Une crise cardiaque. Cette idée le fait rire. Le balai a effectivement tout du vieux bonhomme rachitique qui a trop abusé du whisky tout au long de sa vie. Il lui rappelait un vieux clochard moldu, qu'il voyait souvent lorsqu'il travaillait dans ce club sportif, et qui l'appelait "l'apache". Le vieil homme était aussi dégarni que ce balai déplumé. Il faudrait signaler à quiconque s'occupe de la gestion du matériel que la place de cette ruine serait plutôt dans la réserve de bois de cheminée.

Puis son rire disparaît, tranché net, et remplacé par une grimace d'horreur.
Hé! Non, attends! Deux minutes!
Il fait décrire un arc de cercle au Brossdur pour barrer le chemin à Pivoine.
Attends attends! On peut pas faire comme ça, du tout du tout!
Il agite les mains tandis qu'il bafouille. Puis il tousse un peu, pour regagner sa contenance. L'enrôlé Cormoran, fatigué et peu certain de sa place dans le domaine, laisse soudain la place au coach Cormoran, qui ne laissera pas son équipe faire n'importe quoi et risquer de se blesser.

Premièrement, commença-t-il, l'index en l'air pour appuyer ses propos, sache qu'il ne faut jamais, au grand JAMAIS, se tenir derrière un cheval, surtout un sauvage comme ça. Ils ont tendance à envoyer un coup de sabot au hasard s'ils sentent qu'on les suit de trop près. Moi-même, je l'ai déjà fait à un moldu, par pur réflexe, un jour où j'étais parti...disons me mettre au vert. Je crois que cet imbécile n'a plus aucune sensation dans son menton, maintenant!

Il leva son majeur à côté de son index, formant un V qu'il prit soin de mettre dans le sens qui ne signifiait rien d'obscène pour les britanniques. Pivoine n'était certes pas Britannique, mais l'Angleterre avait peut-être propagé ses gestes injurieux dans d'autres pays du monde, mieux valait être prudent.

Et deuxièmement: s'ils sont allergiques à la lavande, ben, tu n'auras qu'à me changer d'odeur. Évite juste la boule puante, par contre. J'ai miraculeusement convaincu quelqu'un de m'accompagner au Bal, j'aimerais éviter de la faire changer d'avis si on la croise

Il avait dit ce qu'il avait à dire, l'attitude de "coach Cormoran" retourna dans le territoire des vieux réflexes de son ancienne vie, et il redevint l'enrôlé patient et un peu gauche qui provoquait des tornades en s'envolant sur son balai.
Du coup il faut mieux qu'on les amadoue avec des pommes tous les deux, et qu'on prenne des crins de crinière. C'est plus...sûr

Je me fige, un brin surprise de le voir apparaître devant moi, et je l'écoute m'expliquer, soudain plein d'assurance et de... je sais pas. Trucs qu'on attendrait d'un officier, je suppose ? Alors j'ai pas l'air comme ça mais j'écoute un minimum en cours, même si je connais rien de plus aux chevaux volants qu'aux hippogriffes, aux niffleurs ou aux crapauds. Ca aurait été derrière sur le côté, pas derrière en face, mais bon je me suis mal exprimée, passons, j'aime autant m'en tenir à la crinière pour être honnête. Quoi qu'il en soit, la fin de l'histoire me donne envie de me frapper le front, aussi, un peu, parce que ruer dans la gueule d'un type, surtout un Moldu donc avec un accès aux soins bien inférieur à un sorcier, il devait avoir une sale gueule à la fin. M'enfin se mettre au vert sous forme de cheval... ça devait pas être triste à vivre. Peut-être qu'il a passé trop de temps sous forme de bestiole et que ça a laissé des marques sur son esprit humain ?

"D'accord, d'accord. De face, et la crinière. S'ils s'en rendent compte qu'on leur pique des crins par contre, on risque pas de se faire mordre, charger, ou ce genre de choses ?" Ils ont pas de cornes heureusement, mais ils sont assez gros pour faire du dégât, et s'ils mordent y a de quoi y laisser des doigts. "Au pire je trouverai bien quelque chose pour l'odeur ouais. Tu as des préférences ? Rose, herbe coupée, jambon ?" je tente pour alléger un peu l'atmosphère.

