Sycomore grimace, visiblement très contrarié. Cette histoire de sorbetière est en train de prendre des proportions démesurées et dans un sens, ça lui va bien. Le fil de sa pensée est compliquée à suivre pour Aubépine qui le connaît pourtant presque sur les bout des doigts alors pour une novice en psychologie sycomoresque, n’en parlons pas. Elle est forcément importante , cette sorbetière, c’est un rouage essentiel de la mission «Nourrir Aubépine» et par extension «Nourrir les Occamys vu qu’ils ont accès au frigo tant qu’on y est.» Enfin, en tout cas, c’est devenu une rouage essentiel vu qu’avant ce n’était pas un rouage tout court. Avec cette sorbetière, le champ des possibilités s’en trouvé décuplé. Glace, Sorbet , Granité … Non, puis c’est un très bon plan les granités, ça se boit et c’est ultra sucré , donc adieu les crises d’hypoglycémie d’Aubépine-le-sucre-c’est-le-mal. De là à ce qu’on lui fournisse un modèle plus élevé que le premier pris, il y aurait en plus moyen de détourner la machine de son usage pour d’autres aventures culinaires et en plus , la machine bosserait toute seule , donc cela signifiait qu’il pouvait la lancer, s’endormir dans un fauteuil ou dans son lit et récupéré le résultat en se levant le lendemain avant les cours. Des dizaines et des dizaines possibilités , on vous dit. Mais il n’y a que lui qui semble les voir au vu de la tête de Cormoran qui ne semble pas plus emballé que ça au futur remplissage du congélateur par des sorbets aux fruits et des glaces au chocolats. C’est vraiment pas possible d’être aussi peu concerné , ma parole. Deux questions, deux questions de trop et Sycomore le montre ostensiblement en levant les yeux au ciel. Là, brusquement, il quittait ses airs de garçon trop sérieux pour des airs de gamins beaucoup trop enthousiaste.

«Tu vois des prises quelque part ? Non parce que la sorbetière , ça ne marche pas à la vapeur ou manuellement, il faut donc la faire venir de l’extérieur et l’ensorceler pour la rendre utilisable ici. Ensorceler un tourne disque, c’est dans mes cordes, le mécanisme est assez simple mais le sorbetière , ça fait trop de circuit imprimé et ça nécessite beaucoup plus d’énergie pour la faire fonctionner. Qui d’autre que le type spécialisé dans les artefacts pour le faire ?»

Sycomore tapote nerveusement, consulte quelques pages en arrière de son carnet comme à la recherche d’informations.

«Je dors pendant toutes les parties théoriques de son cours, je sais qu’il l’a remarqué donc il doit me prendre pour le dernier des débiles et j’ai presque 99,8% de chance qu’il refuse. Toi, tu as une bonne tête; le taux d’acceptation potentiels devrait en tout cas être plus élevé , toujours plus que 0,02% en tout cas. Cependant, pour maximiser mes chances, il faudrait que tu n’y ailles pas les mains vides. On part de l’observation qu’Odyseus est probablement de culture grecque , à cause du pseudonyme certes mais justement parce que d’autres langues auraient plus facilement la translittération latines d’Ulysse plutôt qu’Odysseus qui est tombée assez vite en désuétude dans le langage courant. Il faut donc un gateau grec . Le portokalopita sera une bonne alternative mais cela veut dire que j’arrive à obtenir de la pate filo. Je doute en obtenir de la toute prête parce que ça ne doit pas être dans les ingrédients habituels des elfes donc il va falloir que je la fasse. Il faudra aussi attendre le bon moment pour obtenir des orange de bonne qualité. Donc idéalement, il faudra que j’y passe mon dimanche. Donc tu me gardes ton dimanche en fin d’après midi pour porter le gâteau et la requête argumentée. Au pire, je peux faire un donnant donnant avec Vyasa pour qu’il appuie la demande en échange d’un plat. Il sera plus facile corruptible, il a déjà goûté»

Ou comment tenir une partie des habitants par leur estomac.

On avait officiellement perdu Sycomore , obnubilé par cette histoire de sorbetière. Le domaine aurait pu s’écrouler, les mangemorts attaquer le domaine, sa soeur se faire prendre en otage, quand il avait une idée en tête , il était proprement et simplement impossible de l’en faire démordre. Cormoran pouvait cependant s’avérer chanceux. Ce n’était qu’une sorbetière et la solution au «problème» posé était somme toute assez simple et accessible. Aubépine pourrait conter avec masse d’exemples des fois où cette idée fixe avait failli causer de gros problèmes et une pause totale dans toutes les activités autre que celles dédiées à la résolution du problème, problème qui pouvait s’avérer insolvable ou en tout cas dont la solution était recherchée sans succès par des scientifiques depuis, allez, au pif, une centaine d’année au bas mots. Et c’est probablement ce problème sur ces idées fixes que les instructeurs et autres têtes pensantes du Domaine pensaient pouvoir se servir pour avoir un Sycomore à pleins régimes, un peu difficile à suivre mais qui cherche une solution au problème à n’importe quel prix et qui établirait des stratégies pour atteindre ce but. La remarque sur Vyasa fut répondu du tac au tac.

