Sitelle fronça les sourcils. Il sortait de la pièce ronde et se dirigeait vers l’entrée du bâtiment principal. Plusieurs choses retenaient son attention, qui était partout, sauf là où il était. D’abord, c’était quoi ce cinéma pour l’introduire ? Le montrer du doigts et dire qu’il n’est pas différent mais particulier… Et puis quoi encore… Est-ce que chaque personne ou créature qui venait et qui n’étaient pas déjà dans le domaine se faisait ainsi exhiber… Encore heureux que le directeur ne l’ait pas laissé sur l’estrade en mode « venez lui poser des questions, vous verres il est humain et il est comme tout le monde ». Et puis sa nouvelle baguette, qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à la précédente. Comme s’il avait récupéré une sœur jumelle, ce qu’il trouvait particulièrement ironique, mais n’ayant pas de preuve, il préféra mettre de côté cette ironie. Il observait sa baguette, passant en revue tous les visages et les expressions qu’il avait vu dans cette salle. Hormis l’effet d’annonce qui avait produit sur les personnes présentes diverses réactions, Sitelle n’avait pas pu s’empêcher de remarquer les regards, de les sentir sur lui. Il avait gardé une expression neutre mais il avait bouilli devant les regards de pitié et encore plus devant ceux qui lui faisait comprendre que sa place n’était pas ici. Mais ils les comprenaient. Quand on n’a pas tous ses neurones de connectés, on ne peut pas tout comprendre. Il faut bien de tout pour faire un monde.

Alors qu’il avançait sans se soucier du chemin, faisant confiance à son fauteuil pour éviter les murs dans ce couloir vide, il déboucha vers l’entrée et observa les marches et songea qu’il allait devoir user souvent de sortilège ou décider de prendre une tente et de camper à l’extérieur, même s’il y avait de fortes chances que cela ne soit accepté. Avec son long sac qui pendait derrière son fauteuil, accroché aux poignées, il se sentit comme un étudiant de première année et ouvrit un bouton de son col de chemise.
Tandis qu’il se dirigeait vers la sortie, voulant faire un point à l’air libre, Sitelle croisa le regard d’un homme dont le visage lui activa ses petites cellules grises. Il l’avait déjà vu. Oui. Ce genre d’aura, ce regard, cette démarche… Sitelle prit quelques secondes pour se rappeler où et quand. Opéra Garnier, représentation du Bolchoï. Il se souvenait, c’était le danseur étoile ! Assis au premier rang pour son fauteuil, il avait pu l’observer de très près et il en avait gardé un souvenir marquant de grâce, de volupté et de beauté. Très rapidement, ayant déjà décidé qu’il lui faudrait au moins un à deux alliés, un à deux personnes pour le renseigner et au moins une personne à son service pour le manipuler et s’exercer, Sitelle fit un geste de salut envers le danseur. Un sourire s’étira sur son visage et ses yeux se mirent à pétiller. Il passa outre l'oiseau sur l'épaule, chacun avait ses défauts...

- Bonjour ! Je vous reconnais ! Vous êtes le danseur étoile. J’ai gardé un souvenir mémorable de ce spectacle à Paris lors de votre tournée… Je m’appelle...ah, vous savez déjà, vu le cirque qu’il y a eu…

Il fit un petit geste de la tête, se grattant l’arrière de la nuque dans une volonté de paraître un peu mal à l’aise.

- Est-ce que je peux demander votre nom de code ? Je suis chez les Occamy, en officier.

Et, habitué aux bonnes manières par sa grand-mère, il tendit la main droite gantée comme à son habitude, ne quittant jamais ses gants de tissu fin, vers le jeune homme qui semblait capter les rayons du soleil.

Pauvre Sycomore, il avait l’air tout retourné par l’annonce de Monsieur le Doyen et il s’était bloqué dans sa forme animale. Asphodèle se retrouvait avec une très jolie chouette effraie perchée sur son épaule, les plumes un peu gonflées et il se demandait si le jeune homme allait réussir à s’en remettre. Il essaya de lui susurrer des petites paroles réconfortantes et de le caresser gentiment, mais il avait l’impression que c’était peine perdue.

Une voix le sortit de ses pensées et il chercha à son niveau un instant, avant de baisser le regard. Oh, le nouvel enrôlé !

- Sitelle, lâcha Asphodèle, histoire de lui montrer qu’il se souvenait de son nom de code.

Un sourire sincèrement enchanté passa sur son visage lorsque Sitelle lui expliqua qu’il l’avait déjà vu danser. Son pouvoir s’activa très légèrement et il concentra toute la lumière en sa personne rien que quelques secondes avant de respirer à nouveau correctement.

- C’est vrai ? Tu as aimé ? Oh, mh. On se tutoie ici. J’espère que ça ne te dérange pas.

Il l’avait tutoyé directement parce qu’ils se tutoyaient tous ici entre enrôlés.

- Ça me fait vraiment plaisir, en tout cas.

Et vu comment ses yeux pétillèrent et que son sourire s’illumina, on voyait clairement qu’il était sincère. Il n’aurait jamais pensé rencontrer quelqu’un qui l’avait connu en tant que danseur. Non pas qu’il se considère comme spécialement extraordinaire, mais un homme qui regardait des ballets devait être quelqu’un de goût et il ressentit un intérêt tout particulièrement cordial en l’endroit de Sitelle.

