Ca y est, pap'rasse expédiée, signée, tout ça, y a encore des merdes à gérer ? Nan ? Nan. J'suis libre putain, liiibre !

Nan, moi non plus j'y crois pas.

Faut qu'je trouve ma bâtisse, mon dortoir, j'ai mes affaires à ranger, les copains à faire coucou dire bonjour tout ça, pis l'emploi du temps à choper, pis r'pérage pis ça s'ra l'soir et d'main visite et au boulot. Va bien y avoir un bizutage au milieu d'tout ça aussi, d'une façon ou d'une autre. J'sais juste ni quand ni comment. Quoi que, ça avait l'air tout vide là à part l'géant à l'entrée, l'elfe et la limace. Ptet qu'y sont en r'tard ?

J'hausse les épaules et j'sors d'la salle ronde...

...ah. Bah on dirait qu'c'est moi qui suis en r'tard en fait.

Ca papote, ça court, ça gueule, ça a toutes les gueules et toutes les couleurs et tout l'même âge à peu près, des gars des filles même des hybrides j'en vois, j'm'attendais pas. L'elfe y s'est barré d'ailleurs tiens. Doit vraiment plus y avoir d'merdes à gérer. Juste des gens.

Une putain d'chiée d'gens, même. J'm'attendais à un truc assez solide évidemment, niveau orga, effectifs, tout ça, sinon j'aurais pas répondu. Mais autant d'gens ? Nah. Sont balèzes n'empêche les types. Avant d'arriver dans la salle ronde et d'signer leur bordel, j'ai rien vu, rien entendu, rien senti, j'suis même pas rentrée dans quelqu'un qu'j'avais pas vu. C'pas des pignoufs qu'ont fait ça. 'fin ou alors c'est des pignoufs avec des types super balèzes dedans. Ca a d'la gueule au moins, et ça rassure un peu on va pas s'mentir. J'aurais pas aimé mett' les pieds dans un truc mal foutu. J'ai d'la famille encore moi là-bas... encore...

Pas penser à ça on a dit cocotte. C'est fait. Ca chang'ra rien.

Du coup j'fais genre trois pas pour pas rester plantée d'vant la porte, pis j'chope un gars au pif. L'premier qui passe, vraiment. Et qu'a pas l'air trop pressé aussi quand même parce que j'veux pas fout' la merde en arrivant faut pas déconner, mais c'est l'premier quand même alors ça tombe bien. Pis il est pas mal foutu et ça gâche rien.

"Hey, j'viens d'arriver. Jaguar, Infant'rie, Zouwu." Pis comme j'sais pas pourquoi j'y cause en vrai, à part pour pas avoir l'air d'une conne avec mon sac d'vant la salle des bizuts, j'enchaîne : "T'es là d'puis longtemps toi ?"

J’aime bien juin. Il fait chaud, les filles mettent des trucs plus courts, la nature se prépare à l’explosion de l’été. Alors ouais, la mer me manque, c’est certain. Et le vent. Le vrai vent, celui qui fait barrière et que l’on doit percer. Après, entre les cours, le sport, les rencontres, les gens, la bagarre, les filles, je n’ai pas le temps de m’appesantir sur ce qui est ou n’est pas. Juste, parfois, quand j’ai trois secondes, je me balade, les mains dans les poches de mon jean, en chemise à manche courte à carreaux et la crinière au soleil.

C’est exactement ce que je suis en train de faire quand je vois un canon sortir du Manoir/Château. Peau noire, fine, brillante, avec des yeux mon dieu, j’en ai jamais vu des pareils. Elle est nouvelle, c’est certain parce qu’une beauté pareille je l’aurais pas loupée depuis genre un mois plus que je suis ici. Elle a une démarche féline, si une tractopelle était une variété féline. Et un sac ce qui fait honneur à mes qualités d’observateur ainsi qu’à mon pouvoir de déduction.

Je ne me rends évidemment pas compte que j’ai ralenti le pas, comme si je ne voulais pas l’aborder tout de suite. Pas con, je ne vais pas aller la faire chier alors qu’elle vient d’arriver et qu’elle ne sait pas encore comment elle s’appelle ou presque. Il faudra juste que je trouve le moyen de m’asseoir près d’elle pour le diner. Facile. Et si elle est Occamy, plus facile encore. Je me prends à espérer lorsque j’entends une voix.