«Tu n’as pas idées ce qu’on peut obtenir avec des pelmenis dignes de ce nom.»

Bon, en vrai, Vyasa , c’était vraiment le dernier recours si le gâteau et Cormoran ne passait pas. Il ne comptait pas non plus utiliser cette carte là trop vite surtout que , malgré ce qu’il montrait, il n’était pas si sûr du résultat que ça. Il ne voulait pas perdre la face devant son comparse alors autant grossir le trait . On verra la suite ensuite. Il tournait en rond comme un lion en cage, tentant de se remémorer la recette du dit gâteau, espérant la trouver au cas où dans ses livres de recettes. Autant la pâte filo, alias la feuille de brick, il avait eu déjà l’occasion d’en faire ici, autant ce gâteau, il ne l’avait qu’une fois ou deux en hiver pour varier de dessert avec Aubépine pendant des périodes d’examens. Comoran reprend la parole, Sycomore lève un sourcil circonspect. Magie. Il grimace. Il a toujours été mitigé sur la magie de cuisine. Certaines sauces s’avéraient plus simple et meilleures réalisées en un tour de baguette , d’autres plats réalisés avec une baguette osait la comparaison avec les plats préparés industriels moldus. Et la glace en fait partie.

«L’avantage de la sorbetière, c’est que les réglages sont déjà fait. On pourra reproduire le phénomène magiquement mais cela signifiera des tests . Il n’était pas déjà prévu que je cuisine ici alors je doute que la Direction me laisse utiliser cent litre de crème, un quintal de sucre et la production annuelle d’un verger de cinq hectare afin de trouver les bons dosages et la bonne vitesse pour le fouet ainsi que la bonne température du frigo afin de réaliser le dosage et la préparation convenable voir parfaite. Sans oublier que j’aurais besoin d’un cobaye et que comme c’est toi qui a proposé l’idée , hein … Je compte sur toi ?»

Moqueur et aigre, il lui fait un grand sourire sarcastique qui veut tout dire. Puis le masque revient, Sycomore se referme d’un coup, reprenant place avant son carnet. L’instant de folie est passé, il retourne à son esprit cartésien et à ses idées. Comme dit plus tôt, il ne pourrait s’occuper du gâteau nécessaire à l’opération future avant dimanche matin alors l’idée aurait le droit à une courte pause pour permettre la préparation du plan en bonne et due forme.

«Tu ne devais pas aller dormir ?»

La réflexion par l’absurde ne semblait pas avoir fonctionné auprès de Cormoran qui avait pris les expérimentations possibles pour obtenir la recette parfaite de glace comme une réalité future et possible. Déjà que la cuisine au Domaine était une activité un peu limite alors si en plus il se lançait dans les expérimentations … Il n’était pas bien sûr que les têtes pensantes du Domaine soit d’accord , surtout si ça se faisait au détriment des cours. Ils n’étaient pas là pour tenir un stand de crêpe ou un restaurant, ni pour perfectionner une quelconque expérience culinaire magique. Ils étaient là pour apprendre à se battre , apprendre à contrer un pouvoir qu’ils pensaient mauvais. Apprendre à résister en somme. Quand aux livres de la cuisine … Sycomore jette un regard entendu et outré à Cormoran , signifiant qu’il a probablement fouillé le rayon en question, peu important (parce qui , à part lui , aurait besoin d’un tel rayon ici)  en long, large , travers et transversal, qu’il en connaît le moindre ouvrage maintenant et qu’aucun des titres ne parles d’art glacier ou de sorbetière magique. Non, vraiment, il était plus sûr de demander la sorbetière modifiée à Odysseus que d’espérer voir apparaître un ouvrage à cet effet dans la bibliothèque. D’ailleurs, il doutait que les sorciers ait un jour consacré un grimoire culinaire aux glaces, autre que les glaces à la citrouille. Ce n’était pas vraiment présent dans un régime alimentaire sorcier, les glaces.

