C'était presque facile d'oublier ses idées noires à l'extérieur, dans la prairie peuplée de toutes ces créatures - y compris celles qui friment avec leurs ailes - dans la forêt à l'abri sous les cimes qui tamisent la lumière du Soleil ou encore près du lac à troubler l'onde paisible à coups de cailloux à ricochets. Cormoran avait profité de cette matinée libre pour tenter de faire un sort à ses propres idées sombres. Elles lui empoisonnaient l'existence depuis le bal, il était temps qu'elles récoltent la monnaie de leur pièce.

Alors il était sorti du bâtiment Occamy dans sa tenue de sport, les cheveux bien attachés et le visage rasé de près. Sa déprime avait distrait son esprit des routines d'hygiène quotidiennes comme le rasage et les coups de brosse dans sa tignasse. Il avait remédié à cela ce matin pensant que cela l'aiderait à retrouver des forces. Le Soleil était levé depuis peu quand il était parti marcher un peu dans la prairie, d'abord sans s'éloigner des bâtiments. Puis il s'était transformé et avait filé plus loin, le temps d'oublier un peu tout ce qui allait de travers. Et étrangement, cela n'avait pas trop mal fonctionné. L'air frais du matin emplissait ses poumons d'odeur de rosée. Le calme n'était troublé que par le chant de quelques oiseaux et les protestations du petit groupe de gnomes qu'il dérangea au détour d'un arbre noueux. Il ne pouvait expliquer comment cela fonctionnait, mais les faits étaient là: tout allait beaucoup mieux quand on piétinait la prairie à coups de sabots.

Mais rien n'estéternel, et Cormoran le cheval noir à la crinière blanche et aux sabots entourés par des franges de crin trotta jusqu'aux bâtiments. Alors qu'il arrivait sur la cour intérieure, il ralentit au pas et chercha du regard les insomniaques de sa brigade. Pas de Cendre, pas de Sycomore, pas de Vyasa. Il n'y avait que le nouveau dans son fauteuil, celui que Monsieur le Doyen avait exhibé à tout le monde, la veille. La fontaine n'avait pas encore gelé, et il lui prit l'envie de boire un peu d'eau. Cependant, on lui avait déjà reproché de salir la cour avec ce qu'il laissait derrière lui lorsqu'il avait cette forme, et de réveiller les dormeurs avec le son de ses sabots. Il soupira, s'ébroua et se transforma.

En deux pas, le quadrupède était redevenu bipède. Cormoran tituba un peu, comme à chaque fois qu'il devait se réhabituer au changement de son nombre de pattes, et se dirigea vers la fontaine où il recueillit de l'eau dans ses mains en coupe. Il en but une gorgée, et s'aspergea le visage avec le reste. La fraîcheur de l'eau lui donna l'envie d'aller voir le lac, mais il n'avait pas encore pris de petit déjeuner. Le lac attendrait l'après-midi. Il allait rester encore un moment ici, dans la cour intérieure, et profiter de la matinée.

Cependant, il y avait quelque chose que l'air frais n'emportait pas avec lui: la sensation d'être observé. Il regarda autour de lui, et croisa le regard appuyé du nouveau qui le fixait. Cormoran l'ignora, pensant qu'il avait mal compris. Quelle raison aurait-il de le fixer ainsi? N'avait-il jamais vu d'animagus avant? C'était possible, après tout. Les gens comme lui n'étaient pas si nombreux que ça, même s'il en avait rencontré deux autres depuis son arrivée au Domaine. Il haussa les épaules et s'assit sur le rebord de la fontaine. Il crut entendre quelqu'un qui sortait du bâtiment Occamy mais le son venait des volières. Il s'était retourné vers la source du bruit et avait croisé à nouveau le regard du nouveau.

Ça va? demanda-t-il presque par réflexe

Il faisait bon ce matin-là. Sitelle était en chemise en coton bien chaude, portant comme d’habitude ses gants de tissu fin, profitant des quelques rayons du soleil qui n’étaient pas encore trop chaud. Le dimanche. Rien de tel qu’un jour où tout le monde se détend et baisse sa garde, pour en apprendre plus. La première chose qui intriguait Sitelle, en observant les différents bâtiments de brigade était cette idée de diviser les résistants en faction. La compétition avait toujours cet aspect d’émulation des troupes, mais, dans la résistance, était-ce vraiment la bonne logique ? Il ne semblait pas y avoir non plus des centaines de membres et la stratégie de division plutôt que de réunion était un aspect intéressant. Quoi qu’elle appartenait certainement à l’ancien directeur, même si le nouveau n’avait pas l’air de remettre en cause ce mode de fonctionnement.

Sortant un petit carnet de sa poche de pantalon, il glissa sa baguette dans l’étui de sa cuisse et nota ses impressions sur les lieux et leurs dispositions. Il avait énormément à découvrir, surtout sur la faune et la flore locale, qu’il avait hâte de découvrir. Ses camarades de brigade ou non pouvait bien attendre, ce matin, il avait en tête d’étudier la magie de cet endroit. Ayant toujours vécu en ville, se retrouver à la cambrousse était quelque chose de fascinant. Tandis qu’il s’apprêtait à s’avancer, en accord avec son fauteuil dont il sentait qu’il avait envie de se dégourdir les roues, tant il le secouait doucement, Sitelle remarqua l’arrivée d’un cheval. Curieux. Il y avait des animaux en liberté par ici ou celui-ci était-il domestiqué ? L’idée de faire un tour à cheval lui plaisait assez pour la suite, surtout si son fauteuil était bloqué à certains obstacles. Ce fut donc avec une grande déception que Sitelle observa le cheval devenir humain. Ayant fait comme tout sorcier ses études, il connaissait le phénomène, mais le voir, était quand même fascinant. Il se rappela l’avoir vu dans son bâtiment de brigade la veille et émis l’hypothèse que ce cheval non domesticable était donc un membre des Occamy.