- Asphodèle, je suis en intelligence chez les Zouwu. Enchanté.

Il attrapa sa main gantée et la serra délicatement entre ses doigts, sans même réaliser que son pouvoir ne se contenterait pas simplement d’une barrière de tissu pour ne pas rayonner. Lorsqu’il réalisa son erreur, il retira vivement sa main de celle du nouvel arrivant et s’empourpra :

- Je… Je suis désolé.

S’il avouait qu’il ne maîtrisait pas encore tout à fait ses pouvoirs, il passerait sans doute pour un clown. S’il se taisait, ce serait sans doute pire, mais il ne sut pas comment justifier ce qu’il venait de se passer, alors il se contenta de joindre ses doigts entre eux, baissant piteusement le regard.

- Je crois que j’étais un peu trop content. Je rencontre peu de personnes qui apprécient les ballets ici et je me suis emballé…

Peut-être qu’en présentant les choses de cette manière (ce qui n’était techniquement pas un mensonge), cela passerait mieux ?

Asphodèle ? C’était donc son nom de code. Sitelle resta persuadé un moment qu’en faisant un petit effort, il pourrait se souvenir de son prénom, mais à quoi bon. Il n’aurait pas le droit de le prononcer ici, devant ses magnifiques yeux, cette peau de velours, cette mâchoire que l’on voudrait prendre entre ses doigts … HEY !  
Sitelle écarquilla quelques secondes les yeux. Pendant quelques courtes secondes, Asphodèle était devenu l’équivalant d’un dieu de beauté sur terre. Sitelle fronça les sourcils tandis que ses pupilles reprenaient une taille normale. Question : que c’était-il passé. Réponse une : un sortilège, réponse deux, un phénomène provenant de Sitelle, réponse trois…

Àl’excuse d’Asphodèle, Sitelle secoua la tête. Si c’était involontaire et si cela provenait d’Asphodèle, alors la réponse était plutôt évidente. Cours de monsieur Beauchamps du lundi après-midi, créatures magiques, les vélanes. C’était ça, cela devait être cela.

-Vélane ? Demi-vélane ? Et tu ne contrôle pas encore bien tes pouvoirs n’est-ce pas ?

Cela expliquait tellement son aura et sa façon d’attirer tous les regards sur scène. Une fascination se déclencha en Sitelle. Il avait beaucoup de question car le sujet des créatures magiques était un de ceux qui le passionnait. Tellement plus intéressantes que les humains… Et les Vélanes étaient suffisamment rare pour ne pas avoir beaucoup d’écrits à leurs sujets, alors en rencontrer un en vie…

- Pas de souci, ajouta-t-il avec un sourire amusé et intéressé. Tu me dois devra quelques pensées en retour, puisque je n’ai pas eu le choix des miennes pour quelques secondes, même si elles étaient plaisante, s'amusa-t-il, à demi.

Option une : s’intéresser à des points communs. C’était le plus simple pour apprendre à connaître quelqu’un et l’emmener à se confier sans paraître froid et interrogateur. Sitelle observa l’oiseau qui semblait sorti d’une boite trop petite, avec ses plumes dans tous les sens. Il le désigna en souriant doucement.

- C’est ta chouette ? Effraie n’est-ce pas ? J’aime beaucoup ses animaux. Mais la tienne a l’air… perturbée. Leurs plumes ne sont pas comme cela normalement. Il s’est passé quelque chose ? Ou peut-être que ton pouvoir la perturbe ?

S’il y avait bien une chose dont Sitelle était avide, c’était d’apprendre.

Il l’avait cerné en moins de trente secondes et il n’avait même pas cherché à cacher les informations qu’il avait récoltées sur lui. Ou tout du moins, il avait balancé le tout comme ça, sans même prendre le temps de faire un joli papier cadeau. Soumaworo n’aurait pas été spécialement ravi des techniques de communication du nouvel enrôlé, se dit Asphodèle en sentant l’humiliation lui picoter la base de la nuque. Il resta silencieux face à ses questions, se contentant de fixer ses pieds.

Puis, il s’empourpra violemment lorsqu’il lui dit que non seulement il lui « devait » des pensées, mais qu’en plus, il avait ressenti des choses plaisantes. C’était… Cela… Cela ne se disait pas ! Asphodèle n’avait jamais demandé à « provoquer des choses plaisantes » chez cet inconnu et il n’était pas franchement flatté qu’on lui fasse remarquer les choses de la sorte ! Et puis, il ne lui devait rien du tout !

- Ne t’avise pas de fouiller mes pensées, lança-t-il, les sourcils froncés mais le ton bien trop désespéré pour paraître vraiment menaçant. Elles m’appartiennent !

Il croisa les bras et recula d’un pas dans une attitude protectrice, détournant le regard. Il ne se sentait pas vraiment en sécurité tout d’un coup. On lui avait déjà fait subir de la légilimencie et il avait trouvé cela effrayant et douloureux. Il n’avait pas envie d’être le cobaye d’un type qui ne savait même pas se tenir !