« Turaco, médic, occamy. » Elle a un drôle d’accent, sa pâte de fruit devait être avariée mais ça fait plaisir d’entendre quelque chose d’autre le british parfait qu’on doit tous subir ici. J’ai un peu l’impression de retrouver mon île. Je lui souris sans m’en rendre compte, tandis que mes yeux passent du vert au bleu en douceur. « Je suis arrivé parmi les premiers avec le gros groupe mais ne t’en fait pas, ils ne nous laissent pas ne pas nous intégrer. » Je passe ma main dans mes cheveux. Infanterie Zouwu hein. Elle va se retrouver avec Ocelot et je ne sais pas si c’est mieux ou pire que le fait qu’elle flashe sur Arcturus. Bref. Je tends la main. « Tu veux que je te porte ton sac ? Par galanterie tout ça. Je t’accompagne à ta brigade et te fait visiter si tu veux. J’ai fini les cours pour le moment. »

A tous les coups elle va me sortir qu’elle est bien plus capable que moi de porter son stupide sac. Et j’en doute pas. Ce qu’elle peut être…bref. Un mannequin cette fille. Un peu maigre mais je mets ça sur le compte de son phénotype pas comme les Cendre, Aubépine et autre Pivoine qui croient que les côtes ça nous fait de l’effet.

Ah cool, z'ont prévu des médics. Ouais c'est évident mais on sait jamais. J'me d'mande c'qu'ils ont prévu d'autre, comme spés. J'crois pas qu'y m'ait dit, la limace. Ou l'elfe. Nan mais la com' ici elle est à chier hein. Marrant comme nom Turaco en tout cas, j'me d'mande c'que c'est comme truc. Bestiole sûrement. L'a l'air sympa, un gamin mais sympa.

"Ca fait longtemps ? Et ça vient d'quoi ton code ?" j'y d'mande.

Et t'as quel âge aussi, parce qu'il a une tête d'ado qui saigne un peu du nez là. Et un sourire. J'aime bien comment y sourit, mais ça y enlève encore cinq ans. On dirait un gamin en vrai, mais y a du muscle là-d'ssous, j'me fais pas avoir. J'y souris aussi, moins fort faut pas déconner. Y tend la main, j'la serre, bien fort. Un peu les nerfs, un peu poser les couilles sur la table, pas mal parce que j'serre toujours fort t'façon. Pis aussi un peu parce que la galant'rie, mouarf. J'suis pas v'nue pour les ragnagnas moi hein. J'percute qu'après qu'y d'vait vouloir qu'j'y foute mon sac, dans sa main. Bah tant pis, l'a eu ma poigne. D'vrait s'en r'mettre.

"J'me l'trimballe d'puis trois heures j'peux bien continuer encore un peu." j'y dis, d'ailleurs.

Pis l'est pas lourd mon sac. Pas trop. 'fin y fait pas cinquante kilos quoi ça va.

"En face y s'en foutent d'la galant'rie t'sais. Mais j'veux bien faire l'tour c'est sympa."

Pas flippée d'entendre c't'histoire d'intégration d'force, j'le suis donc en r'gardant autour. C'est sympa comme coin. C'est vieux. C'est pas latino. On est en Europe ptet ?

"Tiens parlant des cours, faut pas trop rester l'cul sur une chaise j'espère, y a d'la pratique ?" Au cas où c'était pas clair qu'j'étais pas là pour bouffer du papier...

"C'est un piaf. Une sorte de perruche d'Afrique Sub-Saharienne de l'Ouest, verte avec un crête genre fleurie et des couleurs qu'on dirait une drag-queen, avec de l'eye-liner blanc et rouge pétant et tout. Elle fait un cri trop moche et comme j'suis bavard et que j'ai des cheveux dans tous les sens, ça m'a fait marrer. Je te demande pas pourquoi Jaguar hein, ça se voit quand tu marches." J'ai l'impression de copier un peu son langage familier et je note de me dire qu'il faudrait peut-être que j'y fasse attention. Je ne voudrais pas déjà la vexer. En général j'attends quelques jours avant les premières grosses piques, histoire de tester l'humour de ces dames. On ne sait jamais.

