C’était presque invariablement. Matin et soir, Vyāsa passait par les écuries pour voir si les hippogriffes avaient tout ce dont ils avaient besoin, nettoyer quelques stalles et remettre du foin propre. L’habitude avait la vie dure et quand bien même il avait envoyé des enrôlés au boulot et qu’il savait quand ils étaient supposés passé, eh bien, il continuait de venir.

Au passage, ça lui permettait de vérifier que les enrôlés se foutaient pas de sa gueule en ne venant pas… Et il aimait bien les créatures, de toute façon. Il avait passé une bonne partie de sa vie à s’occuper de dragons et s’ils lui manquaient, il compensait un peu avec les créatures susceptibles.

Il avait observé différents profils chez ses élèves aussi. Certains plutôt habitués, d’autres pas du tout qui avaient frôlé la catastrophe. Les hippogriffes n’étaient pas dénués d’intelligence et ils prenaient très mal le manque de respect. Mieux vallait ne pas déconner, au risque de se prendre une furie à la gueule. Prendre le temps d’effectuer une bonne première approche faisait clairement sauver beaucoup de temps après. Pour preuve, les créatures s’étaient vite habituées à Vyāsa et le niveau de politesse s’était revu à la baisse, à peine un hochement de tête, une salutation et la plupart lui répondaient positivement et se laissait autant approcher que toucher.

Ce n’était pas sorcier et bien que ce fut le domaine du Pakistanais, il était clairement possible pour n’importe qui d’arriver a de bon résultat avec ces créatures pour autant qu’il y mettait un peu de bonne volontés et de bon sens.

Ce soir, c’était Pivoine qui s’était inscrite sur l’horaire et Vyāsa avait veillé, l’air de rien, à arriver avant la jeune femme. Pas de formation avec les créatures, d’après ses dires, aussi, il préférait être là et palier a un quelconque problème. Pour autant que la jeune femme montre de la bonne volonté, il lui montrerait sans soucis comment se comporter avec les pensionnaires de l’écurie. Il avait déjà fait quelques stalles quand il entendit quelqu’un arriver, jetant un coup d’œil en finissant de remettre de la paille propre.

- Bonsoir, mademoiselle Pivoine.

Il lui souhaitait d’avoir penser a s’habiller un minimum en conséquence.

J'ai jamais vu un hippogriffe de ma vie. En vrai, je veux dire. J'ai lu ce que j'ai pu trouver sur eux, ils sont magnifiques et visiblement très intelligents, même s'ils ont des serres de la taille de mes bras ou pas loin, mais je pense que c'est un peu comme la mer. On sait que ça existe et à quoi ça ressemble, mais tant qu'on en a pas vu en vrai ça veut rien dire. On peut pas savoir ce qui va se passer. Ce qui est sûr en tout cas c'est que c'est pas africain comme bestio... euh, noble créature, pardon. Leur susceptibilité a l'air absolument légendaire, ça aussi ça a l'air certain, alors autant en parler correctement même quand ils sont pas là. Je suppose. J'espère qu'ils s'attendent pas à ce que je retienne leurs noms du premier coup par contre, parce que je risque d'avoir du mal à les différencier... ça commence bien tiens.

J'ai pas la moindre idée de comment ça va se passer... j'ai mis ma tenue de sport. Je suppose qu'ils m'en voudront pas de pas m'être mise sur mon trente-et-un ? J'étais pas censée amener un bouquet de fleurs en tout cas ça c'est sûr, les bouquins en auraient parlé. Enfin j'espère. Pis elle est propre et pas déchirée ma tenue de sport et mes cheveux remontés en queue haute alors ça devrait aller.

Rah que je déteste les trucs susceptibles. Nobles créatures. Susceptibles quand même. On sait jamais comment se placer par rapport à eux, on sait jamais ce qui va les vexer ou pas. Tsss.

"Bonsoir monsieur Vyāsa." je réponds gentiment.

