médicomage "Tu diriges ?"

"Si ça ne te dérange pas, je préfèrerais." Il entraîna Odysseus vers le milieu de la piste sans se soucier des regards qui se posaient sur eux, gardant son attention sur son partenaire. Sa bonne humeur transparaissait dans le sourire en coin qu'il affichait alors qu'il se penchait vers lui d'un air presque conspirateur. Sa main s'était naturellement glissé un peu plus haut que la taille d'Odysseus pour accommoder leur (légère, ajouterait-il) différence de gabarits. "Je te promets de rendre cette danse aussi peu douloureuse et aussi plaisante que possible."

Le visage un peu neutre d’Odysseus se transforma en un sourire au son de la plaisanterie alors que leurs regards se croisaient, et qu’ils commencèrent à danser, Odysseus adoptant une posture un peu raide mais suivant sans grandes difficultés, Lancelot offrant une image plus habituée et détendue. "Il n'y a que toi qui puisse rendre la chose supportable."

“Heureux de l’entendre.” Lancelot murmura avec le même sourire. Il était clair que danser était quelque chose qu’il faisait sans effort, sans même devoir y penser, avec l’assurance de quelqu’un qui avait confiance en ses capacités et qui s’amusait beaucoup.

HJ:

L’attente n’avait pas été très longue, même si Cassiopeia ne pouvait s’empêcher de jeter des regards anxieux vers la salle. Elle était arrivée assez en avance pour être sûre de ne pas avoir loupé Arcturus et commençait à s’inquiéter que quelque chose lui soit arrivé. Depuis la disparition de Granit et les (vaines) tentatives des Selkies pour le retrouver, l’idée que n’importe lequel d’entre eux puisse disparaître à son tour était très présente dans son esprit. Elle n’avait pas peur pour elle-même, consciente depuis bien longtemps que sa survie ne serait que temporaire. Mais elle refusait de voir les personnes qu’elle appréciait souffrir, un peu naïvement, et Arcturus faisait désormais parti de cette liste. Bien plus qu’elle n’osait le formuler dans sa tête.

Lorsqu’il arrive enfin, elle ne peut s’empêcher de sourire à nouveau, un sourire brillant et ravi qui se ternit un peu alors qu’il fait la grimace. Elle replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille, s’apprête déjà à s’excuser, s’entends presque bafouiller comme une idiote. Mais c’est lui qui s’excuse de l’avoir fait attendre. De vieilles lessons lui reviennent en tête sur le fait que les hommes ne sont jamais en retard et qu’elle aurait dû s’assurer de le rejoindre plus tôt, mais elle chasse bien vite cette pensée de son esprit alors qu’il la regarde.

“Non, ne t’en fais pas, je n’ai pas attendu longtemps. Et je ne pense pas que le bal ait commencé-, pas l’ouverture, en tous cas.”

Et bien sûr, elle rougit comme une pivoine (l’expression la fait presque sourire maintenant, en pensant au teint pâle de la Selkie), détourne le regard et replace à nouveau une mèche qui s’évertue à ne pas tenir en place. Quand elle arrive enfin à relever la tête, ses yeux pétillent et son sourire est plein de douceur.

“Merci. Tu es… Cette tenue te va vraiment bien. Tu es très beau.” Elle ne peut s’empêcher de rectifier légèrement le col du jeune homme comme elle l’a fait avec ses coéquipiers de brigade dans la salle commune, bien que de manière bien moins brutale qu’Ortie, lissant un pli du plat de la main. Pour une fois, ses talons sont assez hauts pour qu’elle n’ait pas à se mettre sur la pointe des pieds. “Voilà. Comme ça, c’est parfait.”

Un autre léger sourire, et elle n’hésite pas alors qu’il lui tend la main pour l’entraîner à l’intérieur de la salle. Ils semblent être les derniers à prendre place parmi les autres groupes se formant autour de la piste de danse. La musique est sur le point de débuter - du coin de l'oeil, elle peut apercevoir le professeur de botanique et celui d'artefacts se diriger vers le centre de la pièce. Juste à temps, donc. “Tu as déjà participé à un bal, ou une soirée similaire?”

Il faillit s'étouffer en imaginant la réaction de Vyasa face à un macaron au vomi. L'instructeur inventerait des jurons plus exotiques les uns que les autres, il en était certain!
Les dragées goût vomi, pas si mauvaises? C'était celles qu'il redoutait le plus! Il en avait croqué une, quand il était enfant. Et elle lui avait fait produire du véritable vomi, droit devant lui, sur la robe d'Anne qui s'était mise en colère et avait essayé de le frapper. Une bagarre entre le petit frère et la grande soeur s'en était suivie, interrompue par leur mère qui les avait punis pour le restant de la journée.