Il soupire et secoue la tête.
On va éviter la viande. La bouffe, de manière générale. Enfin, la bouffe salée. Quoique j'ai pas envie de sentir la crêpe non plus. Non. Pas de bouffe. Et pas de trucs qui puent. Le reste, on verra
Il leur faudrait se mettre d'accord sur la définition de "truc qui pue". Lui, par exemple, détestait l'odeur de l'eau de rose. Mais il imaginait bien la frêle enrôlée se parfumant délicatement à l'essence de pétales de rose. Et il était certain qu'elle ne partageait pas son opinion sur l'odeur des plumes d'hippogriffes, ou de la cire pour entretenir les balais.

Pour en revenir aux volants frimeurs, poursuivit-il, toujours flottant sur son balai, ils ne chargent pas. C'est pas des licornes. Mais ils peuvent ruer, mordre ou simplement se barrer en volant. Du coup il faudra y aller doucement, et éviter de tirailler la crinière. Un simple sort de coupe sur une mèche devrait suffire.

Si seulement on l'avait laissé faire le travail tout seul! Il aurait fait la course en balai avec les frimeurs et sectionné du crin au vol. C'était une méthode très inefficace, étant donné la rapidité des chevaux ailés comparée à celle du meilleur modèle de balai disponible dans la réserve. Un hippogriffe aurait pu rattraper un de ces volatiles, mais les hippogriffes avaient mieux à faire que de courser les frimeurs. Cormoran les savait trop dignes pour entrer dans leur jeu d'esbrouffe ailée.

Mais j'y pense...
Il fit face à nouveau à Pivoine. Elle avait eu l'idée saugrenue de se mettre à portée de ruade des chevaux volants. Il lui fallait clarifier quelques détails avant qu'ils ne se mettent en route.
Tu as déjà interagi avec des chevaux? Je veux dire, tu en as déjà nourri, tu en as déjà approché, des volants, des pas volants, des...rayés?
Car il lui semblait que de là où venait Pivoine, il n'y avait pas de chevaux mais des zèbres. A moins qu'elle ne soit Russe? Non, ça, c'était Aubépine et Sycomore. Avec toutes ces nationalités, il lui était difficile de s'y retrouver...

Bon, visiblement c'était pas la bonne chose à proposer. Pas de bouffe. Ca aime quoi les mecs, à part la bouffe et les filles ? Les trucs qui puent. Et lui en plus il aime même pas la bouffe. Non, vraiment. Sérieusement. Il m'aide pas, là.

M'enfin de toute façon on va pas en arriver là, pas vrai ? Les chevaux volants vont a-do-rer la lavande.  Et si ça leur convient pas je vais le parfumer à la pomme.

"Ca marche, aller doucement je sais faire." C'est mon dada, presque, j'oserais dire.

Rayés. Des chevaux rayés ? Qu'est-ce que j'aurais bien pu aller foutre avec des zèbres, sérieusement ? On a pas ça à Kinshasa ou à Lubumbashi, ou même dans l'un ou l'autre Congo. Ca me vexerait si j'avais parlé d'où je viens. Ou si j'en avais quelque chose à foutre que personne ait la moindre idée de la géographie africaine. Dommage, j'aurais pu lui demander s'il était déjà grimpé sur des chevaux de Przewalski, parce qu'après tout, la Mongolie c'est pas si loin de l'Europe et les gens ils sont presque blancs pareil là-bas, pas vrai ?

Oui, j'ai eu un article à traduire sur ces bestioles un jour. C'est pour ça que je sais même comment ça s'écrit.

"Quand j'étais gamine j'aimais bien les poneys mais les cours d'équitation c'était un peu cher." je réponds donc en haussant les épaules. "Je lis ce que je peux pour rattraper, mais tu peux partir du principe que si Vyâsa nous a pas mis le nez dedans, je connais pas. C'est plus prudent."

Ca va, y'a rien de compliqué à savoir
Cormoran dirige le Brossdur vers les chevaux volants, et vole lentement, à une hauteur inférieure à sa propre taille. La tentation de prendre de la hauteur était grande. Mais il fallait que Pivoine puisse le suivre, et son balai menaçait de tomber en sciure au moindre coup de vent.

Pendant le trajet, il lui expliqua comment donner les pommes aux chevaux, la main ouverte pour les laisser prendre la pomme entre leurs dents. C'était la seule méthode qui garantissait de ne pas se faire manger les doigts par les équidés. Il l'avait appris à Beauxbâtons, lorsqu'il avait fallu nourrir les Abraxans au cours de soins aux créatures magiques. Une fille n'avait pas écouté les instructions, et avait dû se faire repousser les phalanges au skele-gro.