Je commence à marcher et je continue à répondre à l'avalanche de questions. J'avais les même en arrivant, même si on était nettement moins nombreux. "J'étais dans le premier arrivage, il y a quoi... quelques mois maintenant ? En mai. On perd un peu la notion du temps ici, tu verras. Beaucoup ont débarqué les quinze premiers jours puis quelques-uns au compte-goutte depuis. Les profs sont arrivés avant je pense mais combien de temps avant...mystère. Ils ne parlent pas trop d'eux." J'avoue aussi que je ne m'y suis pas vraiment intéressé. Les profs, c'est des profs. J'ai toujours eu du mal à les considérer comme des humains. Pareil pour les Professeurs et autres pontes de l'hôpital qui débarquent de leur bureau en blouse blanche pour te sortir deux mots et retourner dans leur placard extra-terrestre. Je ris. D'abord parce que l'image me fait marrer (Lancelot avec des antennes) et aussi parce que sa réaction concernant son sac était tellement prévisible que j'aurais pu parier. J'aurais dû. Cal a toujours des trucs sympas à perdre.

"Y a les deux. En général c'est assez pratique, on n'est pas là pour philosopher sur la métaphysique des fluides quoi. Après y a des matières plus spéciales que d'autres. Par exemple t'as du voir Odysseus pour ta baguette. C'est l'prof d'artefacts et il faut suivre ses délires, cela dit il fait beaucoup dans le toucher et la sensation. Lancelot est mon prof principal puisque c'est le médicomage des lieux. Faudra que t'ailles faire une visite médicale d'ailleurs. Lui il est plus dans le "je vous fous dans la merde et je vous regarde vous démerder." Vyasa, le prof de créature est rarement dans sa salle de classe. Morrigan par contre, la prof d'extraction/torture tout ça et Soumaworo le prof de com' ils sont plus dans la théorie, évidemment. Je sais plus quelles sont tes majeures et mineures en Infanterie mais ça m'étonnerais que tu aies beaucoup à gratter. T'es quelle brigade déjà t'as dit ? Zouwu ? Ouais j'suis con, bien sûr que t'es un gros chat. Alors tu verras pas mal Lancelot, c'est un de tes trois profs de brigade, avec Nyamata, la prof de combat et Zhurong, la prof de poison, antidotes, potion tout ça."

Tu causes trop Tura. Les filles aiment qu'on les écoute, pas le contraire. Bah. Tant pis, elle connait rien ici et ça m'amuse de lui donner ma version des faits. Elle verra bien par la suite si elle supporte ou pas.

"Donc là on est sur la Place. T'as les quatre brigades autour, avec des salles de cours et tout. L'animal de la brigade est gravé au dessus de la porte, tu peux pas te gourer et même si tu te goures, bah c'pas grave, c'est permis. Y a genre une fille de ta brigade, Aubépine, elle passe une nuit sur deux dans la mienne quasi pour dormir avec son frangin."

Ah ça pour êt' bavard... y a pas à dire, j'suis tombée sur la pie du troupeau. D'ailleurs j'suis presque sûre qu'y mate mon cul mais bah, tant qu'y fait qu'mater. J'y fais ma tête qui dit "continue et tu t'en prends une", un peu défi pas mal avertiss'ment. Prochain commentaire y s'en prend une ouais, mais là on va dire qu'j'ai juste une démarche décidée et une sale gueule. J'en ai d'jà vu des jaguars, en vrai, 'fin pas souvent mais j'en ai vu, et ça a beau pas passer un Protego t'es pas fier quand t'en vois un qui vient vers toi.

