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    Re: Chasse et Cueillette
    Sam 4 Jan - 13:09
    Cendre
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    Son hésitation la fait tiquer. Elle a la sensation d'un dilemme silencieux, comme s'il est divisé entre rester muet et reprendre la parole. Secret ou aveu.
    Il parle, ses mots sonnent comme une confidence. L'existence de la salle de musique n'a certainement rien de confidentiel, mais elle comprend la raison d'une volonté de ne pas l'évoquer. L'endroit relève plus de la retraite où se recueillir que de l'agora où échanger, éviter d'ébruiter son existence, c'est éviter la présence d'inconnus, d'impromptus, éviter d'être interrompu, écouté simplement.
    Cendre a la sensation qu'il lui confie le double des clefs d'une lourde grille qui ouvre sur les beautés d'un jardin secret, des merveilles qu'elle apprécierait certainement tout autant que lui.

    Un piano.

    Elle reste muette. L'idée est tentante. Accordée, non accordé, il pourrait même être brisé que ce ne serait pas véritablement un problème. Au moins il existe, et elle pourrait tout aussi bien consacrer ses heures de repos à laisser courir ses doigts sur les touches qu'à abîmer ses yeux sur les lignes d'un livre.
    L'idée est tentante. Et un peu effrayante. Des années durant, elle a cru que seul son instrument pouvait la discipliner. Qu'il était l'unique responsable du contrôle qu'elle avait sur son corps, sur son esprit, sur le morceau qu'elle interprétait. Le seul à pouvoir lui vider la tête quand, dans sa boîte crânienne, des milliers de voix s'entrechoquaient, le seul à pouvoir apaiser ses manies. Cette sensation de totale maîtrise était devenue aussi nécessaire que de respirer. Mais ce n'était qu'un outil, comme n'importe lequel, il était faillible.
    Retrouver cette sensation, c'est retrouver le risque de la perdre.

    Cendre n'a jamais beaucoup joué pour autrui. Ni pour plaire, ni pour échanger. Elle aime écouter, elle se berce des notes et profite d'une interprétation égoïste pour nourrir ses propres émotions sans échange direct avec qui que ce soit, mais elle n'apprécie pas être responsable des dites émotions. Si d'aucuns trouvent dans la prestation des musiciens la générosité d'hommes qui ne souhaitent qu'éveiller les sens de leur public à la beauté d'une mélodie profonde, elle même n'a que la sensation de leur voler des instants éphémères, si spontanés qu'ils se voient plus intimes encore qu'une confidence.  
    N'est-ce pas suffisant de pénétrer leur subconscient, il faudrait aussi qu'elle manipule leur conscient ?
    Cendre l'a déjà fait toutefois. Outrepassant ce sentiment de n'être qu'une usurpatrice pour transporter l'âme de son interlocuteur. Elle ne l'aurait pas fait pour n'importe qui. Car la musique est sincère, plus que tout elle est personnelle. À la fois pour l'interprète et pour le public, chacun s'ouvre à l'autre pour partager un instant succinct d'émotions pures. Pour entrer en résonance.
    Elle aime beaucoup ce mot employé par Odysseus. Il traduit toute la puissance et la profondeur de ces instants. Mais Cendre n'a pas assez de cœur pour partager puissance et profondeur avec tout un chacun. Ou alors elle ne sait pas comment bien partager ce qu'elle a à donner.

    Elle se demande si, à ne jamais jouer pour qui que ce soit, sa tapisserie ne doit pas être plus terne que celle d'aucun musicien. Un tableau en noir et blanc pour une sorcière duale qui se refuse à toute forme de binarité.
    Autant changer de sujet.

    - Vous jouiez devant beaucoup de monde ?

    Il fait plus frais à l'abri de la sylve devenue plus épaisse. Une brindille se brise sous son pied, déchire le silence d'une nature paisible. Même attentifs, ils ne peuvent s'empêcher de la déranger. Un coucou s'envole de sa branche, gêné par le bruit. Elle le suit des yeux avant de revenir à Odysseus. Ça devient récurrent, de lui poser une question pour éviter de s’épandre sur un sujet qui lui retourne l'esprit.
    Re: Chasse et Cueillette
    Lun 6 Jan - 16:18
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    Nous sommes dans une mer de silence rehaussée de verdure. Il va et vient entre nous, se retirant parfois pour des bribes de conversations qui pourraient sembler décousues si nos pensées ne leur donnait pas une saveur toute particulière. Par-dessus, comme ressac, le bruit des feuilles sous nos pieds, les brins d’herbe frôlant le bas de ma robe. Cette brindille qui craque sous le poids de Cendre et fait s’envoler un rossignol, lequel va prévenir ses camarades du danger bruyant des créatures terrestres qui hantent les branches de son arbre. J’aimerais parler aux oiseaux. Ils doivent avoir tellement à dire derrière leurs chants répétitifs. Quiconque a vu un vol d’étourneau s’abattre sur un champs, ou bien même des pigeons sur la place Saint Marc en Italie, sait qu’il y a plus entre eux que ce qu’on entend nous, de nos oreilles d’humains. Comment font-ils pour se « parler » sans bruit ? Produisent-ils des sons que nous ne pouvons entendre et que personne ne s’est donné la peine de mesurer ? Ont-il un langage corporel ? Des mouvements de plumes indiquant l’angle et la portée du prochain virage ? La présence de pain aux pieds d’une vieille dame ? Et comment expliquer le mystère de nuées venues de nulle part pour se poser juste à côté de la proie ? La vue, l’ouie seules peuvent-ils produire ce genre de miracle ? Je l’ignore. Si je regarde souvent les volatiles jouer avec les courants dans l’air de l’aube ou du crépuscule, si j’arrive à en reconnaître quelques-uns, les plus connus, au chant ou au plumage, je ne connais pas leurs habitudes. Comme pour les plantes, mes études m’ont appris à récolter et utiliser l’animal, pas à l’observer ou le faire grandir. Je le regrette. Mais je n’irais pas parler à Vyasa comme je le fais à Lancelot. Je n’aime pas ce masque de destruction qu’il porte sans cesse sur le visage. Cela me heurte.

    Comme me surprends la question soudaine. Je prends le temps de réfléchir. Beaucoup ? Oui. Pour de la musique classique. Je n’ai jamais eu le succès d’un groupe de rock ou de pop. Je reste un musicien dans une niche et je préfère de loin les salles intimistes aux stades que l’on remplit. Il y a aussi la différence fondamentale entre jouer en solo ou en orchestre. J’ai participé à des opéras bondés. Seulement, là, je n’étais pas seul. Et même lorsque je l’étais, j’avais souvent un accompagnement au piano ou à la harpe. Je réfléchis un peu.