J'ai jamais pris de cours d'équitation non plus, précisa-t-il le regard toujours rivé sur les chevaux qui étaient maintenant clairement visibles. Tout ce que je sais d'eux, c'est grâce à Beauxbâtons, et à....ben...
Cormoran n'aimait pas dire qu'il était parfois un cheval. Il restait le même, sous une forme ou l'autre. Cependant, il ne considérait pas non plus, comme le faisait Aubépine, son autre forme comme un autre être avec qui il pouvait converser. Il existait sous deux versions, à deux et à quatre pattes. Tout simplement. Même s'il restait lui-même quelle que soit la version. La relation qu'il entretenait avec son statut d'animagus était décidément bien ambigue.
...et euh, au fait que des fois j'ai les mêmes réflexes qu'eux. Ah, nous voilà assez près!
Ils étaient encore loin. Il avait toujours tendance à rallonger exprès les distances de marche ou de course, juste pour ne pas trop perdre en condition physique. Mais ils étaient en plein cours, et n'avaient pas tout le temps du monde devant eux.
C'est assez près pour toi, ou on se rapproche?  
Il laissa sa partenaire de cours décider. Même s'il avait une idée de sa réponse...

J'écoute Cormoran avec attention, pendant qu'il m'explique comment agir avec les équidés. Ca a l'air de marcher avec tous, ou une majorité en tout cas, c'est pratique. J'irai pas donner des pommes à des Abraxans et j'imagine qu'il vaut mieux pas leur tendre le bras tout court, des fois qu'ils confondent la main avec un truc comestible.

J'ai l'impression qu'il est pas très à l'aise avec son statut d'équidé à temps partiel, Cormoran. Vu comment il en parle d'un coup, et le changement de sujet immédiat. J'hésite à intervenir, à lui dire que certes un cheval c'est con, et plein de dents bouffeuses de doigts, et que même ça a des réflexes idiots de ruade quand ça sent quelqu'un derrière lui et ça déboîte des mâchoires de Moldus, mais que ça fait partie de lui et qu'il a pas non plus à en avoir honte. Enfin si, il fat bien d'avoir honte de ses conneries, mais pas d'avoir honte d'être ce qu'il est et de faire ce qu'il fait. J'ai pas perçu cette gêne avant, pas à ce point, pas surtout sur ce point précis. Après tout, il a choisi d'être Animagus, non ? Il aurait préféré autre chose peut-être ? Je sais pas, tiens. On choisit pas, il paraît, quand on devient Animagus. J'ai jamais envisagé de passer le rituel. Je sais même pas si c'est compatible avec mon organisme. Dans le doute, et vu comment ça s'annonce compliqué pour passer ce fichu rituel, je vais m'abstenir encore un peu. Et comme clairement il veut pas qu'on s'éternise là-dessus, je vais pas y revenir pour l'instant. Je garde juste l'information dans un coin. Au cas où.

Pendant qu'il m'expliquait, on a bien avancé malgré pépé balai et sa tendance à tressauter au moindre prétexte. Je sais pas exactement à qui signaler qu'il est bientôt mort, peut-être en laissant un mot dessus pour les elfes ? Je sais pas. Je sais que je ne sais rien, comme disait l'autre.

Pourtant on s'arrête, d'un coup presque, alors que les bestioles sont encore loin. Je me demande s'il me teste, s'il a peur que mon balai se casse de toutes les façons possibles, ou si juste... je sais pas. Mais moi ça me fait un peu loin, surtout s'ils marchent dans le même sens que nous.

"Si on risque pas de les effrayer je veux bien qu'on se rapproche encore un peu." j'avoue en tapotant à nouveau pépé balai pour l'encourager. "Je suis pas super chaude pour balader à pied si loin." Je réfléchis encore un peu. "Ils risquent pas de tous se jeter sur le panier au fait ? On aura pas l'air fin si pendant qu'on en fait un y en a un deuxième qui bouffe toutes les pommes. Ou s'ils se battent pour y aller et qu'on est pris dedans."