Le manque de sommeil. Sycomore soupire .Qui n’en souffre pas ici finalement ? Il y a certes lui qui est le plus voyant des atteins de l’insomnie mais il pense qu’il en existe beaucoup d’autres. On ne rejoint pas le domaine en allant bien, en étant en sécurité et l’insomnie est probablement l’un des symptômes les plus communs de ce mal être. On craint tous . On est tous sur nos gardes. Ici la sécurité est illusoire. Sycomore ferme les yeux, se souvient. S’il a décidé de combattre l’anorexie de sa soeur, elle s’est décidé à vaincre ses soucis de sommeil par diverse attention . Dont une. Il ne sait pas trop où elle l’a trouvé, elle est très mauvaise en potion. Peut être un coup du chevalier à la charette. En attendant, elle dort au fond d’un tiroir et il ne s’en servira jamais. Autant qu’elle soit utile à quelqu’un d’autre. Brusquement, Sycomore se redresse et s’absente un moment, revenant avec une jolie petit fiole à la teinte ambrée , dont la cire n’a pas été descellée . Il la pose devant Cormoran avant de retourner s’asseoir.

«Potion de Sommeil. On m’en a donné. Je ne la prendrais pas , c’est un coup à s’accoutumer et à ne plus réussir à dormir sans. Et je ne veux pas. Elle te sera sûrement bien plus utile à toi qu’à moi.»

Il laisse un silence passer , un long silence où il reprend sa prise de note, sa réflexion, laisse son cerveau vagabonder au milieu des idées et des théories, il creuse en silence, réfléchit, compile ce qu’il a lu la veille et l’avant veille. Ce n’est pas la présence d’un étranger qui l’empêchera d’être lui.

«Et puis, tu peux toujours prendre un des plats du frigidaire. Ils sont là pour ça.  Je ne sais pas du tout à quoi ressemble nos réserves en matière de tisanes, je ne les utilise pas . Quand à la balade, c’est un coup à tomber sur une fleur de Péon. A tes risques et périls bien sûrs. Le monde de la nuit du Domaine est étrange. Entre chat et chouette, fleur et visiteur nocturne. Mais qui serais-je pour t’en empêcher, après tout. Au vu de mon rapport avec ce moment de la journée.»

Il y avait finalement une pointe d’égoïsme dans les actions de Sycomore. Il partait d’un constat assez simple. Cormoran était là par obligation, sinon, il serait dans son lit depuis des heures. Une fois ses besoins contentés, il quitterait la pièce et le laisserait à ses carnets, ses théories, ses démonstrations et sa chère cuisine, en écoutant son tourne disque et ses airs de musiques classiques, celui qui correspondrait au plat cuisiné ou au travail effectué. Répondre à ses demandes se révélait être ni plus, ni moins , une manière de le mettre poliment mais fermement, en accord avec son habitude de materner son entourage proche. Il fallait dire cet entourage s’était résumé pendant des années à une seule et unique personne et qu’il n’y avait bien qu’au Domaine où il s’était mis à fréquenter les autres par la force des choses et finalement tisser des liens suffisant pour montrer cette facette de sa personnalité. Il fallait dire que ni son éducation ni son paternel n’aurait permis à un tel trait de se manifester chez son fils. On attendait de lui de la force, du mépris et de la domination. Si la première condition, associée avec de la violence physique , s’était révélée plutôt vrai par la force des choses, le reste ne s’était pas manifesté au grand dam de ses éducateurs. Il n’était pas Aubépine, s’il savait ruser pour obtenir une minimum de comportement attendu, il ne savait pas donner le change suffisamment longtemps pour endormir les soupçons. Peut être que c’était pour cela qu’elle était passée entre les gouttes et que lui … Frisson. Sycomore se mord la lèvre. C’est comme parler en image, cela pose une distance, ça offre un rôle et la place privilégié du spectateur. C’est agréable presque, ça détache et ça anime, comme si les événements et les scènes n’étaient plus que ça : des scènes , comme au théâtre, comme dans les contes. Un théâtre dans lequel Cormoran vient de récupérer un rôle qui , il n’en doute pas, lui sierra à ravir. Un sourire, une pensée qui s’envole encore. Un crayon qui s’agite circonspect. Cormoran remercie. Sycomore hausse discrètement les épaules. Bah, autant qu’elle serve, cette potion. Et puis, son absence dans ses affaires lui permettra de prétexter auprès d’Aubépine et des instructeurs que si si, il a bien bu la potion mais voyez, ça ne change rien , il dort quand même le jour. Donc, lâchez le. Il semblerait que l’enrolé souffre d’un problème similaire à en croire sa réponse et sa fuite. Sycomore ne moufte pas, préfère fermer son carnet . S’il part, il va pouvoir sortir ses livres et son matériel pour pouvoir travailler enfin. S’il va continuer à cuisiner …

«Tu trouves que ma soeur a pris le moindre kilo depuis qu’on est ici ?»

Presque contrarié, fâché , pour une raison inconnue. Après tout, Cormoran n’est en rien responsable de la maladie de sa soeur . Qu’est ce qu’il peut bien y faire, hein ? Il redevient neutre , impassible , mais clairement, il a fait comprendre que la question était idiote.

«Bonne soirée . Soit prêt pour dimanche, le gâteau sera dans le frigo et il n’y aura que toi qui pourra l’en sortir.»