    « Cela dépend de votre définition de beaucoup. » Ce qui pourrait être considéré comme botté en touche mais ne l’est pas, réellement. « Un flûtiste a bien des moyens de jouer. Il peut être soliste, accompagné ou non, faire partie d’un ensemble de vents, voire d’un orchestre, ou même d’une troupe. En fonction du succès, les spectateurs peuvent être plus ou moins nombreux. En fonction de la dilution par le nombre de musicien, le retour peut-être plus ou moins fort. Il est très différent de tisser seul, à deux, à trois ou en groupe. L’acoustique de la salle joue aussi. L’attente du public est un facteur également. Quel que soit le nombre de sièges, aucune prestation n’est identique. Même si les personnes composant l’audience sont les mêmes, le temps passant, ils viennent avec des bagages différents, des attentes différentes. Vous-même vous ne répétez pas forcément la même chose… » J’aimais mon métier. Il me faisait penser à celui d’un funambule. Je ne savais jamais si j’allais tomber ou non. Il y avait le stress d’avant spectacle, la transe du jeu, les retours après, les fans dans les coulisses, les soirées et les fêtes avec les collègues. Les répétitions. Les soirées et les fêtes d’après répétition… il y avait des liens qui se tissaient entre nous, renforçant ou détruisant notre harmonie. Il y avait les salles que l’on aimait et celles qui ne vous étaient pas adaptées. Les voyages. Le décalage horaire. Les chambres d’hôtel. Les négociations de contrat. La peur qu’à un moment, d’un coup, le succès s’arrête. J’avais pour cela fait beaucoup d’économies sur mes cachets et mes droits d’auteur. Mon agent devait être riche à présent.
    Re: Chasse et Cueillette
    Lun 6 Jan - 22:36
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    Elle baisse les yeux. Imprimée dans la terre, il y a une succession d'empreintes qui traverse le chemin sauvage qu'ils empruntent. Le sol n'est pas assez meuble, les gardes ne sont pas visibles, mais les deux entailles qui déchirent l'argile sont bien visibles, traîtresses du passage de sangliers. Une mère et ses petits.
    Cendre ne peut s'empêcher d'y attarder son regard, bien qu'elle ne ralentisse pas la marche. La famille animale a du traverser durant la nuit, filer entre les arbres pour rejoindre le reste de la compagnie. Elle espère qu'ils sont à bonne distance, une femelle qui protège ses petits, exception faite de sa propre génitrice, à rarement quoi que ce soit de pacifique. Elle préférerait croiser la majestuosité d'un cervidé, ses immenses bois encore couverts d'un délicat velours à cette période de l'année. Mais ils font trop de bruits, tous deux, à marcher, à parler.

    La voix d'Odysseus s'élève de nouveau. Il sait savourer le vide, il sait le combler. Ses paroles dansent contre le vent, il y mêle ses mots sans craindre de le dompter, comme s'il pouvait flirter avec le silence sans le réduire à néant.
    Cendre a toujours cette sensation horrible, comme si, si elle parlait trop longtemps, elle pouvait noyer l'abîme. Détruire la paix d'un flot de mots inutiles, ne jamais la voir revenir. Le calme revient toujours pourtant, il suffit de clore les lèvres et il s'impose encore. Mais le bruit résonne toujours, dans sa tête, comme une toxine qui contaminerait l'esprit. La musique agit similairement, mais ce qu'elle a à dire est plus beau.

    Le visage de son frère s'impose à elle. Elle la sentait venir, cette mélancolie pour faire chavirer son cœur. Elle la dompte, comme un cheval qui se cabre, elle garde l'équilibre, savoure la sensation.

    - C'est ainsi que me voyait mon frère.

    Cendre marque une pause, goûte un souvenir vieux d'une quinzaine d'années. Il avait ce feu dans le regard, cette passion dans la voix. Il lui prédisait les cieux quand elle revenait en larmes, puis il valsait avec elle pour ramener la candeur sur ses pommettes. Leurs rires éclaboussaient les murs alors qu'ils tournoyaient dans la chambre.

    - Des spectacles grandioses aux côtés de virtuoses, un orchestre entier pour interpréter Tchaïkovski, comme s'il n'y avait rien d'autre qui vaille le coup d'être joué.

    S'il appréciait bien des mélodies, il revenait néanmoins sans cesse à ce ballet. Le Lac des Cygnes. Elle avait fini par le connaître sur le bout des doigts, pour lui. Peut-être lui venait-il de là, son patronus.

    - Il rêvait célébrité, postérité, à croire que le succès était la seule raison de jouer.

    Il voulait son bonheur, certain que l'amour du public comblerait celui qu'elle n'avait pas assez reçu. Mais ça ne l’intéressait pas, ni amour ni notoriété. Elle s'en était rendu compte plus tard, une désillusion pour sa famille plus que pour elle.
    Odysseus vise bien plus juste en évoquant la communication sincère et palpable, bien que les deux musiciens l’expérimentent différemment. Ou l'expérimentaient, ce serait plus juste. Il ne doit plus « résonner » avec beaucoup de monde, s'il reste seul, enfermé dans une pièce capitonnée à l'autre bout du domaine.

    - Pourquoi n'en faites vous plus, des représentations ?

    Il aurait l'occasion pourtant. Ce ne serait pas pareil, sans une troupe, pour autant, le public serait présent. Elle doute que beaucoup de rebelles passent leur chemin s'ils l'entendaient.
    Re: Chasse et Cueillette
    Jeu 9 Jan - 11:15
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    Sangliers, marcassins, laies. Monde réel qui ne s’inquiète pas du lendemain, qui se contente de vivre, en lien avec la forêt immense. Peu des petits survivront. Ceux qui le feront arriveront probablement à procréer de nouveau, et la sélection naturelle se fait alors, dans l’indifférence des liens du cœur, avec cruauté, oui, mais sans intention. Aurais-je mieux supporté le décès des miens s’ils avaient été naturels ? Peut-être pas. Probablement pas. Et pourtant, si. A un autre niveau, peut-être. La peine aurait toujours été là. La culpabilité et la colère, par contre, n’aurait pas survécu au deuil. Je regarde vers les cimes. Le ciel à travers les feuilles est toujours aussi beau et met un peu de baume sur les plaies à vif d’une sensibilité qui a toujours été trop grande. Lorsque Cendre parle à nouveau, je ne souris pas plus mais je suis attentif, je reçois ses paroles comme un cadeau. Elle s’ouvre. Bien. C’est la plus belle preuve de confiance qui soit et je suis satisfait d’avoir pu gagner cette bribe de confidence. Pour ne pas la gêner, je retourne à mon inspection de la nature. Les réserves pourraient se remplir toutes seules mais je préfère les alimenter par moi-même.

    « Les proches ont cette faculté de voir le meilleur en nous et de croire que le monde entier saura le reconnaître. »

    Mes parents étaient fiers de moi. Fiers de mes études, fiers de ma musique. Ils avaient toujours été aimant, compréhensifs et ouverts, me laissant faire mes propres choix, m’encourageant à trouver ma voie. Ma voix. Je ne pense pas souvent à eux. Pas assez. Leur décès ne m’a pas choqué, j’aurais aimé connaître la même délivrance. Quant à ma sœur, elle me croyait capable de flirter avec les étoiles. Je n’ai jamais eu le cœur de la détromper.

    J’hésite à ajouter une phrase sur le manque provoqué par l’absence soudaine d’une telle force dans l’équilibre personnel. Je me dis que cela peut être indiscret. Je ne sais pas ce qu’il en est de ce frère mais, tant qu’elle sera là, elle en est séparée et en souffre peut-être. Sûrement. Son ton semble l’indiquer.