Sitelle avait quand même envie de faire un tour à cheval un jour… Aussi la résolution était prise. Il allait faire connaissance, à sa manière, trouver les bons mots, les bonnes actions à faire et il monterait sur son dos ensuite. Se laissant quelques semaines pour réussir, il n’avait pas, durant toute ses réflexions, retiré son regard de l’homme à la queue de cheval. L’homme l’avait vu, clairement, mais il s’approcha de la fontaine pour boire, sans mot ou geste. Sitelle n’en fit rien également. Son regard intense détaillait la couleur des cheveux de l’homme, sa manière de se pencher pour prendre de l’eau, son regard cherchant quelque chose ou quelqu’un, sa capacité à se faire distraire par un bruit… et enfin, ce que Sitelle appelait par obligation sociale ou gène, il lui adressa la parole.

Caressant du bout des doigts l’accoudoir de son fauteuil, celui-ci se mit en roulement, doucement. Sans bruit. Sitelle prépara son attitude, ses gestes, son visage. Il y imprima un sourire sympathique mais réservé, les épaules un peu basses et il laissa ensuite ses mains sur ses jambes. Lorsqu’il arriva à côté de la fontaine, non loin de l’animagus, il hocha la tête.

- Comme un dimanche matin. Je crois que je vais devoir m’habituer un peu à l’endroit… Et toi ?

Nul besoin de lui demander son prénom ou qui il était, si cela était important, Sitelle était sûr que l’homme, que ce soit pour répondre aux codes de la société ou par volonté de bien faire, finirai bien par se présenter, puisqu’il savait déjà comment se nommait Sitelle, si il avait été présent la veille.

"Comme un dimanche matin". L'expression n'avait pas beaucoup de sens, mais faisait partie de ces phrases que l'on prononce pour dire que ça va, ou que ça ne va pas mais que ce n'est pas grave. Comme un lundi, comme un weekend, comme une journée de pluie...Cormoran n'était pas friand de banalités de ce genre, préférant répondre franchement aux questions ou ne pas y répondre du tout. Qu'est-ce que cela signifiait, après tout, "comme un dimanche matin"? Tout le monde n'aimait pas les dimanches matin, et tous les dimanches matin ne se ressemblaient pas...

C'est facile de s'habituer à l'endroit, le rassura Cormoran, un sourire en coin aux lèvres. C'est super spacieux, on a tout le confort, et on a même des hippogriffes!

Il n'avait pas été les voir depuis trop longtemps, occupé qu'il était à s'entraîner aux duels et à lutter contre ses problèmes de sommeil. Il n'avait pas eu envie de faire la course avec eux depuis ce qui lui paraissait une éternité. Mais il se rendit compte qu'un peu de temps passé avec ses "Altesses" serait peut-être la clé de son problème de stress et de déprime? Les animaux, magiques ou non, avaient ce don de vous faire prendre du recul sur les absurdités de votre vie. De plus, c'était toujours bon pour l'ego de rendre plus heureux une créature ailée en lui brossant les plumes.

Même si n'importe quel idiot pouvait manier une brosse, et qu'on demandait aux enrôlés d'être au moins supérieurs à l'idiot moyen...

S'habituer aux horaires, c'est une autre histoire. Mais ça vient avec le temps...

Et Cormoran tomba à cours de banalités conversationnelles. Il laissa traîner le bout de ses doigts dans l'eau, et pianota la surface de l'onde afin de reproduire le rythme de "Laced punch" des Palm Readers of the Anaconda. Il hésitait à demander de quoi diffuser de la musique pendant les entraînements sportifs. Du temps où il travaillait dans la salle de sport pour moldus, il n'avait droit qu'au pire de la création musicale de ces derniers. Ses collègues pensaient que seule cette "musique" était suffisamment rythmée pour que l'on puisse s'entraîner dessus. Ces idiots n'avaient jamais entendu de metal, et comme les moldus étaient très bons pour ce style de musique, ils n'avaient aucune excuse.

Puisque le nouveau s'était déplacé juste pour lui, Cormoran se dit qu'il lui devait au moins un peu plus que des clapotis dans une fontaine. Alors il tourna la tête vers lui et lui demanda:

Alors, ils t'ont mis dans quelle brigade finalement? 

Ah, non, pas de présentation. Voilà qui démontrait au mieux un soupçon de réflexion, au pire un manque cruel de code sociaux. Sitelle n’enleva pas son sourire de son visage, hochant de nouveau la tête lorsque l’animagus mentionna l’espace. Sans blague, il y a de l’espace à la cambrousse. Bon, ce n’était apparemment pas le meilleur des bavardages. Mais la mention des hippogriffes lui fit pétiller les yeux.

- Des hippogriffes ? Ici ? demanda-t-il en relevant le menton, ne pouvant s’empêcher de se demander où ils étaient.

S’il y avait bien une chose, hormis la légilimencie et les runes, qui le passionnait, c’était bien les créatures magiques. Et déjà, le fait d’être animagus permettait à ce cheval humain d’être classé par Sitelle dans la catégorie des créatures plutôt que celle des humains, ce qui était, à ses yeux, un grand avantage. Aussi, il ne le jugeait pour le moment pas trop durement sur sa réserve apparente.