Je trouve toujours ça bizarre de coller un "monsieur" à un pseudonyme d'un mot, mais appeler les instructeurs juste par leur "prénom" c'est pas mieux. Et puis il m'a donné du "mademoiselle", alors du coup...

Vêtements de sport, cheveux remontés lui dégageant le visage. Bien ! Au moins, elle ne s’était pas présentée en talons hauts, voilà qui aurait été des plus embarrassant.

Vyāsa lui aurait à peine laissé le temps de franchir la porte de l’écurie avant de la renvoyer sur une remarque cinglante, de toute façon.

À la place, il se frotta les mains ensemble pour en chasser machinalement les saletés avant de lui faire signe d’approcher. Autant lui apprendre d’emblée la bonne méthode pour approcher les hippogriffes. Ça éviterait certainement quelques soucis.

- Venez, mademoiselle, je vais vous montrer comment vous présenter à un hippogriffe. Ça n’a rien de très compliqué, mais il faudra le refaire à chaque fois que vous voudrez vous approcher d’un.

Vyāsa précisait, au cas où la jeune femme n’aurait pas réellement compris à quel point ces créatures étaient susceptibles. Il ne ressentait pas le besoin de lui dire que si elle venait régulièrement, elle n’aurait plus besoin de se montrer aussi poli qu’au début, encore, fallait-il qu’elle ait envie de le faire et malgré tout, l’instructeur doutait.

Après tout, la majorité des enrôlés n’avaient pas cru bon de mettre les pieds ici avant d’y être forcé par le Pakistanais. Pour lui, c’était définitivement parlant de l’intérêt de ces jeunes gens pour les créatures et pas seulement pour les hippogriffes. Pourtant, ils étaient là et tu doutais qu’on ait placé ces créatures ici s’il n’y avait pas de projets quant à leur utilisation dans les missions qui finiraient par venir.

Le désintérêt de certains ne manquerait pas d’être puni un jour. Vyāsa y croyait.

Il est là depuis un moment je crois. Je suis pas en retard pourtant, non ? Non, ça va. Je me suis pas trompée d'heure, je le sais. Il est poli, j'ai pas vraiment l'habitude à bien y réfléchir. On vouvoie pas les filles trop blanches, ni les collègues, une mère et un genre d'oncle un peu bizarre ça vouvoie pas non plus. Etonnant comme on s'y fait vite, pourtant. Ca fait presque plaisir. Est-ce que c'est parce qu'on est pris au même rang que les autres ou est-ce que c'est parce que vraiment, vraiment on est quelqu'un ? Ou est-ce que simplement on est une bête un peu plus susceptible que la moyenne, un genre d'hippogriffe à figure humaine, et qu'on veut pas la brusquer ? Je sais pas comment il peut me voir, au fond, Vyasa : comme une humaine ou comme ses hippogriffes. Comme il a rien fait qui puisse laisser entendre qu'il était ne serait-ce qu'au courant de ma nature, je suppose que ça va. Mais est-ce qu'on peut trop se méfier ?

...attends, va falloir faire les salamalecs à chaque fois ? Mais c'est quoi ces best- ombrageuses et très dignes créatures, pardon. Pfff. Allez, on respire. Ca va bien se passer. Faut juste changer de perspective. Etre ce qu'il faut être. Ce qu'ils veulent voir, ces tas de plumes et de muscles et de corne. C'est quand même moins pire que des Sangs-purs, des miliciens, des inquisiteurs, des rafleurs, des monstres. Baisse les épaules. Baisse la tête. Un peu. Juste un peu. Pas tant. T'es pas censée en avoir peur. Les regarde pas en face. Observe tout.

C'est la vivante image de la Petite Chose Docile qui entre à la suite de l'instructeur. Eh, faut bien que ça serve à quelque chose d'être en Intelligence, j'aurais pas déparé en serveuse sang-mêlé de première génération dans un cocktail de Sangs-purs. Première chose que je vois donc, de ces masses que je dois saluer : des serres énormes, encore plus grosses que je les avais imaginées.