Mais pour le moment, il se sentait soulagé. Soulagé qu'Andromeda n'ait pas fui en courant en l'entendant parler de macarons au vomi. Soulagé qu'elle semble le suivre dans ces bêtises. Soulagé que ce bal ne s'annonce pas aussi mal qu'il l'aurait cru. Et ces regards qu'elle lui lançait en parlant des fruits de la passion...
Ses yeux sombres ne se détachaient plus des yeux clair de sa cavalière. Mais les paroles se mélangèrent dans sa tête, formant une pelote qui se logea dans sa gorge. Que pourrait-il dire qui ne le fasse pas passer pour un idiot? Son visage éclairé par un sourire mi béat mi timide, il bredouilla qu'en effet, c'était un joli nom. Plus tard, il trouverait sans doute de nombreuses phrases pleines d'esprit, mais pour le moment il ne trouva aucun mot juste. Il en avait même oublié le whisky qu'il était venu chercher.

Le début des danses lui fit l'effet d'une chute de balai en plein match de quidditch. C'était donc un vrai bal, avec des danses de salon et tout ce qui allait avec.
Je...je crois que je t'avais dit que j'étais nul pour danser dit-il, s'efforçant de rire de lui-même. Tu sais danser toi? On pourrait peut-être s'en sortir si tu m'expliques.
Il engloutit un dernier macaron, se rappelant trop tard qu'il avait prévu de le donner à Moineau ou Ortie en prétendant qu'il s'agissait d'un oeuf de nargole.
Ou alors, tu penses qu'on nous laissera faire un pogo? Parce que les pogos, je connais!
Il pouffa de rire, en imaginant Odysseus en plein pogo, l'air aussi sérieux qu'à son habitude, raide comme un piquet, les bras le long du corps comme s'il dansait une de ces danses folkloriques irlandaises...

Le jour du bal est finalement arrivé , à mon grand malheur. Je n’ai vraiment aucune envie d’y aller, cependant je n’ai pas vraiment le choix. Il paraît qu’il faut y aller, afin de renforcer les liens entre nous, pour constituer une équipe plus soudée. Je ne comprends pas vraiment l’intérêt, nous ne sommes pas, comme l'était l’Ordre du Phœnix, un groupe soudé de personnes se battant en harmonie. Nous sommes tous des inconnus, ou presque. J’imagine que l’administration espère que nous puissions être soudés, nous aussi. Je ne me mêle pas vraiment bien à la masse. Je n’ai pas lié de lien fort avec qui que ce soit, pas vraiment. J’ai juste rencontré des personnes qui ont le potentiel de devenir des alliés, et possiblement des amis. Mais percer ma bulle de précaution et de doutes prendrait plus que quelques mois.

Enfiler ma robe de bal n’est pas chose facile, et dompter mes cheveux vagabonds est encore une autre histoire. Je me demande pourquoi je n’y vais pas en jean, sachant que de toute façon, je n’ai pas de cavalière. Je me demande si Lion sera accompagnée. J’ai un pincement au cœur et je brosse mes cheveux avec plus de hargne. J’abandonne. Nous sommes de toute façon opposée, ça ne fonctionnera jamais. Peut être y aura-t-il une autre jolie fille au bal, qui, elle, voudra me parler. Et si Lion est jalouse (ce que j’espère sans me l’avouer), et bien elle n’avait qu’à venir me parler plus tôt. J’ai besoin de compagnie, et je refuse d’attendre sagement qu’une personne veuille bien me donner de l’attention.

J’attrape la bouteille de vin blanc à côté de moi et en prend une longue gorgée. J’ai déjà descendu une bonne moitié de la bouteille, et le liquide me donne un peu chaud, mais il m’aide aussi à me motiver à sortir de ma chambre. Je m’assieds sur mon lit, et j’allume une cigarette. Je ne fume pas souvent, seulement lorsque je suis anxieuse ou quand j’ai besoin d’une pause. Là, je suis anxieuse.

Dix minute plus tard, je secoue ma bouteille pour en extraire les dernières gouttes, et j’écrase le mégot de ma quatrième cigarette dans le cendrier. J’utilise un sort pour masquer l’odeur de tabac et m’asperge avec modération de mon parfum préféré - une odeur d’herbe fraîchement coupée après la pluie. J’aime les odeurs de la nature, bien plus que ces parfums aux odeurs qu’on ne peut pas vraiment décrire. J’enfile mes chaussures et je prends une longue inspiration devant la porte. Je souffle, et je descend. Beaucoup sont déjà affairés à discuter. Je suis arrivée un poil plus tard afin de pouvoir passer inaperçue et de me fondre plus facilement dans la masse. D’un rapide coup d’œil, je repère le bar, et j’attrape directement un verre. Je fais cul sec et en attrape un autre. Cette fois je prends mon temps, et je regarde autours de moi. La foule m’oppresse un peu, mais grâce à l’alcool que j’ai déjà but, je suis moins tendue que je ne le serai habituellement. Pour le moment, j’observe. Ce n’est pas encore mon heure.