Il eut envie de partir et de le laisser là, le nouvel enrôlé avec son sac énorme et son fauteuil. Il aurait très bien pu passer son chemin et le planter là. Qu’est-ce qu’il aurait fait ? Il lui aurait roulé après ?
Mais l’idée de mettre en colère un légilimens ne lui plaisait pas particulièrement et peut-être que Sitelle était tout simplement maladroit. Après tout, il avait souri en prononçant ces mots déplacés. Peut-être qu’il… voulait plaisanter ?

Alors, il se détendit lorsqu’il l’entendit parler de la chouette et secoua la tête à ses paroles :

- C’est Sycomore. Un officier Occamy. Comme toi.

Peut-être que Sitelle pourrait prendre la place de Sycomore en tant que référent, se dit soudain Asphodèle en fixant la jolie chouette effraie et en glissant les doigts dans ses plumes pour essayer de les lisser un peu. On aurait dit qu’il allait se transformer en coussin à ce rythme-là. Pauvre Sycomore…
Asphodèle retint un petit soupir et observa ensuite Sitelle :

- Tu veux que je te montre tes dortoirs ? On peut facilement se perdre par ici.

Et avec un peu de chance, Sitelle s’attèlerait à défaire ses affaires ensuite, donc il pourrait échapper à sa vigilance sans passer pour un gougnafier !

Sitelle observa avec surprise la réaction d’Asphodèle. Il avait pourtant mis le sourire, les mains, tout ce qu’il fallait pour que ses réponses soient prises pour de la flatterie et de la plaisanterie. Cette créature était apparemment plutôt facile à effrayer… Il garda en tête cette information et leva doucement les deux mains pour montrer qu’il ne voulait aucun mal.

- C’était juste une plaisanterie ne t’en fais pas…

Il haussa un sourcil et s’empêcha d’ajouter qu’il était particulièrement sensible, au cas où il le prendrait mal, puis il lui fit de nouveau un sourire amical et décida d’ajouter un petit grattage derrière sa nuque pour marquer une gêne qu’il n’avait pas, mais qui ferait absolument façade.

- Je ne rentre pas dans l’esprit des gens comme ça…

Après tout, il ne le faisait que lorsque les personnes dormaient la plupart du temps, ou lorsqu’elle lui avait fait du mal. Jamais en préventif. Cela aurait été le meilleur moyen de donner une raison de lui en vouloir…
Puis son regard se porta sur la chouette. Il avait appris nombre de massage pour les animaux, et l’animagus, qui pour lui était comme la Vélane, des créatures et non des humains, attira immédiatement toute son attention.

- Pauvre petite chouette… si tu veux, je connais des techniques des relaxations à base de massages et points de pressions pour les Strigidaes. Même si je ne pense pas que tu acceptes, parce que tu ne me connais pas. ajouta-t-il, plus à l’intention de Sycomore que d’Asphodèle, considérant les créatures comme à même de se faire comprendre et de prendre leurs propres décisions.

Puis il hocha la tête, reprenant un sourire et désignant le bâtiment principal.

- Cela fait longtemps que tu es ici ? En tout cas… merci, ajouta-t-il en plongeant un regard brun intense dans celui de la Vélane. Tu es le seul à m’avoir souri tout à l’heure et à ne pas me regarder différemment. J’apprécie beaucoup les personnes sincères et de bon cœur. Je suis désolé si je t’ai fait peur. J’ai souvent cet effet sur les gens, ou bien je les fais fuir..

Pour peu qu’il en ait quelque chose à faire de ce que Sitelle apprécie ou pas. Mais c’était un bon moyen de savoir s’il était sensible aux compliments ou à la flatterie. Vu la première réaction, cela avait l’air d’être le cas. Ce n’était plus que de la confirmation. Il ajouta un sourire et conserva son regard bien fixe sur Asphodèle, le détaillant et retenant ses traits.

Il était vraiment bizarre, ce garçon, songea Asphodèle en voyant que Sitelle n’avait apparemment pas l’intention de lui faire le moindre mal et qu’il s’agissait juste d’une plaisanterie de très mauvais goût. Il nota, fixant le nouvel enrôlé, que ce dernier était pourvu d’un humour plutôt douteux et qu’il fallait qu’il se méfie à l’avenir. Non parce que cela risquait d’être gênant s’il commençait à marcher à la moindre de ses blagues ou à tout prendre au premier degré.

Fallait dire qu’Asphodèle était plus doué pour danser que pour décrypter ses congénères… ou pour s’exprimer, tout simplement.

Il se contenta alors de hocher la tête, pour lui faire comprendre que tout allait bien et qu’il acceptait de le croire. Mais, au fond de lui, une petite trace de méfiance subsista. Il avait l’impression que si on lui déplaisait, il serait bien du genre à fouiller dans la tête des gens et à essayer de déterrer leurs secrets. Non pas que les secrets d’Asphodèle soient particulièrement dangereux ou qu’ils pourraient lui porter préjudice, c’était simplement qu’il n’aimait pas l’idée de se retrouver parfaitement nu devant un étranger.

Il avait assez donné à Durmstrang. Il avait osé espérer qu’ici, au moins, on ne le tyranniserait pas et jusqu’à présent, les choses s’étaient plutôt bien passées… Pourvu que Sitelle ne change pas la donne !