Premier arrivage en mai. Eh bah dis donc j'ai un ou deux mois d'retard d'jà moi, ça va êt' marrant. Les profs ils étaient là encore avant y dit. Les profs. Profs. Pas les instrus. J'aime pas du tout l'choix des mots. Medic il a dit hm. Ptet pour ça. Bah, on verra bien. C'qu'y disent les autres, comment y parlent des "profs", des "instrus", plusieurs avis. Quel genre d'gens y a en Infant'rie aussi. Putain dis-moi qu'y a pas qu'des débiles obsédés et qu'on va pouvoir s'mett' sur la gueule dans une bonne ambiance ou ça va êt' très, très dur. Lui y rigole tout seul et j'me d'mande si c'est l'idiot du village ou juste, vraiment, du fond du cœur, un gamin.

Visite médicale ouais OK normal, théorie, pratique, blabla... torture. Ah ça va êt' marrant ça tiens (non). Théorie. J'aime pas ça. La torture j'veux dire. C'est comme le tir au pigeon, ça m'intéresse pas et j'aime pas ça. M'enfin j'suppose qu'ça peut servir si y a personne d'plus adapté pour péter les doigts des prisonniers.

"Ouais j'vois l'genre." j'dis juste quand y fait une pause pour respirer. "'core heureux qu'y a d'la pratique, c'est pas avec des courbettes qu'on va la gagner c'te guerre."

Et ouais, j'suis un gros chat. J'suis bien tombée j'suppose. Sauf si y avait une brigade Womatou. Mais bon c'gros chat-là j'l'ai dans ma baguette, alors ça va. L'est bien foutue j'dois avouer. Au moins il a beau raconter des conneries, la limace, y sait c'qu'y fait d'ses dix doigts. J'suppose. Ou y fait bien semblant. On verra vite, j'ai pas prévu d'aller m'battre avec une sous-baguette qu'j'aurai pas un peu travaillée avant. Ca m'laisse jusqu'à... d'main matin j'imagine.

J'commente pas la nana qui va dormir chez son frère. J'trouve ça un peu minable. On a passé l'âge, non ? Z'ont quel âge les plus jeunes ici, dix ans ? Pis plutôt crever que d'le dire, mais ça pique. Elle au moins elle l'a encore... et il est là avec elle et ils passent du temps ensemble. Et puis bah. Tant mieux pour eux, tant pis pour moi, c'est tout.

Pis y a plus important.

"Pas d'couvre-feu ?" j'm'étonne.

J'verrai à l'usage hein, mais vraiment ça m'étonne. Ca doit baiser dans tous les coins.

J'adore sa gueule. Limite elle me dit "approche et tu vas t'en prendre une" avec ses yeux. Ce genre de défi, ça me met toujours de bonne humeur. Si elle est, comme moi, du genre à aimer la baston amicale, y a moyen pour qu'on s'entende grave bien. Mon sourire n'est donc pas un poil contrit, au contraire et si je suis un rien plus discret en la regardant marcher, il est évident que je n'ai absolument pas peur de ses menaces silencieuses, au contraire. Ca manquait, une fille avec un vrai caractère. Ces demoiselles sont bien trop discrètes à mon goût, ici. Corneille exceptée sauf qu'elle est à Muguet et que je ne pique pas les femmes des collègues. Bref, je cause, je cause, je cause et une fois que je respire, elle y va de son petit commentaire qui me fait bien marrer.

"Dit jamais ça à Ishtar, l'instru d'étiquette. Elle désespère de faire quelque chose de nous déjà. Enfin, heureusement moi je l'ai pas souvent, les doc', c'est pas trop fait pour les ronds de jambe. On a plutôt l'habitude que les gens nous servent le café que l'inverse tu vois." le genre macho à tout faire faire aux infirmières mais c'est vrai qu'il y a cette aura du "celui qui soigne" qui me déplaît pas autant que ça devrait. Heureusement j'ai Cal pour me garder humble.

Bref, j'continue mon petit tour du propriétaire et, à ma grande surprise, voilà que la féline elle repère juste l'info importante dans tout ce que je viens de dire. Et ça, ça vaut un nouveau grand sourire et plein de paillettes dans mes yeux verts. Elle ne peut pas poser la question innocemment, ce serait trop gros alors qu'elle pouvait se moquer de la soeur et son frère, parler de son retard en cours, tiquer sur genre les cours de TORTURE et tout.

