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    Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Jeu 26 Déc - 18:06
    Cendre
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    Abraxan

    Du flanc, elle se met sur le ventre. Elle glisse un bras sous son oreiller, froisse la taie aux couleurs criardes, plie une jambe. Cette position, quelques secondes durant, lui offre un confort nouveau. Ses paupières semblent se faire plus lourdes sur ses yeux fatigués, un bâillement lui détend la mâchoire, semble accentuer la sensation d'épuisement qui domine ses sens, anesthésie presque son esprit. Ça ne dure que quelques secondes, jusqu'à ce qu'une réflexion nouvelle donne un énième coup de pied dans son confort relatif. La machine se remet en route, ses pensées recommencent à s'entrechoquer, égoïstes, elles maintiennent éveillé un corps tout entier pourtant épuisé. La fatigue détale, effrayée par la puissance de paroles muettes qui se montrent bien plus vives qu'elle, plus agressives. Des songes inutiles, riches d'une réflexion aussi futile qu'absurde, qui ne méritent pas une énième nuit gâchée. Des questions existentielles, des remises en cause et d'autres pensées non moins philosophiques à propos d'épingles, de rats, de la création de sortilèges, de la confrontation d'un abraxan à son reflet qui ne veut pas baisser les yeux et de clopes.
    Un clope. Qu'est ce qu'elle a envie d'une clope. Cette idiote prohibition l'a poussée à économiser son stock pendant deux mois, un exploit. Ne lui en reste que deux, qu'elle s'interdit de fumer sans raison. Elle a même caché le paquet, pour ne pas être tentée. Qu'est ce qu'elle ne donnerait pas pour craquer, tirer rien qu'une taffe. Ça l'a toujours aidée à dormir. Enfin presque toujours. Mais Cendre est trop butée pour céder à un caprice.

    Elle bascule sur le flanc. Elle a les deux yeux grands ouverts, des pépites de chocolat pour fixer les rayons de lune qui dessinent des sillons sur le sol. Un spectacle qui manque de vie, aussi ennuyant que les conversations qui se jouent dans sa tête. Ça l'agace.
    L'occamy repousse la couverture qui la protégeait du froid. Une fine couverture, juste suffisante pour faire barrière à l'air nocturne. Combien de fois a-t-elle répété ce geste ces dix derniers jours ?
    Elle se redresse. Assise, ses deux pieds qui frôlent le sol, elle énumère ses possibilités. Se passer de l'eau sur le visage, lire, travailler, elle a déjà cédé à toutes ces vaines tentatives cette semaine. Le sport qu'elle a fait en fin de journée, les nuits blanches accumulées auraient du être suffisants pour lui promettre un sommeil salvateur. Elle n'a gagné qu'un épuisement physique et moral, et des cernes qui gâchent un portrait déjà peu mis en valeur.

    Elle se lève enfin, quitte sans un mot le dortoir silencieux. Elle a le pas discret, plus discret que ces gamines à la démarche d'éléphants qui couraient dans les couloirs de l'école, qui l'agaçaient rien que d'un rythme, d'une façon de poser le pied tandis qu'elle cherchait à se concentrer.
    Elle sort alors, pour aller chercher de quoi occuper son esprit, ou l'étouffer, dans la salle commune.

    Il n'y a que la lune pour éclairer la pièce. Elle est pleine cette nuit, brille à travers un carreau immaculé. Les elfes de maison font un travail spectaculaire.
    Cendre va s'asseoir dans un divan. Il est moelleux, plus confortable même que son matelas. Mais elle ne s'endormira pas là.


    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Jeu 26 Déc - 22:48
    Cormoran
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    Cette fois-ci, il n'avait pas fait de cauchemar. Il ne ressassait pas non plus d'idées noires, ni ne dissimulait au fond de son thorax une boule de stress ou d'angoisse. Aucune douleur n'était à signaler, ni fringale nocturne, ni rai de lumière ni bruit importun n'étaient venus perturber son sommeil. Cormoran n'arrivait tout simplement pas à dormir.

    Il attendait, les yeux fermés, couché sur le côté et les pieds dépassant de la couverture un rien trop courte que le sommeil s'empare de lui. De temps à autre il se retournait, ou replaçait son oreiller. Mais les minutes passaient, puis les heures, et la perspective d'une nuit blanche venait mettre davantage de bâtons dans les roues du chariot du marchand de sable. De guerre lasse, il se leva, bâilla et frotta son visage de ses mains. Il allait se faire une tisane, tant pis si cela devait malmener sa vessie pendant la nuit. Et s'il n'en trouvait pas, il irait se promener à quatre sabots dans la prairie. Cela vaudrait toujours mieux que de rester dans son lit à espérer ne pas voir le soleil se lever...

    Cormoran faillit sortir en caleçon dans les couloirs. C'était la preuve, s'il en fallait une, qu'il était fatigué. Alors pourquoi diable ne parvenait-il pas à s'endormir? Il enfila son bas de pyjama et ce vieux tee-shirt noir tellement délavé qu'il en était devenu gris. De nombreuses lessives plus tôt, ce tee-shirt arborait le blason d'un groupe de musique nommé "Banshees are friends (no food)". Mais du dessin, il ne restait plus qu'une forme d'écu légèrement moins délavée que le reste, les lettres B.A.N et la moitié d'une parenthèse fermante. Il rangea sa baguette, qui lui serait utile pour faire chauffer l'eau d'une éventuelle tisane, dans une des poches de son bas de pyjama. Vêtu de cet accoutrement de fortune, les cheveux en pagaille et les yeux grands ouverts sous le poids de cernes sombres, Cormoran referma la porte du dortoir derrière lui et traîna des pieds nus dans les couloirs.

