Capillotractations

Bon c’est toujours une case où on est pas obligés de rentrer, quelque chose de rassurant. Je hoche la tête avec un sourire de remerciement et je reprends ma lecture.

Quand je lui demande ce qu’elle compte en faire, le nom que pointe la baguette s’illumine d’argent, mais je suis pas sûre de ce que c’est censé signifier. C’est de moi qu’elle parle, toute blanche que je suis ? Elle est pas beaucoup plus foncée. Odysseus a même l’air suffisamment intéressé par le phénomène pour y jeter un œil de lui-même, et même poser une question sans que j’en aie posé une avant – champagne !

"C’est pas la question." Je change légèrement de position pour les avoir les deux face à moi, l’homme et sa baguette, et je m’adresse à l’artisan. "La question c’est que c’est peut-être la baguette qui choisit son sorcier comme vous dites, mais jusqu’à preuve du contraire c’est encore le sorcier qui décide du reste. Alors si elle veut se choisir un surnom elle aussi moi j’ai rien contre – si ça vous pose pas de problème avec les listes –, mais c’est pas ce que je comprends de son attitude. Et le mien, de pseudonyme, c’est moi qui choisis."

Ce dernier point est clairement destiné à Choupette qui reste accrochée au parchemin et au nom argenté comme si sa vie en dépendait. Est-ce que c’est vivant au fait, une baguette ? Vaste question à laquelle j'ai pas la moindre envie de répondre. Je la regarde droit dans la gravure et je parle posément mais avec tout le sérieux que j'arrive à rassembler.

"J’ai pris ta suggestion en compte, maintenant tu vas lâcher ce parchemin et me laisser finir ma lecture tranquille. Ou je te jure, sur les jupons de Vivianne, que je prendrai un autre nom."

Quand on a la maturité d'un enfant de cinq ans comme, visiblement, Choupette, ça peut marcher.

Evidemment. C’est toujours une question de principe dans le discours et une question de préférence dans les faits. Si elle aimait le nom choisi, elle aurait capitulé. A moins qu’elle n’ait vraiment un esprit de contradiction fortement ancré. Les Selkies semblaient être de fortes têtes. Boudica aurait du fil à retordre mais elle semblait capable de gérer parfaitement ce genre de choses. J’étais soulagé, moi, de ne pas avoir à m’en occuper. Même si Lion, Corneille, et d’autres n’étaient pas non plus des esprits faciles. Après tout, ils étaient rebelles dans l’âme. Mais étaient-ils obligés d’être aussi violents, aussi catégorique dans leurs discours, aussi…explosifs. Je soupirais, la regardant à présent entrer dans un combat de volonté avec l’artefact. Si cela se prolongeait trop longtemps, il faudrait que je me résigne à proposer un autre accord. Et pourtant je croyais à celui-ci. On a la baguette que l’on mérite. Caprice contre caprice, l’un des deux devrait bientôt céder.

Du chantage maintenant. Mâtiné de menaces. La baguette lança des étincelles rouges de protestation, lâcha la feuille et son beau liseret argenté. Clairement, elle boudait. Il n’y avait plus aucun flux magique qui en sortaient. J’attrapais une boite avec d’autres choix à proposer. Je ne pouvais pas, c’était très clair, proposer à une enfant une arme qui pouvait lui faire faux bond en plein milieu d’un combat. Ce serait du meurtre et j’avais bien assez de morts sur la conscience pour ne pas en vouloir davantage si je pouvais l’éviter. D’un geste, je posais donc une demi-douzaine d’artefacts sur le comptoir, juste à côté de la feuille…

Ben voilà, suffisait de demander gentiment. A peu près. Demander dans une langue qu’elle était capable de comprendre en tout cas.

"Merci Choupette." je réponds donc gentiment à la baguette, comme si elle venait pas de m’envoyer un feu d’artifice à la gueule avant d’obéir enfin. Pour un peu je l’aurais entendue couiner comme un jouet pour chien pas content ou un gamin qui se met à pleurer pour avoir son caprice.