- Oh… Euh… Non merci, je ne pense pas qu’il apprécierait. Il se repose juste.

Le blond retint un petit sourire cynique en pensant au fait que Sitelle ne proposerait certainement pas cela à Sycomore s’il voyait les têtes que ce dernier pouvait tirer lorsqu’il récupérait son apparence humaine. Après tout, il avait été connu à Durmstrang pour se faire respecter à coups de poing et il pouvait être impressionnant lorsqu’il se mettait en colère, songea le demi-Vélane en frémissant, mais pas exactement de peur.

Et effectivement, Sycomore ne sembla pas apprécier la proposition de Sitelle puisqu'il lui jeta un coup d’œil courroucé et se mit à hululer.
Asphodèle manqua l'arrêt cardiaque, le pensant endormi. Il finit par l'observer et lui effleura les plumes dans l'espoir de le calmer. Qu’il était doux ! Un léger sourire étira ses lèvres, puis les paroles de Sitelle le ramenèrent à la réalité.

- Je suis ici depuis un mois. La veille du jour où on a vu le Directeur pour la dernière fois, en fait.

Il songea au Bal dès le lendemain de son arrivée et au désastre que cela avait été. Puis, surpris du compliment de Sitelle, il fut bien évidemment flatté par ses paroles, mais se sentit davantage triste pour le garçon et il s’adoucit. Il avait l’impression que Sitelle n’était pas si dangereux, finalement, peut-être l’avait-il jugé trop vite ! Il devait juste être un peu maladroit et arriver ici, seul, un mois après tout le monde avant d’être exposé de la sorte, ça ne mettait pas franchement en confiance.

- Ce n’est pas grave.

Il lui offrit son plus beau sourire et commença à avancer dans le couloir pour lui montrer la direction du bâtiment Occamy.

- Certains enrôlés prennent leur mission bien trop au sérieux et ont parfois tendance à juger les autres sans vraiment faire preuve de discernement, mais tout le monde n’est pas si fermé d’esprit et je suis sûr que tu vas vite t’intégrer.

Il lui jeta un coup d’œil en coin :

- Il faudra juste éviter de plaisanter à propos de la légilimencie. Tu ne connais pas le passé des gens que tu vas rencontrer et tu pourrais les offusquer ou te faire des ennemis si tu insinues que tu pourrais t’immiscer dans leur esprit sans leur consentement.

Son visage prit une expression grave. Selon lui, c’était un grand manque de tact que de faire des plaisanteries aussi vaseuses et il valait mieux éviter de se faire des ennemis ici…

Sitelle qui avait toujours eu des facilités avec les créatures magiques et qui connaissait presque comme une encyclopédie sur roue les détails des faunes et flores les plus variées, observa avec un œil presque triste la chouette lui hululer dessus. Ça devait être le côté humain qui reprenait parfois le dessus. Parce qu’en temps normal, il pouvait passer des heures à caresser, masser, prendre soin des animaux sans que ceux-ci ne s’en plaignent jamais.
Il haussa un peu les épaules et ajouta alors juste pour avoir une chance un jour :

- N’hésite pas un jour au besoin. Je ne dirai pas que je suis spécialiste, mais les créatures et animaux magiques sont une de mes passions.

Il afficha un sourire qui se crispa doucement par la suite. Son danseur préféré et super canon lui faisait carrément une leçon sur comment se comporter avec les gens. C’était tellement humiliant. Sitelle ravala l’acidité qui venait de couler dans sa gorge, et l’entendre ajouter que beaucoup était « fermé d’esprit » assombrit un peu son regard. Même si c’étaient des adultes ici, ce microcosme de rebelles étaient donc tous aussi pourris jusqu’à la moelle que ceux de l’extérieur qui vous juge d’un regard. Au moins, il savait qu’il devait se préparer à ne pas recevoir que de bons accueils. Enfin, il s’en doutait déjà, mais inverser les statistiques pour faire que la majorité serait du mauvais côté à priori, était quand même sacrément emmerdant. Ne connaissant pas encore Asphodèle il s’empêcha de répondre « merci pour la leçon, qu’aurais-je fais sans toi toutes ces années pour savoir comment me comporter face à la société… ».
À la place, il inspira, hocha la tête et ajouta

- Tu sais… je n’utilise jamais la légilimencie sans raison valable et comme tout pouvoir il doit être utilisé uniquement pour des cas adaptés et nécessaire… J’ai juste tenté un trait d’humour, malencontreux. En général c’est à peu près la seule chose qui touche les gens à qui je parle. Mais ne t’en fais pas. J’ai l’habitude de devoir justifier tout ce que je fais quand ce n’est pas la manière dont les choses sont faites en général.

Il esquissa un sourire un peu triste laissant son fauteuil avancer également, tout en restant un peu en retrait. Asphodèle semblait quelqu’un de moralisateur et Sitelle n’avait vraiment aucune envie de garder des gens de cette sorte dans son entourage. Il reprit en questionnant, vu qu’Asphodèle lui avait dit qu’il l’emmenait vers les dortoirs.