    « J’ai d’autres responsabilités ici. Vous également. Il n’est pas exclu que je me retrouve à jouer si le besoin s’en fait sentir, évidemment, et je suis parfois écouté lorsque je m’entraîne. » je retiens un mais, l’exprime dans un soupir. J’ai beau aimer ce que je fais, profondément et sans regret, le monde de la nuit me manque. « D’une certaine façon, je me représente toujours. Dans chaque baguette, chaque artefact se retrouve un peu du créateur. Enseigner est également une forme de représentation. Je fais passer un message de vous à moi, je tisse avec vos réactions un faisceau de savoir. Je tente de communiquer, verbalement oui, mais aussi par d’autres moyens, les méthodes et sensations de la création qui n’est d’autre que l’union de différents éléments pour en créer d’autres. »

    Je ne sais pas si mes méthodes fonctionnent. Je l’espère. J’ai repéré quelques jeunes qui semblaient avoir la bonne sensibilité bien sûr. Qu’ils l’aient grâce à moi ou parce qu’ils l’avaient déjà est plus difficile à définir à ce stade. Peu importe. Si mes enseignements peuvent aider à sauver une vie, même si je l’ignore, peut-être alors y aurait-il une raison pour laquelle je continue à vivre envers et contre tout. Je me demande si Cendre saura, elle, retenir de mes enseignements. Je m’arrête. Nous ne sommes nulle part en particulier. C’est exactement ce qu’il me fallait.

    « Que ressentez-vous, ici ? »
    Re: Chasse et Cueillette
    Ven 10 Jan - 23:12
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    Etait-ce vraiment le meilleur, qu'il avait vu en elle ? Y avait-il un « meilleur », qui vaille ces espoirs qu'il entretenait aveuglément à son égard, comme si elle était marqué du sceau du talent ? Parfois, elle se demande si son frère n'essayait pas plutôt de la convaincre que ce qu'elle faisait n'était pas vain. Comme on esquisse de grands desseins pour ses enfants, parce que les rêves donnent de la saveur à la réalité, qu'ils font avancer, encaisser, naïvement. Des mensonges pour lui faire ravaler ses larmes, qu'on camoufle sous des promesses couronnées d'étoiles.
    Parce que Cendre n'a pas spécialement de talent. Parce que quand Cendre regarde derrière elle, elle voit plus de destruction que de création. Des accidents, des dommages collatéraux, l'enfant malheur qui survit au milieu des cendres n'a rien d'un prodige.
    Le meilleur existe-t-il vraiment, en dépit des actes, des erreurs ? La volonté seule suffit-elle, quand tout s'effrite involontairement sous ses doigts ? N'est-il visible que pour autrui, le bon qui se cache en elle ?
    À y réfléchir, elle ne pourrait rien désigner de mauvais. Mais le reste n'est pas suffisant pour qu'elle le considère comme louable. Ce n'est jamais suffisant.

    Odysseus reprend. Les mots qu'il tisse lui semble peindre une toile détournée, où la lumière se fait sur les détails périphériques de l'oeuvre plus que sur son sujet central. La faim ne se rassasie pas d'eau, aussi nécessaire soit-elle au bien être de l'organisme, toutes deux se complètent, au mieux. Et lorsque la passion offre un second souffle, comme ne pas se noyer sans elle ?
    Elle tique. Mais peut-être est-ce juste ce foutu défaut de toujours tout analyser, tout supposer. Déterminer les alternatives possibles pour comprendre l'origine d'un problème, ça pallie ses difficultés d'empathie. Alors elle s'en contente.

    Il s'immobilise. Comme à chacun de ses arrêts, elle l'imite. Mais cette fois-ci est différente des autres. Il ne se penche pas pour recueillir le trésors d'une flore docile, ni ne tend le bras pour saisir celui de bêtes évanouies.  

    - Que ressentez-vous, ici ?

    Nouvelle question. Nouveau sujet. Elle s'habitue à sauter du coq à l'âne au grès des envies de l'instructeur. Cendre est docile, quand elle à rien à perdre.
    Son regard s'abandonne à son environnement. Il s'étiole dans les feuillages, se griffe contre les écorces. Il s'attarde sur un rocher où les ombres dansent, trouve brièvement refuge dans les profondeurs des bois. Elle tourne la tête pour s'imprégner de tout ce qui l'entoure. Ici, ce n'est pas comme en ville où tout bourdonne. L'attention seule éveille la vie dissimulée, l'intimité de toute une biodiversité. Les secrets ne se dévoilent qu'aux plus persévérants, ils ne la submergent pas.
    Un papillon chancelle, au milieu de nulle part il y a tout.

    Elle a envie de répondre qu'elle se sent bien. Il est plus facile d'être en paix au creux du néant civilisé qu'entre quatre murs visités, les biches et les loirs se fichent bien d'elle, de son masque qui lui déchire les joues qu'elle balance dans un fourré. Elle peut l'enlever. Elle pourrait, si Odysseus n'était pas là, ou s'ils se connaissaient mieux. Mais il se tient à côté d'elle. Une âme cabossée qui arrive à faire écho à la sienne, un peu tordue elle aussi. Elle ne se sent pas menacée, mais elle n'a pas suffisamment confiance en lui pour le moment.
    Elle a envie de répondre qu'elle se sent bien. Mais ça répond à « comment » et pas à « quoi ».

    Elle pourrait fermer les yeux, pour ressentir. Ce serait s'abandonner, ça aussi elle ne se le permettrait pas. Alors elle se concentre. Il y a le vent qui lui caresse la joue, et entre ses doigts son livre qui commence à lui tirailler la chair. La terre qui macule la semelle de ses bottes, une fourmis qui escalade son mollet nu. La magie qui circule, partout, impalpable, vivifiante.
    Cendre entrouvre les lèvres pour parler. Puis elle se stoppe, juste avant de prononcer un mot. Ça dure une seconde, le temps d'une réflexion soudaine.

    - La pluie ?

    Ce n'est pas ce qu'elle voulait dire. Pas initialement.
    Elle penche la tête en arrière. Ses cheveux chatouillent ses omoplates quand son menton se lève vers la cime. Il y a le bleu au travers de l'impérial, et plus loin du gris. D'ici, elle le voit doux, cotonneux. Mais l'horizon lui est dissimulé, peut-être là bas, à la frontière du monde, est-il d'un noir abyssal.
    Ou peut-être a-t-elle dit une absurdité.



