Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]

Bien entendu, il n'aurait pas pu l'aider même en connaissant ses cauchemars. Il était sans armes face à l'ennemi qui lui avait ravi sa jeune soeur. On ne combat pas les idées insidieuses de haine et de supériorité comme on bat un adversaire au quidditch. Toutes ses tentatives, et celles d'Anne, s'étaient soldées par de cuisants échecs. Il avait bien essayé de lui parler, de la rassurer. Mais il aurait aussi bien pu pisser ses potions dans une contrebasse. Lorsque les idées du Mage Noir s'emparaient de quelqu'un, son esprit devenait imperméable à toute raison. Non, effectivement, il n'aurait pas pu l'aider. Et il ne le pourrait jamais.

Mais pourtant, tant de personnes quittaient cette mentalité, pour se ranger à leur cause. Qu'avaient-ils de différent de Chloé, tous ces gens qui revenaient à la raison? Sans doute une famille à la hauteur. Il n'avait jamais été doué pour débattre et argumenter. Il était dépourvu du pouvoir de convaincre. Il n'était qu'un grand naïf sans cervelle, qui s'illustrait par des prouesses sportives faute de pouvoir briller par son esprit. C'est pour cette raison, et aucune autre, qu'il ne pourrait effectivement jamais aider sa soeur.

Cormoran s'affaissa un peu plus dans le canapé, et détourna son regard de celui de Cendre pour le perdre dans les reflets de la lumière lunaire sur le plafond de la salle commune.

Il inspira, et soupira. Il se laissait à nouveau aller, à brasser ses idées noires, et cela lui déplaisait. S'il avait simplement baissé sa garde pour parler de tout cela à quelqu'un, s'il avait exprimé son sentiment d'impuissance par des mots au lieu de les refouler à coups de batte dans des cognards, il aurait sans doute trouvé plus facilement le sommeil. Mais sa culpabilité obscurcissait son jugement, et le poussait à camper sur ses positions. Il lui fallait rester fort. C'est pour cela qu'il était ici, après tout. Pour combattre.

Tu pourras pas changer le passé à force de culpabiliser. ... Ne te détruis pas , lui dit Cendre.
J'ai pas le droit de me détruire, de toute façon, répondit-il.
Il déglutit, et ajouta:
Si je me détruis, alors ce que mon père et ma soeur ont subi aura été pour rien. Et ça, c'est hors de question
Il plissa les yeux, et feignit de s'étirer pour expliquer sa grimace.

chatoyant

Est-ce que c'est ça qui différencie mangemorts et résistants ? Non pas un « pour quoi je me bats », mais un « pour qui » ?
Il y a un camp qui loue la suprématie du « je ». Moi le sorcier, moi le sang pur, moi le serpent avide, prédateur du rat profiteur, de la souris nuisible, du rongeur au sang sale, à la généalogie souillée. Et il y a l'autre camp qui s'échine à creuser une place à « eux ». Eux les moldus, eux les sorciers, les sang-de-bourbe, sang-mêlés, sangs-purs et cracmols, eux les fils d'hommes, elles les filles de vélanes. Eux géants, centaures, gobelins, loups-garous, vampires, eux les êtres et les non-êtres. Tous. Un vous plus qu'un nous, finalement, car ceux qui se battent pour le « eux » on déjà fait le deuil d'un « moi ».
Cendre l'a faite, cette croix sur la page blanche, elle l'a rognée, déchirée, il n'y aura certainement rien à écrire, pas d'avenir auquel elle veut croire. Prête à mourir pour la Cause, prête à mourir pour « eux ». Cormoran aussi, peut-être. S'il n'est pas prêt à trépasser pour ça, au moins l'est-il à se battre, jusqu'au bout, en hommage aux morts et aux vivants. Peut-être plus encore pour les morts que les vivants d'ailleurs.

Elle ne sait pas quoi dire. Comme toujours. Cendre n'a jamais les mots. C'est plus facile de se battre, attaquer plutôt que réconforter. Inutile de parler, les sorts d'offense elle a appris à ne plus les formuler, ils ne risquent pas de blesser. Pas le coeur du moins, ni l'âme déjà fendue. Elle n'aime pas être responsable de ce genre de mal, impalpable mais destructeur.

Elle se sent bête. Méchante. À rester là, assise, recroquevillée sur elle même, à serrer de ses deux mains une tasse qui ne la punit même plus, à regarder cet homme que l'émotion menace au clair de lune, qu'une raison, X ou Y, pousse à se cacher. Amour propre, méfiance, qu'importe. Ces confidences n'auraient pas du avoir lieu, pas ici, pas avec elle. Il mérite mieux qu'une sorcière inexpressive, incapable de trahir, vocalement, la moindre preuve de sensibilité.
Le silence dure. Une seconde, deux. Elle a la sensation que dix minutes se sont égrenées quand elle arrive à ouvrir la bouche.

- Et puis tu viens d'arriver ... On aurait plus de demi-géant dans nos rangs, faudrait revoir notre stratégie .. pas ouf.