Gloups.

J'attends que Vyasa me montre pour l'imiter.

Elle le suit sans un mot, avec autant de présence qu’une souris effarée. Encore heureux qu’ils aient affaire à des hippogriffes et non une autre espèce qui aurait pu associer l’enrôlée à un quelconque casse-croute. Pourtant, Vyāsa ne fait pas de commentaires à ce sujet, si elle est aussi intimidée par les créatures, ce n’est peut-être pas si mauvais que ça. Elle devrait éviter les excès de confiance qui énerverait une des créatures.

L’homme choisit de s’arrêter devant la stalle d’un des hippogriffes les plus indulgents du lot, pose son regard sur Pivoine.

« Vous n’avez pas besoin de leur parler ou quoi que ce soit du genre, il faut s’incliner profondément en évitant de les regarder trop directement et attendre que l’hippogriffe fasse de même. Je vous montre »

Même s’il n’en a plus vraiment besoin, il s’incline à 90 degrés devant la créature qui, familière, n’hésite pas avant de plier les pattes avants pour s’incliner également.

« Voilà. Comme ça. À partir de là vous pouvez entrer dans la stalle ou le toucher sans soucis. Même s’il faut garder en tête qu’il n’apprécie pas les commentaires déplacés ou geste trop brusque. Vous essayez ? » qu’il demande après s’être redressé, tendant la main pour gratter un peu le bec le l’hippogriffe qui semble apprécier le traitement.

En soi, rien de compliqué, même s'il veut bien comprendre qu’il soit intimidant de s’incliner ainsi devant une créature qui pourrait en profiter pour vous attaquer en position de vulnérabilité, mais il convient quand même de courir ce risque avec les hippogriffes si l’on désire ne serait-ce que les approcher.

Au bout des serres, des pattes d'oiseau géant, de rapace, de tueur. Cléopâtre que j'aimerais pas me prendre ça dans la figure. Au bout des pattes, ça fait un peu comme des cuisses de poulet, au-dessus comme un cou de poulet, et au-dessus je regarde pas encore parce que j'ai deviné la taille du bec et que pour l'instant ça me suffit largement. Je regarde Vyasa et je hoche la tête, je reste un peu en retrait le temps de le laisser faire et j'observe très attentivement. On a pas tous la même notion de ce qu'est "s'incliner profondément", déjà, et en plus pour peu que cet hippogriffe soit plus ch... ombrageux que la moyenne de ses non moins nobles congénères...

Mais ça va, il s'incline, il se fait pas écharper, et avec une grâce magnifique l'hippogriffe s'incline aussi. Ca empêche pas que je suis pas très joyeuse à l'idée de lui offrir ma tête, ma nuque et mon dos, mais c'est un peu rassurant quand même. Quand Vyasa me dit d'y aller j'y vais sans hésiter, et sans hésiter je m'incline aussi bas que lui. Lui - elle ? Il en parle comme d'un mâle donc lui, mais de face compliqué de faire la différence, le dimorphisme sexuel est pas très important d'après mes recherches - répète sa génuflexion et je me sens flotter un peu. Je me redresse lentement en même temps que lui et j'approche doucement la main de l'énorme chose pointue et tranchante qui lui sert de bec.

"Enchantée, moi c'est Pivoine" je souffle, en évitant de le regarder dans les yeux.

Bien que lui parler ne soit pas nécessaire, se présenter me semble quand même un peu la base de la politesse humaine. Et puis si Vyasa pouvait saisir la question implicite et me donner le nom de l'illustre créature à qui je suis en train de gratouiller le bec...

Pas d'hésitation dans mes gestes en tout cas, pas de tremblements. S'il devait y avoir un seul point commun entre un Mangemort en robe de soirée et un hippogriffe qui a des brins de paille coincés dans les plumes, ce serait probablement que montrer de la peur est le deuxième meilleur moyen de finir en charpie, juste après une franche insulte. Physiquement, la limite est parfois délicate à gérer pourtant entre le profond respect, la crainte révérencieuse et la pure trouille.