    Re: Chasse et Cueillette
    Lun 13 Jan - 17:37
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    Faux départ. Je l’entends, c’est une micro déchirure dans la toile de notre discussion et je suis trop attentif pour ne pas noter tout ce qui change d’un rythme habituel. Sa réponse sonne faux. Elle est à côté. Certes, la pluie se fait sentir, éparse sous les frondaisons. Comme le vent souffle dans les feuilles et la magie lie le bois ensemble. Star Wars appelait ça la Force, cette énergie qui lien entre elles toutes les composantes du monde, ce que les scientifiques nomment les atomes. Mais ce n’est pas ce que je voulais qu’elle dise. Elle se montre trop pragmatique, bien plus qu’elle ne le devrait. Je la sais assez intelligente pour comprendre mes sous-entendu. Il est impossible qu’elle ne sache pas qu’elle a répondu à côté. J’hésite une seconde. Le vocaliser ? Rester silencieux ? Qui suis-je pour l’obliger à dire à haute voix ce qu’elle veut taire, moi qui n’aime pas les mots et les trouve maladroit. Je laisse le silence être ma réponse. Recommence à marcher. La forêt s’assombrit encore et le sentier se fait de plus en plus étroit. On ne peut pas passer à deux. Je vais devant, baguette à la main, à moitié courbé pour passer sous les branches basses. Des botrucs me lancent des glands. Je les ramasse précautionneusement, comme autant d’offrandes. Je ne peux pas savoir s’ils font de même avec mon invitée. Ce que je sais, par contre, c’est qu’elle n’est jamais venue ici. Peu nombreux sont les sorciers autorisés dans ce coin de forêt. Je ramasse des épines, des champignons, des touffes de fourrure arrachées par des buissons. Je fais attention à mes pas. Je l’arrête d’un mouvement de bras. Non loin, à travers les feuilles, une horde de centaure piétine. Je m’accroupis. Lui dit de faire de même. Ils entourent une des meutes de loups gris qui rodent dans le coin. Nous n’entendons pas leurs discours mais je sais d’expérience que, s’ils nous tolèrent, ils ne nous aiment pas. Monsieur le Directeur avait bien précisé que le Domaine appartenait avant tout à ses habitants. Nous ne sommes qu’invités.

    Rapidement cependant, ils semblent parvenir à un accord et s’en vont dans un tonnerre de sabot. J’attends un peu, me relève et vais vers les deux canidés restant seuls. Deux mâles. Un vieux perclus d’arthrite et un jeune avec ce qui semble être une patte cassée. Le reste de la meute a disparu. Je la soupçonne d’avoir laissé ces deux là sur ordre de la horde. Les centaures sont les Maîtres de la Forêt. Je m’approche. Ils grognent. Je fais signe à Cendre de faire attention. Cela peut très bien être un piège. Il est impossible que les centaures ne nous aient pas vus. Peu probable que les loups ne nous aient pas sentis. Je m’approche encore. Je reste bien en vue. Ma baguette pend à mon poignet. L’autre est cachée dans l’étui dans ma manche. Je me baisse, fait sentir ma main au plus jeune qui claque de la mâchoire. Je suis trop loin pour lui. Pas fou.

    « Penses-tu que ce soit la pluie qu’il ressent ? » Lui-demande-je. Peut-être qu’en repoussant la question sur un tiers, elle se sentira moins en danger et acceptera plus de répondre ? Je n’en ai aucune certitude ; Ce que je sais, c’est que le loup souffre et que je ne suis pas là uniquement pour tester la jeune femme. J’ai beau ne pas être spécialiste des bêtes comme Vyasa, je ne peux laisser passer de la douleur sans la soulager si je le peux. Comme j’aurais aimé qu’on le fasse pour les miens. Je lance un sort informulé, laissant l’occamy réfléchir pour tenter de retrouver exactement la fracture et son type. Ce sort me permet de sentir les os au toucher sans mettre mes mains sur la créature. La patte avant droite. Double. Avec des éclats d’os perdus. Il ne faut pas qu’ils aillent dans le sang. Ils pourraient perforer quelque chose. D’un nouvel informulé, je les réduits en poussière. Le loup gémit. Grogne.
    Re: Chasse et Cueillette
    Ven 17 Jan - 12:55
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    Il fait plus sombre ici. Les faisceaux de lumière qui leurs parviennent sont absorbés par les feuilles, l'impérial, la malachite, le chrome et le sapin étouffent les rayons, noient les photons. C'est la pénombre qui les accompagne, un jeu d'ombre qui les voile et les dévoile.
    Les botrucs se préoccupent peu de cette semi obscurité réconfortante, ils s'y sont accoutumés depuis longtemps. Ce sentier colonisé par la flore envahissante est leur refuge, et les sorciers qui, à l'instant en piétinent les fondations ne sont que d'inopportuns intrus.
    Les glands ne leur font pas grand chose, guère de peine à deux êtres vivants qui ont essuyé plus vigoureux assauts.
    Un fruit lui percute le front, un autre frappe son épaule. Cendre encaisse, c'est elle l'envahisseur qui conquiert ce territoire nouveau, elle mérite cette charge à petite échelle.

    Un geste muet esquissé d'une main musicale et elle s'exécute. Bon petit soldat.
    Silencieuse, immobile, elle observe entre les branchages la confrontation de deux espèces, la domination de l'une sur l'autre. Le fonctionnement d'un monde.

    Centaure. Loup. Elle ne saurait dire lequel l'émerveille le plus. L'hybride est majestueux, un oracle doté d'une sagesse inégalable quand il ne s'obstine pas à être hostile. Le loup lui ne s'alourdie pas d'une intelligence encombrante, de pensées paranoïaques. Il vit sans prévoir, solide et fier, noble. Naïf.
    Tout deux ont la cohésion qui manque cruellement aux hommes, la détermination, la rage de vaincre, bestiale, cet instinct primaire que les bipèdes ont écrasés sous le cotonneux d'un confort facile. Mais ils n'ont pas l'empathie. L'humanité. La loi du plus fort régie leurs rapports, et ceux qui ne peuvent suivre sont abandonnés à leurs sorts. Ils sont deux, sacrifié au vide, à fixer sur la meute qui détale un regard désolé. Vieux et jeune, binôme d'infortune échoué en pleine forêt.


    Les sorciers s'approchent. La main audacieuse du musicien face aux canines acérées de l'animal acculé. Dangereux. Mais Odysseus à l'air de savoir ce qu'il fait.

    - Penses-tu que ce soit la pluie qu’il ressent ?

    La douleur. Virulente, assommante, qui lui vrille la patte, qui lui vrille la tête. Le supplice d'os tranchants qui titillent ses nocicepteurs, et le sang qui inonde la cavité. Non. L'animal se fout de la pluie autant des fourmis qu'il écrase. Ce qu'il ressent, c'est la souffrance qui lui tord les viscères, la présence d'inconnus, trop près, trop aventureux, et puis l'abandon, certainement, d'une meute pour laquelle il a voué son âme, pour laquelle il aurait donné sa vie.
    Comme si Cendre allait supporter ça. La question d'Odysseus passe dans une oreille, ressort par l'autre. Au passage, elle lui rappelle la nécessité d'agir, sans éveiller le moindre remord quand à une réponse énoncée insuffisante.
    Mais ce n'est pas sur le jeune canidé qu'elle s'attarde. L'instructeur s'en charge déjà, en dépit des ressentiments de l'animal qui enflamment l'ocre de ses prunelles. C'est le plus âgé qui l'inquiète, qui tourne à bonne distance, le poil blanchi par touffes, terne mais hérissé, les babines redressées sur des crocs menaçants. Il y a un grognement qui s'échappe de sa gorge, rauque, hostile, une façon de dire « bougez de là », une façon de dire « bougez de là où je vous bouffe ».

    Cendre lève sa baguette. Elle l'a sortie un peu plus tôt, alors qu'ils espionnaient les deux espèces face à face. Maintenant elle la pointe sur le mammifère, celui qui a encore ses quatre pattes pour marcher, pour courir, pour chasser.

    - Somnum.