Quelle parade. Pitoyable. Elle a toujours été douée pour ça. Esquiver. Ou écouter, sans un mot. C'est plus facile que parler. Mais peut-être que sa bêtise, humour noir de qualité médiocre, lui tirera au moins l'ombre d'un sourire. Une part d'elle l'espère. Elle n'aime pas voir les gens tristes. Il fut un temps où elle faisait tout pour leur remonter le moral, ne serait-ce que brièvement. L'écho d'une vie passée qui essaie encore de faire le bien autour d'elle, elle qui n'arrive pas totalement à s'en foutre, alors que ça lui éviterait bien des insomnies.

Un silence s'abattit sur leurs deux têtes. Il lui sembla durer longtemps. Le temps d'une traversée de la prairie à quatre sabots, d'un peu de course histoire de se fatiguer les muscles, d'un peu de sommeil réparateur peut-être. Mais la tisane ne faisait toujours pas d'effet. Il lui fallait encore attendre un peu, que la boisson chaude soit absorbée par son organisme. Heureusement, Cormoran était doué pour attendre. Alors il attendit.

Sa patience ne fut pas réellement mise à l'épreuve, finalement. Cendre asséna au silence un coup de grâce qu'il n'avait pas vu venir. Pourtant, la blague était prévisible. La fatigue avait émoussé ses réflexes.
Il émit un long soupir résigné. Un soupir qui se mua en rire, peu à peu. Un rire presque silencieux, mais qui secoua son corps de saccades tandis qu'il couvrait sa bouche de sa main. Il ne pouvait pas dormir, mais il ne voulait pas réveiller les autres pour autant.
Mais pourquoi c'est toujours moi le demi géant? protesta-t-il, en souriant. Odysseus est plus grand que moi! Et y'a ce gars chez Snidget, tu sais, le blond qui ressemble à une sorte de surfer...
Il ne l'expliquait pas, mais il avait lui-même l'impression que les autres hommes de sa taille prenaient moins de place que lui. Pourtant, eux aussi devaient peiner à ranger leurs jambes dans les lits de taille moyenne du Domaine. Eux aussi connaissaient par coeur le dessus de la tête de tout le monde, ou presque. Eux aussi avaient certainement des douleurs dans le dos, à force de se baisser pour atteindre les lavabos, pour ramasser des objets sur les tables, et autres petites actions du quotidien.
Mais malgré tout cela, il restait le demi géant.

Tout comme à l'époque de Beauxbâtons, il décida d'en rire. A son tour, il tenta un trait d'humour. En soulevant le bas de son pantalon de pyjama, dévoilant son mollet, il dit d'un ton défiant que son sourire niait en bloc:
C'est parce que j'suis poilu des jambes, c'est ça?

eau

Ça marche. Par merlin, ça marche. Le profond souffle nasal du cormoran chasse les particules de poussière qui se reflètent au clair de lune, et puis le rire domine. Il lui secoue la poitrine, étouffé entre ses lèvres il ne se traduit que par une respiration saccadée, qui martèle le silence le temps d'une poignée de seconde. Elle le voit, ce sourire qui tire sur ses lippes, qui lui pince les joues. Ça se confond un peu dans les poils de sa barbe, l'éclat des chandelles n'est pas suffisamment puissant pour le révéler au grand jour, mais ce sourire il le traduit dans ses paroles.

Cendre sent la pression retomber, un peu. Les muscles de sa nuque sont raides, mais le poids qui lui compressait la poitrine s'atténue à mesure que l'occamy parle. Son enthousiasme remonte, impossible de dire s'il le fait pour lui ou pour elle, s'il feint ou saisi au vol une opportunité qu'elle lui a tendu. Elle n'a pas envie d'analyser, ça lui retournerait encore l'esprit, le coeur. Alors la française esquisse un sourire, elle aussi. Et il s'accentue devant la bêtise du survivant de cette fratrie brisée.
Les géants ont-ils des poils ? Autant que Cormoran qui expose fièrement la pilosité de ses mollets, plus larges que ses propres cuisses ? Pour cette fois, elle ne peut retenir son amusement percer, trahit d'un soufflement nasal. Elle adopte un ton plus doux, plus chaleureux peut-être que cette neutralité suffisante qui la protège du monde.

- Je suis sûre qu'Odysseus en a pas autant, c'est certain !

La possibilité qu'instructeur et enrôlé se présentent côte à côte pour comparer leur pilosité et ainsi, confirmer ses propos lui semble assez improbable, mais l'idée lui traverse l'esprit. Odysseus se contenterait certainement de son mutisme habituel si on lui proposait. Avec peut-être un haussement de sourcils singulier, s'il est dans un bon jour.

Elle prend un ton sérieux. Mime de le regarder de haut en bas avant d'énoncer son pronostique, comme on constaterait d'un dégât des eaux.

- Je pense que ça vient plutôt des cheveux.