- Est-ce que tu sais si on peut aller les voir quand on en a envie ? Je t’avoue que je n’ai rencontré personne de chez les Occamy, et je suis un peu perdu pour le moment. Je pensais qu’il y aurai une sorte de parrain ou quelque chose comme ça pour expliquer un peu les choses…

Décidant que les gestes maladroits à tapoter dans l’eau démontrait au choix, la maladresse, ou la gêne, Sitelle prit le parti de mener les conversations, bien qu’il n’y soit vraiment pas enclin. Il fit un gros effort en se disant que cela paierait, si jamais il pouvait avoir plus d’information sur les hippogriffes. Il reprit donc comme toute conversation devrait commencer selon lui, par les politesses d’usage.

- Et du coup, quel est ton nom de code ? C’était plutôt impressionnant de te voir te transformer d’ailleurs.

Un peu de flatterie, mais sincère, un peu de politesse et l’homme à la queue de cheval devrait être enclin à lui en dire un peu plus sur cet endroit, la faune et la flore.

Le nouveau paraissait surpris d'apprendre que le domaine abritait également des hippogriffes. Et, comme si elles avaient attendu le bon moment pour créer leur effet dramatique, les "altesses" commencèrent un chahut dans les volières. Cormoran acquiesça, et désigna la direction du bruit de l'index.
Quand on parle des volatiles...

Tandis que les hippogriffes continuaient ce qui, de loin, ressemblait à une bagarre ou à la célébration de la découverte de nourriture dans les pièges posés par Vyasa, le nouveau révéla qu'il faisait partie de la même brigade que Cormoran. Et, étrangement, il n'avait rencontré personne de la brigade encore. Lors de son arrivée, Cormoran avait directement été se trouver un lit dans les dortoirs sur les conseils de l'elfe qu'il avait bombardé de questions. Il avait croisé beaucoup de monde lors de son installation dans le bâtiment Occamy, même s'il n'avait pas fait connaissance tout de suite avec ceux de sa brigade. Il frappa son torse du plat de sa main, laissant une empreinte mouillée presque invisible sur le tissu noir de son vêtement, et dit:

T'en as rencontré un maintenant! Je suis chez Occamy aussi

Il essuya sa main avant de la tendre au nouveau. Il glissa en bas de la fontaine pour se rapprocher de l'homme en fauteuil roulant, réalisant que ce dernier ne pourrait pas se lever pour se rapprocher de lui. Avec un peu de chance, Cormoran espérait, il ferait le rapprochement entre ses cernes et son apparente chute de quotient intellectuel subite.

Lorsque le nouveau lui demanda son nom de code, il comprit que sa fatigue avait davantage affecté son jugement qu'il ne le pensait. Il s'était senti bien pourtant, après sa promenade dans la prairie, revigoré, un peu plus détendu qu'il ne l'avait été ces derniers jours. Le regard inquisiteur du nouveau avait du le perturber.
Oh! C'est Cormoran. Je suis dans l'infanterie. Et, ouais, je suis aussi animagus. Mais je ne promène personne sur mon dos, c'est pas la peine d'insister!
Il sourit, et ajouta:
Je plaisante, mais à moitié: tu n'imagines pas le nombre de gens qui m'ont demandé de les promener. Et je ne parle pas des blagues sur le rodéo, sur les coups d'éperon, etc...
Cormoran s'amusait bien plus qu'il ne le laissait paraître de ces anecdotes. Il avait gardé son animagie secrète pendant si longtemps que le simple fait de pouvoir se transformer en public était libérateur. Cela valait toutes les blagues sur les queues de cheval du monde.

Mais pour répondre à ta question: tu peux aller voir les hippogriffes quand tu veux, tant que tu respectes les règles affichées sur la volière

Sitelle tendit l’oreille, mais ne tourna pas la tête lorsque les sons reconnaissables des hippogriffes se firent entendre. S’il y avait bien une chose qu’il avait appris, c’est que tourner la tête faisait toujours manquer des informations importantes sur les réactions des autres.

Un sourire se dessina sur ses lèvres en voyant l’homme se désigner comme de sa brigade. Serrant sa main sans trop de fermeté, gardant ses gants, Il ressenti une sorte de volonté de bien faire de la part de Cormoran dont il venait enfin d’avoir le nom de code. Cormoran. Phalacrocoracidae, famille des oiseaux aquatiques, 3 genres, 36 espèces, se remémora-t-il. Il apprécia la subtilité du nom de code, tandis qu’il était un animagus de cheval. C’était à la fois contradictoire et tellement révélateur. Entre volatiles, ils pouvaient s’apprécier. Quoi que… Le voilà qu’il lui disait déjà ce qu’il ne pouvait pas faire. Sachant qu’il ne lui avait pas donné la moindre raison de penser qu’il voudrait monter sur son dos, et qu’à priori les personnes le voyant en fauteuil ne pensait même pas à cette possibilité, Sitelle songea qu’on lui avait souvent demandé. Il s’imagina qu’un jour, soit lorsque son fauteuil n’en fera qu’à sa tête, soit lors d’un « accident » fortuit, il pourrait amener Cormoran à lui proposer de monter. Il garda cela en tête, puis eut un soupir pour marquer sa compassion envers les remarques et les sobriquets.

- Je suis navré que tu aies à endurer ce genre de plaisanterie. Les autres penses que ce n’est rien, mais l’érosion se fait par les vagues chaque jour. Je peux vraiment bien imaginer ce que tu peux endurer, je t’assure.