    Le pas du loup ralentit. Ses babines retombent, ses oreilles se redressent.
    Le sort n'est pas immédiat, ça causerait bien des accidents sinon. Il commence par calmer le myocarde, trop alerte, l'instinct qui se méfie, pour que la bête se détende, se laisse aller à une fatigue mensongère. Quelques secondes encore, puis le canidé baille, s'étire, s'allonge. Un sortilège tout en douceur, pour calmer même le plus farouche prédateur.
    La sorcière se tourne ensuite vers le plus jeune. Et elle reproduit le même geste, énonce la même formule à voix basse. S'il est préférable que le senior se calme pour éviter de les attaquer, il est indispensable que le junior s'endorme pour être soigné. Après tout, même les moldus ont compris l'intérêt d'une anesthésie pour opérer. D'abord pour éviter que la patient ne bouge, grogne, morde. Puis parce que c'est long, simplement. Même avec la magie, rien ne se fait en un claquement de doigts. Lancelot n'aurait pas de boulot sinon, les infirmeries n'existeraient pas.

    Ça signifie qu'ils vont rester là encore un moment, le temps de remettre le blessé sur pattes. Cendre hésite à aider davantage le blond. Elle a peur de le gêner plus qu'autre chose, alors elle le quitte des yeux pour s'attarder sur leur environnement. Si elle doute que la meute revienne sur ses pas, elle soupçonne que le troupeau, lui, en soit capable. Alors autant surveiller, et prononcer quelques sorts de protection, au cas où.




    Re: Chasse et Cueillette
    Mer 29 Jan - 12:16
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    Puis s’endort. Un regard me permet de remonter facilement à l’origine du phénomène qui a déjà touché le vieux loup et qui se charge de sorts de protection autour d’eux. Elle réagit avec une douceur teintée de détermination et, comme la plupart des écorchés vifs du domaine, par la défense avant le bien-être. Je n’aurais pas eu les mêmes priorités, bien-sûr, moi qui n’ai connu la guerre que par procuration mais ses initiatives ne me déplaisent pas, au contraire. J’en apprends plus par ses gestes que par toutes les paroles du monde. Il n’est pas plus sincère que le langage du corps dans l’urgence.

    Me détachant d’elle, retourne à mes soins. De ma besace, je tire des herbes et des racines pour former un cataplasme Il durcira avec le temps, malgré la pluie et protègera la patte mieux que toutes les attelles du monde. Celles-ci sont bien trop vulnérables à un coup de dent bien placé. Quant à la fracture proprement dite… je fronce un peu les sourcils, concentré, et tente au mieux d’utiliser mes mains pour remettre les morceaux en place. Le sort pour réparer les fractures n’accepte ni mouvement, ni a peu près. Je ne me sens pas assez doué pour l’utiliser. Je pourrais faire disparaitre les os brisés et aller chercher une potion de repousse mais ce serait trop douloureux et l’animal se retrouverait trop vulnérable, trop longtemps. Vyasa aurait peut-être d’autres solutions. Je ne suis pas lui. Je jette tout de même un sort de pistage pour que mon collègue puisse au besoin retrouver la bête blessée. Je lui en parlerais. Pour ce que cela coûte.

    Il pleut. Et l’eau commence à perler et foncer ma chevelure, tombant sur mes mains, ralentissant mes mouvements. Je la laisse faire. Cendre ne doit pas être en meilleur état. C’est plus ennuyeux. Lancelot m’en voudra si je lui donne du travail supplémentaire. Je réfléchis. L’endroit est trop dangereux pour que je la renvoie seule, même par le sentier que nous avons pris. Et elle n’acceptera jamais de se protéger elle. Cela ne me semble pas dans son caractère.

    « Il me faudrait un foyer, un endroit dans la clairière, protégé de la pluie, avec un feu de bois et de quoi faire bouillir de l’eau, mais sans mettre la forêt en danger. »

    Je n’ajoute rien d’autre. Je n’ai pas de bois sec, pas de marmite, à peine un peu de ficelle et un gros couteau à dents qui me sert pour couper des branches. Cendre à sa baguette. Je vais voir comment elle se débrouille. Si elle pose des questions ou non, si elle agit seule bille en tête, si elle réfléchit, qui elle est, en somme. C’est ce que j’espérais apprendre. Pas son niveau de magie, pas ce qu’elle sait ou non, pas son passé, pas son avenir mais son présent. Car si je dois communiquer avec mes élèves, j’ai besoin de savoir comment leur parler, sur quelle corde jouer pour que nous puissions résonner ensemble, sans changer qui ils sont, ni ce que je suis. Un musicien apprend toujours à lire les partitions qui ne sont pas pour lui. C’est la seule façon intelligente de transformer un groupe en une symphonie.
    Re: Chasse et Cueillette
    Mer 29 Jan - 22:50
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    Elle n'avait pas tort, pour la pluie. Les premières gouttes se mettent à tomber, pleurs d'un ciel endeuillé sur son héritage en ruines. Une larme échoue sur le bout de son nez. Une seconde sur son index. Bientôt, ce sont des centaines de perles translucides qui viennent se briser tout autour d'eux, sur les feuilles fragiles qui encaissent le choc, sur leur chair impassible, sur la faune minuscule.

    Clap, clip, clap, petite pluie d'avril,
    Tombe du ciel en jolis diamants.


    Les botrucs sont protégés, à l'abri de l'imbroglio complexe de branches et racines qui constitue leur refuge. Les plus petits insectes eux doivent encaisser la chutes d'objets divins bombardés sur leur trajectoire. Paix à vos âmes, fourmis et coccinelles.

    Clap, clip, clap, petite pluie d'avril
    Ta mélodie est un enchantement,
    Enchantement, enchantement.


    Ça sent l'herbe humide. Puis le chien mouillé. Un dernier sortilège. Cave inimicum rejoint Assurdiato et Protego Maxima qui protègent désormais l'ensemble de la clairière d'oreilles et d'yeux indiscrets ainsi que de toute intervention hostile.

    La pluie tombe de plus belle.

    Dans l'orage philharmonique
    Chaque goutte est une musique
    Qu'on écoute et que l'on goûte
    C'est le bonheur au goutte à goutte


    Une fois les derniers sorts lancés, sa baguette vient pointer le ciel, et c'est un parapluie translucide qui en émerge en fins filaments. Au dessus de sa tête le temps qu'elle rejoigne le médecin de fortune, puis au dessus d'eux trois, les deux bipèdes et le blessé assoupi.
    Insuffisant ceci dit. Nouveau sortilège, elle y ajoute un " maxima " pour qu'il flotte au dessus de leur tête, qu'il courre sur un rayon de plusieurs mètres. Senior lupin demeurera au sec, lui aussi.
    Elle devance l'une des requêtes d'Odysseus. En reste deux. Silence. Obéissance.