Laissant retomber son bas de pyjama, il haussa les épaules en souriant.
C'est pas dit, ça! Il me semble qu'il est grec, non?
Cormoran n'avait pas eu la chance de voyager, à cause des lois qui empêchaient les déplacements des sorciers dont le sang n'avait pas la pureté requise par le Régime. Il aurait pu se procurer de faux papiers, comme il avait réussi à obtenir une baguette de contrebande. Mais s'il s'était fait prendre, cela aurait attiré l'attention des autorités sur sa famille. Et cela aurait risqué de compromettre son père et sa soeur. Mais ces derniers avaient fini par être arrêtés quand même, et Cormoran avait fait profil bas pour rien. Il n'avait pas découvert le monde, n'avait pas appris à s'occuper des dragons, et n'avait pas rencontré beaucoup de gens qui venaient d'un autre pays que le sien.

C'était sans doute pour cela que sa connaissance des pays méditerranéens se résumait à cet adage: plus on se rapproche de la mer Méditerranée, plus la pilosité des gens est élevée. Cela devait donc être vrai pour Odysseus aussi, s'il avait vu juste concernant son pays d'origine.

Pendant qu'il cherchait la nationalité de leur instructeur en artefacts, Cendre le détaillait du regard. Il se rappela l'écurie qu'il avait trouvé lors d'une de ses "vacances" où il avait adopté son autre forme. Une moldue qui y travaillait l'avait examiné sous toutes les coutures, cherchant des signes de maladie ou de parasites. Elle avait même regardé ses dents. Il s'était laissé faire, de mauvaise grâce, espérant qu'en échange un des autres moldus lui brosse les poils ou lui donne à manger. Cendre lui rappela brièvement cette moldue. Mais heureusement, elle s'arrêta à un examen visuel rapide, et lui énonça sa conclusion au lieu de s'adresser à quelqu'un d'autre, comme s'il ne comprenait pas le langage humain. Les moldus, comme les sorciers, n'avaient que peu de respect pour les animaux.

Les géants n'ont pas vraiment de cheveux, pourtant. Ils ont...des touffes de poils, partout, sur le crâne aussi...
Il tira des touffes de fourrure imaginaires au-dessus de sa tête, pour accompagner sa description.
Ceci dit, les demi-géants...
Ses yeux basculèrent vers le plafond, et ses sourcils se contractèrent.
...il paraît qu'ils sont bien chevelus effectivement. Mais du coup...
Son regard se posa sur Cendre, gravement, mimant celui qu'elle lui avait adressé plus tôt.
...pourquoi moi et pas le surfeur Snidget?

viking

Les grecs ont-ils une pilosité supérieure à celles des autres européens ? Plus abondante que les hommes originaires de Norvège, de Suède, de Pologne ou d'Irlande ? Poils plus drus, plus sombres ? Les portugais ont leur réputation, hommes et femmes en écopent sans distinctions. Ceci dit, Cendre serait bien incapable de déterminer si ces préjugés peuvent s'appliquer aux autres territoires qui bordent la méditerranée. Son indifférence quant aux rumeurs qui peuvent qualifier ethnies, personnes ou familles n'est plus à prouver, sa méconnaissance trahit son désintérêt. Et si la question lui traverse brièvement l'esprit suite à la répartie de Cormoran, elle la relègue aussitôt dans la catégorie « j'm'en fou, poubelle ».

Pourquoi lui, et pas le « surfeur » ? Elle tend l'index pour illustrer son compte.

- Primo, l'argument cheveux tient toujours.

Le blond en a rasé une partie. Style viking serait le terme qu'elle choisirait plutôt que surfer australien, mais qu'importe. Ceci dit, les mythologies scandinaves en sont peuplées, de géants. Progénitures des éléments, créateurs de mondes et pères d'espèces entières, les Jötunns ont, selon les mythes, été en partie décimés durant le Ragnarök. Si tant est que les croyances nordiques fussent basées sur de véritables faits - comme beaucoup de légendes finalement - il serait cohérent de penser que quelques survivants aient offert au monde magique des descendants hybrides. Demi-géants blonds capable de se métamorphoser en phoques, pourquoi pas.

Le majeur rejoint l'index alors qu'elle poursuit son analyse.

- Secondo, tu es certainement le plus massif des trois. Je suppose que là est l'argument principal d'ailleurs.

Un troisième argument lui vient à l'esprit, réminiscence d'une lecture passée, anecdote qu'elle avait trouvé étonnante sur l'instant. Prononcée d'un ton des plus sérieux. Après tout, elle serait bien capable de le faire juste pour prouver cette théorie. L'annulaire se joint aux deux autres doigts.

- Tercio ... Je peux essayer de vous stupéfixer. Il parait que les géants y sont très résistants. Celui qui encaisse sera déclaré vainqueur ?

Quoi que stupéfixer Odysseus .. Elle a trop de considération pour lui. Si elle n'aurait aucun scrupule à lancer ce sort à chacun des deux enrôlés, sous prétexte d'une science à démontrer évidemment, elle s’abstiendrait certainement avec le précepteur.

Le "primo" fut annoncé.. L'argument des cheveux tient toujours. Cormoran leva les yeux vers sa propre tignasse, puis saisit une mèche de ses cheveux entre son pouce et son index. L'aspect négligé de sa coiffure ne parvenait pourtant pas à le rallier à ce fameux argument des cheveux. Même surprise en pleine insomnie, sa tignasse ne faisait pas "demi géant" à ses yeux. Il haussa les épaules et laissa tomber sa mèche.

