J’aime bien les cours d’artefacts, en général. On apprend des choses, des choses utiles, des choses qui servent et surtout des choses pas traumatisantes. Vraiment, ce cours ils l’ont mis juste avant celui de Boudica et c’est limite des vacances. Et puis on crée. Créer c’est ce que font ceux qui survivent, ceux qui recommencent ou qui apprennent à peine à vivre. C’est ce que feront les autres. J’ai envie d’apprendre à créer. J’échangerais tellement de choses contre d’autres heures d’un cours où il n’est question ni de duperie ni de destruction. Mais on est pas là pour ça, pas vrai.

Dans ce cours, comme dans la plupart des autres d’ailleurs, j’aime nettement moins la phase "binômes plus ou moins aléatoires et douteux" à laquelle on a pourtant droit régulièrement. C’est un peu la roulette russe, à chaque fois. Comme les instructeurs essaient souvent de varier les binômes, les brigades et les spécialités, je me suis pas encore retrouvée avec mes deux Zouwus préférés et ça me va très bien. Pour Ardoise je pense que je devrais y échapper encore un moment, encore qu’on est pas à l’abri que quelqu’un ait une drôle d’idée, mais si un des instructeurs finit par se rendre compte qu’Aubépine m’ignore autant que je la méprise… j’ai pas hâte du jour où ça arrivera, manquerait plus qu’ils se passent le mot et qu’ensuite ils nous collent ensemble à chaque fois qu’il ont un binôme à faire. Brrr, quelle horreur. Comme si je faisais pas déjà assez semblant tous les jours.

De là à dire que j’ai déjà échangé plus de dix mots avec mon binôme du jour, Cormoran, non. J’en entends un ou deux dans le groupe ricaner quand le binôme tombe, une sombre histoire d’étalon et, même si j’entends pas ce passage, de chaudasse. Jaloux. Des fois j’ai l’impression que s’il pouvait rentrer sous terre, Cormoran, il le ferait. Les gens grands et massifs ont parfois cette tendance à prendre très peu de place.

On doit ramener du crin de cheval volant, il dit Odysseus. Ca commence bien, je sais plus où ils vivent. Euh. Attends. Les chevaux ça vit dans les espaces ouverts je crois… ce qui vole ça passe du temps dans le ciel… et plus c’est gros plus ça a besoin de place pour vivre et même pour décoller et atterrir… ça doit vivre dans les plaines aussi j’imagine ? Mais les licornes c’est gros comme un cheval et ça vit en forêt…

Oh puis tu sais quoi.

"Du coup moi c’est Pivoine, enchantée. Tu les chercherais où toi ces chevaux ailés ?" je demande franchement à mon binôme tout frais, ou plutôt à son menton parce que je veux bien lever la tête mais pas attraper un torticolis. "J'en ai vu que de loin... j’aurais dit dans les plaines ? Ca me semble pas malin de leur voler après, mais les créatures c’est pas mon fort donc si tu sais mieux..?"

Cormoran ne laisse rien paraître pendant que l'instructeur apparie les enrôlés en binômes. Mais, discrètement, il croise les doigts et murmure en esprit le nom de la personne avec qui il souhaiterait travailler. Et lorsque son rituel superstitieux se révèle inefficace, il ne laisse encore une fois rien transparaître. En revanche, lorsqu'il découvre l'identité de son binôme, il se voûte légèrement, comme pour prendre le moins de place possible. Cette posture, il l'a adoptée à maintes reprises au cours de sa vie, presque toujours inconsciemment. C'est une de ses sales manies, de la même facture que celles des gens qui tripotent leurs cheveux, rongent leurs ongles, ou toussotent lorsqu'ils sont nerveux.

Pivoine n'était pas la cause de son malaise. Il ne la connaissait guère, et n'avait aucune raison de redouter sa compagnie. Mais ces rumeurs sur sa participation aux "orgies du jeudi soir" couplées aux habituelles blagues sur son statut d' "étalon"... Elle risquait de lui en vouloir. Sans parler des chances pour que de nouveaux racontars montent jusqu'aux oreilles d'une certaine Selkie qui avait miraculeusement accepté de l'accompagner à ce satané bal...

Il se redressa et alla à la rencontre de Pivoine. Elle avait une drôle de manière de ne pas le regarder dans les yeux, et d'enchaîner les questions sans lui laisser le temps de se présenter à son tour. Profitant d'un suspens, il avança sa main vers Pivoine.