La tenue de la jolie Pluie:

Pourquoi avait-elle accepté de rejoindre le Domaine, déjà ?

Cendre jeta un coup d’oeil au miroir, elle y croisa un regard agacé. Son propre reflet lui déplaisait, la mauvaise volonté dont elle faisait preuve accentua la dépréciation du résultat observé. Un maquillage discret, pour la forme, ses cheveux relevés en une couette, haute et stricte, pour ne pas qu’ils la dérangent. Deux mèches corbeau chatouillaient sa mâchoire rendue plus saillante encore par sa coupe. Elle avait autour du cou une fine chaîne en argent sur laquelle était accrochée une tige métallique qui, alors, reposait sur sa poitrine, jusque son sternum. En guise d’atours, elle avait enfilé une robe qui avait été laissée dans sa chambre, plus noire que l’encre.

C’était ça, le plus agaçant. Ce sentiment qu’ils avaient réveillé en elle avec ce bal à la con. L’envie de danser - Merlin que ça lui manquait -, l’envie de s’amuser, l’envie de plaire, d’en avoir conscience, et que la partie d’elle qui l’assumait se montrait plus critique encore que ne l’était sa mère. Elle avait tellement perdu l’habitude de prendre soin d’elle qu’il lui semblait s’immiscer dans la peau d’une autre. Un sentiment qui, d’ordinaire, ne la dérangeait absolument pas dans le cadre professionnel mais qui, ici, l’horripilait. C’était elle, sans être elle. C’était trop voyant, à la fois pas assez, ne satisfaisait aucune partie d’elle.

Cendre coupa brusquement le robinet, tira l’élastique le long de ses cheveux pour libérer sa tignasse trop souvent prisonnière. Celle-ci retomba sur ses épaules, jusque dans son dos, désordonnée. Elle se tourna aussitôt pour éviter de recroiser de nouveau son propre regard. Si elle se faisait encore la moindre réflexion, elle trouverait une raison de ne pas y aller. Elle serait même bien capable de se péter le pied juste pour éviter ce supplice.

Elle était en retard, évidemment. Chose qui, à vrai dire, n’évoquait en elle pas la moindre once de culpabilité. Au moins pourrait-elle se mêler aux autres sans attirer l’attention, se caler dans un coin discret puis attendre la fin. Elle avait un briquet dissimulé dans son décolleté, quelques clopes aussi, et puis elle s’arrangerait pour disposer d’une coupe toujours pleine. De fusiller son reflet pendant une bonne heure lui avait donné soif.
Son premier objectif fut donc le bar. Elle se saisit d’un verre sans trop savoir ce sur quoi le hasard lui avait fait porter son dévolu et le porta à ses lèvres, sans pouvoir faire davantage que d’en humer le parfum.
Un mec, le teint blafard et les cheveux bruns venait de la bousculer dans l’idée qu’une fois hors de son chemin, il serait plus en mesure de faire le plein. Rien de bien violent, mais elle ne l’avait pas vu venir. Déportée sur la gauche, Cendre, cogna contre la hanche de sa voisine, manqua de lui faire renverser son verre. Sourcils froncés, elle exprima son regret, délicate.

- Merde.