Un second doigt levé vint annoncer le secundo, et celui ci lui plaisait beaucoup moins.

Je ne suis pas massif, protesta-t-il. Je....je fais du sport, du coup ça augmente un peu la carrure, comme ça, mais franchement...
Il écarta les bras mimant l'élargissement de ses propres épaules, et grommela sa mauvaise foi dans ses dents. Lorsqu'il travaillait dans ce club sportif moldu, de nombreux hommes lui demandaient comment gagner de la masse musculaire, et semblaient envier la sienne. Il avait confié à demi mots, en de rares occasions, qu'il aurait préféré un physique moins "barbare", et récolté le même type de regards que si ses cheveux avaient été en réalité des serpents.

Le tercio piqua sa curiosité. Grattant son menton, il réfléchit à toutes les fois où il avait reçu ce sort. Elles n'étaient pas nombreuses, mais il n'en gardait pas réellement de souvenir. Ce qui était normal, il s'agissait d'un sort de stupéfaction après tout.

Tu sais que c'est tout sauf idiot comme idée?

Il pivota sur le canapé, posant son coude sur le dossier pour faire entièrement face à Cendre.

Si un jour il faut faire un démenti sur cette histoire, je suis d'accord pour que tu m'envoies un bon stupéfix dans le hall, devant témoins!
Se redressant un peu, il se frappa le torse du plat de la main, indiquant l'endroit où il se préparait à recevoir le sort.
Comme ça, je suis sonné, tout le monde est content, et l'affaire est réglée
Il secoua la tête en riant. Il était en réalité hors de question qu'il fasse un tel démenti. Il ne ferait que donner davantage de pouvoir à cette rumeur idiote, qui n'était d'ailleurs pas aussi répandue au Domaine qu'elle ne l'avait été à Beauxbâtons...

tisane

La tisane n'est même plus tiède, encore un peu et ça la refroidira plus que ça la réchauffera. D'une traite, Cendre finit les quelques gorgées restantes puis elle repose la tasse sur la table.
Ainsi, c'est toute son attention qui est tournée vers le demi géant. Sa mauvaise foi lui tire un arquement de sourcil singulier, elle opine mais n'en croit, bien sûr, pas un mot. Elle-même pourrait consacrer ses journées à soulever de la fonte qu'elle ne deviendrait pas aussi massive que lui, ou du moins de son équivalent féminin. C'est biologique. Certaines personnes sont prédisposée à prendre de la masse musculaire au moindre effort physique. D'autres, comme elle, resteront à jamais un petit gabarit. Certains frôleront un peu trop facilement l'anorexie, d'autres le surpoids. Diversité humaine.

- Si un jour il faut faire un démenti sur cette histoire, je suis d'accord pour que tu m'envoies un bon stupéfix dans le hall, devant témoins!

Voyez vous ça.
Elle esquisse un sourire, penche légèrement la tête sur le côté. Il ne faudra pas lui dire deux fois.

- Comme ça, je suis sonné, tout le monde est content, et l'affaire est réglée.

- Ou alors tu ne seras justement pas sonné, et les rumeurs seront confirmées.

Ce serait dommage,
Son sourire se fait un peu plus large. Mielleux ou acéré, difficile à dire alors qu'il est mangé par les ombres, comme la moitié de son visage.

- Mais confierais-tu vraiment ta réputation à la bonne volonté d'une sorcière qui pourrait, si elle le souhaite, manquer le sort exprès ?

Comme si elle pouvait être aussi vicieuse. Hors de question bien sûr. Mais qu'en sait-il ? Ou s'arrête la confiance, où débute la naïveté ?

Il soupira, et secoua doucement la tête. Ses cheveux emmêlés tombèrent devant ses yeux, et il les replaça d'un geste de la main.

Bon, eh bien puisqu'on ne peut faire confiance à personne ici...

Il bâilla et s'étira. La tisane faisait-elle déjà effet? Non, ce n'était pas ça. Bizarrement, il se sentait toujours aussi éveillé. Foutues insomnies...

...eh bien je me stupéfixerai tout seul comme un grand! Même s'il y en aura toujours pour dire que j'ai joué la comédie...Non, je suis condamné à traîner cette rumeur jusqu'à la fin de mes jours. Ou l'arrivée d'un véritable demi-géant dans le domaine. Et avec un peu de chance je lui ressemblerai moins que le gars chez S...

Ses yeux s'ouvrirent en grand. Il frappa dans ses mains, puis pointa un index en direction de l'enrôlée. Si la lumière qui l'éclairait n'était pas venue des bougies, elle serait venue de l'idée qui venait de faire "lumos" dans sa tête.

Arcturus! C'est comme ça qu'il s'appelle! Comme l'étoile. Je confonds toujours avec ...