    Déplacer le canidé blessé n'est pas envisageable. Le mieux est d'installer le feu a proximité, éviter que l'instructeur n'ai à cumuler les allers et retours inutiles.
    D'abord le foyer. Quelques pierres piochées aux alentours installées en cercle, des brindilles encore assez sèches sacrifiées en son centre, une étincelle. Cendre préfère utiliser son briquet d'ordinaire. Manipuler les flammes brûlantes d'un feu mécanique, plutôt qu'un celles d'une création artificielle, magique. Comme si elle pouvait en avoir le contrôle.
    Ça prendrait quelques minutes supplémentaires, un Incendio règle le problème en une seconde. Ceint de roc, il ne devrait ni se propager ni s'éteindre.
    Maintenant « de quoi faire bouillir de l'eau ». Elle cherche rapidement autour d'elle quoi que ce soit qui puisse remplir ce rôle. Son dévolu est porté sur le livre qu'elle a emprunté, toujours entre ses doigts. En deuxième année, on lui a appris à métamorphoser un corbeau en verre à pied. Elle devrait bien parvenir à changer « Créatures mythiques et fantastiques d'Europe de l'Est » en une marmite en fonte.
    Sortilège suivant. Puis un peu d'eau, mise a chauffer. Cendre s'attelle à la mission qu'on lui a confié, cherche à prévoir la suite. Des plantes supplémentaires, pour favoriser la guérison, faire passer la douleur ? Les coquelicots sont en pleine floraison. Des tâches écarlates au milieu du vert et du brun des sous bois. Souci ? Millepertuis ? Pour la cicatrisation ? Faire baisser une potentielle fièvre ? Y en a-t-il seulement à cette saison ? Pourrait-elle les trouver ? La botanique n'est absolument pas son fort, de confondre le plant avec une autre mortelle serait bien sa veine.
    Hors de question.
    Changement de stratégie. De quoi Odysseus aurait besoin ? Outre qu'elle ne traîne pas dans ses pattes ? Tout dépend de ce qu'il effectue. Elle n'a pas pris autant de temps que lui pour analyser l'animal. Fracture, nécessitera que l'os reste en place le temps de cicatriser. Une nuit de sommeil suffit à faire repousser des os, un peu moins devrait permettre de les ressouder. Le sommeil est une demi bonne idée si la douleur l'agite. Il faudra qu'il reste calme. De sentir son squelette manipulé ne le réveillera-t-il pas ? Le sortilège qu'elle lui a lancé était-il assez puissant ? Zut.
    Elle ne le saura que s'il se meut. Voilà alors un travail tout trouvé. Surveiller l'animal, apprendre en observant, se faire toute petite mais réagir dans le cas du moindre problème, ça, elle peut faire. Elle sait bien le faire d'ailleurs, il parait.
    Sauf si l'instructeur pense à une initiative qui lui a échappe et l'énonce à voix haute.  

    Elle pose genoux à terre à côté de l'un et l'autre des deux êtres.

    Re: Chasse et Cueillette
    Lun 3 Fév - 15:48
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    Elle protège le loup, je ne pensais qu’au feu. L’homme a l’eau en horreur, il suffit de voir, en ville, comme tout le monde baisse la tête sous l’averse comme si se diminuer de quelques centimètres pouvait retarder l’issue fatale Je me tais, encore. Qu’elle s’inquiète du confort avant tout est aussi une bonne indication. Je note même qu’elle place les canidés avant son bien être personnel. Je secoue la tête, chassant quelques gouttes de mes boucles. Je reste humain, bien malgré moi. Sans rien dire, laissant ma compagne du jour trouver ce qu’elle peut faire, je pose mes plantes sur une planche que j’ai métamorphosée un peu plus tôt. Mon couteau, effilé et fin coupe sans difficultés les feuilles séchées d’Agastache, je réfléchis, lui tend une grosse racine de gingembre.

    « Pelée, coupée en petits cubes puis mis dans le mortier. » Lequel n’existe pas encore. Je le ferais par la suite mais n’ai pas encore le temps. Je n’ai pas d’autre lame à lui confier, mais comme elle a sa baguette et semble débrouillarde, je la laisse faire. Au pire, elle doit savoir qu’elle peut toujours me demander de l’aide ou des conseils. Je rajoute alors les fibres internes de branches de thym dont l’odeur puissante fait éternuer le loup, toujours endormi. Il est frais, je l’ai ramassé il y a quelques heures à peine. J’ai de l’écorce de peuplier également. Cela pourrait faire l’affaire. Ce qu’il me manque, c’est du miel de lavande. Il aurait fait un bon liant, étouffant les possibles bactéries sous le sucre. Sans parler de l’odeur de la plante éloignant les parasites comme les poux, par exemple, pouvant contaminer un sang déjà bien affaibli. Enfin, faute de Grive…

    L’eau chauffe toujours et mes différentes plantes sont à présent mélangées. Ce n’est pas parfait, je n’ai pas tout, j’ai pallié parfois en utilisant mon savoir botanique plutôt que médical – ce dernier n’étant pas très développé – mais j’ai fait de mon mieux. D’un sort, je soulève mon travail, le met dans une bulle de vide au-dessus de moi (sort très difficile que je ne peux conserver longtemps), transforme la planche en mortier de marbre, que j’imperméabilise, puis crève la bulle qui y dépose mes plantes. D’un rondin, je fais un pilon, et, me levant, fait léviter le tout vers mon commis d’un jour.

    « Une fois que tu auras rajouté ton travail, tu dois en faire une pommade. La plus lisse possible et à la main. Jeter un sort pourrait perturber l’équilibre magique et les propriétés curatives de l’ensemble. Pour ma part, je vais chercher de la sève de Corbusier. L’ajouter à l’ensemble puis à l’eau bouillante permettra de faire une sorte de plâtre qui va devenir aussi dur que du béton à l’extérieur, moelleux à l’intérieur et qui se défera de lui-même d’ici un mois ou deux. Je peux te faire confiance pour ne pas sortir de la zone de protection que tu as créée et veiller sur les deux animaux ? »

    Je le fais déjà, sinon, je n’aurais pas quitté mes patients. Pour autant, je préfère avoir son accord, d’autant plus que l’endroit, malgré les sorts et le feu, n’est pas totalement sans danger. Les centaures pourraient revenir et j’ignore s’ils ont eu pour consigne de ne pas attaquer les enrôlés. Enfin. Il faut parfois se laisser guider par la chance, parait-il. J’attends son assentiment et m’éloigne sans précipitation. Je sais qu’il y a un arbre de la bonne taille à une dizaine de minutes de marche. Avec le retour, cela fait une absence de moins d’une demi-heure. En sortant de la zone de protection, je me rappelle de la pluie, forte, qui me trempe jusqu’au fond des os. Je soupire. Tant pis. Avoir froid n’est qu’un désagrément passager.

    Ma petite excursion se passe sans aucun désagrément notable, si ce ne sont mes boucles qui pendent lamentablement sur ma robe détrempée. Je fais attention à bien me montrer en pénétrant dans la clairière. Je n’ai pas envie de me prendre un sort…
    Re: Chasse et Cueillette
    Sam 8 Fév - 13:32
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    Nouvelle tâche. Cendre s'y applique consciencieusement. Peler une racine de gingembre est plus long que de pour une pomme de terre, mais ça ne vaut pas la difficulté des topinambours, saleté d'astéracée au corps distordu. Ce n'est même pas bon en plus. Mais ça a le mérite de proliférer, d'une année sur l'autre sans avoir à investir dans de nouvelles graines. Parfait dans certaines régions où les approvisionnements sont interrompus par les combats.
    Elle pèle alors, elle découpe. Son poignet n'a pas la dextérité ni de grands chefs cuisinier, ni de maîtres en potion. Odysseus poursuit, évoque son départ.