Cormoran. Enchanté de même!
Mais où donc le domaine trouvait-il ses enrôlées à l'aspect si fragile? Était-elle malade comme Aubépine? Il se souvint alors que Pivoine était à demi vélane. Cela expliquait son apparence particulière, tout comme cela expliquait les rumeurs.
Il serra à peine sa main, craignant de briser ses phalanges comme du verre.
Les chevaux ailés, ils sont dans la prairie en général. Si on a de la chance, on en verra à terre. Si c'est le cas, il faudra essayer de les attirer avec du whisky. A moins que cela ne fonctionne qu'avec les Abraxans...
Il réfléchit, la tête penchée en avant et la main empoignant ses cheveux à leurs racines. Une autre de ses petites manies...
J'ai pas vu d'Abraxan sur le domaine. Il faudra essayer autre chose. Malheureusement, les friandises pour chevaux ne sont pas odorantes. On pourra pas les attirer avec ça. Argh! Il va falloir la jouer finement...
Il soupira, alors qu'un début de stratégie se formait dans son esprit. Il se retourna vers Pivoine, et lui demanda:
Est-ce que tu saurais immobiliser un de ces chevaux volants s'il passait juste devant toi?

Du whisky, si on me demande c'est surtout bon à attirer un connard à cheveux gras. Cela dit, si on trouve du whisky premier prix dégueulasse normalement on est sauvés. Un peu comme l'avoine à créatures et l'avoine à humains. Faudrait demander aux elfes, si vraiment on en a besoin. Mais apparemment on en a pas besoin, finalement. Tant mieux, et dommage aussi quelque part. On avait une piste pas trop contraignante.

"Je pense que je pourrais. Mais un Stupéfix ou un Petrificus sur un cheval lancé à pleine vitesse ça risque de le faire tomber. Un humain qui tombe c'est pas trop grave, mais eux s'ils se cassent une patte..."

Je sais pas s'il existe des moyens de ralentir le temps autour d'un objet, autre qu'un Retourneur de temps et artefacts apparentés je veux dire, mais justement ces artefacts-là on en a pas, et s'il existe d'autres moyens je les connais pas.

"Ne rien tuer, tout ça." je conclus avec un geste de tête qui veut tout et rien dire. On a signé un bouquin avec pire que du sang, après tout. "Est-ce que si on trouvait un endroit où ils ont dormi, on pourrait pas trouver aussi des crins ou de la bourre ?"

Et de la bouse, enfin du crottin, de la crotte quoi hein, peu importe comment on appelle ça à part pour les cours de Vyasa, mais par chance ça n'entre pas dans les ingrédients qu'on nous a demandés. Je me demande si ça entre dans la composition de certains trucs, tiens.

Un stupefix? Ou une pétrification? Cormoran ne put retenir un sourire amusé. Lui qui se croyait trop peu subtil dans sa manière de résoudre les problèmes! Il avait plutôt pensé à une métamorphose de touffes d'herbes en lianes pour enserrer l'animal, ou encore à un sortilège pour créer un bourbier... Mais tout cela restait trop dangereux pour leurs frêles petites pattes. Ces chevaux ailés! Si fiers, si arrogants avec leurs ailes, à faire la course avec les hippogriffes, mais incapables de tenir le choc sur leurs pattes épaisses comme des brindilles...

Mmm...si on fouille leur nid, on risque de ne pas trouver suffisamment de matériau. Ou pire: de confondre du crin de cheval ailé avec les poils d'un autre animal, et provoquer une catastrophe au moment d'enchanter l'artefact.

Il soupira. Ces frimeurs ailés lui donnaient décidément du crin à retordre!

Je crois que nous n'allons pas avoir le choix: il va falloir aller à leur rencontre avec des pommes. Les chevaux adorent les pommes. Et ensuite, s'armer de patience. Et d'un sort pour sectionner une partie de leur crinière sans les blesser. On risque d'avoir un léger problème, cependant

La vengeance des volants commençait à cet instant précis où Cormoran cherchait comment expliquer à sa partenaire de cours pourquoi les chevaux ailés ne l'aimaient pas. Et ce, sans passer pour le connard susceptible et territorial qu'il devenait, parfois, sous son autre forme...