A la manière dont le front de Cormoran se plissa, dont ses sourcils se froncèrent et dont ses yeux bougeaient vers le haut, doucement, il était aisé de comprendre que le "nox" venait de succéder au "lumos" interne. Ses ongles grattèrent à nouveau son menton, faisant crisser sa barbe mal rasée. Une grimace étira ses lèvres, puis il secoua la tête. Il était beaucoup trop tard pour penser aux étoiles.

En fait, je confonds toutes les étoiles, admit-il en baissant les yeux. Je suis nul en astronomie.

Il avait toujours considéré que l'observation des étoiles n'était pas une activité adaptée aux créatures diurnes que sont les humains. Mais ses déboires avec son propre sommeil remettaient en question son statut d'animal diurne. Il n'en était pas nocturne pour autant. Alors qu'était-il? Crépusculaire? C'était possible, en effet. Il avait toujours préféré la pénombre de la fin du jour au plein Soleil de mi-journée. Cependant, il était aussi animagus, et son autre forme était diurne, sans ambiguité possible. Il se demanda comment vivaient les animagi à la seconde forme nocturne, comme Sycomore et sa forme de chouette...

Dis, tu fais quoi d'habitude quand tu as du mal à dormir? Moi, ça m'arrive de sortir pour marcher un peu. Parfois, c'est suffisant pour me remettre les idées en place.

L'air frais était bénéfique pour le corps et l'esprit. La vue des étoiles, même pour quelqu'un qui n'était pas féru d'astronomie, donnait une idée plus exacte de l'immensité de l'univers, de la taille minuscule de la Terre, et remettait n'importe quel problème en perspective. Et si cela ne fonctionnait pas, il pouvait changer de forme. Les problèmes des chevaux étaient bien plus simple que ceux des humains. Il s'agissait principalement de trouver à manger, trouver un point d'eau pour boire et se laver, se dégourdir les pattes et échapper aux prédateurs. Et comme le domaine regorgeait d'herbe et de fleurs, et ne comportait ni loup, ni dragon, ni braconnier...

La tisane ne fonctionnait visiblement pas sur les insomnies récalcitrantes comme la sienne. Il regrettait d'avoir pris tous ces médicaments pour moldus, qu'il soupçonna d'avoir détraqué son cerveau. Il n'avait jamais fait confiance à ces comprimés miniatures, composés d'ingrédients dénaturés à l'extrême. Il les avait essayé comme il avait essayé la tisane, parce qu'il fallait bien faire quelque chose, et parce qu'il ne parvenait plus à trouver des ingrédients pour des potions dans sa cachette de moldu.

Je pense que je vais tester. Ca te dit de venir?

Il avait proposé cela sans y réfléchir. Mais après tout, il n'allait pas planter là la nirimage qui l'avait écouté se plaindre des allégeances douteuses de sa jeune soeur. Cela lui semblait ingrat.

étoile

Il aurait pu lui faire peur. Illumination fugace, comique quoi qu'un tout petit peu agressive. Elle n'a aucun bon point à lui donner pour le féliciter de sa trouvaille, sinon remplir sa tasse d'une nouvelle dose de tisane inefficace. est-ce que ça lui plaira ?
Et puis silence de nouveau. Elle l'aiderait bien, alors elle tente, un peu au hasard, en énumérant les pseudonymes qu'elle sait avoir été adopté.

- Andromède ? Polaris ? Elle n'ont pourtant pas le même physique.

Car il aurait pu se tromper du fait d'une confusion mentale. Les moins physionomistes intervertissent facilement les prénoms de deux personnes qui se ressemblent, dès lors qu'elles sont inédites. Leurs prénoms ou même leur identité. Un véritable handicap.

- Dis, tu fais quoi d'habitude quand tu as du mal à dormir? Moi, ça m'arrive de sortir pour marcher un peu. Parfois, c'est suffisant pour me remettre les idées en place.

Elle allait répondre. Dire un « Serait-ce une proposition ? » qui aurait davantage eu pour objectif de pointer du doigt les déductions facile tirées de ces paroles que de le mettre mal à l'aise. Mais il parle avant qu'elle n'émette un son, et elle constate qu'elle aurait visé juste si elle avait eu le temps de prononcer un mot.

Trop facile.

Elle réprime un sourire qui n'aurait pas eu de sens aux yeux de l'animagus. Ou pas celui qu'il aurait imaginé.

Tu es juste mauvaise quand tu n'as pas dormi. Arrête de jouer.

Trop tard. La machine a été lancée. Toujours si influençable, quelle horreur.
Un sourire, la malice qui étire ses traits, drapée de bienveillance, et alors les vieux démons de la sorcière reviennent la hanter. Des fantômes d'une vie sociable appréciable, quand elle ne se montre pas si brève.
Mais elle est toujours brève. Instants fugaces où seuls les premiers moments semblent avoir une saveur. Puis alors soit elle s'attache, soit elle s'efface. Le premier cas est rare, il fini mal d'ailleurs. Le second, commun, s'explique par la fadeur d'échanges superficiels et répétitifs, deux choses dont elle a horreur, elle s'éloigne et les autres s'y font.

Et pourtant elle accepte.