"Personne n'aime les commentaires déplacés, c'est bien normal." je commente en approchant le dos de la main des plumes près du bec, pour voir s'il rechigne ou si je peux. "Est-ce que les hippogriffes comprennent toutes les langues ? Dès la naissance ?"

Parce que s'ils comprennent les insultes, ils comprennent aussi le reste, hein.

L'inconfort de l'enrôlé est tangible, autant Vyāsa que les hippogriffes peuvent le sentir, ce qui est un brin inconfortable, même si autant les bêtes que l’instructeur. La jeune femme s’approche, s’incline bas sans regarder la créature dans les yeux. Heureusement, celle-ci ne tarde guère à s’incliner ce qui évite à Vyāsa de devoir se préparer à intervenir pour sauver la peau de Pivoine. Elle semble même s’essayer à caresser l’hippogriffe qui se laisse faire, dignement. Elle fait même l’effort de se présenter et le pakistanais récupère une pelle pour nettoyer le box pendant qu’elle interagit avec la créature.

« Il s’agit d’Oreste. » qu’il la renseigne, l’animal ne pouvant lui-même se présenter.

Si son commentaire tire un sourire en coin au plus vieux, la question, elle, attire son intérêt sur la jeune femme. Personne ne lui avait poser telle question jusqu’à maintenant et il salut silencieusement cet esprit vif qui pose des questions intéressantes.

« Ils ne comprennent pas les langues, mais plutôt les intentions, en fait. Tu peux traiter un hippogriffe de boule duveteuse, si tu le dis en pensant à quelque chose de définitivement moins flatteur, il va se vexer tout autant que si tu l’insultes carrément. »

Vyāsa regarde l’hippogriffe et passe une main sur sa croupe pour en chasser un bout de pailles.

« Ce sont des créatures intelligentes. Elles savent bien reconnaître les gens, comprendre des mots et indications qu’on leur aura enseignés. Mais de là à tout bonnement comprendre toutes les langues, elles n’en sont pas là. »

Oreste. Eh ben le pauvre, il part de loin. C'est le type qui a tué sa mère pour venger son père et qui est devenu fou ou une histoire comme ça, Oreste, non ? Je suis pas très sûre de mes classiques européens.

"Oh, je vois." Noble créature, on a dit, et de fait vu de près il a l'air plus noble - et conciliant, étrangement - que la plupart des consanguins que j'ai pu croiser là dehors ou même avant d'être ici. "Je ne sais pas si "boule duveteuse" irait très bien à Oreste de toute façon, il est plus élégant que ça. Les poussins sont duveteux ?"

Je fais comme si de rien, je continue à le caresser doucement, attentive au moindre signe de nervosité ou de "je vous prierai instamment de cesser de me faire chier faute de quoi il pourrait vous en cuire chaudement, grand merci", mais je n'en vois pas. Je me détends même un peu, je lisse quelques plumes qui déparent un peu vers le cou. En revanche je suis assez surprise de voir, du coin de l’œil, Vyasa nettoyer la stalle avec une simple pelle. Tout le monde fait tout avec une baguette ici, ceux qui utilisent leurs mains... surtout pour ramasser du fumier et retourner de la paille... m'ont l'air assez minoritaires, à croire que personne n'a jamais eu besoin d'économiser les utilisations de sa baguette. Ou alors c'est purement pour éviter de braquer les animaux. Qui sait comment ils prendraient qu'on utilise une baguette dans leur dos... pas moi, clairement. J'ai pas souvenir d'avoir croisé ça dans mes lectures.

"Ils sont sensibles à l'utilisation de la magie à proximité ?"

- Un peu, mais ça ne dure pas. C’est une espèce à la reproduction fascinante. Vous y êtes vous intéressé ?