Il désigna son fauteuil. Même si ce n’était en soit, pas comparable. Sitelle ne comparait jamais. Chaque situation est unique. Il fixait toujours ces yeux sombres et ces traits tirés, marqués par le manque de sommeil. Il était hors de question de commencer à demander de but en blanc ce qu’il n’allait pas, même si l’envie de fouiller dans son cerveau pour comprendre était intense.

- Est-ce que tu penses que je pourrai abuser de ta patience et de ton énergie pour te demander de m’y accompagner ? Tu pourras me donner quelques informations sur l’endroit où les personnes. Tu es depuis longtemps ici ?  Pardonne mes question… je suis curieux de nature.

Et il afficha un sourire frais et franc, ravi d’avoir trouvé une personne de sa brigade qui n’était pas humain et donc, avec qui il allait pouvoir s’entendre.
Normalement, se disait Sitelle, il ne devrait pas refuser. Au moins de l’emmener jusqu’à la volière en lui donnant des données de base sur le lieu ou les personnes qu’il connaissait.

Le nouveau compatissait à son problème de surnoms, lui qui en subissait depuis toujours, ou du moins depuis qu'il était obligé de se déplacer dans son fauteuil. Mais les deux situations étaient différentes. Son animagie, Cormoran avait travaillé dur pour l'obtenir et l'avait donc voulue. Les surnoms avaient peut-être pour but de le vexer mais il s'en fichait bien puisqu'au besoin il pouvait ruer dans le visage de ceux qui l'ennuyaient trop. Mais le nouveau n'avait pas choisi sa situation, qui devait limiter fortement la liste des choses qu'il pouvait faire au quotidien et surtout changer le regard des autres. Cormoran s'apprêtait à répondre aux remarques du nouveau, mais il comprit que s'il présentait les deux situations et les comparait, il impliquerait que l'homme en fauteuil était à plaindre contrairement à lui. Cela ressemblerait trop à de la pitié, et le nouveau avait déjà dû subir une présentation quelque peu humiliante devant tout le monde, il était hors de question qu'il y ajoute de la pitié.

Il ne releva donc finalement pas ce que le nouveau - quel était son nom de code déjà? Le Doyen l'avait annoncé, mais il lui était impossible de s'en souvenir - lui avait dit. Cormoran avait toujours préféré se montrer patient et observer la situation plutôt que d'agir à la hâte et à mauvais escient. Dans les conversations de tous les jours, cela se traduisait par un bon vieux proverbe: la parole est d'argent, mais le silence est d'or.

Le nouveau le bombardait de questions avec l'enthousiasme d'un enfant qui découvre...n'importe quoi, en réalité. Les enfants posaient des tas de questions tout le temps, du moins ceux à qui Cormoran avait eu l'occasion de parler. Ils étaient peu nombreux, certains sorciers et d'autres non. Mais ils partageaient ce point commun que de nombreux adultes trouvait agaçant, alors qu'ils l'étaient certainement bien plus au même âge.

Euh, par contre...il vole, ton truc? demanda Cormoran en désignant le fauteuil du nouveau - un nom en deux syllabes, en "ette" ou "elle", à moins que cela ne soit "ine" ? - de l'index. Parce qu'il y a des échelles à grimper pour accéder aux volières. Mais on peut s'arranger autrement pour y accéder, au pire.
C'était un nom en "elle". Oiselle, chanterelle, coccinelle...Non, trop de syllabes. Sarcelle?

Ouais, je t'expliques ce que tu veux, pas de problème. Ça fait quelques mois que je suis là, je commence à connaître des trucs. On peut s'approcher des volières si tu...Sitelle! C'est bien ça?

Cormoran adopta l'attitude intermédiaire entre le triomphe et l'échec, son corps se préparant à tourner sur lui même en prononçant un "yes!" ou à frapper l'air du poing en s'affaissant si la réponse s'avérait être mauvaise.
Désolé, mais depuis tout à l'heure y'a pas moyen de me rappeler de ton nom de code

Son « truc » ? Voulait-il dire par là, son fauteuil, La chose la plus importante qu’il puisse y avoir pour Sitelle ? Le traiter de « truc »… Oui le traiter, parce que Sitelle savait que son fauteuil, enchanté par sa grand-mère, était presque comme une partie d’elle et que, manquer de respect à son fauteuil, c’était manquer de respect à sa grand-mère.
Sitelle inspira au mot « truc » et fronça les sourcils. Le fauteuil sous lui émit un petit frémissement que seul Sitelle pouvait percevoir. Il caressa l’accoudoir doucement, et le fauteuil se calma. Après tout, Cormoran ne pouvait le savoir. Il inspira donc doucement et continua d’afficher un sourire avant de répondre.

- Mon fauteuil ne vole pas. Parfois il n’en fait qu’à sa tête, mais il ne vole pas. J’aimerai bien qu’il soit enchanté un peu comme un balai, mais je n’ai pas trouvé de personne capable de le faire.

Puis il haussa un sourcil. « S’arranger » ? Comme dans le concept de « s’arranger » avec Cormoran qui le porte comme un sac de patates pas fraiches ? Non merci… songea Sitelle qui montra ses bras.

- J’ai beaucoup de force là-dedans. S’il n’y a pas trop de marche, je saurai les grimper simplement.

Il observa l’homme dont il trouvait l'aura simple mais pour le moment assez honnête, et se félicita d’avoir trouver là une personne qui allait pouvoir lui en dire plus sur l’endroit. Par où commencer ses questions… Sitelle y réfléchit un instant et sorti de ses pensées en entendant son nom de code et l’aveu de Cormoran. Il ne put s’empêcher de sourire, un sourire franc.