Alors je suis animagus. Ma forme animale, c'est un cheval. Un cheval non ailé, par contre

La précision était inutile. Personne n'avait une forme animale magique. Pivoine savait donc, normalement, que prélever son propre crin serait inutile.

Et quand je vais me promener sous cette forme, eh bien disons que j'essaie de me promener avec eux. Mais ils ne m'aiment pas. Et...

Il était temps de trouver un bon euphémisme. Il inspira, et en essaya un:

Et il se peut que j'ai été un peu vexé. Et que je sois parti les taquiner un peu. Et donc, qu'ils reconnaissent mon odeur, même sous cette forme là, et réagissent mal. Tu vois?

C'était assez factuel. Suffisamment factuel pour qu'il réalise à quel point son alter ego doté de sabots pouvait se montrer con, parfois...

Lui ça le fait sourire, moi son sourire me fait hausser les sourcils. Si je veux attraper un pigeon, je dois prendre en compte qu'il vole, et que s'il s'en va il va embarquer ses copains avec lui. Là on parle de pigeons d'une demi-tonne, qui s'ils se cassent le moindre petit os peuvent aussi bien être abattus sur place en l'absence de traitement rapide, et je sais pas pour mon collègue d'infanterie mais mes compétences vétérinaires sont pas exactement les meilleures du Domaine.

Bon, nourrir des chevaux avec des pommes y a une certaine logique je suppose. J'hésite à proposer du cidre pour aller avec, moitié par plaisanterie rapport au whisky premièrement envisagé, moitié parce que tant qu'on sait pas de quelle variété de chevaux ailés il s'agit exactement on est pas à l'abri de tomber sur des énergumènes qui bouderaient les pommes et préféreraient l'alcool. Et puis comme on est là pour être sérieux je dis rien et j'écoute de quel problème il s'agit exactement, en hochant la tête aux bons moments et tout. Il est un peu dans ses petits souliers, le géant, et je comprends vite pourquoi.

Alors oui, j'avoue, intérieurement j'ai envie de lui tirer les cheveux pour le faire descendre à des altitudes un peu plus décentes, et de lui coller des claques en lui demandant quel âge il a et s'il vaut pas un peu mieux que le statut de bite ambulante que tout le monde lui prête. Mais au fond, c'est pas mes oignons, les histoires de virilité mal placée entre équidés, et pour ce que je le connais le grand type là c'est peut-être juste un Granit refoulé.

"Choisis mieux tes amis et évite de te faire des ennemis, la prochaine fois ?" je commente juste. "Je te laisse aller chercher les pommes, et si le problème c'est juste ton odeur et pas ton apparence faudrait essayer de trouver un moyen de la masquer ou de la supprimer. Du parfum peut-être ? Aux pommes ou à autre chose j'en sais rien." Parce que sinon je vais me farcir tout le boulot et bien que ça m'arrange, je crois que c'est pas le but de l'exercice. "On va pas devoir te mettre sous Polynectar juste pour aller ramasser du crin j'espère..." je plaisante à moitié.

Elle a l'air fâché, et Cormoran se dit qu'il ne l'a pas volé. Il commence à comprendre pourquoi Aubépine considérait son autre forme comme un être distinct, à qui elle tendait temporairement les rênes lors de sa transformation. Comme il aurait été commode de blâmer "le Cob Gypsy" pour son comportement! Mais il ne le pouvait pas. En ce moment précis, il trouvait stupide d'aller ennuyer les chevaux ailés pour une affaire d'ego. Mais le souvenir de ces êtres hautains qui détalent pour le fuir, il ne l'aurait échangé pour rien au monde.

La mention du polynectar le fait pouffer de rire.
Ah, ça serait efficace, c'est certain! dit-il. Mais c'est trop de magie pour pas grand chose, un peu comme griller un moustique avec du Feudeymon. Non, je vais trouver du parfum.

A qui pourrait-il en emprunter? Qui mettait du parfum ici? Aucun des enrôlés de l'infanterie, autant qu'il le sache. Il était hors de question de demander à un instructeur. Et s'il utilisait du whisky? Non, hors de question d'employer une méthode de chasse aux nargoles.
S'il ne lui était pas possible de trouver de parfum pour homme, il lui faudrait en emprunter à une femme. Il se jugea apte à survivre à une odeur de fleurs le temps d'un cours sur les artefacts.