Vyāsa continue son travail, attentif à ce qui se passe. Oreste est, heureusement, un hippogriffe particulièrement aimable. Le Domaine semble bien lui réussir, contrairement à d’autres, contrairement à l’instructeur. Toutefois, il se gardera bien de dire quoi que ce soit à ce sujet et si quelques instructeurs sont bien au courant de ce fait, ce n’est pas quelque chose que Vyāsa irait partager comme ça avec une enrôlée.

La seconde question fait toutefois s’arrêter le pakistanais qui pose son regard sombre sur la jeune femme… Puis son regard va sur la pelle et il croit comprendre ce qui tourne dans la tête de Pivoine.

– Pas particulièrement. Tant que c’est pas dirigé contre eux.

Fichtre, ces gamins. L’homme inspire lentement.

- Je pense que le faire soi-même à de la valeur et qu’ils sont bien assez intelligent pour le savoir. Dans l’optique de développer un lien avec ces créatures, c’est pertinent de laisser la baguette de côté.

Et puis l’effort physique, c’est jamais mauvais. Si les enrôlés voulaient bien développer un peu d’habiletés physiques, ça ne serait pas de trop lorsque viendra le temps de faire des missions… ou va savoir. Les voir agiter la baguette à gauche et à droite tend à l’exaspérer.

Comme s’il n’y avait pas déjà assez de trucs pour le faire ronchonner. Ça faisait que se rajouter au sommet de la pile qu’on pouvait aisément imaginer comme étant instable et monstrueuse.

Il a pas l'air content Vyasa, mais ça le change pas spécialement de d'habitude. Juste ça rappelle que jusqu'à présent, il était de relative bonne humeur. Et comme c'est pas un hippogriffe, lui, je baisse pas les yeux avant de faire ma révérence : j'en fais pas.

"J'aurais pensé que nettoyer le box à la baguette dégageait justement du temps et de l'énergie pour passer du temps avec les hippogriffes, vérifier qu'ils vont bien... développer le lien justement." Je lisse encore quelques plumes dérangées dans le cou d'Oreste, en avançant lentement vers le dos et les ailes. "Mais si c'est mieux, j'ai pas de souci à faire les choses à la main. Tant que c'est pas porter des trucs trop lourds pour moi ou attraper quelque chose à trois mètres de haut." Je recherche ses yeux, je souris gentiment par-dessus l'hippogriffe. "Je serai jamais un monstre d'endurance ou de force vous savez."

Bonne question, tiens. Est-ce qu'il sait ? Est-ce que le médicomage en a parlé ? Est-ce qu'il a accès à mon dossier ? Est-ce qu'il aurait, en réalité, la moindre raison de pas savoir, de pas avoir compris, interprété, reconnu simplement à mon visage, mes cheveux ? Et pourquoi pas. Après tout, quoi que veuillent bien dire les cercles bien intentionnés qui nous gouvernent encore, quoi que certains même ici pensent sans se gêner, je le sais, je le vois dans leurs yeux... une Vélane, c'est pas un hippogriffe.

Alors qui sait, en réalité, s'il connaît les particularités des Vélanes et de leurs enfants hybrides.

- J’imagine que chacun développe son avis sur la question, rétorque l’instructeur en continuant son labeur. Et peut-être même les hippogriffes ont leur avis également.

Peut-être. Mais ce qui est certain, c’est que la jeune femme ne fera pas changer d’avis Vyāsa, peu importe ses arguments. Oh, bien sûr, il n’y a pas qu’une façon de faire, mais l’instructeur peut très bien s’entêter à en juger une meilleure que les autres. C’est là que ça devient délicat pour les autres, car la note à ce sujet ne sera délivrée par nul autre que l’instructeur ici présent.

Autant dire qu’il y a de quoi s’arrêter quelques secondes pour réfléchir à la meilleure façon de procéder.