- Oui, c’est exact. Comme toi, de la famille des oiseaux bien que nous soyons cloués au sol.

Il désigna le lieu d’où venait les bruits et son fauteuil, doucement, commença à rouler.

- Alors dis-moi, de qui dois-je me méfier et auprès de qui est-ce que je peux demander de quoi faire passer quelques douleurs ?

Il savait que ces deux questions n’avaient pas de rapport, mais en poser une simple au départ, permettait de caser la seconde. Et à vrai dire c’était pour le moment à peu près les deux seules qui l’intéressaient. Pour le reste, il irait observer et étudier les personnes, durant les cours qui commencerait dès le lendemain.

S'il n'y a pas trop de marches? C'est que...

Cette condition faisait à Cormoran l'effet d'un citron bien frais dans lequel il aurait croqué à pleine dents. Il grimaça, et considéra les bras que Sitelle lui montrait. Ils n'étaient pas chétifs, loin s'en fallait. Mais étaient-ils suffisants pour le propulser dans la volière?

...c'est pas des marches. C'est des échelles. A la force des bras, ça va être tendu

Son visage se détendit. Il était inutile de se bloquer sur ce détail. De nombreuses solutions existaient. Ils n'auraient qu'à en choisir une lorsqu'ils iraient rendre visite aux hippogriffes. Avec un peu de chance, il pourrait même en convaincre un de descendre pour venir chercher Sitelle. Ses "altesses" n'étaient pas si mauvaises et orgueilleuses que certains le pensaient. Il suffisait juste de savoir leur parler.

De leur côté, ils étaient effectivement deux oiseaux cloués au sol. Enfin, plus vraiment depuis qu'il disposait de son lacet de cuir, qu'il portait toujours au poignet en guise de bracelet. Il pourrait peut-être l'aider à faire grimper Sitelle et son fauteuil aux étages des volières, d'ailleurs. Il lui suffirait peut-être de tenir le fauteuil comme s'il le poussait, puis de léviter jusqu'en haut. Il n'avait pas souvent eu l'occasion d'utiliser cet artefact, et ignorait s'il pouvait porter des charges aussi lourdes qu'un humain et son fauteuil de bois. Pour cette raison, il se garda, pour l'instant, de le mentionner à Sitelle.

De qui se méfier? Cormoran ne put s'empêcher de rire. Sitelle se croyait-il dans une école pour ados avec des clans d'élèves qui se chamaillaient et se cherchaient des noises? Il n'y avait personne dont il fallait se "méfier" dans le Domaine. Juste des caractères plus difficiles que d'autres, avec lesquels il fallait parfois composer.

Alors, euh...
Il fronça les sourcils, grattant le côté de son menton du bout de l'index. Ce tic qui se manifestait lorsqu'il réfléchissait n'était plus aussi satisfaisant depuis qu'il avait eu l'idée de se raser de près.
Ici, chez Occamy, y'a Vyasa qui a un caractère assez costaud. Il n'est pas mauvais, bien au contraire! Il faut juste faire attention parfois. On a aussi Turaco, avec qui il ne faut surtout pas commencer à parler de tout ce qui se rapproche de près ou de loin aux huiles essentielles. Et Min...euh Jaguar, qui squatte souvent chez nous. Elle est sympa, mais elle donne des surnoms idiots

Sa seconde question était plus étrange. Elle lui rappelait certains moldus de la salle de sport, ceux qui se gavaient de pilules aux effets plus ou moins néfastes.
Pour les douleurs, y'a l'infirmerie. Ils sont là pour ça. C'est quel type de douleurs?

Sitelle cligna plusieurs fois des yeux… Attends… Il y a une volière avec des hippogriffes et une échelle pour y accéder ?? Mais ils avaient osé enfermer des hippogriffes ? Ils ne pouvaient pas gambader tranquillement et étaient obligé de rentrer dans un trou à chouette ensuite ?
Sitelle perdit quelques couleurs en imaginant ces majestueuses bêtes en pleins milieux de fientes de volatiles. Il continua d’avancer vers les bruits en suivant Cormoran. Bon sang, pouvait-il être vrai que cet endroit soit un lieu de torture pour les créatures et les animaux ? Peut-être même… des expérimentations ?

Sitelle tenta de chasser ces sombres pensées en écoutant ce que Cormoran lui racontait sur les autres personnes de la brigade. Ils avaient l’air… particulier. En même temps, pour rejoindre la résistance, quelque part, il fallait des raisons et souvent ce n’était pas parce qu’on aime les fleurs sauvages et le parfum des arbres… Sitelle enregistra que Turaco était une sorte de hippie, Jaguar qui, si elle lui donnait un surnom en rapport avec son fauteuil, allait aller au clash directement, et ce Vyasa qui semblait à en croire Cormoran, brut de décoffrage. Sitelle hocha la tête à chaque fois.

- Je vois… Merci pour ces informations. Et toi, tu te décrirai comment du coup ?

Pour ce qui était des plantes, il retint donc d’aller demander à qui de droit, après les cours du lendemain. En revanche, à la question très personnelle de Cormoran, Sitelle savait quoi répondre. Certainement pas « celles fictives que mon cerveau invente pour me faire croire que j’ai encore mes jambes » ni même « aucune, je veux juste planer de temps en temps ». Avec Cormoran, il avait l’impression qu’il pouvait toucher une petite corde sensible et répondit donc ;

- A cause du fauteuil. Surtout au bas du dos à vrai dire. Avant je trouvais souvent un médecin moldu pour me masser, les sorciers tentant toujours de me soigner sans comprendre qu’ils ne le pouvaient pas. Au moins, avec les moldus, ils traitent les symptômes et n’ont pas cet égo surdimensionné de se dire qu’ils peuvent me réparer.