D'ailleurs, tu en portes toi? Je peux t'en emprunter? Juste pour mettre sur ma veste, ça sera suffisant pour brouiller les pistes
Et une fois la chasse au cheval volant terminée, la veste irait à la lessive. Il n'aimait pas l'idée de porter le parfum d'une femme avec qui il n'était pas intime. La dernière femme dont il avait "attrapé" le parfum était cette moldue avec qui il avait eu une relation pendant deux mois. Elle avait fini par le plaquer, lui reprochant d'être trop distant. Comme s'il pouvait lui expliquer que certains membres de sa famille n'auraient pas hésité à la livrer aux suppôts de Vous-Savez-Qui, et qu'il valait donc mieux qu'il ne lui révèle rien, pour sa sécurité...

Sinon j'ai aussi la possibilité d'emprunter les habits de quelqu'un hasarda-t-il. Mais je crois que seul Oddyseus fait ma taille. Et encore, pas en largeur d'épaules

Du parfum malheureusement j'en mets pas. Je fais absolument rien pour me rendre physiquement plus intéressante. J'en ai ni besoin, ni envie. En plus contrairement à d'autres, j'ai la chance de pas avoir une sueur radioactive, donc je peux tenir jusqu'à la douche du soir y compris quand la journée commence sur du sport. C'est pas le cas de tout le monde.

Bref, j'ai pas de parfum à lui proposer. On pourrait métamorphoser les habits de quelqu'un pour qu'ils soient à sa taille, mais je pense pas que ça couvre efficacement son odeur à lui.

"J'ai pas, mais ça peut s'arranger." j'indique en attrapant ostensiblement Choupette.

Elle lance peu de sorts hors des cours, des fois je crois qu'elle est frustrée. Et puis des fois je me dis que c'est certes un bout de bois avec de la magie et une écaille de basilic dedans, mais qu'a priori ça reste un bout de bois et que jusqu'à preuve du contraire les bouts de bois c'est pas frustré. Généralement c'est à ce moment-là que je me souviens que normalement les bouts de bois ça s'amourache pas de cet humain-là et pas un autre, ça s'accroche pas tout seul à des paperasses, ça fait pas de crise de jalousie envers d'autres bouts de bois, ça prend pas d'initiatives et ça fait pas de blagues fumeuses quand on leur a rien demandé. Accessoirement, les bouts de bois normaux ça lance pas des sorts quand on fait des dessins en l'air en disant des mots vaguement latins. Tout bien considéré, je suppose que Choupette est pas juste un bout de bois. Ouais, j'ai beau avoir grandi dans une culture où c'est assez courant, j'ai beau arriver à des résultats pas moches quand il s'agit de créer des objets magiques, j'ai même beau être entourée de meubles qui bougent et qui t'entendent et qui répètent peut-être tout, je ne sais comment, à je ne sais qui, j'ai pas encore atteint le stade quasi-animiste du Baguettier dont je me demande parfois s'il demanderait pas pardon aux arbres morts dont il tire son bois.

Bref, je pense que ça fera très plaisir à Choupette de lancer un sort parfum lavande.

Un sort, pour masquer son odeur? Il n'y avait pas pensé, habitué qu'il était à utiliser sa baguette le moins possible. Il connaissait plusieurs potions qui pouvaient modifier son odeur, la masquer, ou confondre les perceptions de quiconque s'approcherait de lui. Le dosage différait généralement selon le type de créatures à berner. Quel était le dosage pour tromper l'odorat aiguisé d'un cheval ailé?
Mais Pivoine avait déjà lancé son sort, qui ne parut avoir aucun effet. Cormoran ressentit juste une sensation curieuse, qu'il aurait été incapable de décrire. C'était comme si la couche de peau située juste sous la surface avait subi une mutation.

Euh...ça a marché, ce que t'as fait? Parce que j'ai pas l'impression que...
Quelque chose sentait la lavande. Quelque chose de proche. Peut-être le parfum de quelqu'un? Mais il n'y avait personne à proximité. Il huma l'air, et identifia la source de l'odeur. Ses vêtements. Sa main. Même ses cheveux, dont il renifla une mèche pour confirmer ses soupçons.
Hé mais...t'as changé mon odeur! Je sens le placard de ma soeur, maintenant!
Il sourit, satisfait que ce problème au moins soit réglé.
Bon, eh bien, il ne reste qu'à aller chercher des pommes.
Il se dirigea vers les cuisines, où il en trouverait sans doute. Mais avant d'y aller, il se retourna vers Pivoine. Les sourcils froncés au-dessus d'yeux qui scrutaient le plafond, il chercha une manière diplomatique de poser sa question.
Euh...est-ce que c'est facilement réversible?, hasarda-t-il. Parce que, euh...j'aime bien ne pas sentir la fleur. J'ai rien contre les fleurs, hein. Juste que, euh...
Survivre à un parfum floral le temps d'un cours, il le pouvait. Mais les gars de l'infanterie risquaient de se montrer encore plus lourdingues que d'habitude, s'ils remarquaient son nouveau parfum lavande. Sans parler du fait que tout ce qui lui rappelait Chloé avait une fâcheuse tendance à réveiller toute sa culpabilité, et à perturber son sommeil déjà fragile...