Je reprends donc ma lecture, mais j’ai bien noté que quelques kilomètres plus haut Odysseus était pas très content de la tournure des choses et allait farfouiller je ne sais où. Ben quoi, j’ai jamais prétendu que j’avais le même sens de l’humour douteux que cette baguette. Du coin de l’œil j’en vois d’autres atterrir à côté de moi et je lève un œil vers les siens, loin là-haut.

"Je croyais que c’était réglé." je commente, très neutre, sans un mot plus haut que l’autre, comme si je m’en foutais.

Sauf que bien sûr je m’en fous pas. D’un côté elle ou une autre oui je m’en fous parce que ça sera jamais la mienne, mais de l’autre j’ai l’impression de me prendre une gifle. Echec. Déjà. Alors je cache ça derrière un œil blasé et une voix neutre. Ce qui est sûr, c’est que s’il croit que ça marchera mieux avec une autre, lui aussi il va finir par faire des étincelles rouges.

Choupette aussi je crois qu’elle est pas contente, parce que d’un coup je vois un filet de fumée s’élever de sa pointe. Du dos de la main je touche vite l’autre extrémité, elle est à température ambiante alors je la prends rapidement. D’un geste, je la pointe au plafond, veillant à ce qu’au passage elle ne pointe rien d’important : ni baguettes, ni Odysseus, ni moi. Faudrait pas qu’elle mette le feu au comptoir ou à ses… rivales, je suppose ? Et je la regarde à nouveau dans la gravure, sauf que cette fois au lieu d’être juste vaguement agacée je commence à en avoir légèrement ras le bol.

"On va se calmer, d’accord ? Ca va bien cinq minutes les caprices. T’as quel âge ?" Ptet deux heures pour ce que j’en sais, on s’en fout. "Tu crois que c’est comme ça qu’on va écraser les mages noirs ? En faisant des étincelles et de la fumée et en agressant ses copines ?" Je sais pas si elle a compris mais je vois pas de changement. Je suppose que ça veut dire qu’elle va pas nous agresser tout de suite au moins. "Toi et moi on a choisi, maintenant on est là, on assume. Et on fait au mieux."

M’étonnerait qu’y ait un train retour t’façon alors faudra bien.

Elle s’interroge. Je la regarde. Rien n’est jamais réglé. Si l’accord n’est pas possible il faut bien, finalement, trouver une autre solution. Ce n’est pas toujours parce que l’on s’aime que l’on reste ensemble. Il faut être fait l’un pour l’autre. Etre compatible. Si l’amour était suffisant, les divorces ne sépareraient pas 50% des mariages occidentaux. Et puis elle n’a pas l’air de s’en plaindre, qui plus est, à peine la princesse est-elle ennuyée d’avoir encore à travailler alors qu’elle pensait la discussion close. Le sujet…réglé pour prendre ses propres termes. Soudain, un filet de fumée sort de la baguette, beaucoup plus expressive que la demi-vélane…et cela semble réveiller cette dernière. Le discours est catégorique, un poil méprisant sur les bords – la baguette n’a d’ailleurs absolument pas l’air d’apprécier qu’on lui parle ainsi. Mais ce qui se dit est rassurant. D’abord, la jalousie de l’artefact montre que le lien est déjà créé. Bonne nouvelle. J’en doutais. A terme, la jeune femme apprendrait à se fier aux intuitions de l’instrument au lieu de faire systématiquement l’inverse. A vingt ans ne sont-ils pas sensés être sortis de l’adolescence ? Je me souviens de mes vingt ans. J’étais jeune. Très bête. Au fond, ce sont toujours des enfants, des gamins que l’on a volé à leur confort pour les jeter dans un univers où tout est différent. Oui, ils sont volontaires mais combien savent réellement ce qui est attendu d’eux ? Je les plains. Parce qu’ils ont eu un choix que nous n’avons pas eu. Qu’ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-même. Qu’ils ont quitté quelque chose. Et qu’on leur prend le reste. Le monde est à ce prix, je l’ai accepté, eux aussi. Il n’empêche. Petit à petit, la fumée se dissipe et les choses redeviennent normales. Je range les alternatives.