Elle n’avait pas besoin de le regarder pour le voir. Observer son prochain sans accès direct était un art qu’elle maîtrisait depuis longtemps. Il était indispensable à une bonne hôtesse de ne pas s’imposer, ne pas rendre les invités mal à l’aise mais savoir exactement quand Lord machin allait avoir besoin d’une serviette propre et s’il était nécessaire ou non de demander de nouveaux petits gâteaux à la cuisine parce que Lady bidule avait la main lourde sur les viennoiseries. Il était magnifique en vert et argent, couleurs qui, pour « mal vues » qu’elles puissent être mettaient en avant ses yeux clairs et son teint… indescriptible. Elle s’avança, cherchant son frère du regard. Cormoran, avec sa grande taille, ses cheveux longs et sa gêne se faisait remarquer mais pas plus que sa cavalière, Androméda. Aubépine n’aurait jamais pensé que les deux excentriques puissent s’entendre mais elle devait avouer qu’ils allaient bien ensemble, la grâce dérangeante de la jeune femme s’accordant avec la gêne du Français, qui était, par ailleurs, bien moins déplacé qu’il semblait le penser. Il avait besoin d’apprendre les codes de l’endroit, c’était tout mais il pouvait très bien se mêler à une foule avec la bonne tenue, la bonne coiffure et les bons réflexes. Plus loin, Cassiopéa semblait disparaitre devant Arcturus (oui, devant) alors qu’elle lui remettait son costume en ordre. Elle eut un sourire satisfait, voyant son amie accompagnée par celui qu’elle avait espéré sans trop vouloir y croire. Ils se méritaient. Pouvait-elle dire la même chose de Cormoran et Andromeda ? Elle ne savait pas trop, elle ne connaissait pas assez bien la médicomage. A propos de médicomage, l’autre se dirigeait vers le centre de la piste avec son immense cavalier qui ne semblait pas ravi d’être là. Elle devint plus grave et se faufila vers le fond de la pièce. Pas très loin, Vyasa et Morrigan jouaient leurs personnages habituels. Grognon et Joyeux leur aurait aussi bien convenu. L’idée de donner aux instructeurs des noms de Nain la fit sourire un peu et attenua l’amertume de faire tapisserie lors de l’ouverture. IL aurait dit que c’était une honte. Parce qu’elle n’avait pas fait assez d’effort, parce qu’elle n’était pas assez belle. Parce qu’elle ne servait à rien. Elle s’efforça à repenser à cette histoire de nain. Lancelot serait Prof. Evidemment. Et Odysseus ? Timide ? Zhurong ? Il ne restait que des noms péjoratifs. Dormeur ne lui irait pas. Timide par contre… si elle donnait Timide à Zhurong et Dormeur à Odysseus. La rumeur disait qu’il était nirimage et il semblait toujours penser à autre chose. Restaient Simplet et Atchoum. Par ironie, elle se dit que le premier irait très bien à Monsieur le Directeur, parce qu’il était loin d’être un imbécile. Et le second à Soumaworo, avec son pseudonyme imprononçable qui, elle le savait à présent, avait été décidé par eux-mêmes. Quant à Boudica, puisque rien ne lui allait, elle serait Blanche-Neige.

Bien. Cela posé, elle devait trouver son frère. Elle fit un signe de tête à Cormoran qu’elle appréciait vaguement, un léger sourire et un clin d’œil très sérieux à Cassiopéa qu’elle voulait encourager, un signe de tête à Arcturus parce qu’il fallait bien montrer qu’on donnait sa bénédiction. Elle ne fit rien de particulier envers Androméda, et ignora positivement Pivoine malgré la beauté de sa robe. Aucun intérêt. Ah, le voilà.

Repérant son jumeau, bien habillé mais roulé en boule dans un coin sombre de la pièce, elle fendit encore quelques personnes, repérant Pluie au bar, lui offrant, elle aussi, un léger sourire. Son masque bien en place, elle ne laissait passer que les émotions qu’elle voulait bien montrer. Une commotion dans la foule l’obligea à quelques pas de danse pour éviter d’être bousculée et elle reconnut Cendre dans la silhouette qui rentra dans son professeur d’Espagnol. Elle haussa mentalement les épaules. Elle ne pouvait pas se permettre de perdre du temps dans ce genre de bêtises. Elle avait une mission.

Doucement, elle rejoignit son double d’âme, s’asseyant près de lui. Ce genre d’évènement lui était insupportable. Elle savait pourquoi. Ils n’en parlaient jamais, évidemment et elle ne pouvait pas tellement l’aider, elle qui aimait passionnément ces moments mais elle comprenait et tentait de son mieux de le soutenir. Elle ouvrit son pompon, en extrayant un petit coussin et une couverture.

« Spi, malý bratře, sleduji. »

La musique continua encore quelques minutes pendant qu’elle berçait son double d’âme, plaçant dans ses mains le pendentif de chat et de chouette qu’elle avait pris pour le rassurer. Quoi qu’il arrive, même si je dois partir, je suis avec toi mon frère. Nous sommes un.

Elle se releva, un peu plus inquiète, et, toujours sans regarder l’instructeur, se dirigea vers le bar où se trouvaient déjà Cendre et Pluie (cela ressemblait au titre d’un roman russe) pour prendre un jus. Il viendrait s’il le souhaitait. C’était à lui de se faire ses preuves.

Ca s'annonce comme une si belle, si parfaite soirée. Tout le monde est beau. Tout le monde brille.

Certains brillent même par leur absence.

Et je me demande si, peut-être, il n'y aurait pas une autre raison possible à ce bal obligatoire et sorti de nulle part : manigancer quelque chose, là dehors, qui impliquerait que les lieux soient rigoureusement et parfaitement déserts.

De toute façon, qu'est-ce qu'on peut y faire, hein. Sortir, aller voir et se faire scalper de façon plus ou moins métaphorique selon ce qu'il en est véritablement ? Là tout de suite, ça me branche pas.