Dans l'idée, le sort aurait dû avoir le même effet qu'un spray à la lavande, mais apparemment ce n'est pas exactement ce qui s'est produit. Je me serais trompée de formule ? Ca sent la lavande il dit, mais il faut qu'il sente son bras. Moi je sens rien, de là où je suis. Ca doit être cutané ou sous-cutané. Dans le doute je lève un sourcil à la gravure de Choupette, qui évidemment ne daigne même pas se fendre d'un ricanement de farfadet ou de je ne sais quelle créature farceuse et éminemment ennuyeuse que pourrait comporter le bestiaire local. Elle aime faire des bêtises, mais elle n'a jamais fait de bruit. Ceci dit, là elle ne produit pas d'étincelles non plus, ce qui est sa façon habituelle de se moquer de moi, et j'ai pas souvenir qu'elle se soit déjà payé ma tête quand je lançais un sort sur une cible vivante. Je m'attends presque à la voir hausser ses épaules inexistantes, en tordant sa gravure comme pour dire "ben quoi, j'ai fait ce que tu m'as dit, j'y suis pour rien moi". Je suppose que je me suis donc trompée de formule.

En toute logique, il va donc falloir un contresort que j'avais pas prévu, auquel j'ai pas réfléchi et dont je suis pas certaine de pouvoir l'improviser tout de suite. Et peut-être même un peu d'humilité et aller demander de l'aide à quelqu'un qui ne se foutra pas de la gueule ni du pauvre gars qui n'y est pour rien - enfin, si, un peu, s'il avait été moins idiot et était pas parti embêter les chevaux volants, on en serait pas là - ni, si possible, de la mienne. Et ça serait bien que ça se règle avant que le vent l'emporte un peu trop loin, si tu vois ce que je veux dire.

D'un autre côté, je suis pas totalement nulle en sortilèges et même en métamorphose, je fais partie des bons éléments en fait, alors je devrais bien arriver toute seule à régler ce menu euh... souci. Autant ne pas le mentionner tout de suite.

"Ben oui, quand même." je réponds donc quand il s'inquiète, avec une assurance vaguement offusquée, façon "mais tu m'as prise pour qui ?!". "T'en fais pas, tu vas pas sentir l'armoire à linge très longtemps."

J'espère pour lui, quoi.

Elle avait l'air quelque peu vexée, sa partenaire de travaux en groupe. Et il y avait de quoi. Elle venait de l'aider à masquer son odeur, et il n'avait pas trouvé mieux que de critiquer le moyen qu'elle avait employé pour cela! Et objectivement, il n'y avait rien à redire à ce sort. Son odeur naturelle était correctement masquée, et de manière subtile, contrairement aux huiles de fleurs dont chaque goutte sortie de son flacon embaumait l'air pendant plusieurs mois et chatouillait les narines jusqu'à faire éternuer. Et malgré cela, il se plaignait de ne pas sentir suffisamment l' "homme". Comme si une odeur florale allait le déchoir de sa virilité. Comme s'il avait quelque chose à prouver de ce côté, à l'instar des jeunots en manque de l'Infanterie. Comme si le fait de sentir le "placard à linge" allait lui poser un problème, ici, à Rementor. Comme si Pivoine était supposée connaître les détails de ce qui était arrivé à ses soeurs, celle qui avait été arrêtée comme celle qui avait mal tourné...