"Ouais nan. Ils partent du principe qu'on est adultes et qu'on fait ce qu'on veut de nos culs. Après, je sais pas toi mais baiser dans un dortoir quand d'autres peuvent entendre, c'est pas ma cam. Parce que ouais on est en dortoirs de six personnes, mixtes. Pis avec les horaires qu'on se prend, si tu fais une nuit blanche t'as zéro chance de la rattraper donc je suppose qu'ils comptent aussi là dessus. Ils ont beau nous faire des menus équilibrés et tout, c'est un peu le marche ou crève ici. Faut pas s'attendre à ce qu'on nous materne. Surtout le chef, Monsieur le Directeur. C'est un beau salaud. A côté, les instrus, c'est genre euh, j'ai pas d'image classe mais t'as l'idée. Bref, tu dors, tu dors pas, peu importe tant que t'es opé en cours. Si tu arrive pas à dormir, tu peux demander une potion à Lancelot ou Zhurong je suppose. Ou a un pote médic s'il est sympa et que t'as confiance. Dans ta brigade...y a Brume qu'est pas trop mal. Il a de bonnes bases moldues et sorcières. Après, les brigades, c'est juste pour des histoires d'emploi du temps j'dirais. Pis Brume, l'est aussi un peu spécial. Bref, je m'embrouille."

Je me frotte la nuque, pour chasser un peu de gêne, sans que celle-ci ne ternisse du tout le plaisir que j'ai à faire guide.

"Je t'ai déjà saoulé ou tu te sens prête à continuer la visite ?"

Oh putain une instru d'étiquette ? Naaan, pitié, pas çaaa... 'fin j'suppose qu'on est pas non plus là pour les courbettes et les ragnagnas en Infant'rie, m'enfin bon !

En tout cas y en a un qu'est content qu'j'y parle du couvre-feu, ouh là là. J'ai lâché un fauve. Et y lâche pas mal d'trucs utiles dans l'tas, l'fauve. 'fin non il a pas du tout une gueule de chat. Pas d'piaf non plus. Un... toutou j'suppose. Un genre de gros toutou avec la langue qui pend bien tellement il est trop content d'être avec toi.

D'habitude j'aime pas les chiens mais lui l'est marrant. Pis il est clair... c't'enthousiasme pour l'couvre-feu et les détails sur les nuits blanches et pas baiser dans les dortoirs tout ça, c'est pas encore une invit' mais c'est tout comme. Du coup j'réponds pas quand y parle des gens qui peuvent entendre et tout ça, j'ai peur qu'y m'entende rigoler. J'suis pas exhibitionniste moi non plus, merci bien. J'sais pas si y m'intéresse, encore. Ptet bien. Ptet pas. On verra à l'usage, un peu. J'note Brume, en attendant - et qu'y s'propose pas comme médic d'confiance, aussi. C'est bien. En tout cas y force pas, j'apprécie.

"Pas d'insomnies, ça va." j'y dis, au gamin-clébard. 'fin j'vais pas dire qu'ça m'est jamais arrivé mais... ça va mieux. Un peu. "Parle-moi du dirlo encore." Les cours c'est bien mais j'verrai à l'usage. L'dirlo... si c'est l'chef et un connard j'aime autant savoir à quoi m'en t'nir, et vite. "Et t'en fais pas pour moi, si tu m'saoules tu sauras vite."

Genre parce que j'vais souffler, l'couper, m'barrer, et qu's'il insiste y a moyen qu'j'y en colle une. C'pas parce que j'ai pas envie d'me faire r'marquer dès l'début que j'vais m'laisser faire. Faut savoir poser les couilles sur la table dans la vie.

Pas d'insomnie ? Cool. J'sais pas ce qu'ils ont dans ma brigade mais j'ai parfois l'impression d'être le seul à dormir la nuit. Pas que ça me dérange, puisque je dors de toute façon mais ça fait toujours ça de moins à traiter. J'avoue, je m'attend presque au moment où l'médic-chef va m'ordonner de soporiser tout ça. J'y ai déjà pensé. Me faudrait de la valériane et de la passiflore et un peu de camomille. Pis un diffuseur à mettre sous les lits. Avec un minuteur. Sinon on risque d'avoir une armée de zombie. Ca pourrait être drôle n'empêche. L'autre sans nom là, j'suis sur qu'il ne s'y attendrait pas. L'dirlo. Bon.