Ou vivre avec ses notes pourris. Vyāsa ne forçait pas les cons à être autre chose qu’eux-mêmes.

L’homme hausse légèrement les sourcils quand elle lui signale qu’elle ne sera jamais un monstre de force ou d’endurance. Oui, pas besoin de regarder longtemps Pivoine pour savoir qu’elle n’a pas fini ses assiettes quand elle était gosse -ou quelles étaient vide, mais qu’est-ce qu’il s’en bat les couilles, là-.

- Oh, je m’en doute bien. C’est potentiellement en partie pour ça que vous êtes en intelligence et non ailleurs.

C’est presque un compliment, un peu camouflé. Écris en lettres peu lisibles derrière des lignes bien épaisses. Vyāsa sait qu’il y a un cerveau utilisé dans ce crâne. Il se doute de bien des choses aussi, sans s’y attarder ou faire comme si. Ça importe peu au final. Ou beaucoup, mais l’important, c’est ce que chacun peu offrir à la résistance. Même si parfois, ça semble particulièrement abstrait. Pas besoin de donner de noms, ce serait leur donner de l’importance.

"Oh, alors idéalement il faudrait adapter en fonction de ce que l'occupant du box préfère, quand c'est possible ?" je conclus.

La note d'interrogation n'est que rhétorique. Si le noble destrier plein de plumes et de trucs pointus... et de brins de paille sur la croupe tiens... préfère qu'on passe du temps à le papouiller ou au contraire qu'on se casse très vite de son espace vital, je vais pas le contredire. Surtout dans le dernier cas. Après, si j'ai trois cents scarabées dans un bocal et que je dois les nourrir, je vais pas leur donner la becquée un par un et je m'en fiche pas mal de ce qu'ils peuvent bien penser. Et si je dois approcher des trucs venimeux et agressifs... même remarque. La cordialité, on l'applique quand on peut se la permettre - ou qu'on peut pas faire autrement -, d'où mon "quand c'est possible".

Pour le reste... mon joli sourire s'élargit un brin. En vrai, je suis pas certaine qu'il me fasse un compliment sur ma supposée intelligence à moi, ou qu'il dise que l'Intelligence c'est un peu la poubelle où on mettrait les brindilles qui servent à rien ailleurs. Difficile de savoir quand on est face à un ronchon qui regarde de l'autre côté et qui agite une pelle. Y a ceux qui sont conscients que les agents de renseignement sont utiles et indispensables sans non plus penser qu'on se tape tout le boulot, ceux qui pensent que sans nous les autres serviraient à rien et se feraient cueillir comme des fruits mûrs parce qu'ils seraient aveugles et sourds, et ceux qui pensent qu'on sert à rien qu'on est un gâchis de temps et de moyens, et qu'on ferait mieux d'apprendre à lancer des sorts comme des bourrins sans cervelle. Selon les jours, je fais partie de la première ou de la deuxième catégorie, et m'sieur Vyasa... j'en sais rien mais s'il est dans la troisième il va vite changer d'avis.

Pendant ce temps, je suis arrivée aux ailes d'Oreste. Elles sont immenses, déjà repliées. Je sais qu'ils ont une envergure de plusieurs mètres en moyenne, mais j'ai oublié les valeurs exactes. J'ai pas eu le temps de tout retenir encore. Et puis si je m'étais attendue à voir des hippogriffes en vrai un jour... j'aurais peut-être lu un peu plus de choses sur eux quand j'étais encore là-bas. C'est pas exactement répandu à Lubumbashi ou même à Kinshasa, ces best- dignes entités, alors j'ai préféré me concentrer sur les horreurs venimeuses de la région.

"Est-ce que les ailes des hippogriffes sont fragiles comme celles des oiseaux ? Si on en trouve un qui s'est blessé pour une raison ou une autre, est-ce qu'il faut utiliser des sorts ou des méthodes particuliers ou est-ce qu'on les traite de la même façon que les humains ?"