Oui, ben, ça devrait aller. Y'a pire que de sentir le placard à linge, de toute façon. bredouilla-t-il.
Oui, il y avait bien pire. Il aurait pu sentir les chaussettes de Vyasa, par exemple.
Merci pour le coup de main, en tout cas.
Il sourit à la demi vélane, avant d'ajouter:
Bon, je m'occupe des pommes, et on se retrouve sur la prairie? Si tu repères les volants, envoie un truc dans les airs qui se repère de loin. Pas de periculum, ça risque de donner l'alerte pour rien. Je te rejoins en balai

Il s'en fut, vers les cuisines. Trouver des pommes ne devrait pas poser de problème...

Il a l'air tout gêné face à ma réaction, Cormoran. A croire que j'en impose, avec mes douze têtes et quelques de moins. Bien sûr que j'en impose. Quand je veux.

"Ca marche, on fait ça !" je souris. Le but c'est pas non plus de le tétaniser dès que je fronce un sourcil. "Je t'en prie. Pour le signal, je trouverai quelque chose de plus subtil qui fera peur à personne."

Des pétales, tiens, pourquoi pas. On est une princesse pure et fragile au nom de fleur ou on l'est pas, hein, et qui a dit que les princesses n'avaient pas le droit de porter des jeans ?

Ca me laisse peut-être cinq minutes de battement, pas assez pour faire un grand détour, bien assez pour repérer un nuage de poussière au loin, je pense. J'espère. Ah, ces gens qui parlent aux oiseaux, ils connaissent pas leur chance. Pour un peu j'irais demander à... ah ben non, ils sont partis déjà avec son binôme. Tant pis. Je ferai sans. Invoquer un Patronus me prendra trop de temps, j'ai encore du mal à rassembler sur commande des souvenirs heureux assez puissants pour matérialiser ma petite hermine. De toute façon ils marchent pour porter des messages, mais ils sont pas complètement indépendants, pour le repérage on a vu mieux. Un balai, par exemple. Pfff. Je déteste ces trucs. J'ai pas encore appris à voler sans, malheureusement, mais qu'est-ce que j'aimerais pouvoir m'en passer.

"Accio balai volant." je soupire en pointant Choupette dans la direction générale du hangar à balais.

Le truc qui arrive lentement tient encore en l'air je sais pas trop comment, mais on dira que ça fera l'affaire. Je le teste quand même rapidement pour vérifier que je risque pas de faire le grand saut. Et allez hop, en balai Pivoine, direction la prairie.

Trouver des pommes fut un peu plus difficile que prévu. Les elfes ne l'avaient pas laissé les chiper comme il le voulait. Ils avaient reçu l'ordre de ne pas dilapider leurs provisions. Ce que Cormoran comprenait parfaitement. Il avait donc parlementé pour récupérer les pommes trop mûres, un peu gâtées, en bref celles qui feraient les moins jolis desserts. Et il se dirigeait donc vers le hangar à balais avec un petit panier de pommes sous le bras.

Sur le trajet, un enrôlé de sa brigade lui conseilla de changer de déodorant, car le parfum lavande ne faisait pas très viril, et qu'il ne lui manquait plus que les rubans dans les cheveux. Il répondit en riant qu'il pouvait se le permettre, qu'il n'avait rien à compenser contrairement à d'autres, notamment les Selkies commençant par un G.

Un autre enrôlé lui demanda s'il partait faire des confitures avec sa grand mère. Il répondit avec le plus sérieux du monde qu'il comptait cuisiner un troll farci aux pommes, et que faute de troll il risquait de se rabattre sur un imbécile, et qu'il serait donc judicieux pour son interlocuteur de se trouver une excellente cachette.

Accio Eclair de Feu Suprême
Cormoran attendit, la main tendue, que le balai de compétition jaillisse du hangar. En vain. Il s'y était attendu, mais cela valait le coup d'essayer.
Il tenta d'autres modèles. Eclair de feu. Nimbus 2001. Comète. Brossdur. Ce dernier modèle jaillit du hangar et il le rattrapa au vol. Un Brossdur 7. Cormoran hocha la tête, approbateur. Ce n'était pas un Eclair de Feu, mais c'était un bon balai, quoiqu'un peu abîmé.

Incarcerem
Des cordes entourèrent le panier, enfermant les pommes dans leur prison d'osier. Il y était allé un peu trop fort: les cordes trop serrées déformaient le panier par endroit. Mais au moins il n'en sèmerait pas en chemin.

Passant le manche du balai dans l'anse du panier, Cormoran décolla en direction de la prairie. Il chercha Pivoine, ou un quelconque signe qu'elle aurait envoyé. Comme par exemple ce nuage de pétales de fleurs, au loin. Un nuage dispersé par le vent. Mais il repéra, au sol, non loin des pétales, sa binôme et ses cheveux blancs.