"Déjà, il a genre quarante, cinquante ans moldus à vu de rides. Il a les yeux on dirait un cocker tout mouillé sauf qu'ils sont secs. Tu sais les chiens ils ont les yeux humides qu'on a l'impression qu'ils pleurent. Ben lui il pleure sec d froid, façon serpent. Ses cheveux sont gras et moches, un peu longs aux épaules. Marrons. Il a des habits chelous souvent. Quand il parle,o n a l'impression qu'on l'a fâché mais je pense qu'il joue la comédie et qu'il le fait bien. Il s'énerve jamais sauf qu'il a l'insulte facile. On est tous nuls, on va tous crever, il nous méprise tous, tout ça. Il aime aussi faire des remarques sur la relation amoureuse entre le médic-chef et l'instru des artefacts, le gars qui fait les baguettes. J'sais pas si c'est vrai. J'crois pas que ce soit important, je pense qu'il essaie de savoir qui ça choque plutôt. J'pense qu'il est très intelligent et très dangereux. J'sais pas encore quoi en penser d'autre. Sinon...euh...il est vachement plus sympa avec les elfes et le mobilier que nous. Il aime répéter qu'on est des invités ici et que tout le reste est chez lui. C'est une façon de penser que j'aime bien. Les elfes sont libres dans le coin tu sais. Et..voilà. J'pense qu'il fait exprès d'être antipathique pour qu'on lui foute la paix. Oh, et il traite pas les profs mieux que nous, crois pas. Tout le monde pareil. Finalement, il est égalitarien lui aussi puisqu'il méprise sans prendre en compte ni la race, ni la pureté, ni la couleur ni l'origine, ni l'âge ni le sexe ni...rien quoi."

Je hausse les épaules.

"Il est pas aimé dans tous les cas alors j'pense que tu peux facilement avoir des avis en lançant les autres sur le sujet. Genre a notre arrivée on a du faire une réunion pour décorer les dortoirs et faire un règlement intérieur tout ça et il a fait des apparitions dans les feux pour insulter les gens qui avaient des idées qui lui revenaient pas. J'te jure. Dans tous les cas, pars du principe qu'il sait tout ce qu'il se passe ici, ça vaut mieux pour tout le monde. Et sinon, j'sais pas, laisse pisser je te dirais."

Je montre la prairie devant nous.

"Ca c'est la prairie. Elle est assez grande. Y a plein de bestioles sympa dedans dont des hordes de chevaux ailés super cool. Elle va jusqu'à la porte par où tu es arrivée. Laquelle est gardée par une famille de géants. Au fond t'as la forêt. Il est déconseillé d'y aller seul mais rien n'est interdit. T'as un lac à l'Est. De l'autre côté du manoir c'est le village des Elfes. C'est le seul endroit interdit. Pis t'as les montagnes a l'ouest. Tout autour t'as un mur enchanté infranchissable et voilà. Des questions ?"

Et ça y est, l'moulin à paroles est canalisé sur autre chose. L'dirlo. J'bouge juste un peu la tête pendant qu'y raconte. J'crois qu'je vois l'tableau. Les elfes j'connais, c'pas très habituel par chez moi mais j'connais assez pour savoir c'qui m'a montré l'chemin.

J'vois l'idée pour l'dirlo. Ca m'rappelle des trucs, c'genre d'portrait. J'sais pas trop quoi en penser tant qu'j'l'aurai pas vu, mais au fond les gens c'est les mêmes partout.

"Mouais, j'vois." j'dis juste.

Ca m'fait réfléchir un peu, j'ai un peu la tête ailleurs. L'a b'soin d'nous mais on est juste tolérés. Limite un mal nécessaire.

Dispensables.

Remplaçables en tout cas à tous les coups.