- Volontiers.

Son sommeil n'est pas près de revenir. Les bêtises du demi géant stimulent son attention plus qu'ils ne l'anesthésient, mais peut-être que l'air nocturne saura apaiser son esprit toujours trop alerte.

Cendre se redresse alors. Pieds nus, toujours, quoi qu'elle aurait bien pris une laine pour protéger ses épaules. Tant pis.
Elle le suit à l'extérieur. Dehors, c'est le vide qui les avale, une pénombre fendue de blanc quand la lune perce au travers des nuages. Marcher fait du bien, si elle n'était pas raisonnable, elle irait faire le tour du lac en courant pour espérer assommer ses réflexions intempestives.

- Et donc pour répondre à ta question de tout à l'heure ... Marcher, souvent.

L'herbe est plus agréable à son pied que le gravier. Elle contourne Cormoran et va profiter de ce confort, sans pour autant amener à les faire dévier de leur route. Une route aveugle, sans objectif certainement.

- Parfois je cède à consacrer ce temps à lire ou à travailler. Curieusement, je suis plus efficace dans ces conditions, mais de fait je dors encore moins, et j'en pâti le lendemain.

Un observateur averti, sous un meilleur éclairage, aurait remarqué la teinte rosée que prit le visage de Cormoran, l'espace d'un instant, au moment où le mot "Anromède" fut prononcé. Effectivement, il ne pouvait qu'approuver l'affirmation de Cendre: son physique était très différent de celui d'Arcturus. C'était également vrai pour Polaris, mais cette idée ne faisait pas monter le sang sur son visage.

En tout cas, les étoiles n'étaient toujours pas ses amies. Il espérait que cela ne soit pas un mauvais présage...

Il était maintenant temps d'aller prendre l'air. Mais avant toutes choses, il lui fallait trouver de quoi se protéger contre le froid nocturne.

Accio mon manteau, accio mes grolles

Etait-ce le manque de sommeil qui lui avait fait oublier le désordre de son coin du dortoir? En tout cas, le manteau surgit d'en dessous de la pile des vêtements de la veille, les éparpillant à côté de son lit. Lorsqu'il attrapa au vol son manteau, il constata qu'une de ses chaussettes était restée accrochée au tissu, les fibres du vêtement agissant comme de petits crochets sur la laine. Hâtivement, il la retira et la fourra dans sa poche. Il avait déjà failli se gratter les parties intimes devant une dame, voilà qu'il exhibait ses chaussettes sales à présent! Lorsque ses chaussures arrivèrent, il trouva d'autres chaussettes sales roulées en boules à l'intérieur. Il les fit rejoindre la première, et se félicita d'avoir choisi ce manteau aux poches spacieuses.

L'air frais lui fait l'effet d'un sort de purification sur ses poumons. Il avait beau savoir que l'air renfermé des dortoirs n'était pas salutaire pour son sommeil, la différence de sensation entre une inspiration d'air au parfum de sueur et de sorcier fatigué et une bouffée d'air aux senteurs de végétation et de rosée le surprenait toujours. Oui, cela valait mieux qu'une tisane bizarre qui risquait de le réveiller au petit matin en remplissant sa vessie...

Cendre lui confia aimer la marche, pour lutter contre l'insomnie. Il hocha la tête

Marcher, c'est efficace. Mais surtout pas courir! Ca fatigue physiquement, mais on est encore plus énervé après.

Elle le contourne, et il constate qu'elle ne porte pas de chaussures. Son empathie fit courir un frisson le long de son dos.

Etudier la nuit? J'ai déjà essayé. Mais je ne suis pas du tout efficace dans ces conditions. Et, à dire vrai, je n'ai pas étudié grand chose depuis la fin de mes études, jusqu'à mon arrivée ici. A part des livres de potions, et l'animagie bien entendu.

Son pied foula un caillou plus acéré que les autres, transmettant une partie de son tranchant à travers sa semelle sous la forme d'une pression sur la plante de son pied.

T'es sure de vouloir rester pieds nus? Y'a des trucs pas nets par terre.

Devançant par réflexe la remarque que certains, comme Ortie ou Jaguar, n'auraient pas manqué de lui faire, il ajouta:

Par contre, promis, j'ai pas fait la grosse commission dans ce secteur!

Chaussette numéro 1. Chaussette numéro 2. Chaussette numéro 3. Toutes glissées subtilement dans la poche du manteau.
Qu'il ne s'embête pas, il n'y a personne à impressionner. Il pourrait se gratter les noisettes qu'elle en aurait pas grand chose à faire. M'enfin, ce n'est pas comme si elle allait le lui confier. Les fois où elle a voulu officialiser se foutre du politiquement correct, la personne en face à cru qu'elle le testait. En conséquence, celle-ci s'est montrée encore plus méfiant. Initiative inutile, alors maintenant elle préfère se taire.

- Par contre, promis, j'ai pas fait la grosse commission dans ce secteur!

Subtil.
Elle grimace.

- Tu sais que je n'y aurai pas pensé si tu t'en avais pas parlé ?