Il atterrit derrière elle, et annula le sort qui avait ligoté le panier. Ensuite, il répara hâtivement les sillons laissés sur le panier par les cordes trop serrées. Les pommes n'avaient pas été abîmées. Juste un peu secouées par le voyage.

C'est bon, j'ai les appâts dit-il. Tu as repéré les frim...euh les volants?

Après quelques secondes, je me dis que la prochaine fois, je ferai l'effort de retenir une référence de vrai balai décemment fonctionnel et de plutôt appeler celui-là. Celui qui est venu avait été relégué au balayage et n'attendait qu'un Accio assez imprécis pour son baroud d'honneur, c'est pas possible autrement. Il est aussi en forme qu'un vieux tacot sur une route de boue, et je m'y connais en vieilles caisses défoncées qui roulent sur des routes encore pires ! Enfin. Il tient bien assez la route pour faire ça, suffit de pas lui demander de sprint ou de piqué en vrille avec tonneaux et saltos et comme j'y connais rien en balais je risque pas de le sursolliciter. A moins qu'un cheval volant me charge... mais même avec un bon balai je compterais davantage sur Choupette que sur mes compétences en vol.

Parlant de chevaux volants, c'est pas tout ça mais va falloir les trouver maintenant. Je vois pas grand-chose d'intéressant dans le ciel, sur le chemin des plaines. Leur nourriture est au sol, de toute façon, il n'y a pas grand-chose de végétal et comestible dans les airs. Je cherche un humain au sol, déjà, puis une altitude qui me permette tout juste de distinguer sa tête de ses épaules, et de là je cherche les chevaux volants. Aucun équidé en vue, mais de là on distingue assez bien quelques pistes. Je crois pas que ça se déplace sur des pistes, les chevaux... ça doit être plus large que ça. De la poussière. Je cherche de la poussière. La terre est sèche, après l'été, malgré l'herbe. Un cheval qui se déplace doit bien en soulever un peu...

Là-bas, loin ! Je crois.

"Allez mon coco, on va voir !" j'encourage mon balai d'une petite tape sur le côté du manche, et nous allons effectivement voir, en tressaillant tous les trois mètres.

Et puis en route je me dit que ça fait un moment que je suis là et que Cormoran doit avoir trouvé les pommes. Maintenant, faut qu'il me trouve moi. Donc que j'envoie le signal. Comment on dit déjà... attends. Ah oui ça y est.

"Paeoniae folii !"

Une pluie de pétales blancs et roses s'échappe de ma baguette, tourne un peu dans le vent. C'est joliii ! Ah, ça fait du bien d'avoir un prétexte pour être girly et gnan-gnan des fois. Autre que le foutu bal du 19, quoi. Ce qu'il peut m'inquiéter, ce bal...

Les chevaux volants, Pivoine. Ensuite la sueur parfum lavande de Cormoran. Ensuite le bal. Chaque chose en son temps. Les priorités. Tout ça. Et en premier lieu, se poser, parce que ton carrosse il commence à souffrir. Je pousse encore un peu, le temps de mieux voir la poussière, et je me pose avec toute la prudence qu'on peut déployer quand on utilise un fossile pareil.

Cormoran est surprenamment rapide à me rejoindre, d'ailleurs. Ses pommes sont pas en très bon état, heureusement que les chevaux volants sont moins susceptibles que les hippogriffes parce que je crois que certains y verraient une insulte non-verbale à châtier dans le sang et les plus brefs délais.

"Il y a un nuage de poussière là-bas." je réponds, avec un geste du bras devant moi, sans relever le petit lapsus de l'Animagus le plus équin du Domaine. "Je pense que c'en est, mais j'ai pas osé m'approcher davantage sans offrande de paix." je plaisante en désignant le panier. "Il vaut mieux y aller à pied ou en balai ?"

Mais qu'est-ce que c'est que ce balai que Pivoine a choisi? Est-il seulement capable de s'élever à plus d'un demi centimètre, une fois la poussée initiale des jambes ayant cessé de faire son effet? Cormoran s'était attendu à voir Pivoine aux commandes d'un balai rapide et léger, comme ceux que les attrapeurs et les poursuiveurs utilisaient. Mais visiblement, le quidditch, ce n'était pas son dada, aurait-il dit s'il avait voulu faire une blague de qualité discutable. Heureusement, il préférait laisser ce genre de calembours douteux au reste de l'infanterie.