Dès lors qu’ils furent de l’autre côté du bâtiment, sur la terre battue, Sitelle ouvrit grand les yeux. Au mot volière, il s’était attendu à une tour ou quelque chose du genre. Pas à cet immense bâtiment de trois étages avec un toit en verre. La porte cavalière qui leur faisait fasse était grande, et les ouvertures des étages supérieur rassurèrent aussitôt Sitelle sur les moyens d’accès à ces endroits pour les hippogriffes. Le bâtiment était imposant. Les bruits aussi. Sitelle parcouru le panneau demandant à être poli avec les hippogriffes, et eut un petit sourire en coin. C’était quand même le B-a bas.  Le courant d’air créé par la grande allée au rez de chaussé qui traversait le lieu, décoiffa un peu ses cheveux qu’il avait prit soin de bien mettre en place. Effectivement, en apercevant plus loin l’échelle pour monter aux étages supérieurs, Sitelle fit une grimace. Ils auraient quand même pu construire un véritable escalier…

- Je pense que si tu me tiens l’échelle ca devrait le faire. Ou alors tu peux me faire léviter jusqu’au niveau supérieur peut être ? Tu t’en sors comment en sortilège ?

Mais pourquoi posait-il toutes ces questions? Ce Sitelle était-il un envoyé du Doyen, pour ainsi se montrer si curieux envers qui faisait quoi? Avait-il involontairement causé des ennuis à Vyasa en parlant de son caractère? Heureusement, il n'avait rien dit de compromettant concernant Turaco et Jaguar. Rien dans le règlement n'interdisait de donner des surnoms, ni de casser les pieds des gens avec de la "médecine alternative". Fort heureusement, il n'avait pas parlé de Cloporte.
Moi? Eh ben, disons que je suis le gars...qui...euh...
Le gars qui fait de son mieux, mais qui pense que son mieux n'est pas assez. Le gars qui a perdu toute confiance en lui et qui essaie de se sortir de ce marasme dans lequel son cerveau a décidé de se plonger. Le gars qui ferait peut-être bien, lui aussi, d'aller à l'infirmerie...
...le gars qui sait pas se décrire. Voilà.
Il ajouta, adressant un sourire en coin à Sitelle:
Et aussi le type qui se demande pourquoi tu lui demandes ça, parce qu'on lui avait jamais faite!

Il écouta le nouveau venu dans la brigade décrire les douleurs qui houspillaient son corps au point où il voulait étouffer ces cris par des remèdes, ou même des drogues puisqu'il n'avait pas précisé ce qu'il souhaitait exactement. Comoran connaissait ce type de questions vagues. Il avait entendu suffisamment de clients de sa salle de sport parler de "remontants" ou de "boosts" , allant même parfois jusqu'à employer le terme "pilule magique". Quel paradoxe ! Les médecins moldus, Cormoran ne voulait plus en entendre parler. Il soupira en entendant Sitelle les encenser, mais ne dit rien. En revanche...
Des médecins moldus pour te masser?
Cormoran avait dû rendre visite à un de ces masseurs moldus une fois. Il en gardait un si mauvais souvenir qu'il ne concevait pas qu'on puisse volontairement aller voir ces praticiens sans avoir une autre idée en tête. Comme par exemple, celle de se faire palper le "bas du dos" comme disait Sitelle par une jolie demoiselle...
Il lui adressa donc  un sourire entendu avant d'ajouter:
Elles étaient mignonnes? Elles portaient quelque chose sous leur blouse blanche?

Le moment était venu d'affronter le problème de l'échelle. Sitelle proposait qu'il lui tienne l'échelle, mais Cormoran ne voyait pas comment cela pourrait l'aider. A moins qu'il ne hisse ensuite l'échelle vers la volière et le nouveau venu avec...Mais cette méthode semblait inutilement compliquée. Mieux valait un bon vieux sortilège de lévitation ou de locomotion.
En sortilège, ça va. J'suis pas pire qu'un autre, enfin je pense. Te faire léviter jusqu'en haut ne devrait pas être difficile.
Il avait retenu les leçons de ses dernières erreurs de "subtilité" pendant les cours, et éviterait donc un sortilège d'invocation qui risquerait de propulser l'infortuné Sitelle à toute vitesse, quitte à lui faire crever le plancher au passage...

Sitelle haussa les sourcils. Décidément, il nota qu’avec Cormoran, il avait ce tic assez facilement. L’animagus le surprenait facilement. Quelqu’un qui ne sait pas se décrire ? Immédiatement, Sitelle le classa dans la catégorie des animagus qui se sont fait piéger par les humains et qui ne savent pas où ils en sont et à quoi ils appartiennent. Un élan de sympathie le prit et il lui répondit d’un sourire amusé. Il aimait à poser des questions auxquelles les personnes n’avaient jamais réfléchi. Cela donnait des réactions pures et souvent bien plus intéressante. C’était bien pour cela qu’il s’était entrainé des heures, des jours, des années durant, à imaginer toute sorte de questions, de situation, et qu’il s’estimait prêt à à peu près n’importe quelle interaction.
Sitelle fit descendre Cormoran de plusieurs niveaux d’intelligence dans son classement mental à sa réplique sur les infirmiers, et non infirmières, qui lui avait donné des heures durant, de nombreuses fois un soulagement de ses douleurs quand il était plus jeune et qu’effectivement, ses membres étaient comme fantômes, présent mais absent et pourtant douloureux. Aujourd’hui il n’avait plus que quelques réminiscences de ces douleurs, quand les situations devenaient hors de contrôle. Ce qui allait souvent de paire avec son fauteuil qui se mettait à faire n’importe quoi.
Il évita donc soigneusement de rentrer dans le débat ou les explications que les médecins moldus avaient eux aussi des vêtements sous leurs blouses, et il se cala sur son fauteuil, tenant avec fermeté sa baguette pour se préparer à être soulevé.