Même niveau humains... je connais quelques sorts de soin basiques et efficaces contre la plupart des blessures légères ou même modérées, évidemment, fallait que je puisse me débrouiller seule en cas de pépin. Pour des blessures plus spécifiques par contre, ou infectées, qui nécessiteraient des plantes ou des potions je suis... pas totalement incompétente... mais disons que je préfère refiler la patate à quelqu'un qui s'y connaît mieux que moi. Vulnera sanentur certes c'est bien pratique mais ça arrange pas tout, surtout si une partie du décor a décidé d'aller se planter dans la blessure ou que du poison s'en mêle.

« Quand c’est possible. »

Qu’elle prenne la peine de rajouter ces petits mots amuse l’instructeur. Autant dire que face à certaines créatures, les bonnes volontés s’envolent à tir d’aile. Face à certaines personnes aussi, aussi -avait-on vraiment besoin de le préciser? -. Quoi qu’il en soit, faire ces stalles à la main ne représentait point une tâche demandant une forme physique particulièrement marquée et au contraire, permettait sans nul doute de doucement se forger. Se sentait-il le besoin d’expliquer cela ? D’expliquer qu’il n’y avait pas que les câlineries qui importaient dans une relation avec une créature magique -tout comment dans celle avec quelque animal qu’il soit- ? Ces jeunes sont soi-disant l’élite de leur génération de rebelles, qu’ils le prouvent en utilisant cet outil offert dès la naissance qu’est le cerveau plutôt qu’accumuler les âneries et faire des montagnes avec des riens.

« Idéalement, vous devez vous adapter à ce que vous avez devant vous. Et comme chaque créature est un être différent, il faut potentiellement s’adapter à chacun. »

Note d’interrogation rhétorique ou non, Vyāsa répond en finissant de virer la litière souillée de la stalle avant d’aller récupérer de la litière propre pour l’étaler sommairement avant de caresser le cou de l’hippogriffe. Son regard noisette se pose sur l’enrôlée, parcours l’aile d’Oreste.

- Constitution semblable, mais la taille ne compense pas trop mal la fragilité. Pour les moldus, avant qu’ils ne s’heurtent au monde magique sous la domination du Croque-Mitaine, une telle créature ne pouvait exister, les proportions n’étaient pas juste pour lui permettre de s’élever dans les airs. Mais nous étudions des créatures magiques… Ce qui change considérablement la donne.

Vyāsa vient glisser une main sous l’aile d’Oreste pour lui faire étirer l’aile, ce qu’il accepte de faire, non sans une petite protestation d’être ainsi dérangé, sans pour autant l’ouvrir à pleine grandeur -la place manquerait-, la dimension reste impressionnante…

- Si vous pouvez régler le souci d’un sort, je n’hésiterais personnellement pas. Je ne pourrais que vous conseiller d’éviter de surprendre l’hippogriffe en lui lançant des sorts dessus, ça serait considérer sans nul doute comme extrêmement impoli. La plupart des magicosorciers sauraient régler un nombre conséquent de blessures en peu de temps, mais si vous ne savez faire, il vaut mieux nettoyer la blessure et la bander que de laisser sans soin. Si vous le pouvez, n’hésitez pas à faire part de l’information à qui de droit, le domaine a à cœur la santé des créatures qui y vivent.

Je le laisse faire, je regarde ce qu'il fait de la litière sale, où est rangée la propre. Il fait beaucoup de choses à la main décidément. Par choix, par habitude ? C'est idiot mais ça me met un peu en confiance malgré tout qu'il ne fasse pas tout à la baguette, pas comme certains que j'ai déjà repérés et qui portent leur consanguinité sur la figure et jusqu'au bout de leurs jolis doigts impeccables, qui ont l'air de rien savoir faire sans baguette. Je m'écarte un peu pour laisser la place à Oreste de déployer son aile, qu'il se sente pas à l'étroit ou menacé, coincé entre l'instructeur et moi.