Il réfléchit un court instant, puis secoue la tête.
Non, ce sont des chevaux sauvages. Si ç'avait été des frimeurs nourris quotidiennement par des humains, là ils auraient couru vers nous comme des toutous. Mais là, je pense qu'on ne risque pas grand chose.
Sauf si l'un d'entre eux comprenait qu'il s'agissait de la distribution de pommes en voyant l'un des autres en croquer une. Et s'il décidait de leur chiper le panier. Ou si plusieurs d'entre eux décidait de les encercler. Ils n'avaient jamais tenté ce genre de mauvais tour quand il leur galopait dans les plumes. Mais une stratégie inefficace face à un cheval énervé qui court partout peut se révéler bien plus pertinente face à deux bipèdes mal à l'aise...
Au pire, on n'aura qu'à abandonner le panier et s'envoler en vitesse vers...
Un regard vers le balai presque mort de Pivoine, et Cormoran coupa net sa suggestion. La simple vue de l'objet lui évoquait une odeur d'humidité et de poussière, malgré sa propre odeur de lavande qui obstruait son horizon olfactif.
Euh...écoute, je vais prendre le panier et je les sème si nécessaire. Mais ça devrait aller, pas vrai?
Son visage aux traits tiré s'illumina faiblement d'un sourire qu'il voulait rassurant. Et il avança davantage.

On va essayer d'en trouver un qui soit un peu à l'écart. Pour limiter les risques.
Il en repéra un, plus précisément une. Crinière et robe brune, ailes du même brun bordées de noir repliées sur ses flancs. La jument volante s'était écartée pour grignoter une marguerite. Cormoran étouffa un rire.
Des marguerites... fit-il, secouant doucement la tête. Elle n'y connaît rien, celle-ci. C'est les coquelicots, les meilleures fleurs. Allez, c'est parti!

Il posa le pied à terre et s'approcha, le panier dans une main, le Brossdur dans l'autre.
Tu veux essayer de lui en donner une? demanda-t-il à Pivoine.
Il réalisa alors qu'il n'avait plus de main libre pour le faire lui-même, ni pour dégainer sa baguette pour faire le sort de découpe. Il fut tenté de simplement poser le balai dans l'herbe, mais il avait peut-être récupéré l'unique balai en bon état du domaine. Il s'en voudrait de l'abîmer. Et il avait dit qu'il garderait le panier avec lui...

"On va tabler sur leur méfiance alors. Au pire ils passeront pas un Protego et quand ils en auront marre ils s'arrêteront. Ou on les ralentit. On est des sorciers après tout il paraît." je plaisante à moitié en brandissant Choupette.

Je commence lentement à me faire à l'idée que j'ai une baguette, le droit de m'en servir même quand je peux faire autrement, et que personne, probablement, va essayer de remonter les sorts, de me pister, ou de s'en servir pour me nuire.

Probablement.

"Oui, on va bien voir si elle veut me croquer les doigts avec ou si elle a peur ou si je sais pas."

Et si jamais elle a peur de mes doigts, elle acceptera ptet mieux une pomme volante. Après tout, eux, ils volent, alors une pomme qui vole aussi ça doit pas être si choquant que ça pour eux.

J'en prends une sur le dessus donc, en à peu près bon état, et je la fiche dans ma poche. Une deuxième pomme dans la main, Choupette dans l'autre, je m'approche doucement, bien en évidence pour pas la surprendre.

"Coucou la belle ?"

Hop, attention captée. Serait temps cocotte, les marguerites j'veux bien que ça calme mais c'est pas censé être un somnifère...

"Ca se passe bien ?"

Tant qu'elle bronche pas, qu'elle recule pas, qu'elle a pas l'air nerveuse, j'avance à mon petit rythme régulier, tranquille, assuré. Ca peut pas être plus chiant qu'un hippogriffe de toute façon. Je suis vite à deux ou trois mètres d'elle.

"Regarde ce qu'on t'a apporté pour le dessert..." je murmure en dépliant les doigts pour révéler la pomme qu'ils cachaient très mal, mais que surtout ils empêchaient de tomber tant que j'étais pas raisonnablement proche de l'objet de toutes les convoitises de l'après-midi. "Je suis sûre que vous en avez pas souvent des comme ça, pas vrai ?"

A vrai dire j'en sais rien, c'est plutôt de la logique : à moins de pommiers sauvages en terrain relativement dégagé, ou d'être nourris par je ne sais qui, ils auront du mal à en trouver ailleurs. Ca m'étonnerait qu'ils aient le droit d'approcher des vergers des elfes. La jument a l'air plus intéressée que craintive on dirait en tout cas, et pour un animal sauvage ça me semble plutôt inhabituel. Mais bon, pour ce que j'y connais en dadas qui volent moi hein. Y en a un ou deux du troupeau qui surveillent ce qui se passe, on dirait. Je me demande si c'est des dominants, des curieux, ou des morfales.

"Allez la belle, viens, c'est pour toi..." je murmure, encourageante.