"J'vois." j'répète. "J'suis pas là pour m'fritter avec les chefs, tant qu'y foutent la paix. Y fait pas d'cours lui rassure-moi."

Non parce que sinon ça va ptet piquer un poil. Si on m'fait chier j'ai tendance à mordre avant d'percuter qu'c'est trop gros pour moi.

Et là l'piaf qui jacasse y passe à la prairie, pouf, d'un coup. J'suis la main et l'sujet, sans vraiment cacher un sourire en coin. L'est marrant ce p'tit con. J'crois que j'l'aime bien. Y a moyen qu'on s'entende.

Plein d'endroits, plein d'trucs, j'ai trop envie d'aller voir les dadas qui volent parce que ça doit être trop beau. Mais pas aujourd'hui. Déjà parce qu'aujourd'hui j'débarque, ensuite parce qu'on va d'abord voir les gens et ensuite les bestioles. J'm'attends t'jours à mon bizutage aussi et j'me d'mande toujours un poil quand est-ce qu'y va m'tomber sur la gueule.

"Ouais. On est où ?" J'montre autour, j'me r'tourne. "J'veux dire. Europe ? States ? Trou du cul d'la pampa ? Comment on sait qu'c'est safe ici ? Y a pas eu des attaques encore ?"

"On est sur le Domaine" que je réponds en haussant les épaules. "Nan, attend, fait pas la gueule. C'est pas que je veux pas te répondre, c'est qu'on sait pas. Déjà, la nuit, c'est pas les bonnes étoiles. Y en a qui le prenaient très mal au début. Après, est-ce que c'est un sort ou le vrai ciel, je sais pas. Le climat pour le moment est...normal je dirais, européen quoi mais vu que y a des micro-climats dans la forêt pour que toutes les plantes soient contentes, je dirais que ça c'est voulu. On peut pas voir au dessus du mur. Y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes. Le mur il monte avec toi, même si tu te transformes et tout. Personne n'a encore tenté d'escalader la montagne pour voir pour autant que je sache. J'pense pas que ce soit différent mais je te dis ce que je sais. Sinon, nan on n'a pas été attaqué. Monsieur le Directeur il a fait des allusions à une autre promo d'avant mais j'y crois pas. Les profs viennent d'arriver aussi. J'crois que le seul moyen d'entrer pour de vrai, c'est par la porte et faut passer le voile et les géants. Y a des rumeurs sur des groupes de lycans, vampires et autres trucs autour du mur. Pis les elfes libres, j'pense que si on attaque leur village vont se défendre. Et faut pas faire chier les elfes. Sans parler des centaures, des vélanes, des êtres de l'eau, bref, je pense qu'on est bien protégés. Parfois, je me dis qu'on est dans la poche enchantée de Mr le Directeur. Ca expliquerait pourquoi il fait autant la gueule."

Je souris et je lui fait un clin d'oeil.

"Pourquoi ? Je te fais peur à ce point ? Tu veux déjà te tailler ? Je te promets, je ne mords que si on me donne la permission. Le consentement c'est pas pour les chiens, c'est aussi pour les gros chats." Je ne sais pas trop quoi dire d'autre pour présenter le Domaine. C'est trop grand pour tout détruire et trop petit pour durer aussi longtemps que je l'aurai souhaité. Merde.

"On est dispatchés en dortoirs mixtes de six, avec une salle commune par brigade. Y a aussi une petite cuisine. Ceez nous c'est Sycomore qui cuisine surtout. Je ne connais pas l'intimité des Zouwu, juste, si Aubépine cuisine, elle mange pas ses préparations. Cette fille est bien trop maigre pour être en bonne santé. Maintenant que j'y pense, Brume aussi est maigre. Va falloir que j'en touche un mot au médic-chef. Dans tous les cas, t'en fait pas, on a de vrais repas officiels fait par les elfes en fonction des besoins de chacun dans la salle à manger du bâtiment principal. Sinon, euh, les emplois du temps sont affichés dans la salle commune."