Alors j'avance lentement, j'en salue certains, et surtout j'observe et j'écoute. Il y a ceux qui n'ont fait aucun effort de présentation, ceux qu'on reconnaît à peine tellement ils se sont pomponnés, ceux qui sont très à l'aise et ceux qui paieraient très cher pour être ailleurs. Il y a des couples aussi, plein. Les couples mignons, les couples bizarres, les couples qui sont clairement ensemble parce qu'il fallait prévoir quelqu'un avec qui danser. Il y a les gens seuls aussi bien sûr, seuls pour l'instant ou pour plus tard aussi, qui font juste acte de présence ou qui n'avaient pas de tendre ami à inviter. Tendre ami, la blague. Et évidemment dans tout ça il y a ceux qui se ruent sur la bouffe comme si leur vie en dépendait, voire qui font des provisions... voire qui ont pris un peu d'avance, comme s'ils voulaient rouler sous les tables avant la première danse. La grognasse passe telle la princesse de céans et me fait l'insigne honneur de m'ignorer complètement, moi seule ou presque. Ca me fait sourire doucement. Moi aussi je t'aime, Miss Parfaite. Je la suis du regard, un peu étonnée de la voir aller dans un c... oh. Oh. Border le Hibou tassé dans un coin, pardon. Un Officier roulé en boule pendant un bal. Déjà qu'il dort en cours...

Ce petit détail mis à part, c'est un bal parfaitement ordinaire. Ca et le fait que le supposé maître de cérémonie n'ait toujours pas ramené ses fesses quand la musique se lance, bien sûr... une valse française pleine de paroles et de murmures d'amour en français. D'accord c'est bon, je sais ce qui est prévu pour la soirée : une orgie du jeudi soir.

Humour douteux mis à part, le début de la danse m'offre deux demi-surprises pas désagréables : en plus de savoir danser, pour l'instant mon cavalier garde ses mains strictement où il faut. Un truc en moins à surveiller pour l'instant. Un petit point d'interrogation en plus. Je le range avec ses copains dans la boîte à "peut-être", à côté de celle à "et si" qui s'éventre sous son propre poids, et de celle à "est-ce que" à peine un peu moins mal en point.

"Il manque quelqu'un." je souffle, quand les pas nous rapprochent un peu.

"Seulement un ?"

Je réponds pas. Il a vu, je m'en doutais, il a confirmé, c'est tout ce que je voulais savoir. Ca le fera peut-être sourire, et si on passe la soirée j'ai sûrement pas fini d'en entendre parler, mais je crois que je serre sa main un peu plus fort.

Ca me dit rien qui vaille.

D'un autre côté, pour être tout à fait honnête... il serait sur l'estrade à nous toiser, sur le tapis à danser la valse, ou au bar à s'empiffrer, ça me dirait rien qui vaille non plus.

Le regard du dompteur de dragon s’attarde un instant sur Cormoran et sa maladresse… Visiblement il y a plus d’une personne mal à l’aise d’être ici. Ou alors c’est juste… Sa normalité. Ce qui serait presque triste et ne ferait que grignoter ses chances de survies à long terme.

Vyāsa soupire son ennuie son regard errant lentement sur les enrôlés. Il a déjà hâte de pouvoir rentrer. Il prend une autre gorgée à son verre, observe les pas hésitants de certains dans le remue-ménage du bal, se demande sérieusement comment certains font pour juste… Être content d’être là.

Morrigan choisit d’ailleurs ce moment pour le rejoindre avec sa bonne humeur coutumière et il calle le verre qu’il a déjà sous la main avant de le poser et de réceptionner celui qu’elle lui tend, trinquant sobrement avec elle.

« J’pense pas que ça t’étonnes si j’trouve que c’genre de soirée, c’est juste d’la grosse merde en conserve. J’m’en serais volontiers passé, mais il y en a qui s’amusent visiblement. Ou alors ils essaient de se donner bonne figure et toute cette mascarade tombera quand ils se rendront compte qu’il y a largement plus de la moitié qui savent pas danser sans casser d’orteils à leur cavalier.

Il prend une nouvelle gorgée, soupire.

« Ça te va bien ce que tu as mis. J’te le concède. Me rend pas la pareille, pas besoin de politesse de façade entre nous. »

Il déteste ce genre de connerie et il sait bien à quoi il ressemble. Il a pas de terme positif pour ça.

Le bal est une occasion particulièrement bienvenue pour se sortir la tête du contexte dans lequel nous vivons. Je souris et salue mes élèves avec la même bienveillance qui me caractérise toujours. Malgré la soirée, malgré l'effervescence, j'espère que la plupart d'entre eux savent que je suis toujours disponible si jamais besoin est. Mes défenses ne tombent pas pour autant ; je serai bien idiote de laisser place à la surprise. Je n'oublie pas que le danger peut venir de n'importe où, n'importe quand, dans n'importe quel contexte. Alors je surveille discrètement, sans m'empêcher pour autant de m'amuser.

- Oh voyons, tu sais bien que je ne suis pas du genre à faire semblant, Vyasa. Surtout pas avec toi.