    Parfois, pendant ses sorties nocturnes, il croisait Sycomore qu'il évitait soigneusement depuis l'épisode de la cuisine. Il lui était arrivé d'apercevoir Vyasa, qu'il s'abstenait de déranger. Mais cette fois-ci, quelqu'un d'autre s'était installé dans la salle commune. Une femme. Heureusement qu'il n'était pas sorti en caleçon! Quel était déjà le nom de cette enrôlée, qu'il était certain d'avoir déjà vue?

    Il la salua d'un signe de la main, en bâillant et en grattant l'arrière de sa tête. Il ressentait une furieuse envie de se gratter ailleurs, mais il en était hors de question en présence d'une dame.
    Dis, demanda-t-il à voix basse pour ne pas risquer de réveiller un autre insomniaque, tu sais s'il reste des infusions de plantes qui font dormir dans la réserve?
    Il faisait froid dans la salle commune. Il regretta de n'avoir enfilé qu'un tee-shirt à manches courtes. Un début de chair de poule soulevait doucement les longs poils noirs sur ses bras.
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Ven 27 Déc - 18:14
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    Plumes

    Un bruit la tire de ses pensées. Elle cligne des yeux, détourne son attention du faisceau lunaire hypnotisant pour porter son regard brun sur le sorcier qui vient de passer le pas de la porte.
    Elle le voit à peine. La pénombre mange son visage, dévore sa silhouette. Il est grand, très grand. Cendre tire des déductions immédiates sur son identité, il n'y en a pas cinquante des hommes si haut de taille qui foulent le domaine, encore moins qui soient membres de sa brigade.
    Cormoran. Ses traits se dessinent dans son esprit avant même que la lune n'éclaire son faciès. Deux iris sombres pour trahir des émotions sincères, celles que d'aucuns qualifieraient de contradictoires pour un physique de guerrier. Muscles et pilosité signifient méchanceté et barbarie pour beaucoup, comme si la testostérone pouvait anéantir la bienveillance. Elle a toujours trouvé ça stupide comme préjugé. Des cheveux d'une longueur singulière pour caresser le creux de son dos et la barbe assortie. Elle se demande si ça lui irait, qu'elle soit un peu plus longue. Ça finirait certainement pas faire flipper les plus minaudes.

    - Dis, tu sais s'il reste des infusions de plantes qui font dormir dans la réserve ?

    Depuis quand n'ont-ils pas parlé ? Se souvient-il simplement d'elle ? C'était il y a presque quinze ans, et elle a le don de passer inaperçu. Elle a changé, lui aussi certainement.

    - Ça fonctionne vraiment ?

    Sa voix lui semble rouillée. Elle n'a pas parlé depuis longtemps, sa mâchoire semble aussi fatiguée que le reste de son corps.
    Les herbes ne l'ont jamais vraiment aidé à dormir. Pas celles qu'on infuse avec une cuillère de miel du moins. Les potions seront peut-être plus efficaces, toutefois de s'y essayer elle même risque plutôt de lui faire pousser des plumes sur le dos que de l'endormir. Si elle veut apprendre à voler, l'idée mériterait d'être développée.
    Enfin, elle n'a pas répondu à sa question. D'ordinaire elle se serait contentée de cette remise en question, se fichant bien du reste. Mais Cormoran lui est familier, même s'il devrait y avoir prescription depuis. Un reste de sympathie motive sa logorrhée.

    - Je ne sais pas. Au point où j'en suis, autant prendre un café.

    Ou un chocolat chaud. Ça fait des lustres qu'elle n'en a pas pris un.
    Peu importe à vrai dire. Quelque chose de chaud. Le canapé est confortable. En s'asseyant, elle s'y est enfoncée, comme dans un nuage. Ses deux jambes pliées sont ramenées contre sa poitrine et entre ses cuisses et son ventre elle a inséré un gros coussin. Ça ne vaut pas la douceur d'une couverture, mais au moins ça la protège de la fraîcheur qui règne dans la salle commune. Une boisson chaude serait idéale pour parfaire le tableau. Ou un whisky. Ça réchauffe tout autant. Autour d'un feu, à l'abri des débris. Faisons bonne figure, le café c'est bien.



    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Sam 28 Déc - 15:24
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    Il ferme les yeux et rit doucement. Un simple souffle saccadé, pour ne réveiller personne.
    Ah non, pas un café quand même! Perso, j'en serais au même point mais avec des yeux rouges. J'suis pas un lapin, et j'suis pas albinos non plus, alors bon...

    Il se demanda pourquoi les gens persistaient à penser que les albinos avaient les yeux rouges, alors que cela ne semblait pas être le cas. Les souris albinos avaient les yeux rouges, les lapins, les reptiles également. Mais les rares personnes albinos qu'il avait croisées avaient les yeux noirs ou bleu très clair. C'était une idée préconçue à la noix, et son cerveau en manque de sommeil avait laissé son tractus vocal la matérialiser sous forme sonore. Une excellent raison de ne pas empirer les choses avec du café, donc.

    La tisane, au pire, elle fera pisser. J'ai bien envie de tenter. J'y vais, je reviens avec une théière et des tasses
    Il n'attendit pas de savoir si l'enrôlée en souhaitait également avant de traîner les pieds jusqu'à la réserve. Il croisait suffisamment d'insomniaques dans le bâtiment Occamy pour juger pertinent le fait de laisser à disposition des noctambules à la recherche de Morphée un petit coup de pouce sous forme de boisson chaude.
    Pendant que l'eau chauffait, il soulagea la démangeaison qui l'avait dérangé dans la salle commune. Avant de préparer l'infusion qu'il espérait salutaire, il sortit sa baguette de sa poche
    Récurvite lamain
    Il était hors de question qu'il manipule une théière et des tasses sans se laver les mains, surtout après avoir gratté la partie de son corps qu'il venait de gratter. Ce genre de comportement, il le réservait pour le jour où il serait amené à servir le thé à des types comme Granit, par exemple. Ceux-là méritaient largement de trouver un poil frisé originaire de son caleçon dans leur tasse.