« Quel nom voulait-elle que vous preniez ? » demande-je, vaguement curieux, plus pour recadrer le débat que par réel intérêt. Personne ne peut entrer pendant que je suis en appareillage mais je n’aimerais pas, en rouvrant, voir une file d’adolescents surexcités par la perte de leur baguette me foncer dessus. Et puis j’ai encore quelques gravures à faire et j’aimerais assez retrouver mon espace, merci bien. « Pourquoi ne vous convient-il pas et quel autre nom vous attirerait ? » Voilà qui devrait soit la forcer à exprimer ce qu’elle ressent, soit la mettre face à ses caprices, selon ce qu’il se passe pour de vrai dans cette belle tête trop bien faite. Peut-être est-ce plus profond qu’un simple « j’aime pas ». Peut-être pas. Je ne crois pas qu’il y ait « Vélane » dans la liste. Ils avaient évité les créatures magiques, puisqu’il s’agissait des noms de brigades. Quelque part, tant mieux. Ce n’était pas une discussion que j’avais envie d’avoir.

Booon. Choupette se calme, les autres baguettes disparaissent, j’inspire longuement. La menace est passée. Pour l’instant. On va peut-être finir par arriver à quelque ch… ah non. Je vais taper quelqu’un. Mais c’est pas bien. Et pas malin. Et pas bon pour la survie. Alors j’implore mentalement toutes les puissances célestes bulgarophones pour que le premier sort de Choupette, hors initiatives douteuses, ne soit pas un Stupéfix ou quelque chose d’encore pire. Je la pose, d’ailleurs, avec une délicatesse un brin exagérée, pour être encore plus sûre de pas en arriver là. Parce que les puissances célestes, hein, elles ont pas été très efficaces jusqu’à présent dans ma vie.

C’est donc un regard très neutre encore une fois que je lève vers Odysseus.

"J’ai rien contre. Je voudrais juste finir de lire cette" putain de "liste et voir si je trouve quelque chose qui me parle davantage. C’est moi qui vais le porter alors puisqu’on me laisse le choix, je vais pas le refuser."

Et c’est sans avoir répondu à la première question que je me replonge dans la fin de la liste. Sans trouver mieux au demeurant. Pas de Lune, pas de Neige, pas de Cristal ou de Diamant, même pas de Lys ou de Cygne. Pas de Vélane non plus et c’est bien pour eux. Le reste me parle pas particulièrement.

Reste juste un tout petit, minuscule problème.

"Par contre vous allez peut-être pouvoir éclairer ma lanterne." Encore. Je regarde la liste, les lèvres pincées, avant de relever les yeux, mortellement sérieuse. "C’est quoi une pivoine ?"

Je sais même pas si c’est masculin ou féminin. Je sais encore moins si c’est un arbre, une plante, une fleur, une moisissure. Et j'ai pas la moindre foutue idée d'à quoi ça peut bien ressembler.

Elle ne répond pas à ma question. Elle n’a pas envie de prononcer ce nom et je ne peux l’en blâmer. Elle est prudente et semble avoir compris le pouvoir des mots dans notre monde magique. Je ne la relance pas. Je comprends qu’elle agit ainsi par principe, comme pour tenter de regagner un peu de contrôle sur sa vie. Elle n’a pas encore compris qu’on en a jamais, que ce n’est qu’une illusion et que même les choix que l’ont croit faire sont portés par quelque chose de plus fort. De plus grand. La baguette à choisi mais si elle avait eu un total libre arbitre, aurait-elle vraiment décidé de se lier à la jeune femme ? N’aurait-elle pas préféré rester dans son arbre, sur son basilic, ou bien se planter elle-même et faire ses propres magies ? Je l’ignore, je ne pense pas qu’elles aient de pensées aussi construites ou conscientes. Plus que choisir, finalement, elles reconnaissent une compatibilité. J’aurais été de ceux qui auraient apprécié voir leur nom décidé…entre guillemets, plutôt mis en avant finalement – par quelque chose d’aussi sensible à l’importance de choisir bien, de trouver ce qui nous correspond. Je la laisse donc finir, choisir puisque c’est ce qu’elle veut, sans la regarder ni l’attendre pour quelle ne ressente aucune pression de ma part. Au moins, elle a repris la recherche. Je ne lève les yeux – enfin ne les baisse – sur elle que lorsqu’elle reprend la parole. Et souris un peu.