Tu sais qu'tu causes vraiment beaucoup trop, toi ? Genre, vraiment, vraiment beaucoup trop ? Quelle idée j'ai eue d'y poser une question aussi faut dire... même quatre ou cinq... Au moins y parle y parle y parle, mais y a des infos dans c'qu'y dit, des trucs intéressants. C'est bien. C'pas dit que j'les aurais eus avec un autre. C'pas dit non plus qu'je vais tout retenir, mais on va pas trop en demander hein.

Au commentaire j'peux pas m'en empêcher, j'y en colle une. Une claque derrière la tête, pas fort, pour le décoiffer, piquer un peu, et y faire piger que ouais non faut pas pousser non plus, merci. Mais j'peux pas m'empêcher non plus d'me marrer un peu.

"On s'calme, Ticon, ici c'est moi qui mords et pas l'premier soir."

Ptet j'envoie un signal contraire là non ? J'dois faire semblant d'être désolée ? Moi ? Semblant ? Désolée ? Jamais. C'est pas moi, ni un ni l'autre. Alors targette, y sait qu'je suis pas vexée, c'est tout, et si on m'demande mon avis c'est déjà pas mal.

J'suis d'accord avec moi-même, ça alors, si c'est pas beau.

Quand on r'vient sur l'endroit, il est question de dortoirs mixtes. Urgh, ça ça pique un peu. Enfin j'ai rien contre au fond hein, j'sais comment c'est foutu les mecs et j'suis du genre à ouvrir la porte en culotte, mais j'ai quand même l'habitude qu'on sépare bien les mecs et les nanas. Question d'culture j'imagine.

"J'prendrai une place qui reste t'façon." j'y dis en haussant les épaules. "J'vais pas en foutre un dehors pour y piquer son lit."

Femme qui rit, à moitié ton amie ! Parce que le lit, c’est sympa et tout mais sans amitié c’est un peu triste quand même. On pourrait croire que je suis désespéré à draguer tout ce qui bouge vaguement mais d’abord ça m’amuse de flirter même sans réussir et ensuite c’est comme ça que je fais pour faire un peu connaissance quoi. Pis Jaguar elle est vraiment très bonne. Typiquement mon type de nana. Et j’adore son humour. J’lui fais un clin d’œil complice.

« Je note qu’il va falloir que je me débrouille pour qu’il y ait plusieurs soirs alors. »

J’ai rien contre un peu de bagarre avec l’amour, je trouve que ça rajoute du piment, de la proximité. J’aime bien l’idée et c’est rare de trouver une fille qui fasse pas l’effarouchée avec ça. A contrario les délires d’attaches c’est moins mon truc. C’est trop…immobile. Facile. J’aime l’amour qui casse tout et se cogne sur les murs. J’aime quand on se mélange jusqu’au bout. Faut que j’arrête de penser à ça, ça va finir par se voir.

« D’autres questions ? J’suis pas payé à l’unité alors t’as pas besoin de faire ta timide. Sinon, bah ton dortoir est là, tes camarades aussi. Y a pas d’uniforme. Si t’as pas assez de fringues, les elfes t’en feront, sinon tu peux porter ce que tu as chopé de chez toi. En règle générale nos besoins de base sont automatiquement satisfaits. Pour les autres on est invités à se démerder, à demander aux instrus ou à faire sans. Comme les elfes sont libres ils sont absolument pas obligés de nous rendre service et y en a un certain nombre qui ne nous aime pas donc voilà. En dehors des cours on fait bien ce qu’on veut tant qu’on respecte le règlement du Domaine…il est aussi affiché en salle commune si tu veux. Oh, et j’sais pas pour ta brigade mais on a eu une réunion d’écriture de règlement de dortoir et de déco à notre arrivée, du coup c’est ptet affiché là bas aussi, à voir. Quoi d’autre…si tu vas pas au repas un jour personne dira rien mais si c’est trop fréquent tu risques de te faire taper sur les doigts et je déconseille de louper les cours, sont chiants à rattraper. Les instru’ sont en général pas trop chiens si tu les respectes et que tu vas pas les emmerder toutes les deux minutes. Pour le reste tu verras bien. »

Je sors mon sourire le plus commercial, prend la posture du guide en fin de visite et tend la main.

« Votre guide est récompensé en bisous, alors soyez généreux ! »