    - Je peux te faire confiance pour ne pas sortir de la zone de protection que tu as créée et veiller sur les deux animaux ?

    Elle relève la tête de son office. Une mèche corbeau barre son front, échappée d'un élastique fatigué, elle colle à sa peau du fait de gouttes de pluie obstinées. La sorcière s'attarde un bref instant sur le visage de l'instructeur, son corps immobile qui attend une confirmation avant d'esquisser un geste. Elle s'étonne de cette observation. Comme si elle pouvait lui fausser compagnie une fois le dos tourné, l'abandonner lui et les deux créatures qui ont besoin de leur aide. A-t-il souvent été trahi qu'il lui faut sa parole pour lui faire confiance ?
    Ce n'est pas comme si, à sa place, elle même serait partie sans s'en assurer. Pas si absurde comme comportement finalement.

    Elle opine. Ça va de soit. Reprend le cours de son travail qu'elle finit quelques secondes plus tard. Le gingembre rejoint le mortier, elle le mêle à la pâte chaude qui s'est teint de vert du fait des feuilles d'agastache. Maintenant, la manipuler, la malaxer jusqu'à en faire une pommade parfaite. Par mesure de précaution, elle applique un «Recurvite lesmains» sur ses paumes pour éviter la contamination du baume par des microbes accrochés à son épiderme. Puis elle s'y applique de nouveau. Travail long, peu fastidieux, mais long. Si ses doigts s'appliquent, son esprit ne tarde pas à s'évader. C'est peut-être son plus gros problème dans le domaine. Son incapacité à rester tout à fait concentrée sur son travail dès lors qu'il ne lui stimule pas l'esprit.

    Une pommade, pour tenir un mois ou deux. Elle n'a pas tiqué sur le moment, les dernières palabres du sorcier meurtri avaient accaparées toute son attention. Mais maintenant qu'elle s'abîme les doigts à manipuler la pâte, elle a tout le loisir pour réfléchir.
    Elle avait supposé un rétablissement express, quelques heures tout au plus pour redresser les os, les ressouder, faire baisser l'enflure de la chair et la fièvre. Odysseus préfère favoriser une guérison naturelle, quitte à la seconder de procédés chimiques. Est-ce parce qu'aucun des deux ne connait de sorts adéquats, ou bien pour éviter à l'animal, non magique, le traumatisme d'un changement soudain de son état, qui pourrait alors l'effrayer ? Pour le coup, elle aurait aimé poser la question au professeur d'Artefacts, qu'importe qu'elle puisse être stupide, mais ça attendra son retour.

    Ses doigts pétrissent, son esprit dévie. D'un sujet il passe à un autre, et alors que ses yeux surveillent l'un et l'autre des deux canidés assoupis, elle en vient à se questionner quand à la présence des centaures dans la clairière, leur ordre adressé à la meute canine d'abandonner les plus souffrants.
    Les centaures sont des êtres intelligents, plus intelligents qu'une majorité de sorciers, plus hostiles car plus protecteurs également. Maîtres de la forêt ou non, pourquoi se soucier d'un clan animal et de la manière qu'à l'alpha de le mener ? Pourquoi imposer la cruauté plutôt que la pitié ? D'autant plus qu'ils auraient eu les compétences pour soigner le plus jeune loup.
    Rivalité territoriale ? Groupe de centaures aux moeurs et valeurs divergentes ? La guerre impacte toutes les espèces après tout.
    À moins que quelque chose ne menace. Quelque chose d'assez grave pour que les différents prédateurs s'allient - ou prêtent allégeance ? - et assez proche pour que les hybrides cèdent à l'abandon plutôt qu'à la miséricorde. Manque de temps ?
    Ces bois dissimulent plus de dangers que pourraient en compter n'importe quelle autre sylve européenne. Ils abritent une faune et une flore protégées des vices destructives des populations moldues, des décisions réductrices de certains gouvernements sorciers. De fait, ils recèlent certainement de beautés et merveilles d'autant plus mortelles. Une de ces créatures insoupçonnée pourrait-elle loger ici alors, si puissante qu'elle pourrait se faire craindre de chacune des créatures voisines ?

    Cette idée l'intrigue. Cendre se lève, sans jamais stopper son office. Mains prises mais regard alerte, elle s'assure d'un coup d'oeil du sommeil des deux protégés avant de se tourner vers le sol. Sur un périmètre de quelques mètres demeurent les empreintes des deux groupes confrontés plus tôt, par chance ni la pluie ni leurs propres pas, qui ont piétiné la terre pendant de longues minutes, n'ont effacé les traces.
    Elle ne s'éloigne pas, tout est à portée, indices et protégés, mais elle étudie. Et la demi heure passe rapidement.
    Au retour d'Odysseus, la pommade est prête, et le problème lui occupe toujours l'esprit.

    - Qu'elles sont les plus dangereuses créatures qui vivent ici ?

    Re: Chasse et Cueillette
    Mer 12 Fév - 17:19
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    Nous nous regardons, en silence. Je la laisse à ses réflexions, attentif sans pression, jusqu’à ce que, doucement, presque à regret, elle hoche la tête. Cela ne vaut pas une assurance à voix haute. Les mots ont du pouvoir. Peut-être le sait-elle et que c’est pour cela qu’elle est si souvent silencieuse. Peu m’importe. Je n’ai pas besoin d’elle au point que son absence me soit une menace. Ma question était de sécurité. Car je sais qu’elle ne risque rien, ici. Je n’en serais pas certain pour les autres recoins de la forêt. Lancelot m’en voudrait si je lui rajoutais du travail.

    A mon retour, je n’y pense plus. Le froid transperce mes os de son humidité collante. C’est désagréable pour le sudiste que je suis, amoureux du soleil et du sel de ma méditerranée natale seulement je ne suis pas loin de penser le mériter alors, à quoi bon. Ces désagréments ne sont jamais que passagers. Qu’est-ce que la pluie quand on a déjà tout perdu ? Un accompagnement mélancolique, rien de plus. Elle me parle. Son esprit n’étant pas resté inactif, semble-t-il pendant que ses doigts travaillaient. Un bon point. Rien ne libère autant la pensée que des gestes répétitifs mais précis. Je réfléchis.

    « Qu’est-ce que veut dire dangereux ? » Je ne fais pas cela pour me moquer d’elle. Je sais que beaucoup détestent que l’on réponde à une question par une autre et, pourtant, c’est une précision nécessaire. Dangereux pour elle ? Pour la faune ? La flore ? Le Domaine ? La Cause ? Eux-mêmes ? Entre-eux ? Qu’est-ce que le danger ? La puissance ? A part l’homme et les humanoïdes, aucune bête n’est dangereuse, néfaste ou mauvaise. Elle est ce qu’elle est, elle a ses objectifs, ses besoins, ses habitudes alimentaires. Seuls, dans notre monde autocentré, nous mettons de l’intention dans la survie.