Pendant que Pivoine s'approchait de la jument isolée, Cormoran resta prudemment en retrait. D'un regard discret, il surveilla les autres chevaux. Certains d'entre eux les observaient. Il considéra son balai dans sa main gauche, le panier dans sa main droite, sa baguette dans sa poche, inaccessible.
Il posa le panier, et sortit sa baguette. Un charme de flottement fit léviter le panier à côté de lui. Voilà qui réglait le problème des mains libres.

L'un des volants s'ébroua. Ce n'était pas bon signe. Les Abraxans de Beauxbâtons faisaient toujours ça avant de partir à tire d'ailes, ou de renverser quelque chose d'un coup de leurs énormes sabots.
Hey, regardez un peu ça!
Il fit un pas vers le troupeau, mais il n'aimait pas la manière dont celui qui s'était ébroué se dressait sur ses pattes, légèrement tassé sur l'arrière. Alors il s'accroupit, posa son balai à côté de lui et sortit une des pommes du panier.

Locomotor

La pomme avança doucement vers le volant méfiant, s'arrêtant à une distance prudente de lui afin d'éviter qu'il ne prenne la pomme pour une menace rampante. Cormoran en fit avancer une autre, dans une autre direction, espérant atténuer la méfiance de l'animal en lui montrant qu'il n'était pas la cible de son plan. Mais le volant continuait de le fixer du regard. Cormoran se redressa, ramassant son balai, et s'éloigna, le panier flottant à côté de lui. Il valait mieux ne plus s'occuper de celui-ci. Il sema quelques pommes au hasard, et entendit l'un des volants en croquer une.

Tandis qu'il cherchait une stratégie pour s'approcher de la jument que Pivoine était en train d'appâter, quelque chose le poussa en avant. Il se retourna et vit un des chevaux ailés du troupeau. Un jeune mâle bai, aux ailes bordées de noir comme celles de la jument isolée. Il lui avait visiblement donné un coup de tête, et continuait d'avancer vers lui.
Oh là! Tu veux quoi, toi?
Par réflexe, il fit avancer le panier de pommes vers l'animal, qui renifla avec intérêt son contenu. Mais son museau enfoui dans le panier sortit soudain pour s'avancer vers Cormoran. Plus précisément vers une des mèches de ses cheveux. Les babines retroussées, l'animal découvrit les incisives.
Oh putain non!
Cormoran lâcha le balai, oubliant qu'il devait le protéger de l'herbe mouillée, pour empêcher le jeune cheval volant de grignoter ses cheveux. Il recula, rassemblant ses cheveux dans sa main libre. Rien de tel ne s'était jamais produit auparavant. Il avait déjà vu des chevaux manger des cheveux par curiosité, mais il n'avait jamais entendu parler de cheval ailé poursuivant quelqu'un pour lui dévorer la crinière. Lui-même n'aurait jamais fait ça, sous son autre forme. L'odeur des cuirs chevelus humains était bien trop infecte.
L'odeur...
Euh, Pivoine? Je crois que les pommes n'étaient pas nécessaires finalement, dit-il en esquivant une nouvelle morsure du cheval bai. J'ai l'impression que celui-ci, il aime les fleurs de lavande. C'est le moment de lui trancher du crin avant qu'il n'arrache les miens!

Elle a quand même l'air plutôt confiante, la jument, pour un animal sauvage. Pas autant que les hippogriffes du Domaine, qui en plus d'être nobles et fiers sont quand même assez apprivoisés pour qu'on puisse monter dessus, mais quand même. Je me demande si elle aurait pas l'habitude qu'on lui tende des pommes en fait. J'ai l'air de sentir un peu bizarre vu comment elle renifle ma main, mais elle finit par prendre la pomme - et sans me bouffer les doigts au passage, victoire !

"Voilà... c'est bien la belle, tu vois ? Tu connaîtrais que ça m'étonnerait pas hein..." je souffle. J'crois pas qu'ils comprennent trop ce qu'on raconte, mais ça mange pas de pain. "Allez, tu en veux une autre ?" Oh, vu comment elle regarde la pomme que je sors de ma poche, clairement... "Hep hep hep, doucement..." je souris.

Un petit sort de lévitation et j'envoie la pomme à ma gauche, juste du bon côté pour qu'elle me présente une crinière... courte et emmêlée, loin des crinières qu'on imagine dans les contes de fées, mais une crinière quand même. Avec du crin dedans, donc. Et Cormoran qui se ramène pas. Bon ben tant pis hein. J'attends qu'elle soit dans la meilleure position possible pour attraper la pomme, qu'elle... voiiilà... Je romps le sort qui a plus lieu d'être, je glisse Choupette sous les crins, et je...