    Il regagna la salle commune, portant la théière dans une main et quatre tasses dans l'autre. Il avait passé ses doigts dans les anses pour toutes les porter à la fois. Sa main ressemblait à une grappe de porcelaine.
    Je t'ai pas déjà vue quelque part? demanda-t-il à l'enrôlée tandis qu'il se versait une tasse de l'infusion aux fleurs. Un truc de grand-mère, dont la simple odeur lui faisait penser à des charentaises et des lunettes à double foyer.
    Beauxbâtons, peut-être? hasarda-t-il, avant d'ajouter:
    J'sais pas si j'avais les cheveux aussi longs à l'époque. Mais j'avais des boutons plein la figure pendant ma quatrième année. On m'appelait la Mercerie
    Il s'en était débarrassé en appliquant une lotion à l'odeur tellement forte qu'il aurait juré qu'elle avait fait friser les poils de son nez. Il avait du en badigeonner son visage pendant deux semaines, pour être certain que l'acné ne revienne pas. Heureusement, cela avait fonctionné. Mais on avait continué de l'appeler "la Mercerie" pendant des mois. Il avait laissé faire, car il savait que combattre les surnoms était la meilleure manière de les faire passer à la postérité. Mais il était heureux que celui-ci fasse partie du passé.

    Il se maudit de l'avoir rappelé à la mémoire de l'enrôlée. Et si elle décidait de le relancer? Lui qui devait déjà supporter tous les sobriquets à thématique équine n'était pas enthousiaste à l'idée de voir ressurgir ce fantôme du passé...
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Dim 29 Déc - 13:34
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    Briquet

    Elle a juste opiné. Cendre ne court pas après le thé, il y a un goût qui persiste toujours sur ses papilles qui lui est désagréable, mais ça ne lui fera pas de mal. Elle n'aurait pas cru qu'il rapporterai quatre tasses. Sont-ils si nombreux à voir leurs nuits troublées de pensées ou d'angoisses immuables ? Si d'autres les rejoignent, elle risquerait toutefois de s'éclipser.

    - Je t'ai pas déjà vue quelque part?

    Alors elle avait vu juste. Les traits de son visage s'étaient bel et bien dilués dans les réminiscences de Cormoran, un dessin qui s'estompe pour des souvenirs endormis. Endormis ou effacés ? Le cerveau humain dispose d'un don certain pour se débarrasser des souvenances jugées les moins utiles, capacité de stockage limité induit nécessairement des nettoyages réguliers. Il est logique qu'elle y soit passée, quand à comprendre pourquoi, elle, a encore trace de leur rencontre à l'esprit ... Peut-être est-ce que son cortex frontal n'est pas encore tout à fait saturé. Logiquement, côtoyer moins de visages induit d'encoder moins d'informations, quoi que de n'avoir aucune raison de les utiliser, de n'effectuer aucune tâche ni de rappel ni de reconnaissance devrait les réinitialiser aussi.
    Peut-être le sorcier a-t-il simplement laissé une empreinte plus conséquente dans son esprit. Ses actes, son tempérament, l'attention sincère qu'il portait alors à sa cadette qui faisait écho au comportement que son propre frère avait avec elle, ça avait éveillé un sentiment de familiarité aussi agréable qu'il se montrait douloureux. Son aîné venait de quitter Beauxbâtons alors qu'elle même y faisait ses premiers pas, des pas vacillants qui auraient pu se montrer plus certains s'ils avaient été guidés par le cheminement d'un frère protecteur.

    Cendre ne se souvient pas de « la Mercerie ». Elle ne se souvient pas particulièrement des prénoms de manière générale, ça ne l’intéresse pas, alors les surnoms encore moins. C'est l'affaire des commères, l'atout des ingrats, des irrespectueux, ceux qui troquent respect contre méchanceté. D'aucuns, « victimes » de sobriquets flatteurs les arborent comme des médailles, les autres les supportent par obligation, préférant l'auto-dérision à l'agacement en guise de moindre mal.
    Elle a du en avoir, elle aussi. Mais personne ne le prononçait suffisamment fort devant elle pour qu'elle le sache. Il ne valait mieux pas certainement, à l'époque elle était capable de se retourner contre quiconque l'offusquait pour le remettre à sa place.

    - Beauxbâtons oui. J'ai côtoyé ta sœur à la fin de ma première année.

    Serait-ce suffisant ? Sa cadette devait en côtoyer un bon nombre de jeunes sorciers à l'époque. Et puis elle-même avait dix ans, les joues idéales pour que sa grand-mère prenne un malin plaisir à tirer dessus en lui disant bonjour et les cheveux toujours attachés en quelques coiffures strictes et élégantes. Sa mère y tenait, il fallait qu'elle présente bien, arbore l’héritage familial sans lui faire honte. Un véritable échec. Des tâches de rousseurs qui avaient fini par fuir, un corps des plus banals. Ses traits s'étaient finalement durcis au fil des ans, elle avait maigri en conséquence d'une adolescence tardive.

    Elle se lève pendant qu'il fait le service pour allumer le chandelier qui trône à proximité. L'éclat fantomatique du satellite lui suffit, mais son frère d'insomnie souhaite peut-être davantage. Elle tire de la poche de sa veste son briquet, un vieux zippo aux coins rouillés qu'elle a acquis durant ses années rebelles. Elle a toujours préféré manipuler les flammes en mains propres, un goût du risque inconsidéré qui lui a déjà causé quelques brûlures, entre autres dégâts. Les cinq flammes font danser les ombres.

    Elle accepte une tasse en se rasseyant. Elle évite de prendre trop de place pour qu'il puisse aussi poser son fessier.

    - Elle était en .. troisième année je crois ? Quatrième peut-être ?

    Cendre marque un temps d'arrêt, le temps de juger de la pertinence d'une information supplémentaire pour lui permettre de la resituer.