- Si je continue par là je trouverai mon bâtiment de brigade c’est cela ? Je ne vais pas te déranger plus que ça dans ce cas.

Et il ne porta plus son regard sur lui dès la fin de la question. S’il avait gardé fixement ses pupilles sur la beauté d’Asphodèle et que ses souvenirs le faisaient l’admirer, en deux phrases que le beau danseur avait prononcées, Sitelle se sentait maintenant le cœur lourd, surtout qu’il le savait bien qu’Aspodèle ne lui avait pas voulu ces ressentiments. Un bon fond, certainement, sinon la créature sur son épaule n’y serait pas, mais comme tous et tout le monde : un bienpensant qui ne peut s’empêcher de juger et de moraliser. Sitelle en avait tellement marre de ces humains…

Asphodèle lui sourit, l’air soudain très intéressé par ce qu’il était en train de lui dire :

- Oh, vraiment ? Tu aimes étudier les créatures magiques ? Plus spécifiquement ? Je m’intéresse à tous les animaux pour ma part. Les plantes aussi. J’ai grandi près d’une forêt et j’aime beaucoup ce qui se rapporte à la nature.

Il était plutôt doué aux cours qui se rapportaient à ces matières, mais il songea :

- Je suis sûr que tu peux m’apprendre plein de choses. Peut-être que je connais aussi des choses qui pourraient t’intéresser. On pourra en parler si tu veux !

Après tout, ils étaient là pour apprendre et s’il pouvait passer un moment à parler des animaux, il n’allait pas s’en priver. Ils pourraient même peut-être s’approcher un peu des créatures magiques pour les observer à distance ! Après tout, ils n’avaient techniquement pas le droit de les déranger, mais ils pouvaient toujours les regarder de loin !

Subitement, Sitelle sembla se renfermer sur lui-même, alors qu’Asphodèle avait essayé de lui dire ce qu’il aurait aimé qu’on lui dise lorsqu’il était arrivé ici. Il grimaça un peu, se demandant s’il ne venait pas de faire une bourde en s’exprimant mal comme il le faisait parfois. Après tout, Soumaworo avait beau l’aider à s’améliorer en communication, il n’était toujours pas un professionnel dans le domaine !

- Euh… je… Sitelle ?

Il se rapprocha de lui et posa gentiment sa main sur son épaule.

- Je crois qu’il y a eu un quiproquo. Je ne suis pas très doué pour m’exprimer à l’oral, désolé. Je ne voulais pas paraître blessant et… Je te fais confiance. Je sais bien que tu n’irais pas utiliser la légilimencie. Enfin… maintenant, je le sais, en tout cas. Tu ne veux pas reprendre du départ ? On rembobine tout et on reprend à zéro ?

Il se sentait un peu gêné pour le coup. Passer pour un pervers ou un manipulateur à cause de ses gênes de demi-Vélane, il y était plutôt habitué. Mais un goujat ? On ne lui reprochait généralement pas cela…

- Tu… Tu ne veux vraiment pas que je t’emmène à ton bâtiment ?

Oups… Il avait la vague impression de s’être un peu raté, là. Et devant Sycomore ? C’était vraiment embarrassant… Pourquoi était-il aussi nul pour s’exprimer ? Il ne pourrait pas simplement danser pour tout expliquer ? Ce serait tellement plus simple…

- J’ai beau être en intelligence, je ne suis vraiment pas très doué pour communiquer avec les autres avec les mots… lâcha-t-il en soupirant de dépit sans même se rendre compte qu’il venait de parler à voix haute.

D’un coup, Asphodèle le moralisateur se mettait à devenir Asphodèle le bavard. Sitelle fronça un sourcil en lui jetant un regard de côté. Lui apprendre des choses ? Et puis quoi encore, pour qu’il lui dise qu’il ne faut pas faire de telle manière mais plutôt d’une autre ? Non merci…

- Hum ?

Il tourna son regard vers le danseur qui venait de l’interpeller. Il arrêta son fauteuil quelques secondes. Il lui faisait confiance ? Pourquoi ? Il ne lui avait rien dit ou donner à penser qu’il était digne de confiance pourtant. En plus d’être facilement flatté, Asphodèle était donc aussi de ces personnes qui par défaut accordent leur confiance ? C’était, Sitelle en était persuadé, l’absolu contraire qu’il fallait faire, mais Lui, n’était pas moralisateur. Donc il ne répondit rien et haussa un sourcil, tique qu’il avait souvent quand quelqu’un faisait quelque chose qu’il n’avait pas forcément envisagé. Cet état de fait le mettait à la fois mal à l’aise, car il voulait toujours savoir comment réagir, et l’intéressait car cela signifiait que la personne avait alors un peu d’intérêt à ses yeux.
Repartir à 0 ? Sitelle songea quelques instants et opta pour la réflexion suivante : en reprenant à 0, il verrait si la flatterie marchait de nouveau, si l’humour passait ou non et si il arriverait à caresser un peu cette chouette magnifique.

- D’accord pour recommencer cette fois. Il y a toujours une raison à ce que les choses se fassent d’une manière ou d’une autre. Et si tu préfères communiquer autrement qu’avec des mots, utilise donc ce moyen.