...coupe même si Cormoran a l'air dans la merde derrière, en français dans le texte tiens, et je recule. Je fais bien, la jument a l'air offusquée, par chance elle m'attaque pas et se barre d'un bond et d'un coup d'aile. J'ai les crins ! Mais quand je me retourne il se fait à moitié agresser par le sosie de ladite, Cormoran.

"J'arrive !"

Je viens donc, vite, en faisant un nœud puis en fourrant les crins dans ma poche parce qu'étant une fille je suis forcément multitâche, mais je pense que j'arriverai pas à temps pour empêcher une crinière absolument pas magique de se faire raccourcir...

"Immobulus !"

Puisque visiblement il y a pas pensé tout seul hein. Ca devrait bien ralentir le dada. Normalement.

Le jeune cheval s'immobilise. Le soulagement qu'il ressentit pour la sauvegarde de sa propre crinière fut de courte durée. Le pauvre animal, qui n'était mu que par son envie de manger son mets favori, et sa confusion due à sa condition de frimeur ailé, se retrouvait immobilisé par un sort. Et Cormoran n'aimait pas cela. On ne pouvait pas arbitrairement jeter un sort à une créature non dangereuse dans l'unique but de lui prendre ses crins! Pivoine l'avait-elle cru en danger, pour agir de la sorte?

Il se retourna vers elle, sa main empoignant encore ses propres cheveux. La jument qu'elle avait approchée s'était enfuie. Les autres chevaux s'éloignaient, certains dépliant légèrement leurs ailes.
Il tourna bien plus que sept fois sa langue dans sa bouche avant d'exprimer son désaccord. Pivoine avait sans doute d'excellentes raisons d'avoir agi ainsi. Ou alors elle faisait partie de ces gens pour qui les créatures, magiques ou non, étaient des commodités pour les êtres doués de magie. Mais il était hors de question qu'il la juge hâtivement. Il se gardait d'ailleurs de porter des jugements sur quiconque sans les connaître au moins un peu. Ce principe l'avait bien servi lorsqu'il entraînait son équipe de quidditch, et l'aidait à supporter au quotidien une partie de l'infanterie, plus particulièrement les Célèbres Chasseurs de Nargoles.

Ahem...tu sais, il aurait suffi de profiter de la distraction pour lui couper du crin. Pas la peine de le contraindre comme ça! Mais puisque c'est fait... Diffindo!

Il trancha une mèche de la crinière du cheval immobile, la rangea dans une de ses poches, et rompit son immobilisation. Le cheval, surpris, se cabra légèrement avant de faire demi-tour et de rejoindre au trot le reste du troupeau. Cormoran renversa le panier de pommes par terre. Il avait donné aux chevaux ailés une véritable raison de le rejeter. La moindre des choses était de se faire pardonner en leur laissant un cadeau. Avec un peu de chance, l'odeur de lavande serait transférée sur le fruit, et les créatures pourraient faire le lien avec leurs deux personnes...

T'en as eu toi aussi? On va pouvoir rentrer. Accio brossdur
Le balai gisant entre les herbes fila dans sa direction. Il l'arrêta au vol, adroitement, de sa grande main qui avait tenu ses cheveux.

Ah. Cormoran il a pas l'air content. Les autres chevaux non plus d'ailleurs, mais ils s'en vont en dandinant du croupion comme un banc de canards plutôt que de nous sauter dessus toutes dents dehors comme euh... lui, là.

"Je l'ai pas arrêté pour lui prendre du crin." j'explique, un peu grognon de me faire reprendre pour le mauvais prétexte. "Je l'ai arrêté pour pas qu'il te scalpe." T'avais pas l'air de gérer, je dis pas mais je pense quand même. Mais bon comme il dit, maintenant que c'est fait, hein, autant que ça serve à quelque chose. "De toute façon j'aurais eu du mal à lui en prélever, il remuait pas mal. J'aurais eu peur de lui faire mal."

Ce qui est vrai, il était pas exactement immobile le sien. A sa question, je hausse les épaules.

"J'en ai eu oui. La mienne était plutôt docile. Je me demande si elle était pas habituée à ce qu'on lui donne des friandises en fait, elle m'a laissée approcher sans trop de chichis. Accio papy balai." j'ajoute à l'adresse dudit, qui vole d'autant plus vaillamment que c'est le sort qui le fait voler.