J'offre un clin d'oeil discret à mon collègue. J'ai développé des liens particuliers avec l'instructeur bougon, et même ses airs sauvages ne dissimulent pas entièrement le grand coeur qui se cache dessous. Sa mauvaise humeur me met presque du baume au cœur, tant elle est authentique, et l'intégralité de l'ambiance me semble dégager une chaleur douce et agréable. Je ris sincèrement aux remarques de Vyasa. Je bois une gorgée de mon verre avant de prendre la main de mon collègue et ami. Je serre légèrement ses doigts, mes yeux plongés dans les siens.

- Tant qu'à subir cette mascarade, est-ce que tu voudrais m'offrir une occasion de t'écraser les orteils, Vy ?

Oui, c'est une invitation à danser. Ni mon regard, ni mon sourire, ni ma posture, ne laisse le bénéfice du doute. Peut-être aurons-nous l'air ridicule. Peut-être donnerons-nous une occasion aux enrôlés de discuter à notre propos. Mais peut-être pourrais-je voir ce qui pourrait s'apparenter de très loin à un sourire sur le visage de Vyasa. Le mien, de sourire, est bien en place. Malicieux et légèrement provoquant, il est une invitation de plus pour l'instructeur. S'il refuse, ce ne sera pas grave. S'il accepte non plus.

Le regard de l’instructeur parcourt lentement la salle avant de revenir sur Morrigan. Non, elle n’est pas comme ça. Ou alors elle est trop douée et le plus jeune en payera les frais un jour ou l’autre. Pour le moment, toutefois, il s’agit d’un bal, d’un événement social où l’ont danse, discute, boit. S’il n’a guère d’affinité avec la danse, voir le social la plupart du temps, il sait très bien faire avec l’alcool et nul doute que l’envie de s’y noyer ce soir est présente. Pourtant, le soupçon subsiste, celui qui chuchote inlassablement à l’oreille de l’instructeur que quelque chose se prépare et qu’il faut rester vigilant. Toute cette mascarade pourrait bien servir à tous vous mettre à l’épreuve et Vyāsa n’est pas homme à vouloir se rater. Au contraire.

- Ce qui fait de toi une personne rafraîchissante. Qu’est-ce qui te plaît avec ce genre… D’événement ?

La question est sérieuse, il a vraiment envie de savoir ce qui pousse sa collègue à apprécier le moment. Connaître son avis sur ce genre de choses. Bon après, vu sa discipline, c’est sûrement une mine d’information que de pouvoir observer les autres en toute impunité… Mais autrement ?

Vyāsa prend une gorgée à son verre, mais la main de Morrigan sur la sienne vient vite chercher toute son attention. Il sent ses doigts se serrer sur les siens, doucement, alors que le regard de la femme est plongé dans le sien, intense.

Sa question te prend au dépourvu, lui qui ne s’attendait pas à ce que quiconque brave son humeur ronchonne pour l’inviter. Il hésite un instant à dire non, mais peut-être a-t-il quelques difficultés à refuser ce sacrifice à sa collègue, aussi après un léger hochement de la tête, il pose son verre.

- Ne les écrase pas trop, j’en ai encore besoin.

Ses doigts se resserrent un peu sur ceux de Morrigan et il l’entraîne vers la piste de danse, faisant fi des regards qui peuvent se poser sur leur étrange duo ou des murmures que cela peu engendrer. Ce n’est pas aujourd’hui qu’il commencera à se soucier de ce que l’on dit sur lui, qu’il se laissera influencer par ça.

Il place sa main correctement contre celle de Morrigan, glisse l’autre contre sa taille. Il n’est pas très bon danseur, mais connaît les bases. Un lointain apprentissage auprès de sa femme des années auparavant, pour leur mariage. L’expérience en est presque étrange, mais pas désagréable, bien que ce soit la première fois qu’il danse avec une autre. Mais ce n’est pas grave, simplement une danse.

Ça ne fait pas longtemps qu’elle l’attend. Ouf. L’officier retrouve son sourire, jette un bref regard vers la salle, puis revient sur sa partenaire.

« Tant mieux, alors. Je m’en serais voulu de t’avoir fait poireauter longtemps. »

Elle semble gênée, replace une énième fois cette mèche un peu rebelle qui refuse de se caller gentiment derrière son oreille. Qu’importe, même cette mèche sauvage est belle, peu importe comment elle se place le long du visage de Cassiopeia. Il ne s’attendait toutefois pas à ce que les compliments lui soient renvoyés, baisse un instant les yeux sur ce qu’il porte avant de regarder à nouveau la jeune femme, la laissant approcher et replacer son col, loin de s’étonner d’avoir pu mal le faire.