    - Elle faisait beaucoup de cauchemars.
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Lun 30 Déc - 22:36
    Cormoran
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    Il se servit une tasse, et en remplit une seconde pour Cendre. Si Vyasa ou Sycomore passaient par là, ils n'auraient qu'à se servir. Cormoran se demandait parfois si Monsieur le Directeur avait regroupé à dessein les insomniaques du Domaine dans la brigade Occamy. Mais il avait entendu dire qu'Odysseus avait lui aussi ce type de problème. Un oubli de la part de leur "bien aimé" supérieur?

    Il approuva d'un hochement de tête l'idée de sa compagne d'infortune, lorsqu'elle alluma les bougies. La lueur vacillante des flammes faisait danser des ombres sur son visage, et renforçait l'impression qu'il avait de l'avoir déjà vue quelque part. Il prit place sur le canapé, à l'autre bout, et bâilla et s'affaissant sur le dossier. La fatigue ne suffisait pas à le faire dormir. Si ce n'était pas une illustration parfaite d'absurdité, Cormoran ne savait pas ce qu'il lui fallait, à ce fichu concept d'absurdité...

    Elle a côtoyé sa soeur, donc. Il jugea qu'il s'agissait de Chloé, Anne étant trop âgée pour avoir connu Cendre. L'estimation que cette dernière fit de leurs classes respectives à Beauxbâtons confirma sa conclusion. Il sourit, mais regarda ailleurs. Il n'aimait pas parler de Chloé. Ou plutôt, il aimait se souvenir d'elle comme il l'avait connue avant qu'elle ne commence à traîner avec les fondamentalistes. Il voulait garder le souvenir de sa petite soeur au sale caractère, qui prenait un malin plaisir à ennuyer ses aînés, et qui venait les voir lorsqu'elle avait des soucis. Ses problèmes, il pouvait généralement les régler en allant dire "deux mots" à un.e quelconque camarade de classe, ou en faisant le pitre pour la faire rire. S'il ne s'en chargeait pas, Anne le faisait. Et tout rentrait dans l'ordre, tout simplement.

    Ce souvenir était de loin plus agréable que l'image de la fondamentaliste qui avait vendu sa propre soeur à l'ennemi. Il préférait aussi se rappeler que, pendant une brève période, ils avaient pu se soutenir les uns les autres. Après ces quelques années, ils avaient été séparés, il n'avait rien pu faire pour sauver Anne, ni pour soustraire Chloé à ses mauvaises décisions.

    Des cauchemars? dit-il, presque pour lui-même. Il gratta son menton, étouffant un nouveau bâillement.
    Ouais, elle en a fait pas mal. Elle m'avait d'ailleurs parlé d'une nirimage qui avait vu tous ses mauvais rêves. C'était donc toi!
    Il avala un peu de tisane, et se brûla la langue. Il grimaça.
    On a ... coupé les ponts avec Chloé
    Depuis son arrivée au Domaine, il avait appris l'expression anglophone qui correspondait plus ou moins au "couper les ponts" français. Burning bridges. Mais en Anglais, c'était la personne qui commettait l'acte impardonnable qui poussait l'autre à vouloir "couper les ponts" qui "burned les bridges". C'est pour cela que Cormoran préférait cette version. De plus, au lieu d'une bête coupure, on parlait de flammes. Et c'était bien plus classe.

    D'ailleurs, il faudrait qu'il demande à Cendre où elle avait trouvé cet étrange briquet usé qu'elle avait utilisé...
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Mar 31 Déc - 11:47
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    souvenirs


    Elle se penche pour prendre la tasse de tisane laissée sur la table basse. Ses cheveux lui chatouillent l'épaule. Elle qui d'ordinaire les a toujours sévèrement liés les détache pour dormir. Au réveil, elle a l'air d'une sorcière, celle des contes pour enfants, avec la tignasse hirsute mais sans le nez crochu. Ses nuits sont toujours agités. Elle se tourne et se retourne sans cesse, qu'elle soit éveillée ou endormie. Au moins lors d'une insomnie, sa crinière se montre plus docile, ce sont ses cernes qui gâchent le tableau.

    La faïence lui réchauffe la main. Elle ramène ses jambes contre son ventre pour garder la chaleur en son sein, écoute Cormoran confirmer ses propos, faire le lien avec elle. Ainsi évoqué, elle croirait presque que c'est normal. Pénétrer les rêves des autres, violer l'intimité de songes nocturnes, en parler. En réalité, c'est pire encore que de lire dans les pensées, celles-ci au moins sont conscientes, rationnelles. Le subconscient ne l'est pas. Un philosophe a un jour dit qu'il recelait tous les désirs et toutes les craintes profondément enfouies, qu'il était le refuge de la véritable nature humaine, une geôle de savoir-vivre qui, une fois la nuit tombée, laissait s'évader temporairement son prisonnier. D'être le témoin des actes débridés du condamné n'a rien ni de normal, ni d'innocent.
    Comment Cormoran aurait réagi si elle avait pénétré les siennes, de pensées ? Si elle était venue lui en parler le lendemain, comme l'on aurait assisté à une scène qui méritait d'être discutée ? Personne ne le souhaite.
    Cendre avait agit bêtement. D'ordinaire, elle garde sous clef les réminiscences volées, les mirages oubliés, elle se les approprie, bien contre son gré, elle garde les secrets. Cette fois-ci elle n'avait pas pu se résoudre à rester muette, selon elle Chloé avait besoin d'en parler. Vider son sac, se sentir soutenue. Elle avait voulu l'aider.
    Peut-être était-ce la version que la jeune sorcière avait confiée à son frère aîné. Une version un peu édulcorée, qui la faisait passer pour bienveillante, alors que dans les faits, Cendre ne faisait rien de plus que violer son intimité.

    Elle se contente d'opiner pour confirmer sa déduction. Son attention est tournée vers l'occamy. La vapeur qui s'échappe de sa boisson aurait mérité d'être déviée par son souffle, ça l'aurait refroidie. Elle se demande si sa grimace illustre sa brûlure, ou bien ses propos.