Il ne savait pas trop ce qu’Asphodèle voulait dire, mais il allait sûrement le découvrir rapidement. Sitelle tendit donc de nouveau sa main gantée, sachant qu’il allait se faire un peu envouter. Mais cette sensation avait été loin d’être désagréable et Asphodèle était une très belle créature. Et puis, si son pouvoir marchait sur les humains, est-ce qu’il marchait sur les créatures ? La chouette était-elle sous sa coupe ? …

- Je m’appelle Sitelle. Je viens d’arriver et je ne connais rien ni personne. Est-ce que tu as quelques minutes pour m’aider ? Je me souviens t’avoir vu à Paris, danser à l’opéra. J’ai été subjugué, vraiment. Tu es tellement doué. Je suis pour le coup, vraiment content de voir un visage que je reconnais…

Et il esquissa un sourire en se grattant un peu l’arrière de la nuque, pour marquer le fait que c’était aussi la beauté d’Asphodèle qu’il était content de revoir.

- Je crains que tu aies du mal à me comprendre ou que cela puisse se révéler être gênant si je commençais à danser pour m’exprimer, déclara Asphodèle.

Il fixa la magnifique chouette effraie sur son épaule et il ajouta :

- Et je risquerai de donner la nausée à Sycomore.

Il sourit un peu. Il aimait le contact du jeune homme, même sous sa forme de chouette, et n’avait clairement pas envie de l’effrayer ou de le voir s’échapper s’il commençait à danser en plein milieu du couloir.

- Mais je note.

Puis, Sitelle reprit « vraiment » les choses depuis le début. Asphodèle le considéra un instant, lui et sa jolie main gantée, sa phrase de présentation joliment tournée et il se mit à rire. Un rire joyeux et sincère qui lui échappa bien malgré lui et l’illumina un instant.

- Enchanté, Sitelle. Ne prends pas mon refus pour de l’impolitesse, c’est simplement que je détesterai t’envoûter malgré moi en te serrant la main.

Il lui sourit largement et lui lança :

- Merci. Ça me touche. La scène me manque, je te l’avoue. J’ai trouvé un objectif plus grand et plus important en venant ici, et j’imagine que tu comprends ce que je veux dire par là sinon tu ne te serais pas enrôlé, toi aussi. Mais… il n’empêche que ça me manque un peu.

Asphodèle lui indiqua le chemin, continuant de le guider à travers les couloirs. Normalement, ils n’auraient pas à prendre d’escaliers. Il espérait que certaines chambres soient encore libres au rez-de-chaussée pour Sitelle parce que l’établissement n’était clairement pas habilité pour les personnes à mobilité réduite…

- Je danse encore lors de nos séances de sport par contre. On a la chance de pouvoir pratiquer le sport de notre choix.

Il se tourna vers Sitelle et demanda :

- Et toi, tu as une passion dans la vie ? Quelque chose que tu aimes par-dessus tout et qui te rend heureux ?

Il avait toujours constaté que les passions des gens en révélaient beaucoup sur leur personnalité. Il se demandait bien ce que Sitelle appréciait faire de son temps libre !

Pour le coup, Sitelle s’imagina Asmodée danser dans le couloir et cela ne lui déplaisait pas, bien au contraire. Il était bien plus beau que la plupart des personnes et danser était une forme d’expression de grâce et de sensibilité. Un moment, Sitelle se demanda si en fait, la chouette sur son épaule n’était pas greffée. Ils étaient probablement amant dans ce cas. Sitelle jalousa un peu cette relation. Les animaux magiques étaient les plus beaux, les plus attentionnés, les plus fidèles.

- Je ne voudrais pas donner la nausée, ni te mettre mal à l’aise. Mais je note, je viendrai te voir danser si tu m’indiques où tu es le matin. Je pense que commencer ma journée en te voyant danser sera une des meilleures manières.

Il avança son fauteuil doucement, se détendant un peu. Le rire avait eu pour effet de se dire que même s’il était moralisateur, peut être que lorsqu’il fermait la bouche et laissait son corps s’exprimer, Asphodèle était remarquable. Et puis, il n’avait pas fait une faute irrémédiable, son côté humain le polluait et pour Sitelle, cela pouvait l’excuser.

- J’ai deux passions principales. Tout ce qui se rapproches aux créatures et animaux magiques, et les runes. Ce qui me rend heureux, passer du temps avec des créatures magiques. Et comprendre les choses.

Sitelle tourna son regard vers Asphodèle, n’ayant pas besoin de guider son fauteuil.

- Quel est ton objectif ?

Si il lui sortait quelque chose comme « combattre le mal », Sitelle allait clairement soupirer…

Asphodèle lui sourit. Avoir un spectateur ? Pourquoi pas ? Ça lui rappellerait un peu le bon vieux temps ! Il lui répondit :

- Bien sûr. Généralement, je suis près du lac, le matin ou le soir. Cela dépend de mon emploi du temps. Le cadre est vraiment idyllique, voire romantique. J’aime bien danser dans un endroit aussi beau !