Elle est plus grande sur ses talons, arrive à atteindre son col sans grand mal et ça lui tire un léger sourire alors que ses yeux ne se détachent pas de son visage. Chose faite, il la remercie et elle prend sa main pour rentrer dans la salle, le regard d’Arcturus parcourant les lieux brièvement, reconnaissant la plupart des visages même si plus d’un ne sont que de simples connaissances. Plusieurs instructeurs sont aussi sur place, l’air plus ou moins heureux d’y être. Il remarque l’approbation d’Aubépine face au duo qu’ils forment, en reste quelque peu interdit même s’il hoche légèrement la tête à son égard avant que son attention ne revienne sur sa partenaire.

« Malheureusement, non. J’ai peur d’être un piètre danseur, même si je veux bien essayer, si tu as envie. À moins que tu préfères aller boire et manger quelque chose ? »

Il a envie qu’elle s’amuse, passe une bonne soirée.

Il lui fallut un moment pour remarquer qu'elle n'avait pas lâché sa main, et Cassio se sentit légèrement rougir mais ne pu se résoudre à s'écarter. Elle devrait. Le dress code ne concernait peut-être que la façon dont ils devaient s'habiller, mais la jeune femme n'aurait pas été surprise qu'on leur reproche de ne pas savoir respecter les règles du jeu. Elle cru percevoir le sourire d'Aubépine alors qu'ils passaient, retint un léger sourire et un secouement de tête avant de se reconcentrer sur la réponse de son cavalier.

"Oh, on n'est pas obligé de danser. Je ne sais pas s'ils s'attendent à ce que-, si on doit respecter toute les formalités, de toutes façons." Son ton était rassurant et elle lui offrit à nouveau son plus beau sourire avant de jeter un coup d'oeil à la piste de danse. Rien que de regarder cet espace et de savoir que les yeux seraient potentiellement sur eux... Elle secoua légèrement la tête. "Je n'ai jamais vraiment... On m'a donné des cours, mais je n'ai jamais vraiment dansé en public. Et jamais avec... Jamais avec quelqu'un avec qui j'avais envie de danser."

Pas mal de personnes étaient déjà accumulés autour de la table des boissons, sans doute pour ne pas être les premiers à rejoindre la piste alors que le couple d'honneur terminait l'ouverture, braver la foule serait donc inévitable et Cassio y était plutôt résignée. Du moment qu'Arcturus continuait à lui parler, elle pourrait bien l'affronter. "Qu'est-ce qui te ferait plaisir, alors?"

Alors que nous discutions, j’observais Lancelot observer les entrées, l’air de rien, et s’arrêter sur une enrôlée. Je fréquente trop souvent ses rêves pour en être surpris et le respecte trop pour le taquiner là-dessus. Ce n’est pas le moment. Le suivant, je laisse mes yeux vagabonder sur les couples et les solitaires. Je passe rapidement sur Morrigan, son sourire me fait toujours aussi mal. Vyasa donc bénéficie du même égard. Arcturus est avec une jeune fille. C’est bien. J’apprécie ce jeune et ses silence. Je suis rassuré de voir que certaines ont su l’apprivoiser quand même. Dans la lignée de mes ouailles, je vois Pluie dans un coin, puis mes yeux sont attirés par Andromeda et Cormoran. Deux outcasts ensemble. Finalement, peut-être que cet événement était plus intelligent que je ne l’avais pensé. Obligeant des couples à se former. Il y avait une forme dans un coin. Et Pivoine avait quelqu’un aussi. Je haussais les épaules, tiré de mes pensées par les premières notes. Un soupir. C’était parti.

Nous dansions. Que dire d’autre. Lancelot sûr de lui, amusé, souple, me guidant, moi suivant, mécanique, sans réel plaisir mais avec ce sens du rythme inné du musicien que j’étais. Je ne voyais vraiment pas pourquoi je devais danser. Ce n’était pas que m’afficher avec Lancelot me dérangeait outre mesure. J’avais eu mon lot d’aventures avec des hommes comme avec des femmes et ne me fichait pas mal des qu’en dira-t-on. Si cela pouvait lui faire plaisir. Ou plaire à Monsieur le Directeur. Ce n’était pas cher payé. D’autant plus que j’avais été sincère dans ma réponse à la blague de mon compagnon. Si quelqu’un pouvait faire en sorte que la danse ne soit pas trop douloureuse à subir, c’était bien lui. Il était doué, aimait ça, savait conduire.