    On a ... coupé les ponts avec Chloé.

    Que répondre à ça ? La sorcière n'a jamais les bons mots. Il a l'air mal à l'aise, ou triste, ou les deux. Elle devrait dire quelque chose de gentil ?

    - Qu'est ce qui s'est passé ?

    Bien joué pour les gentillesses. Cendre mise sur la seule question qui pourrait accentuer son malaise. Intelligent.
    Qu'il ne réponde pas, s'il ne veut pas. Elle ne lui en voudrait pas. C'est certainement indiscret. Il faut toujours qu'elle pose les questions indiscrètes. Elle même ne les trouve pas indiscrètes, elle ne les pose pas dans l'idée de nuire, ni de satisfaire une curiosité mal placée. Mais les autres interprètent toujours ce qu'elle dit, prennent personnellement des propos qu'elle énonce avec objectivité et impartialité. C'est tellement plus simple de se détacher. Ne pas s'impliquer, émotionnellement parlant.

    - Ne répond pas, si tu ne veux pas.

    Elle se sent toujours obligée de le préciser. Pour éviter les quiproquo. Mais même avec ces précautions, il y en a toujours.
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Mar 31 Déc - 18:42
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    Ses mains pleines de cals résistaient à la chaleur de la tasse pleine d'eau bouillante, juste assez pour qu'il puisse la garder au creux de ses mains. Il décida d'attendre un peu que l'infusion refroidisse. Se brûler le tube digestif n'allait pas l'aider à chasser son insomnie.

    - Qu'est ce qui s'est passé ?

    Il retourna les mots dans sa tête, cherchant la meilleure manière de répondre. Il avait été un grand frère minable, et un petit frère encore pire, caché qu'il était toutes ces années parmi les moldus. Pendant qu'Anne risquait sa peau en combattant l'ennemi, il traînait avec des pseudo sportifs moldus. Pendant que Chloé se transformait en ce qu'il détestait le plus, il se gavait de médicaments pour moldus qui l'abrutissaient de jour en jour. Il avait fui les risques, et cela lui avait coûté ses soeurs.

    - Ne répond pas, si tu ne veux pas.

    Il rit nerveusement, et baissa les yeux.
    Ca va, j'en aurais pas parlé si c'était un secret
    Il soupira, et ajouta:
    C'est un secret pour personne que ma petite soeur est passée à l'ennemi. Mon autre soeur, Anne - tu n'as pas dû la connaître - était dans un groupe de résistants. Je l'ai su le jour où j'ai appris que Chloé l'avait dénoncée...
    Il avala une gorgée de tisane toujours trop chaude pour dissoudre la boule qui se formait dans sa gorge. Impassible, il s'efforça de se souvenir de ce qu'il avait décidé en rejoignant le Domaine. On ne peut plus revenir sur le passé, mais on peut agir sur le futur. C'est pour cela qu'il lui fallait rester fort. S'il se laissait aller à la mélancolie, alors il redeviendrait aussi inutile qu'il l'avait été avant de faire ce rêve qui l'avait conduit ici. Il avait été un petit frère merdique et un grand frère abyssal, il était hors de question qu'il soit un collègue boulet.
    C'est moi qui fais des cauchemars, maintenant
    Sa gorge serrée étouffait ses cordes vocales, rendant sa voix un peu rauque. C'était la seule concession qu'il avait faite à sa culpabilité. Et il déglutit, pour la ravaler. Il inspira profondément, espérant l'enterrer définitivement.

    Il est marrant ton briquet, dit-il, sa voix revenue à la normale. C'est un truc de moldus ou il est enchanté?
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Mar 31 Déc - 20:11
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    épopée

    Elle est horrible, cette sensation. On ne connait jamais vraiment les gens, au fond. Connaissance, amis, famille. C'est comme si l'on ne pouvait jamais que lire la quatrième de couverture sans jeter le moindre coup d'oeil au contenu des pages. Des milliers de pages, pour des milliers de pensées, de rêves, d'idéaux bafoués, de cauchemars qui deviennent réalité. Alors bien-sûr il y a ce sentiment, cette culpabilité, comme si la lecture du livre aurait pu changer le dénouement de l'histoire. On se convainc que de connaître le détails des lignes aurait pu nous donner l'occasion de redessiner le personnage, mais c'est comme de réécrire la fin de l'ouvrage. Impossible. Aucune plume, aucune magie ne pourrait le faire. Il reste sa propre histoire, des pages blanches pour tracer de nouveaux avenirs en conséquences des décisions prises par les autres.

    Cendre la sent, elle l'entend, son émotion qui l'étouffe. Elle emmerde tous ces abrutis qui disent que la virilité interdit la culpabilité. Elle comprend. Elle pense comprendre. Parce qu'elle n'a jamais vécu quelque chose de similaire, la perte d'un être cher du fait de la trahison de la prunelle de ses yeux. Elle ne peut qu'imaginer la douleur, la colère, les remords.
    Elle n'aurait pas dû poser la question. Comme toujours, elle énonce les pires interrogations, rappelle les mauvais souvenirs, et elle ne sait que rester impassible, parce qu'elle n'a aucune idée de comment se montrer compréhensive. Les gestes ont toujours plus de valeur que les palabres, mais à cet instant, elle ne sait pas quoi faire. Alors elle se contente de le regarder, à moitié recroquevillée sur elle même, avec la tasse qui lui brûle la paume, qui la punit de sa méchanceté.

    Ici, ils sont tous cassés. Instructeurs, enrôlés, des morceaux d'âme grossièrement recollés par une soif de justice irrépressible. Souvent, il en manque des bouts, ça donne des hommes branlants. Une armée d'éclopés pour soutenir la Cause.
    Cendre l'oublie trop souvent, qu'en vérité leur âme à tous est fendue, que la brèche est parfois si grosse qu'elle avale la lumière.