Je hoche la tête à ses explications, même s'il me faut une seconde pour comprendre qui est censé désigner le "Croque-Mitaine". C'est pas une expression dont j'ai l'habitude. L'important c'est qu'Oreste a les os des ailes creux, mais pas trop fragiles.

La dernière phrase de ses explications me fait tiquer - intérieurement. Faut faire le boulot à la place de l'instructeur ? C'est pas comme ça que j'imaginais la scolarité. Mais c'est vrai que je suis pas dans une école, et puis au fond il a raison m'sieur Vyāsa : plus ce genre d'information circule, mieux c'est.

"Oui je comprends, moi non plus j'aimerais pas qu'on me pointe une baguette dessus, surtout si je suis en train d'agoniser par terre." je commente, toujours attentive à l'aile déployée et aux autres réactions de l'hippogriffe. "Il y a des sorts spécifiques à utiliser, ou ceux qu'on utilise pour les humains peuvent suffire, au moins en cas d'urgence ?" Et puis il y a encore la partie sur la susceptibilité... ça nous facilite pas la vie ça hein. "Supposons que ce soit un hippogriffe qu'on connaît encore peu, avec lequel on n'ait pas encore appris à se faire confiance mutuellement. Ca dépend de chacun j'imagine, mais a priori, il comprendrait l'intention de soin si on lui expliquait ? Ou même après explication il prendrait une baguette pointée sur lui pour une agression d'une impolitesse crasse ?"

Après que Pivoine ait pu observer raisonnablement l’aile, Vyāsa laisse l’hippogriffe la refermer et en caresse la surface pour remercier l’animal, écoutant avec attention les questions de la jeune femme. Tous ne sont pas aussi… Curieux ? Intéressé ? Ou alors aussi appliqué sur la matière que l’homme enseigne. Ce n’est pas pour lui déplaire, peu importe que leur labeur avance moins, si au final l’enrôlé en ressort avec des informations qui pourraient lui être vitale par la suite ou lui permettre d’aider. Lorsqu’elle exprime qu’elle n’apprécierait pas davantage être pointé avec une baguette, tu souris en coin, amusé.

« Nous sommes bien d’accord sur ce point. »

L’homme secoue ensuite la tête en à la question suivante, laissant la jeune femme parler, chercher à visualiser une situation d’urgence et ce qu’il serait pertinent de faire. Malheureusement, comme l’apprennent souvent les jeunes magizoologues, les créatures sont bien souvent imprévisibles, ou tout du moins unique et capable de comportements contraire à ceux habituellement observé. Il n’y a simplement pas toujours de réponse fixe sur laquelle se mettre les dents.

« Vous pouvez user des mêmes sorts. S’il est vrai que des sorciers aient pu inventer des sorts précis pour certaines créatures dans une situation donné, ce n’est pas pour autant que les sorts de soins que vous utilisez ne soient pas efficace. Quant à votre supposition… Il y a autant de réponses possibles qu’il y a d’hippogriffe. Je ne peux que vous conseiller d’occasionnellement passer par ici pour interagir avec les hippogriffes ici présents afin qu’ils vous connaissent un minimum et soient moins portés à vouloir se défendre de vous, mais plutôt à vous défendre. Si vous avez à croiser un hippogriffe inconnu, je ne peux que vous conseiller d’être poli et bien intentionné à son égard si vous voulez l’aider ou vous en faire aider, mais je ne peux garantir la réussite de cette entreprise, malheureusement. »

Les créatures comme les animaux peuvent violemment réagir, surtout en situation de stress et Vyāsa se doit de les outiller le mieux possible pour faire face, en cas de besoin, mais il restera toujours une quantité de paramètres incontrôlable non négligeable. Même lui pourrait être désagréablement surpris et il l’a déjà été. Parfois, frôlant la catastrophe d’un cheveux ou y gagnant des cicatrices qui ne laissent pas douter de l’aspect douloureux de la chose.