Autour de nous, quelques couples, trop rares encore tournaient sur le plancher marqueté. Le reste de la musique se perdait dans le brouhaha ambiant des ombres colorées que j’apercevais entre chaque tour. Je n’arrivais pas à voir qui était avec qui dans les couples tournoyant autour de nous, ni à guetter les entrées des étudiants et des instructeurs en retard. Une certaine silhouette était sûrement là et, pourtant, je ne la voyais pas. Cela n’était pas grave. Je verrais bien après, lorsque j’aurais repris MA place avec les musiciens à surveiller que mes enchantements fonctionnaient. Je n’avais pas de craintes à ce sujet mais j’étais flutiste, pas danseur et je n’aimais pas devoir me substituer à d’autres professions. Tous les métiers de bouches n’étaient pas les même. Et bien ceux d’oreille non plus. J’ai tellement envie d’un verre. De deux, de trois. Tout cet alcool autour de moi me tente plus que de raison. Je sais déjà que je serais sage. Je ne veux pas décevoir Lancelot. Je soupire alors que la musique arrive à conclusion. L’on s’arrête. Mon oreille interne râle un peu et je mets quelques secondes à me dégager. Autour de nous, je les vois, maintenant, les danseurs. Mais cela ne m’intéresse plus. Je regarde mon compagnon.

« Soif ? » J’ai tellement soif moi. Je dois boire quelque chose. Même de l’eau pétillante au citron. Pourvu que je trompe mon envie.

"Souffle, inspire, expire et dis toi simplement que tu es une tout autre personne. Quitte en trente secondes tout ce que tu as vécu, tout ce que tu as fait pour passer au-dessus de cette humiliation insultante te procure cette obligation."

Ces pensées tournaient en boucle dans mon esprit. Il fallait bien que je me console d'une façon ou d'une autre et rester le plus caaaaalme possible. Après avoir pris cette "invitation" au visage, j'avais besoin de voir cela comme une épreuve pour ne pas me mettre a dos les responsables de ce massacre. Ainsi donc, tout était prêt et je n'avais pas vraiment d'autre choix que me plier totalement au "jeu" et ce fut chose faite. La robe que j'avais trouvée le jour même sur mon lit était... Faite de sorte à ce qu'une bonne partie de mes jambes soient recouverte et elle était accompagné d'un gilet pour mes bras et rien que pour cette raison, je n'allais pas du tout m'en plaindre.

J'ai bien passé... Une voir deux bonnes heures à faire en sorte d'avoir moi-même des difficulté à me reconnaître dans le miroir. Je voulais être une autre personne ce soir, ne pas être reconnue et enterrer ça bien profond sous la terre et ne plus jamais en reparler. Le résultat était relativement convainquant pour moi et après une inspiration, sous la sensation réconfortante que tentait de me donner Nokomi, j'était fin prête a en finir. D'un regard déterminé à cette sœur jumelle d'un soir, je me suis levé et au moment de mon premier pas me voilà rendu éclaté sur le sol de la chambre. J'avais envie de hurler de rage a ce moment-là, mais je me suis contenté de ravaler ce cri en mordant mon poing. La soirée allait être difficile a passer dans ses chaussures alors que je ne sais même pas marché avec. En observant bien les chaussures, j'ai décidé de briser les talons qui m'empêcheraient très certainement de ne pas me tourner en ridicule ce soir au moins avec l'idée que personne ne remarquerais rien. Enfin, je pouvais quitter la chambre pour me rendre sur place d'un pas bien plus naturelle qu'avec des enfin de torture.

Serieusement, comment les femmes pouvait-elle aimer se torturer à ce point-là ? Se peinturer le visage pour dissimuler leurs intentions et devenir une tout autre personne ? Je vais vraiment avoir mal à la tête ce soir si je commence déjà à penser a entrer dans le moindre détail visuel de tout ce qu'il se passe dans celui-ci. Pourtant, mon objectif était justement d'éviter tout contacte visuel avec qui que ce soit. Je ne veux pas attirer l'attention, mais c'était difficile. J'avais l'impression que tout le monde me regardait tellement j'avais l'impression d'être déguisé en Clown alors que je n'avais pas croisé grand monde dans les couloirs, tout le monde devait déjà être rendu là-bas. Y aller le plus tard possible était aussi une stratégie. Tout le monde sera déjà occupé et peu de monde me verrons probablement entrer.J'était enfin arrivé devant la porte que je franchis immédiatement et très vite, je me sentais déjà en manque d'Oxygène.

Il y avait beaucoup trop de choses qui se passait au même moment que se soit sous mes yeux, comme dans mon esprit. Nokomi a pis d'un coup, une place de plus en plus présente dans mes pensées. Je pensais à elle, j'essayais me focaliser sur quelque chose qui me rassurait. D'un pas un peu moins déterminé cependant, je continuais mon avancer vers un autre endroit qui faisait partie des point positif, le buffet en faisait très attention a ne croiser le regard de PERSONNE et me concentrer UNIQUEMENT sur le plat avec laquelle j'allais passer ma soirée en tête-à-tête. Je n'était pas folle non plus au point de me diriger vers la concentration de personne et restais prés d'un coin délaisser pour faire mon choix.