« C’est une fleur. Ouverte, elle fait la taille de ma paume, le volume de mon poing. Ses pétales sont nombreux et fripés, protégeant un cœur peu visible. Elle est blanche ou de différentes nuances de rose rappelant facilement la carnation des joues des jeunes filles. Le nom vient du grec et signifie « propre à guérir » car elles ont beaucoup de propriétés médicinales. Elle est commune et assez répandue de l’Europe au Moyen-Orient. A l’antiquité, il ne fallait les cueillir qu’après la tombée de la nuit pour éviter que le Pivert protecteur ne s’attaque à vos yeux. »

J’attrapais une feuille de papier avec laquelle je commençais une rose en origami. Il me fallut un peu de temps pour la transformer en pivoine de soie, aux couleurs naturelles et aux pétales rappelant la carnation si pâle de la demi-vélane. Je la lui tendis. « Voilà une pivoine qui ne fanera pas. »

J’apprécie l’espace qu’il me laisse. La baguette aussi reste tranquille, ça fait du bien après les dernières minutes. Il faut bien que je demande pourtant, je vais pas prendre un nom sans savoir ce qu’il est censé désigner. Avant que j’aie pu décider s’il y avait de la condescendance, de l’amusement ou je sais pas quoi d’autre dans le sourire, il m’explique sans se moquer de moi et je me détends un peu face aux phrases sorties d’une encyclopédie. Ca m’avance pas beaucoup pour savoir à quoi ça ressemble, j’imagine un genre de grosse rose blanche. De ce qu’il dit ça serait plutôt approprié pour un guérisseur que pour moi, mais au moins c’est blanc. Et puis j’ai pas trouvé mieux. Quelques minutes de réflexion peut-être encore…

Je le regarde prendre une feuille et commencer à la plier. Qu’est-ce qu’il fait maintenant ? Il continue en silence, je suis les mouvements de ses doigts. Je sais pas à quoi c’est censé ressembler pour l’instant mais il sait clairement ce qu’il fait. C’est beau de savoir faire des choses comme ça.

Et puis d’un coup sur la fin ça se met à ressembler à une fleur ivoire et je trouve ça joli. Et puis elle se retrouve sous mon nez. Je louche pas mais j’ai quand même les sourcils qui montent tous seuls.

"…merci ?"

Y a une arnaque quelque part non ? On dirait pas, pourtant, alors après quelques secondes à les dévisager lui et sa main je la prends du bout des doigts, un peu gauche. J’effleure la main au passage, en fait je pense qu’on pourrait même dire que je la touche franchement (les mauvaises langues pourraient presque parler de tripotage) mais eh, pour une fois je fais pas exprès. Ca peut paraître bizarre mais j’ai pas l’habitude qu’on m’offre des fleurs sans une intention très claire que je perçois absolument pas chez lui.

"Elle est très belle."

Je sais pas ce que je vais en faire mais elle est définitivement très belle. Peut-être une barrette. Ca ressortirait pas du tout sur mes cheveux mais après tout pourquoi pas, si je m’habille en blanc ça peut suffire à me faire passer pour un fantôme. Elle a l’air trop fragile pour une broche, sinon peut-être si j’ai un petit coin à moi, un tout petit coin… je pourrais l’y poser ?

"Va pour Pivoine alors je suppose."

De rien. Je ne le prononce pas mais le pense si fort qu’elle doit sûrement l’entendre. Mon visage est expressif et je ne sais ps lui donner l’impassibilité que j’aurais aimé dégager aussi, vu comme elle m’observe, puis qu’elle observe la fleur, puis qu’elle m’observe, je pense qu’elle comprendra le sens de mon silence. Elle prend finalement le présent et si nos doigts s’effleurent, je n’en déduis rien. Je suis un manuel, j’ai l’habitude de traiter mes mains comme un outil, je n’y vois que rarement malice et cela faisait souvent rire ma femme lorsque je guidais ses gestes – ou ceux de ma fille – pour montrer au corps la perfection d’un geste à répéter. J’aimais la voir rire. La voir en colère. La voir passionnée, violente, colorée, vivante. C’est pour cela que je n’ai jamais voulu voir son corps, pour garder d’elle l’image d’une femme en mouvement, remplie de vie, de sang, de couleurs et de bruits. Le compliment fait alors un drôle de son. Il na pas la bonne voix et me ramène au présent et à l’enfant devant moi, si pâle et si pleine de destructivité. Je hoche la tête pour la remercier à mon tour et m’éloigne alors qu’elle choisit – enfin – son nom. Tout ça pour ça. Bien.