    Cormoran change de sujet. C'est peut-être mieux. À l'avenir, elle évitera d'en reparler. Elle n'aime pas être responsable d'une douleur, quelle qu'elle soit. Les morts doivent restés enterrés, sinon ils s'accrochent à vos chevilles pour vous tirer avec eux dans la tombe.

    Elle ressort son briquet, elle le fait tourner entre ses doigts.

    - Moldu.

    La brune relève les yeux sur l'occamy. Elle lui tend le petit objet pour qu'il puisse le détailler.

    - Mon frère me l'a offert durant mes études à Beauxbâtons. Une façon rationnelle d'allumer la lumière.

    Rationnelle car sans magie. Aucune. Elle passait des heures parfois, à l'actionner, puis à le refermer. La flamme l'hypnotisait, la brûlure la réveillait.

    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Mer 1 Jan - 16:31
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    Il prit le briquet et l'examina, à la lumière des bougies. Il n'y avait aucun doute là-dessus, l'objet était moldu. Après ces années passées parmi eux, Cormoran avait appris à reconnaître cette drôle d'impression que les artefacts moldus laissaient derrière eux. Une impression de néant, comme si ces mécanismes complexes capables de répliquer certains effets de la magie n'étaient en réalité que des coquilles vides. Ils lui faisaient l'effet de coquilles d'oeuf recollées ensemble, après que l'oisillon en soit sorti.

    Rationnelle?

    Ses grands parents paternels étaient moldus. Et eux aussi pensaient que leur manière de faire les choses sans magie, était plus "rationnelle", ou "noble". Il ne les avait pas vus depuis qu'on avait effacé le souvenir de leur fils sorcier, et donc de ses petits enfants, de leurs mémoires. Peut-être étaient-ils décédés, naturellement ou non...

    Il rendit son briquet à Cendre.

    Je suis allé à un festival de musique moldue, une fois. Avec la moldue avec qui je sortais à l'époque. Elle m'a largué deux semaines plus tard, je crois...
    Ses sourcils se froncèrent, alors qu'il essayait de se souvenir de ce détail. Il n'avait pas vraiment souffert de cette histoire, pas assez pour graver cette date dans sa mémoire.
    Ouais, dans ces eaux là en tout cas, reprit-il. Bref. Un de ses copains avait un briquet comme ça. Et il avait l'air d'y tenir. Il l'a perdu dans la fosse à pogo, et il m'a accusé de l'avoir fait tomber en le bousculant. Il a commencé à vouloir se battre, il a essayé de me pousser. Il a eu l'air bien con quand j'ai pas bougé d'un millimètre

    Il sourit, et secoua la tête.

    J'ai fouillé la boue pour l'aider à le retrouver. J'aurais pu l'invoquer avec ma baguette, mais y'avait des moldus partout. Alors on n'a rien trouvé. Enfin, si. On en a trouvé un autre. Couleur différente, gravures différentes, et le couvercle en moins. Il l'a pris en faisant la tronche, et il continuait de m'accuser. Mon ex se foutait de sa gueule. Elle a dit "attends, il l'a pas fait disparaître comme par magie quand même?" Si elle savait...

    Il haussa les épaules et souffla sur sa tasse, espérant que cette fois, l'infusion ne risquait pas de le vitrifier de l'intérieur.

    En tout cas, si la tisane ne fait pas dormir, peut-être que mes histoires à la con auront un effet!
    Si cette tactique se révélait efficace pour attirer le sommeil, il lui faudrait se remémorer rapidement les anecdotes sans intérêt racontées par ses anciens collègues du club sportif. Ces gens étaient des allégories de l'ennui et de la banalité.
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Jeu 2 Jan - 13:33
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    rhum

    Pendant qu'il étudie le briquet, elle pose ses lèvres sur la faïence et prend une gorgée de tisane. Ça lui réchauffe la gorge. Les fleurs laissent sur ses papilles un goût délicat, un peu boisé. Pour elle, ce n'est pas charentaises et lunettes à double foyer, mais les flammes d'un âtre brûlant et dehors, la neige qui s'obstine à recouvrir le monde. Une infusion pour endormir les enfants, et dans la sienne une giclée de rhum pour faire passer la crève.

    - Rationnelle ?

    Elle opine, n'en dit pas plus. Pas qu'elle ne veuille pas, ce n'est pas un secret. Mais il complète avant qu'elle le fasse.

    Cendre a toujours aimé écouter les histoires. Elle ne sait pas les raconter, et puis les anecdotes des autres ont toujours cette saveur irréelle d'aventure singulière, quand chacune de ses propres anecdotes semble toujours plus ennuyeuse les unes que les autres.
    Une esquisse étire ses lippes quand il commente l'air con du belligérant, le sourire est caché dans les ombres, parce qu'elle est dos au candélabre.
    La morale de l'histoire illustre bien ce qu'elle voulait dire par « rationnel », justement en écho aux pensées moldues.
    Pour eux, le champ des possibles est d'un extraordinaire étriqué. La science explique bien trop peu des phénomènes qui prennent place dans ce monde, et les différentes religions dans lesquelles ils se réfugient n'ont guère plus de sensées explications. Mais c'est plus simple d'attribuer les irrégularités à une entité supérieure que de supposer que le commun des mortels dispose de pareille puissance. C'est plus rassurant.

    Elle aimerait qu'ils aient raison parfois. Ça n'éviterait pas les guerres, les humains, mages ou non-mages, semblent l'avoir ancré dans leurs gênes, ce besoin de dominer dans un domaine ou dans un autre, d'écraser les différences plutôt que de les respecter. Mais ça lui aurait évité, elle, de se sentir plus proche du monstre que de l'homme.

    - En tout cas, si la tisane ne fait pas dormir, peut-être que mes histoires à la con auront un effet !

    - Je te déconseille d'essayer, tu risquerais de passer le reste de la nuit à me raconter ces histoires avant que je m'endorme. Tu t'endormirais certainement avant moi d'ailleurs.