- Alors tentons cela.

Au-dessus d’eux, une tête d’hippogriffe curieux les regardait. Sitelle plongea ses yeux dans les siens, admirable et sublime créature, et ne cilla plus.

- Tu peux y aller, je suis prêt.

Il espéra qu’il ne se rate pas, où il allait rencontrer les gérants de l’infirmerie beaucoup plus rapidement que prévu…

Sitelle ne répondit rien à sa blague, d'un goût discutable il en avait conscience, sur les médecins moldus. Il devait vraiment respecter ce métier, pour que cela ne lui arrache pas même un sourire, un soupir ou même un "arrête tes conneries Cormoran". A moins qu'une de ses sœurs soit cracmol et ait décidé de devenir médecin, et que donc Cormoran ait sans le savoir insulté quelqu'un qui lui était proche. Penaud, l'animagus qui avait encore une fois fait des dégâts avec ses gros sabots décida de rattraper un peu la situation.

Désolé pour la blague sur les blouses, c'est juste que je suis allé voir un de ces moldus pour une entorse il y a un moment. Un kino...kinéso..kinétruc-machin-chose
Car c'était là un aspect de la médecine moldue auquel Cormoran ne s'était jamais habitué: la myriade de noms de spécialités que les moldus ne prononçaient jamais en entier de toute façon. Les sorciers se contentaient de dire "guérisseur" en ajoutant éventuellement une spécialité derrière cette appellation, et c'était beaucoup plus simple et logique. Si les moldus avaient raisonné de la même manière, ils n'auraient pas eu à inventer des mots comme le fameux "kinésithérapeute" dont il ne se souvenait jamais. Et ils n'auraient pas à utiliser des abréviations pour rendre ces mots compliqués encore plus inutiles.
Et le gars a malaxé ma jambe pendant un moment, il a collé des espèces de cercles qui envoyaient des petits chocs électriques dans ma jambe. C'était d'un désagréable! Et il a eu le culot de se moquer de moi quand j'ai eu mal quand il les a décollé, soit-disant qu'un "grand garçon comme moi"...
Il mima le moldu avec sa main en marionnette et une voix aux accents snobs et aristocratiques et poursuivit:
...ne devrait pas avoir mal pour si peu. J'aimerais bien l'y voir, lui, si on lui tirait les poils comme ça! Et je suis rentré chez moi en boîtant, et j'ai dû me soigner tout seul avec une potion fabrication maison. Enfin bref, je me suis dit: la prochaine fois qu'un moldu en blouse me tripote, ça a intérêt d'être UNE moldue et elle a intérêt à être mignonne, parce que quitte à perdre mon temps, autant y trouver un point positif.
Il espérait que, désormais, l'insulte éventuelle envers une personne à qui Sitelle tenait serait lavée.

Le moment était venu de faire grimper l'homme en fauteuil dans la volière. Il le fit passer en premier, de manière à pouvoir le rattraper si jamais quelque chose allait mal pendant la montée. Mais avant toute chose, il s'inclina devant l'hippogriffe qui les observait du haut de son perchoir.
Ah, on est observés! Je te conseille de le saluer d'ici, on n'est jamais trop prudent.
Puis il sortit sa baguette et fit léviter le fauteuil ainsi que son occupant, doucement, tout en grimpant à l'échelle derrière lui. S'il restait juste derrière le fauteuil, cela lui serait plus facile de le faire dévier de quelques centimètres pour éviter un choc, et aussi de le poser doucement sur le plancher une fois arrivés en haut. Le trajet se passa sans encombre. Cormoran se hissa derrière Sitelle et prononça son salut habituel aux hippogriffes avant de s'incliner devant eux.
Mes salutation, vos Altesses!

Sitelle haussa un sourcil. Il songea un instant qu’il allait avoir des rides bien plus rapidement que prévu à force d’avoir ce tic… Pourquoi donc Cormoran s’excusait pour sa blague vaseuse sur les médecins moldus ? Si il avait un humour très bas et limité, ce n’était pas grave, et certainement pas une raison pour s’excuser. Après tout, il faut de tout pour faire un monde et ce n’est qu’avec des individus de toutes sortes que l’on peut comparer, trier, évaluer. Il n’eut aucun mal à comprendre qu’il puisse ne pas aimer les médecins moldus, vu le crétin qu’il avait eu en séance. Heureusement, comme au sein de toute population, il y avait des bons, et c’était eux que Sitelle avait eu, contrairement à Cormoran. En plus, arracher des poils… c’était presque une torture ! Il éprouva de la compassion pour ce cheval humain qui s’était fait maltraité et eut presque envie de lui prendre la main pour lui montrer que tout irait bien. Mais il se retint, étant donné qu’il le connaissait peu, et que cela pourrait être très mal interprété. D’autant plus qu’il s’était déjà attelé à lancer le sortilège et que Sitelle se concentrait maintenant à ne pas lâcher des yeux l’hippogriffe dont il avait croisé le regard. Tant qu’il n’était pas à son niveau et qu’il ne pouvait pas le saluer de manière convenable pour ne pas se faire déchirer le torse, mieux valait patienter. Sitelle nota simplement que comme toute personne contaminée par les humains, Cormoran ne pu s’empêcher de lui dire quoi faire, sans même lui avoir posé la question de savoir si il le savait déjà ou non.