Le mot sur la liste se barre de lui-même. Je sais, parce que j’ai enchanté le système, que ce nom sera noté partout à la place de la véritable identité de la jeune femme. Seuls Monsieur le Directeur et Jean-Smeagol auront connaissance de son passé. Pour le reste, nous serons obligés de nous en tenir à ce qu’elle nous dira. Et de décider si nous voulons la croire ou non. Je hausse les épaules, notant dans mon registre personnel la baguette qui a choisi Miss Pivoine. Entre parenthèse, je précise « choupette ». On ne sait jamais que l’artefact décide de répondre à ce nom. Après tout, la baguette de Serpentard refusait d’agir contre ceux leur parlant fourchelang alors…

J’inspire.

« C’est parfait, Pivoine. Vous pouvez récupérer vos affaires, un elfe vous conduira vers la salle ronde pour la dernière signature. Si vous désirez un étui ou un mécanisme pour la ranger contre votre bras, à votre ceinture ou autre, vous me trouverez dans les parages tous les soirs après diner jusqu’au début des cours. Je vous souhaite une bonne installation et espère que vous vous ferez à la vie parmi nous. »

Il a l’air étonnamment touché par le compliment. J’aurais cru qu’il en avait plus que ça, vu ce qu’il fait et qui est quand même superbe, qu’on apprécie ou non le caractère de ses enfants de bois et de papier, n’est-ce pas Choupette.

Choupette qui me lâche un "nananèreuh" sous forme d’étincelles argentées, d’ailleurs, quand le nom se barre tout seul. A moins qu’elle soit juste contente. En tout cas ça y est, c’est fait. Me voici donc Pivoine jusqu’à… je sais pas quand. Longtemps, pour justifier tout ce bazar. C’est pas le plus bizarre de la journée, ça reste euh… gérable, je suppose. Il reste plus que le pacte qui vole l’âme et puis c’est bon, ça ira jusqu’à demain, merci.

La fleur est vraiment jolie, je me demande où je vais la mettre. La garder en main me semble un peu ridicule, en plus ça risque de l’abîmer, mais la mettre dans mon sac risque de l’abîmer encore plus alors je sais pas. Je la dépose sur la table le temps de remettre mon sac confortablement, puis je la prends en coupe dans une main, Choupette bien tenue dans l’autre. Reste sage toi hein. Manquerait plus qu’ils imaginent que j’essaie d’attaquer quelqu’un alors que cette gourde fait des étincelles en guise de salutation ou je ne sais quelle autre idée tordue issue de son "humour" douteux.

Quand il parle des étuis à baguette je demanderais bien "pourquoi pas s’en occuper tout de suite ?", si j’avais la moindre idée de ce que je pourrais vouloir. On avait pas d’étui au bras, la faute aux manches courtes, mais à voir selon le climat d’ici… qui a déjà l’air sacrément froid d’après le temps que j’ai passé dehors en venant… ça pourrait être intéressant. Toujours plus que de l’avoir dans une poche vu sa tendance à lancer des sorts toute seule, je tiens à mes fesses, merci. Ce qui me retient de parler aussi, c’est le ton soudain beaucoup plus formel qui marque la fin de la discussion, encore plus que ses mots.

"C’est entendu, je vous remercie…" Et c’est seulement là que je me rends compte que j’ai aucune idée de si je dois l’appeler Odysseus, Monsieur, Monsieur Odysseus ou autre chose, alors je hoche la tête en lui envoyant un sourire, un vrai, joli et tout. "…merci pour tout." je répète avant de prendre le chemin de la porte, pas certaine d’être aussi contente que j’en ai l’air, mais pas fâchée d’avoir évité des catastrophes.