    Cormoran, endormi là, 1m90 inerte à profiter d'un sommeil mérité, quoi que tardif, sa tête basculée sur l'accoudoir et ses cheveux qui taquinent la poussière.

    - Tu ne compteras pas sur moi pour t'emmener au lit. Je te laisserai une couverture, peut-être, mais c'est tout.

    Un « Wingardium Leviosa » réglerait le problème, mais ce serait trop facile, et lui aurait interdit cette répartie. Une malice discrète, la relique d'un caractère qui fut jadis plus jovial. Ne reste en vérité qu'une ironie mordante, quand elle s'autorise un sourire, et cette demi gentillesse qui, selon le point de vue, semble plus rogue qu'aimable.


    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Jeu 2 Jan - 22:42
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    C'est pas dit, ça! rétorqua-t-il.

    Ses pires insomnies s'étaient transformées en nuits blanches. Mais c'était avant son arrivée au domaine. S'il peinait encore à s'endormir -comme cette nuit- parfois, ses cauchemars étaient désormais son principal problème. Ses cauchemars, les nirimages qui peuplaient le Domaine, et la culpabilité qu'il ressentait de leur infliger ses rêves qui provenaient d'une autre culpabilité. Tout cela provoquait d'autres insomnies, refermant le cercle vicieux conçu pour cercler de violet ses yeux fatigués.

    Puis Cendre lui affirma qu'elle le laisserait gisant sur le canapé si d'aventure il s'endormait là. Il haussa les sourcils, dessinant des rides sur son front, et sourit.

    Sérieusement? J'aurais même pas droit à un petit locomotor vite fait?
    D'un geste de la main, son index et son majeur imitant des jambes qui marchent, il illustra son propos. Puis il secoua la tête et ajouta:
    Mais t'as raison en fait. Il paraît que je bave en dormant. Du coup si on me déplace, ça donnera du travail pour rien aux elfes.

    Il resta silencieux un moment, pensant aux dernières personnes qui lui avaient reproché de baver sur son oreiller. En réalité, il n'y en avait qu'une: la fameuse ex petite amie moldue, qui l'avait quitté parce qu'il était trop secret. Son hygiène de vie laissait fortement à désirer, à cette époque. Peut-être avait-il arrêté? Il ne pensait jamais à vérifier son oreiller le matin, pour voir si cette mauvaise habitude avait perduré. Il avait mieux à faire le matin, et surtout, il s'en fichait.

    Mais si tu es nirimage...
    Il hésita. Cormoran ignorait presque tout de cette forme de magie. Pouvait-elle se contrôler? Ou les infortunés nirimages étaient-ils obligés de percevoir tous les songes des rêveurs alentour?
    Tu as déjà du avoir affaire à mes cauchemars. Enfin, si c'est le cas...désolé. Ils sont parfois perturbants
    Il avala une gorgée de tisane. Il espérait que le sommeil vienne enfin, mais redoutait à présent la venue de cauchemars. Tous ces paradoxes n'allaient pas arranger sa situation...
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Sam 4 Jan - 15:10
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    vire au vent


    - Sérieusement? J'aurais même pas droit à un petit locomotor vite fait?

    Cendre secoue la tête négativement pour confirmer son inaction potentielle. Ça a toujours été plus simple de passer pour l'égoïste, au moins ainsi personne n'attend d'elle quoi que ce soit dont elle est incapable. Mais même sans aller jusqu'à justifier ses propos par une sincère idée - qui d'ailleurs ne relève que de l'idée à l'instant, et non pas d'une véritable motivation - de le déplacer pourrait à coup sûr le réveiller. Gâcher un sommeil nécessaire, c'est plus inhumain que d'assumer refuser d'agir, car dans les faits ce serait peut-être bien cette décision qui lui serait, à terme, la plus favorable. Il bavera sur le tapis, voilà tout.

    Cendre prend une nouvelle gorgée. La vapeur lui chatouille le nez, ça lui réchauffe le visage. Les rayons de lune se voilent quand un lourd nuage vient recouvrir le satellite. Cormoran change de sujet, si le thème traite toujours du sommeil, il préfère aux réactions nocturnes les cauchemars, aussi peu glamour, beaucoup plus glauque.
    La sorcière ne cille pas devant son hésitation. Elle ne le coupe pas, ni pour abréger son doute, ni pour l'enjoindre à changer de sujet. Indifférence, comme toujours. Bien qu'elle soupçonne un question personnelle.

    Ça ne manque pas.

    - C'est pas à toi de t'excuser.

    C'est bien la première fois qu'elle l'entend, celle là. Ça lui tire un sourire nerveux. Elle a toujours été la fautive, lui n'est même pas responsable de ce qu'elle lorgnait à ses dépends. Alors c'est la première réponse qui lui vient à l'esprit, refuser ses excuses. Elle ne le rassure qu'après. Car il ne peut que craindre que ce soit arrivé.

    - Pas ici.

    Cendre s'abstient de violer les songes des sorciers qui vivent avec elle. Ou plutôt avec qui elle vit. Elle évite de pénétrer les rêves de qui que ce soit en réalité.

    Elle baisse les yeux sur la tasse qu'elle sert entre ses doigts. Elle devine la chair de ses paumes rougie par la chaleur qui se dégage de la faïence. L'eau de la tisane se trouble quand elle souffle par le nez, imperceptiblement plus fort. Il y en a eu, des rêves perturbants. Tous le sont, dès lors qu'on comprend qu'il ne nous appartiennent pas. Vivre avec cette culpabilité a toujours été plus difficile encore que de voir les démons de chacun de ses voisins de dortoir.

    - Mais à l'école, c'est possible. Je ne contrôlais rien, alors ..