Lorsque les roues touchèrent le plancher de l’étage, Sitelle inclina sa nuque face à la sublime créature à plume devant lui. Puis il tendit la main et approcha d’une roue sans plus, très lentement, pour voir si la créature allait se laisser faire. Sa passion pour ces créatures magiques, et toutes les créatures, lui donnait des étoiles dans les yeux. Et là, pouvoir voir un hippogriffe en chair et en os juste devant lui, lui donnait des frissons de bonheur.

Lorsque la créature s’avança et se laissa caresser le bec et le cou, Sitelle inspira son parfum, glissa ses doigts dans les plumes et il n’exista alors, pour quelques minutes, plus que lui et cet admirable animal magique. Sitelle lui murmurait des mots de politesse, des compliments, défroissa quelques plumes qui voulait aller voir du paysage et il l’inspecta en bonne et due forme pour voir si tout allait bien. Tous ses gestes étaient précis, calculés, comme s’il les avait répétés des milliers de fois, même si ce n’était que dans son esprit. Pouvoir mettre en pratique le rendait ivre de bonheur. Il posa même sa joue contre le flanc de la créature et repris conscience de Cormoran qu’une fois dans son champ de vision.

- C’est incroyable. Je vais mettre une rune de lévitation en bas, pour pouvoir revenir quand je le veux. Ou plutôt, près du mur extérieur, pour ne pas faire léviter n’importe qui qui viendrait par l’échelle. je suis navré pour ta mauvaise expérience Moldu , ajouta-t-il pour ne pas le laisser sans réponse, mieux vallant tard que jamais.

Il observa les alentours et questionna tout simplement

- Est-ce qu’il y a d’autres créatures magiques au domaine ? Que je pourrai approcher ou étudier ? Peut être à des heures précises ou à des endroits spécifiques ?

Pour le coup, il demandait presque sa lettre au père-noël.

Ses conseils avaient été inutiles: Sitelle semblait bien connaître les hippogriffes. Et en voyant le bonheur non dissimulé du nouvel arrivé dans la brigade qui s'occupait d'un des hippogriffes, Cormoran eut l'impression de se voir lui-même à son arrivée au Domaine. Il avait toujours été passionné par les créatures magiques, et ne pas pouvoir en rencontrer était le pire aspect de sa vie chez les moldus. Les rares créatures qu'il croisait, c'était lorsqu'il prenait son autre forme. Et ce n'étaient certainement pas des hippogriffes!

Laissant Sitelle avec l'hippogriffe, Cormoran décida d'aller à la rencontre d'une de ses "altesse" préférées, une femelle au plumage sombre. Il ne connaissait pas les noms des hippogriffes, n'ayant jamais pensé à les demander à Vyasa. Avaient-ils seulement des noms? Cormoran était persuadé que les hippogriffes se donnaient des noms les uns aux autres, et acceptaient parfois que les humains leur en donnent un autre juste pour eux. Ne connaissant ni l'un ni l'autre il se contentait de les appeler collectivement "vos Altesses" et individuellement par de petits surnoms.
Hey, ma belle! Tu as encore des feuilles dans tes plumes, ne me dis pas que tu as encore essayé de faire tomber des pommes pour t'amuser?
Car la femelle hippogriffe aimait voler dans le feuillage de certains arbres. Elle le faisait avec un mélange de dédain et de hargne, comme si la présence des branchages dans SON espace aérien l'offensait. Cormoran adorait la regarder faire, et son autre forme appréciait beaucoup toutes ces pommes à grignoter. Il continua de parler à la créature, et le ton qu'il employait rappelait celui d'un parent exaspéré par les bêtises de son enfant.
Oh la la, regarde ces plumes que tu perds! T'as pas secoué tes ailes depuis longtemps, toi! Tu ferais quoi sans nous, hein?
L'hippogriffe se laissait faire. De toute évidence, elle avait complètement accepté que des mains humaines s'occupent de sa toilette.

Cormoran sourit en voyant que Sitelle avait posé sa tête sur le flanc de l'hippogriffe. Il essaya de se souvenir de la dernière fois qu'il s'était senti simplement heureux aux contact des créatures. Même si la présence de "ma belle" faisait du bien à son moral, il avait la sensation que quelque chose clochait. Comme si son sens du bonheur était engourdi. Il lui faudrait vraiment aller voir les medics pour parler de ça.

Il fallut quelques secondes pour qu'il comprenne de quelle mauvaise expérience moldue parlait Sitelle. Oh! Pas de problème
Que pouvait-il dire d'autre? C'était le passé. Il était au Domaine, à présent.

Des autres créatures? Oui, le domaine en est plein!
Il réfléchit, et énuméra liste des créatures qu'il avait eu l'occasion de croiser, dépliant un doigt à chacune d'elles comme s'il les comptait.
J'ai vu des gnomes, des augreys, des chevaux ailés aussi, dont certains abraxans. Bon, j'ai un rapport un peu conflictuel avec eux, mais ils n'aiment pas les chevaux sans ailes, et ma forme équine a tendance a être un peu...orgueilleuse, disons. Et on dit qu'il y a des croups dans la forêt, et des botrucs aussi. Et le lac aussi est plein de créatures