Il fallait dire que l’eau avec des bougies flottantes, les petites îles plus loin, les barques et la brume qui recouvrait le parc le matin lorsqu’il faisait un peu frais, c’était vraiment magique. Il avait l’impression d’avoir le plus joli des décors de théâtre juste à portée de main.
C’était comme s’il retrouvait sa troupe. Le beau Niklas, Vladimir et sa bonne humeur contagieuse, Sandy, Macha, Galina et même la prétentieuse Vanya !

- Il y a vraiment des endroits intéressants dans le Domaine. Tu verras quand tu commenceras à te repérer. Je pense que je partirai en exploration lorsque j’aurais un peu de temps. J’adore les vieux châteaux. Je suis sûr qu’il y a plein de passages secrets dans le coin !

Ses yeux pétillèrent à l’idée de découvrir les secrets de cet endroit. Puis, il fixa le jeune homme qui lui parlait de ses passions. Autant, les créatures magiques, ou plutôt la flore et la faune de manière générale, ça le branchait, autant les runes, c’était une vaste énigme pour lui.

- Oh, tu dois être plutôt méticuleux !

Donc Sitelle était plutôt un scientifique, voire un artiste. Il aimait étudier les choses et les runes étaient plutôt un art géométrique. Il aimait la mesure, le contrôle, la connaissance, en conclut Asphodèle en le fixant. Peut-être au risque de juger les gens de manière trop catégorique, se demanda-t-il.

Il était perdu dans ses pensées lorsque sa question l’en ressortit. Oh. C’était tout de même intime comme question, non ? Asphodèle n’avait jamais vraiment pensé à cela. Il s’était simplement enrôlé. Il repensa aux raisons et bien qu’il sorte généralement l’habituel « pour combattre les forces du mal », il comprit que cette question n’attendait pas de réponse similaire. Il retint un soupir et lâcha dans un petit filet :

- Pour me venger. Et protéger les miens.

Il avait dit cela tout bas, dans un filet de voix sourd et chargé d’émotions. Peut-être parce que c’était très intime. Aussi parce qu’il avait honte d’avouer la haine qu’il ressentait. Ils avaient pris sa mère. Son enfance. Sa confiance en lui. Ils avaient failli prendre sa vie aussi. Tout ça parce qu’il avait osé naître différemment.

- E-et… Et toi ?

Il détourna le regard avec embarras. On le voyait souvent comme une petite fleur fragile, alors avouer… et devant Sycomore, de plus, qu’il n’était pas aussi innocent, pur et optimiste qu’il le laissait paraître… Sa gorge se serra douloureusement. Ce n’était pas qu’il mentait. C’était simplement que… Sa haine était si vive et si dévorante qu’il refusait de la laisser s’exprimer. Et puis, il savait que tout le monde n’était pas mauvais. Il avait rencontré des personnes qui méritaient de la douceur. Ses amis danseurs. Soumaworo et sa bienveillance fondamentale, Pivoine, sa sœur Vélane et… Bien évidemment, Sycomore. Il avait reçu beaucoup de ces personnes-là et refusait de se laisser aller à de mauvaises émotions pour leur faire honneur.

Sitelle nota dans un coin de son esprit l’emploi du temps partiel d’Asphodèle. S’il avait donc envie de le voir ou de l’éviter sur ces périodes, il savait où aller.

- Des endroits intéressants ? Comme ? Je t’avoue que je m’intéresse surtout aux créatures et aux connaissances. Donc si jamais tu as des endroits à me recommander, je serai curieux d’y aller.

Pour les passages secrets, Sitelle songea qu’il devait au moins y avoir un chemin caché pour fuir en cas d’invasion ennemi, et il se nota de faire le plan de tout cet endroit, ou d’en trouver un. Se repérer était essentiel après tout. Il hocha la tête en admettant qu’être méticuleux était un de ses traits de caractère. C’était aussi pour cela qu’il ne supportait pas trop ceux qui était complètement bordélique, sauf s’ils avaient bon fonds et qu’ils n’empêchaient pas Sitelle de faire ce qu’il voulait, de la manière dont il voulait, quand il le voulait.

Sitelle nota les raisons d’Asphodèle. Il se demanda un moment où vivaient les siens et qui ils étaient. Mais c’était sûrement pour une autre conversation. Le couloir ne faisait pas 20 kilomètres jusqu’à la porte principale. Sa raison de rejoindre les enrôlés était plutôt simple et bien moins noble. Aussi, il esquissa un sourire tout en continuant de plonger son regard dans celui d’Asphodèle, préférant regarder dans les gens dans les yeux.

- Bien moins noble que les tiennes. Même si je ne jugerai jamais les raisons. Je veux juste comprendre les deux camps. Si en cela, je peux aider les rebelles à faire en sorte que la guerre cesse ou à améliorer les destins des créatures magiques à vrai dire, cela m’ira.

Parce qu’il n’était pas dupe sur les conditions des créatures magiques auprès des Mangemorts. Et cela le révulsait au plus haut point. Il savait que sa raison allait souvent ne pas être suffisante, et jugée inadaptée ou encore égoïste puisqu’il n’en avait rien à faire des humains ou encore de combattre le mal de manière générale. Mais qu’importe. Il n’était pas là pour obtenir des approbations. Il y était alors il y restait.

- D’ailleurs, si tu connais un endroit où je peux me renseigner ensuite… J’imagine que dans une sorte d’école pour adulte comme cela, il doit y avoir un plan des lieux ou une liste des salles où je pourrais m’orienter ?