Et puis je pense brusquement à un truc. Mon ombre est encore assez courte. Je pense qu'on est pas très loin. Je pourrais aller voir enfin sans que ça ait l'air trop louche. Peut-être. Et avec quelqu'un qui peut avoir de meilleures oreilles que moi... est-ce que ça vaudrait le coup de prendre le risque de mêler quelqu'un à tout ça ? D'y mêler Cormoran ?

Après tout, c'est plus exactement un secret. Au pire je suis encore capable d'oublietter quelqu'un...

"On a été plutôt rapides, on a encore un peu de temps avant la fin du cours."

Je m'étire, j'en profite pour regarder un peu autour, essayer de me resituer. Oui, on est pas très loin je crois bien, même à dos de papy balai. Même à pied peut-être...

"T'as l'air de t'y connaître en balais au fait... tu saurais pas comment on pourrait réparer un peu celui-ci ?" je demande en le brandissant. "Il me fait un peu peine..."

Je le charme pas. Pas encore. La dernière fois que j'ai essayé je crois que j'ai un peu surdosé, et là ça m'intéresse absolument pas. En plus il a réussi à inviter quelqu'un au bal, le pauvre, j'ai pas envie de lui pourrir son groove et qu'il se mette au vaudou à cause de moi.

Une fois l'oiseau pêcheur appâté par contre, je compte bien commencer à marcher, ou voler qu'importe, l'air de rien, dans la direction que j'ai décidée moi. Si ça le branche, il oubliera peut-être de regarder où on va.

L'explication de Pivoine donna raison à son vieux principe. Toujours attendre d'avoir toutes les informations avant de réagir! Elle avait simplement voulu l'aider. Et elle avait agi en voulant éviter de blesser l'animal. D'autres ne s'en seraient pas préoccupé. Il allait de soi qu'en cas de force majeure, il n'hésiterait pas lui non plus à égratigner une créature pour récolter un ingrédient qui lui permettrait, par exemple, de vaincre un adversaire et d'empêcher ses alliés de se faire tuer. Mais tant que cette situation hypothétique ne se présentait pas, il ne blesserait aucun animal qui ne représenterait pas un danger immédiat.

T'as raison, dit-il en souriant doucement, soudain plus détendu. Ç'aurait été bête d'abîmer sa belle robe d'emplumé. Mais t'en fais pas pour mes cheveux! Au pire, je connais une potion pour les faire repousser
Mais les incisives du cheval auraient arraché les cheveux de son crâne comme elles auraient tiré sur une branche de lavande, et cela lui aurait rappelé la fois où Anne avait démêlé sa tignasse dans laquelle s'était empêtré un chewing-gum. Il devait donc une fière chandelle à Pivoine.

Ils avaient tous deux un échantillon de crin. La partie fastidieuse du travail était faite! Il ne restait qu'à filer. Mais Pivoine voulait rester ici, au beau milieu de la prairie. Qu'avait-elle en tête? Etait-ce un plan drague élaboré? Cela expliquerait sa manière de regarder autour d'elle, comme si elle vérifiait que personne ne viendrait les déranger. L'ego flatté par cette possibilité, Cormoran n'en resta pas moins suspicieux. Il n'avait jamais été un tombeur, et n'avait pas eu beaucoup de chance avec les femmes. Et si elle voulait le séduire pour obtenir quelque chose de lui?

Lorsqu'elle lui demanda de l'aide pour son balai, il se sentit un peu bête d'avoir imaginé qu'elle avait d'autres desseins. Il lui adressa un sourire soulagé. Les histoires de coeur, il n'y connaissait rien. Mais les balais, c'était son domaine.
Alors, je ne sais pas faire de réparations compliquées, mais fais voir...
Il fit léviter le Brossdur et saisit délicatement le vieux balai dans ses deux mains. Il le soupesa, fronça les sourcils en examinant le bois usé.
Mouais...je crois que j'ai cerné un peu le problème. Tu sais faire du feudeymon?
Et son visage affichait un grand sourire moqueur lorsqu'il ajouta:
C'est encore le meilleur moyen d'abréger ses souffrances, à ce truc! Parce qu'à part changer le manche, les brins, refaire tous les sorts...Honnêtement, je te conseille plutôt de transplaner jusqu'au château et de laisser ce machin ici!
Si Pivoine ne savait pas transplaner, il lui donnerait le Brossdur et rentrerait au château "à quatre sabots".