Là voilà maintenant qui y pense. Par Merlin, elle se serait passée de l'image.
Elle balaye mentalement le spectacle qui se joue dans son esprit pour rebondir sur les précédents propos de l'animagus.

- Et sinon oui, être pieds nus ne me dérange pas.

Il n'est pas le premier à lui faire la remarque. Pivoine aussi a tiqué quand elle l'a croisée, un soir d'insomnie. Est-elle donc la seule que l'absence de semelle ne gêne pas que tous ceux qu'elle croise en soient étonnés ? Ce n'est d'ailleurs pas tant qu'elle aime ça, mais elle ne s'en soucie pas. La plante de ses pieds s'est faite à l'idée d'être sans cesse malmenée, les agressions extérieures ne lui causent que peu de tort, si elle s'en tient aux chemins accessibles, qu'elle évite les débris, les morceaux de verre brisé. Alors avec ou sans, qu'importe, bien souvent le confort apporté est maigre.
Mais assez parlé d'elle. Il a évoqué d'autres choses plus intéressante peu avant, ça mérite davantage d'être approfondi.

- Tu disais ne pas avoir beaucoup étudié entre l'école et ton arrivée au domaine, tu as fais quoi entre temps ?

PS : toutes les questions de Cendre sont facultatives. S'il ne souhaite pas répondre, il a le droit, elle ne s'en formalisera pas. Ca aussi, c'est quelque chose qu'elle a arrêté de préciser, mais pour d'autres raisons.
Elle a conscience d'ailleurs qu'il pourrait tout à fait vouloir éviter le sujet. Après tous, les enrôlés ne sont pas censés parler de leur vie d'avant, on ne leur a pas demandé de faire un trait sur tout ce qu'il connaissaient pour y songer toutes les cinq minutes.
Mais bon, elle n'aime pas parler d'elle, il ne semble pas être de ceux à l'aise avec le silence et elle ne sait pas faire la discussion autrement qu'en s'intéressant à son interlocuteur.

Il haussa les épaules, et sourit.
Tu n'y pensais pas. Et maintenant, tu ne pourras pas t'empêcher d'y penser.
Il se retint d'ajouter "et avec un peu de chance tu porteras des chaussures la prochaine fois". Il fallait vraiment qu'il cesse de traiter toutes les enrôlées plus jeunes que lui comme si elles étaient ses petites soeurs. Et c'était particulièrement vrai pour Cendre, qui avait réellement connu sa soeur.

Moi, j'aurais trop peur de marcher dans...un truc qui fait mal.
Il jeta un regard au ciel, et ajouta:
D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi je suis capable d'encaisser des chocs de cognards sans trop de problème, mais que je suis presque hors service si par malheur mon petit orteil se fracasse contre un pied de table. C'est...c'est bizarre
Si son cerveau avait moins de sommeil à rattraper, il aurait sans doute dit "paradoxal". Mais le mot lui échappa, et fut remplacé par son presque synonyme, bien moins adéquat.

Un autre défi se présenta à son esprit resté éveillé trop longtemps: comment résumer sa vie d'adulte sans passer pour un raté? Beaucoup d'enrôlés avaient pris part à des mouvements de résistance, ou au moins exercé de véritables emplois utiles. Pas Cormoran. Lui, il avait vécu comme un moldu, et pas un moldu dont il avait de quoi être fier. Il prit une grande inspiration, et se lança:

Alors, j'ai voulu étudier les dragons. Mais les restrictions sur les voyages, le fait que les gens n'ayant pas de moldu parmi leurs aïeux soient prioritaires pour tout...Bref, c'est tombé à l'eau. Donc j'ai fait des boulots à la noix, et j'ai miraculeusement pu devenir l'entraîneur d'une équipe de Quidditch. J'étais payé pour un truc qui me plaît, même si c'était pas du premier plan. Et mon père a été arrêté pour être né-moldu. Donc je suis parti me cacher pour éviter les problèmes. J'ai pris une baguette de contrebande, et j'ai fait coach sportif pour des moldus qui convertissent leur masse cérébrale en masse musculaire. J'ai eu un succès fou auprès des femmes du troisième âge, pour je ne sais quelle raison. Et ensuite, ma soeur...
Il déglutit, bredouilla, et reprit son flot de paroles de la même voix monocorde:
Bref, j'ai pas eu le temps d'étudier grand chose. Enfin...le temps, je l'avais, mais pas l'accès aux livres ou aux bons mentors.
Pour l'animagie, il avait payé le même gars qui lui avait fourni sa baguette. Il n'osait pas trop le contrarier, après leur rencontre...

- D'ailleurs, je n'ai jamais compris pourquoi je suis capable d'encaisser des chocs de cognards sans trop de problème, mais que je suis presque hors service si par malheur mon petit orteil se fracasse contre un pied de table. C'est...c'est bizarre

- Ton petit orteil n'a pas du se prendre beaucoup de cognards.

Son corps a été forgé par l'entrainement. Habitué à encaisser le choc de projectiles hostiles depuis des années, il s'est forgé une armure de muscles presque aussi performants qu'un protego. Cendre suppose que le demi-géant à la tête plus dure qu'un roc, des épaules noueuses et un poing d'acier. Mais que ses orteils sont de vraies brindilles.