A pied, c'est trop loin. On va s'approcher en balai, mais il vaut mieux éviter d'atterrir au milieu du groupe. Parce que si on fait ça, au mieux ils s'envolent, au pire ils nous éjectent à coups de sabots.

En tout cas, c'est sans doute ce qu'il ferait si quelqu'un venait le déranger pendant qu'il mangeait des fleurs. Lorsqu'il se déplaçait sur quatre pattes, les mauvais réflexes prenaient parfois le dessus sur sa patience.

Mais d'abord, il fallait vérifier qu'il s'agissait bien de chevaux volants, et non de chevaux ordinaires ou d'autres créatures susceptibles de soulever de la poussière. Plaçant sa main en visière au-dessus de ses yeux, il scruta le nuage, mais ne pouvait rien distinguer de probant. Il lui fallait prendre de la hauteur. Un charme supra-sensoriel plus tard, et il distinguait de grandes ailes. Chevaux ailés, ou hippogriffes?

Une petite seconde...

Il lui sembla préférable de prendre de la hauteur. D'un coup de pied sur le sol, il propulsa le Brossdur à la verticale, s'élevant de quelques mètres. Certains joueurs de quidditch, principalement les attrapeurs, pouvaient décoller et atterrir avec une certaine grâce, comme s'ils n'étaient qu'un souffle supplémentaire dans les courants d'air du quotidien. Pas Cormoran. Lorsqu'il décollait, le vent semblait se bousculer pour remplir l'espace qu'il avait occupé. C'est dans un grand bruissement de tissu malmené par le vent qu'il prit la hauteur nécessaire, examina à nouveau le nuage et regagna la terre ferme.

Ouais, c'est eux. Bien vu!
Bien vu, mais il était temps pour lui d'annuler le charme supra-sensoriel. Trop de perception trop longtemps, c'était l'assurance d'une bonne migraine, et ses insomnies chroniques malmenaient déjà bien assez sa tête chevelue.

Je propose qu'on se rapproche doucement avec les balais, et qu'on continue à pieds dès qu'ils sont suffisamment proches. Mais...
Du bout de la baguette, il désigna le balai mal en point de Pivoine.
Il vole pour de vrai, ce truc? Ou c'est une illusion pour protéger ton Eclair de Feu Suprême des voleurs?

"Ouais, doucement c'est bien. Ses années de gloire sont derrière lui, on va éviter de lui faire faire une crise cardiaque." je plaisante en tapotant le manche du balai.

Je serais même pas étonnée qu'il perde quelques brindilles rien qu'à cause de ça, d'ailleurs. On ira doucement oui, et à ras de terre si possible, histoire de juste me péter une jambe et pas toute la colonne si Pépé décide de rendre l'âme genre là tout de suite pouf.

"Du coup on s'organise comment pour récupérer les crins ? Tu en occupes un avec les pommes, pendant ce temps je passe derrière en prendre quelques-uns, ou sur la crinière s'il me laisse approcher, et on répète sur plusieurs animaux ?"

Je me vois clairement pas priver un animal de toute sa crinière ou sa queue, s'ils ont ça c'est pour une raison autrement plus importante que simplement servir à fabriquer des baguettes ou je ne sais trop quoi d'autre. Evidemment, on ne tue rien sur le Domaine, donc on va tâcher d'éviter d'en arriver là... je tiens pas vraiment à découvrir ce que le registre qu'on a signé en arrivant réserve aux contrevenants. Une partie de votre âme, a dit Odysseus. Brr.

"Sous réserve que l'odeur les trompe, évidemment. On adaptera si jamais ils sont allergiques à la lavande ou s'ils te reconnaissent malgré tout. Dans tous les cas, sois gentil avec eux ?" je conclus, la question étant ici purement rhétorique.

Non parce que s'il décide de m'en vexer un pendant que je suis derrière lui et que je me prends la ruade, c'est pas mieux. Je crois pas que mes os y résisteraient. Et si je dois crever, je veux que ça soit face à un enfoiré pour qui je correspondrais pas à la bonne définition d'un sorcier. Pas face à un cheval volant à cause des conneries d'un demi-cheval pas volant. Ca, ce serait vraiment une mort de merde.