    Alors elle visitait tout le monde. Sans trop savoir derrière quelle porte elle s’immisçait bien souvent. Elle serait incapable de dire si elle eu déjà assisté aux scènes inconscientes jouées par l'esprit du sorcier. Certains la marquaient plus que d'autre. C'était le cas de Chloé. Pour les autres ... Ce n'étaient que les pages déchirées d'un livre qu'elle aurait attrapées au vol, une poignée de feuilles au milieu de milliers d'autres pour des bribes d'histoire sans début ni fin.

    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Lun 6 Jan - 0:08
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    Sa blague sur le sort de déplacement d'objets fit un bide si retentissant qu'il aurait pu réveiller toute la brigade. Enfin, si elle n'avait pas été maudite par les démons de l'insomnie. Cendre semblait du genre pince-sans-rire. A moins qu'elle ne soit exténuée par ses problèmes de sommeil, un peu comme lui. La fatigue n'était pas l'amie du sens de l'humour.

    Elle le rassura, lui disant qu'il n'avait pas à s'excuser de ses cauchemars. Mais il n'en était pas totalement convaincu. Il s'était réveillé tant de matins, tant de nuits, se demandant comment son cerveau avait pu concevoir de telles atrocités. Mais heureusement, elle ne les avait pas perçus. Il s'agissait donc d'une capacité que l'on pouvait contrôler. C'était un soulagement. Et également une évidence, à bien y réfléchir. Si les nirimages absorbaient les rêves comme des éponges, alors il n'existerait pas de nirimage qui ne soit pas fou...
    Je connais mal la magie des rêves, dit-il en reposant sa tasse vide. Je sais juste que tu avais vu ceux de Chloé, puisqu'elle m'en avait parlé. Mais...c'est un peu tout
    Il ne se souvenait plus du rêve que sa jeune soeur lui avait raconté. Il ne devait pas être très passionnant, un peu comme tous les rêves qu'on raconte.
    Ca devait être assez horrible à vivre, quand tu étais jeune et que tu ne contrôlais pas ta capacité
    Il bâilla, espérant que ce bâillement soit celui qui ferait comprendre à son corps qu'il était temps de se mettre en sommeil.
    Ma soeur, tu te souviens du rêve que tu avais intercepté?
    Il regretta sa question. La réponse ne lui apporterait que des regrets supplémentaires, et d'autres troubles pour ses nuits. Il soupira, baissant les yeux.
    Non, en fait, ne dis rien. C'est...trop tard, de toute façon. J'ai raté mon occasion de l'aider
    Chloé avait toujours été leur protégée, à Anne et lui. Est-ce qu'Anne s'était torturé l'esprit, comme lui, quand elle était parmi son groupe de résistants? Avait-elle essayé de la contacter? Etait-ce ce qui avait causé sa perte?
    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
    Mer 8 Jan - 20:02
    Cendre
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    chatoyant

    Cendre boit lentement. Peut-être parce qu'elle n'a pas spécialement soif, ou alors parce qu'elle préfère profiter de la chaleur qui se dégage de la tasse plutôt que de celle de la boisson. Il en reste les trois quart, alors que face à elle, Cormoran l'a terminée. Il doit en rester suffisamment dans la théière pour qu'il puisse se resservir, s'il le souhaite.

    - Ca devait être assez horrible à vivre, quand tu étais jeune et que tu ne contrôlais pas ta capacité.

    Elle pince les lèvres un instant. Il vise juste. Par chance dans cette semi-obscurité, elle peut se permettre ce qu'elle veut, elle doute qu'il remarque grand chose. Et quand bien même le ferait-il, il ne s'agirait certainement plus de soupçons que de véritables constats. Si ce n'est pas un secret, qu'elle aurait donné le ciel pour ce débarrasser de cette malédiction, elle ne souhaite néanmoins pas s'étendre en lamentations.
    Il y a eu d'agréables instants, elle ne peut pas le nier. Avant d'être spectatrice des cauchemars, elle l'était de rêves. Des rêves fantasmagoriques, peuplés de créatures fantastiques, des merveilles qui couraient jusqu'à l'horizon. Des focifères qui étendaient leurs ailes, spectaculaires plumées de fushia, d'ocre ou d'impérial, perchés sur une branche au dessus de sa tête. Des petits boursoufs, pelucheux, qui se réfugiaient dans le creux de ses bras, et de majestueux oiseaux tonnerres qui fendaient la voûte céleste de leurs quatre paires d'ailes immenses. Les songes de son frère étaient remplis de bêtes toutes plus extraordinaires les unes que les autres, et elle aimait en découvrir sans cesse de nouvelles. Son propre imaginaire n'était pas si fertile, ni à l'époque, ni aujourd'hui.

    - Ma soeur, tu te souviens du rêve que tu avais intercepté?

    Elle pourrait répondre. Elle allait le faire, avant qu'il ne se ravise, car elle s'en souvient assez nettement. Le subconscient de Chloé était peuplé de lunes pleines, de métamorphoses involontaires, de crocs, de sang. Elle craignait les loups-garous, mais Cendre ne sut jamais pourquoi. Une mauvaise expérience, une appréhension viscérale, ou un secret caché, peut-être. La cadette de l'enrôlé n'avait jamais rien dit, et elle même avait cessé d'insister.

    - Connaître ses cauchemars ne t'aurai pas permis de lui venir en aide..

    Il aurait plutôt fallu connaître ses aspirations.
    Cendre retient sa langue de formuler cette conclusion. L'idée est de le déculpabiliser, pas de l'enfoncer. Elle a quand même la sensation de s'y prendre comme un manche, comme toujours. Alors il y a cet instant hors du temps, où elle sait qu'il faudrait qu'elle fasse un geste, mais qu'elle est incapable de déterminer lequel, les secondes qui s'égrènent ont l'air de minutes entières face à ce dilemme qu'elle n'a jamais su résoudre.

    - Tu pourras pas changer le passé à force de culpabiliser. ...  Ne te détruis pas.

    Re: Sous l'oeil d'un satellite [Cormoran | Cendre ]
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