Il désigna au loin la porte qu’il supposa être celle qu’il devait emprunter pour aller à son bâtiment de brigade et songea qu’il avait déjà bien abusé du temps d’Asphodèle. Avec les renseignements, il prendrait ses marques et irait faire quelques explorations…

Ravi d’aider, Asphodèle lui rétorqua aussitôt :

- Bien sûr, il y a le village des elfes qui nous est techniquement interdit puisqu’on est censés les laisser vivre tranquillement et ne pas aller les importuner sur leur lieu de vie… J’imagine qu’il doit y en avoir dans le lac. Peut-être dans la forêt aussi. Il y tant d’endroits à découvrir encore. Je ne suis là que depuis un mois environ, mais j’ai pris tant de temps à m’adapter aux cours que je n’ai pas vraiment eu le temps d’explorer.

Il lui sourit largement :

- Si tu veux qu’on découvre un bout du Domaine ensemble un jour, tu n’auras qu’à me le dire et on fera ça, OK ?

Pourquoi pas partir sur la trace de créatures magiques ensemble ? En réalité, même juste les plantes et les animaux normaux allaient à Asphodèle. L’idée de se faire un nouvel ami le tentait aussi terriblement !

- Oh euh… comprendre les deux camps ? Je ne vois pas ce qu’il y a à comprendre. Ce sont des consanguins idiots qui veulent dominer le monde. Ils n’ont pas une psychologie aussi profonde qu'on pourrait le penser. Crois-moi, j’en ai côtoyé à Durmstrang et ils n’en valent pas la peine…

Il serra le poing en y repensant et fixa la chouette. Sycomore avait été le seul qui s’était vraiment soucié de lui à l’époque…

Et effectivement, se dit-il en fixant Sitelle, il ne comprenait pas ses raisons. Il n’en voyait même pas du tout. Comment pouvait-il essayer de comprendre des raisons qui étaient pourtant si évidentes ? Il n’y avait aucune psychologie sous-jascente. Des abrutis voulaient du pouvoir. Et eux, ils essayaient de les défaire.

Asphodèle se retint de lui balancer qu’il risquait sérieusement d’avoir du mal à se faire au rythme de vie assez intense s’il avait des raisons aussi minables, mais se retint de lui dire le fond de sa pensée et lui sourit plutôt. S’il voulait bien s’entendre avec lui, peut-être qu’être à 100% honnête avec lui n’était pas une bonne idée. Il venait bien de comprendre que le garçon était plutôt du genre susceptible pour pas grand-chose…

- Je pense que tu trouveras tout ce qu’il faut dans ton dortoir. Tu peux aussi demander aux membres de ta brigade. Ou à moi. Je suis là pour répondre à tes questions. Ah, et il y a une section réservée aux cours depuis l’ouverture du Domaine dans la bibliothèque. Tu pourras les consulter si ça t’intéresse !

Il lui fit un grand sourire, puis lui désigna son dortoir :

- Bon… Eh bien, on est arrivés ! C’était un plaisir de te rencontrer, Sitelle ! J’espère que tu t’intégreras bien et qu’on se recroisera ! À plus !

Sitelle hocha doucement la tête. Il ne comptait pas déranger les elfes, surtout s’ils vivaient en paix. Les humains avaient bien trop tendance à vouloir les déranger et à faire ce que bon leur semblait alors que les créatures elles aussi avaient le droit à leurs havres de paix.

Sitelle hocha de nouveau la tête, se disant que cela pouvait être amusant d’apprendre à découvrir son danseur favori à travers des explorations leur faisant découvrir de nouvelles choses. Mais la suite le refroidit terriblement. Asphodèle était, en plus d’être moralisateur, manichéen. Noir et blanc, bons et méchants, point terminé. Soit on est l’un, soit on est l’autre. Pas de raison, pas de gris, pas de point de vue. Les méchants sont forcément stupides et les « gentils » forcément intelligents. Sitelle retint un profond soupir. Asphodèle était vraiment limité. En temps normal, cela ne le dérangeait pas les personnes limitées. Tant qu’elle ne le jugeait pas, ce qu’avait déjà fait Asphodèle…

Il observa son poing se serrer sans quitter le regard d’Asphodèle. Il le vit avoir des pensées passer devant son regard, mais sans les dire. Sitelle ajouta les catégories « potentiellement hypocrite » et « possède un soupçon de bon sens » à Asphodèle.

- Je te remercie pour ton temps. Je vais essayer de trouver d’autres personnes de ma brigade.

Qui ne seront peut-être plus intelligentes mais qui au moins ne vont pas lui dire qu’il a tort, qu’il ne doit pas faire comme-ci ou comme-ça.

- Je viendrai te voir danser en matinée je pense. Ne m’en veux pas si je reste un peu loin par contre. Je ne veux pas te déranger ni mal faire. Au revoir !

Bien qu’il soit sûr qu’il lui dirait alors comment il était censé faire. Et il lui fit un signe de la main, pour entrer dans son dortoir. Il plongea son regard dans celui de la chouette qu’il trouvait bien plus intéressante, lui fit un sourire, et parti.