- Certaines parties du corps sont moins protégées. La peau y est moins épaisse, c'est forcément plus sensible.

C’est par exemple pour cette raison que certains tatouages sont plus douloureux que d’autres. L’aiguille taquine l’os quand la peau est infime, elle mordille la côte fragile, pince la clavicule qui saillit sous l’épiderme, comme si elle cherchait à percer au travers.
Chaque personne a sa propre sensibilité, bien sûr. Mais de manière générale …

Elle continue de marcher. L’herbe est humide sous ses pieds, rosée nocturne qui lèche ses orteils. L’air est doux alors que l’éclat de la lune peint sur les carreaux du domaine des esquisses imaginaires. Au loin, un clabbert coasse, son cri trouve écho un peu plus près.
Il a dit qu’il voulait étudier les dragons. Il y a tellement d’autres bêtes aussi majestueuses qu’intriguantes à observer. Peu sont aussi grosses, au moins sont-elles plus accessibles.
L’opaloeil, aussi magnifique soit-il, vit à l’autre bout du monde, les Norvégiens à crêtes sont en voie d’extinction, voyager en Grande Bretagne est suicidaire. Le choix est limité.
Cormoran n’a pas pu étudier ce qu’il souhaitait. Ni se battre. Elle sent une pointe de regret dans sa voix, dans sa façon de parler, qu’elle confond peut-être avec la culpabilité qu’il a sous entendu plus tôt, celle de ne pas avoir suffisamment agit. Pour sa famille. Pour le monde aussi, certainement.
Il est ici, elle ne sait où mais ici, maintenant. Ce n’est pas pour rien.

- Maintenant tu peux.

Ils ont la place, les livres, les enseignants, la matière première, la volonté - pour une majorité d’entre eux. Il ne leur manque que du temps. Elle a la sensation qu’il s’égrène, inlassablement, c’est un cours d’eau qui ne peut être dévié. Elle a beau y plaquer ses mains pour retenir la fuite, faire barrage de tout son corps, le temps s’étend, une part d’elle le voit se perdre, noyer la terre fertile, la changer en boue alors qu’il pourrait, plus loin, aller nourrir l’aridité d’un reg assoiffé. Mais qu’est-ce que trois mois sur vingt ans de conflits ?
Elle balaie ces idées, la sensation que leur entraînement ne va pas assez vite. Se précipiter est le meilleur moyen de tout gâcher.

Un choc de cognard sur le petit orteil? La simple évocation de cette idée tordit son visage en une grimace, comme s'il se préparait mentalement à recevoir ledit cognard sur ledit petit orteil. S'il fallait prendre des coups de cognard sur son corps pour s'immuniser à la douleur, il était ravi de laisser ses orteils tranquille. Et pas uniquement ses orteils. Il inspira entre ses dents, grimaçant de plus belle, en pensant à une autre partie de son corps, bien plus sensible que les petits orteils, et de la sensation d'un choc de cognard à cet endroit...

Il secoua la tête pour chasser ces idées néfastes, et gromella:

Oui mais c'est con. Les orteils, on marche avec, quand même...

Il laissa sa concentration dériver sur la nature qui les entourait. Lorsqu'il jouait les moldus, il avait parfois coutume d'aller se promener la nuit, en ville. Les seuls sons qu'on y entendait étaient les cris du moldu en état d'ébriété et les grondements de leurs véhicules à moteurs. L'odeur était celle des crachats des moteurs en question, parfois celle de l'herbe fraîche et du pollen des arbres. La ville dans laquelle il s'était caché était trop grande pour qu'on y entende des oiseaux, la nuit. Et le jour, il n'y avait que ces pigeons crasseux au plumage clairsemé par les maladies contractées à force de manger dans les poubelles moldues.

Quand il était enfant, il avait vécu dans la campagne avec sa famille. Les nuits y étaient plus semblables à cette nuit-ci. L'air y était plus frais, et portait les sons des chauve souris, de quelques batraciens, d'insectes nocturnes, ainsi que l'occasionnel cri d'un hibou ou d'une chouette. Cormoran remarqua alors qu'il n'avait pas encore entendu de hibou depuis son arrivée au domaine. Il n'avait vu aucun rapace, excepté quelques augreys...

Ouais, je peux, j'ai accès à une grande bibliothèque. Et je l'utilise beaucoup! Mais...

Mais à quoi bon apprendre à s'occuper de dragons ou d'autres créatures magiques s'il était destiné à mourir dans de futures batailles peut-être perdues d'avance? Ils n'avaient pas besoin de pessimisme. Il laissa donc mourir sa phrase en un soupir, perdu au milieu des appels d'un clabbert alentour.

Et toi, tu faisais quoi avant d'arriver ici? demanda-t-il.

Ayant le pressentiment que Cendre avait traversé des moments difficiles, il ajouta:

Normalement, ton passé sera plus glorieux que le mien. Alors tu peux y aller franchement!