J'essaie bien de faire quelques pas en espérant qu'il me suive, mais visiblement la subtilité ça marche pas. Pourquoi y a pas de juste milieu avec les hommes du Domaine bon sang ? Soit ils voient des trucs où y en a pas, ou alors ils ont de super lunettes pour voir des trucs que personne d'autre voit... soit ils voient rien. Ou ils font semblant de rien voir. Je sais pas. Mais ça m'agace. Je me doute bien qu'il y a plus grand-chose à faire pour ce balai, il doit avoir mon âge et peut-être celui de Cormoran avec pour ce que j'en sais.

"C'est dommage. Il fait de son mieux. Merci quand même."

Et je me surprends à trouver que oui, quand même, c'est dommage. Mais bon je suis pas l'Armée du Salut hein, et surtout j'ai plus urgent à décider... des histoires de confiance, d'alliés, de non-ennemis, de franchise, et ces autres histoires qui tournent, qui tournent.

"Ecoute Cormoran..."

Je me gratte la tête, un peu gênée. Pas mal stressée aussi d'ailleurs. Je devrais pas, je devrais pas, je dev-

"Je voudrais vérifier un truc un peu plus loin mais je... je préfère pas y aller toute seule. Tu veux bien venir avec moi s'il te plaît ?"

Et là, pour le coup, je me demande si je fais pas une énorme connerie en étant aussi directe. Je me répète que j'ai rien trouvé. Que c'est pas de moi que ça vient, qu'il suffit de savoir lire. Qu'après tout, les murs ont des oreilles, mais peut-être pas le vent.

Mais ça, derrière mes grands yeux de petite fille qui demande à son grand grand frère, j'y crois pas vraiment.

Cormoran lève un sourcil, surpris par l'apparente déception de Pivoine. Peut-être tenait-elle davantage à ce balai qu'il l'avait cru. Et si c'était son propre balai, et pas l'un de ceux du Domaine? Il se demanda s'il ne venait pas de blaguer sur la destruction au Feudeymon d'un objet à valeur sentimentale...

Par acquis de conscience, il examina à nouveau le vieux balai. Ses connaissances limitées dans ce domaine lui donnèrent l'impression que le balai pouvait être réparé. A condition de changer chacune des pièces...

Il s'apprêtait à suggérer à l'enrôlée de montrer ce balai à quelqu'un de plus calé que lui en enchantements. Odysseus, par exemple, pourrait peut-être faire quelque chose. Mais elle le coupa dans son élan, toute hésitante qu'elle était, semblant prête à lui demander un service qu'il ne voudrait pas accepter.
Oui?
Elle était décidément étrange, cette Selkie miniature toute blanche de partout, avec ses secrets et ses non-dits. Etait-elle de ces gens incapables d'être directs, et qui s'exprimaient par insinuation? Il espérait que cela ne soit pas le cas. Cormoran avait toujours détesté ce genre de comportements, qu'il avait associé à un certain groupe de jeunes filles quand il était à Beauxbâtons. Les "pestes bourgeoises", comme il les avait surnommées, toujours tirées à quatre épingles, toujours en train de médire sur les autres filles. Chloé traînait parfois avec elles, et ni son frère ni sa soeur aînée n'avaient compris pourquoi.

Cormoran avait rencontré d'autres personnes de ce type par la suite, parfois des garçons, pas toujours de la bourgeoisie. Avec les années, il avait appris à laisser leurs sous-entendus passifs-agressifs glisser sur lui comme de l'eau sur un imperméable fraîchement ciré. Tant pis si cela lui donnait la réputation d'un homme ni très subtil ni très futé. Il était inutile de se préoccuper de l'opinion de gens qui, de toute façon, ne seraient pas fichus de la lui exprimer face à face.

Enfin, Pivoine formula sa question. Ce n'était donc que ça? Il sourit, soulagé. Elle n'était visiblement pas une "peste bourgeoise". Juste un peu timide.
Pas de problème! C'est pour ça que tu voulais réparer ce truc?
Il rendit le balai à sa propriétaire, et ajouta:
Tu veux transplaner en vitesse pour en prendre un autre? Ou sinon on échange. Ou on partage le Brossdur, mais 'vaut mieux éviter. Ca va pas être pratique du tout...
Il y aurait de la place pour eux deux sur le balai. Pivoine semblait si légère qu'il était certain qu'elle ne gênerait pas du tout son vol. Mais s'il en jugeait par la difficulté qu'elle avait eue à lui demander un simple service, il estima qu'elle ne voudrait pas se retrouver assise derrière lui, à devoir s'accrocher à sa taille ou aux plis de ses vêtements. De plus, s'il pouvait éviter à Ardoise d'ajouter une rumeur le concernant, il n'allait pas rater cette occasion...