    Les centaures n’aiment pas les humains. Ils les chassent de leur forêt, n’acceptent que peu d’intrus, de compromis, peuvent se montrer féroces et sans pitié pour ceux qui les ont offensés. De leur point de vue, ils ont raison. L’homme est l’intrus. Les loups en bande peuvent se nourrir d’un cheval, d’un cerf ou d’un humain. Pourquoi manger les deux premiers serait meilleur que le dernier. Doucement, je mets la sève dans la pommade, ajoute l’eau bouillante, remue. Il faut que cela refroidisse assez pour ne pas faire mal à l’animal. Assez peu pour rester modelable. Je laisse reposer, réfléchis.

    « Je ne connais pas toutes les créatures de ces bois. Il y a plusieurs zones avec plusieurs climats, abritant plusieurs créatures d’origine différentes, parfois magiques, parfois non, plus ou moins sentientes. Il y a aussi d’autres ecosystèmes au niveau du lac, dans la prairie ou les montagnes. » « Ici » c’est tellement vague. Je ne sais pas où nous sommes, ici. Ce que c’est. Je sais surtout que ce n’est pas là. Que c’est un lieu à part.

    « As-tu pris le temps de regarder les étoiles, depuis ton arrivée ? » Les constellations du ciel au-dessus de nos têtes ne correspond à aucun dessin terrestre. J’en avais fait la remarque à Polaris qui l’avait mal pris. Après, s’agit-il d’un endroit hors planète ou d’un plafond très haut et enchanté comme il y en a parfois ? Je l’ignore et ne m’y intéresse pas plus que cela. Je ne me guide pas auprès de lumières qui peuvent être éteinte depuis des millions d’années. Je préfère me perdre.
    Re: Chasse et Cueillette
    Sam 15 Fév - 19:26
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    Il est trempé. De la tête aux pieds, l'homme dégouline. L'averse ne faiblit pas, au dehors du dôme. La pluie d'ailleurs s'y échoue, frappe la bulle.

    Pratique, pour passer inaperçu dis moi.

    Mais n'a-t-il pas pensé à un parapluie ?
    Sa baguette la démange. Elle a envie de lancer un sort pour sécher ses vêtements, ça évitera qu'il ne choppe la mort. Puis elle se rappelle que s'il voulait être au sec, il ne l'aurait pas attendue.
    Et puis d'être tout mouillé, ça n'a pas forcément que du mauvais. Elle se souvient de l'exaltation d'une averse torrentielle. Elle se souvient de sa course pour se mettre à l'abri, puis de s'être arrêté. Parce que.
    Parce que la pluie. Parce que la nature qui se déchaîne. Parce que vivante. Parce qu'elle préférait être là, idiote au milieu de la rue, qu'à l'abri d'un kiosque fermé.

    « Qu’est-ce que veut dire dangereux ? »

    Tu ne réfléchis pas assez Cendre.

    Si, elle réfléchit assez. Mais elle ne parle pas suffisamment. Il est là le problème. Ni Odysseus, ni qui que ce soit, lit dans ses pensées.

    Plus maintenant.

    Le danger est subjectif. Il le sait autant qu'elle. Le chat est dangereux pour le loir qui pointe le bout de sa truffe hors de sa tanière à la nuit tombée. Le couteau est dangereux pour le gamin maladroit qui, de son petit mètre, ne voit dans le manche qui déborde du plan de travail qu'un bout de bois avec lequel jouer. L'escalier est dangereux pour l'homme aux os de verre.
    Le danger est une menace, mais d'un point de vue à un autre, tout et n'importe quoi représente une menace.

    L'instructeur n'attend pas qu'elle complète. Il semblerait que la seule phrase qu'elle ai prononcé comporte tant de maladresses qu'il n'en devienne plus pertinent de chercher à les corriger.
    C'est agaçant.
    Les mots sont insuffisants, il y en a trop peu, tous susceptibles d'être interprété de milles manières. Pour traduire une seule idée, pour la traduire dans toute sa justesse et sans craindre le moindre quiproquo, il faudrait qu'elle prononce plusieurs phrases, au risque de choisir des mots qui, eux même, seront mal interprété.
    « Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ... »
    Finalement, le manque de rigueur vient-elle d'elle, ou de ce langage qu'ils s’obstinent à employer comme moyen de communication ?
    Il est tellement limité.
    Et pourtant, si riche. Les mots peuvent causer plus de tort qu'un coup à la jugulaire. Maniés avec finesse, choisis pertinemment, il peuvent se montrer d'une violence inouïe. Car ils ont tous un sens profond.

    « As-tu pris le temps de regarder les étoiles, depuis ton arrivée ? »

    Les étoiles ?
    Elle s'y est attardée, une fois. Une soirée ennuyeuse, passée dehors pour éviter le bruit. Comme chaque être vivant cherche un repère dans son environnement, elle avait cherché une constellation familière. Rien. Ou alors pas là où elle aurait supposé qu'elle soit.
    Mais Cendre n'a jamais été très douée avec les étoiles. Trop inerte, ça aussi.

    - Je suppose que si tu poses la question, c'est qu'elles ne sont pas à leur place ?

    Autre dimension ? Ils auraient voyagé dans le temps, ou dans l'espace ?

    Faites que non.

    Magie ? Tu ? Oups.
    Tant pis pour lui. Avec elle, ça a toujours été donnant donnant, il ne fallait pas commencer.

    Retour aux étoiles, faille temporelle, erreur de la matrice.
    Le problème n'est pas là.
    Le domaine est partout et nulle part à la fois, mais le importe peu, c'est le qui qui compte. Ce territoire est habité d'êtres vivants, qu'ils soient animaux ou végétaux provenant des quatre coins de la planète. Déduire la présence d'un prédateur du simple fait de l'écosystème ne sera pas pertinent. D'autant plus si le dit prédateur peut se déplacer.
    Cendre préfère expliquer le point de départ de sa réflexion, au moins Odysseus saura ainsi comment orienter la sienne.

    - Je cherche à comprendre ce qui a pu justifier que les loups soient abandonnés. Ou du moins, que les centaures s'en mêlent.

    Les loups, de nature, sont soudés. La meute est attachée à ses membres, elle peut en rejeter si elle a des difficultés à se nourrir, ou si un membre a défié le couple meneur. Mais sinon ...

    Re: Chasse et Cueillette
    Mar 25 Fév - 14:26
    Odysseus
    Odysseus
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    Chasse et Cueillette - Page 2 X5ed
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    Instructeur
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    Les mots définissent ce qui est. Ils matérialisent la pensée, le pouvoir. C’est ainsi que l’homme se crée sa réalité. Avant le langage, tout n’est que question, tout n’est qu’énigme. C’est pourquoi, s’ils n’ont pas, eux non plus, de méchanceté intrinsèques, ils ont un fort pouvoir de création et de destruction. Il faut les utiliser avec précision, parcimonie.

    J’aime les mots dans ce qu’ils ont de musical, d’accompagnement, d’expression. Je les déteste parce que je connais leur pouvoir et que j’en ai peur. Je vois les autres, ceux qui les manient avec désinvolture parce qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’ils font, ceux qui les ont maîtrisés et qui jouent avec pour leur propre avantage…ou celui des autres, cela dépend. Ceux qui s’en servent pour se protéger, comme un bouclier empêchant d’aller voir plus loin. Ceux qui les mouillent d’acide et d’ironie, ceux qui les piquent d’agressivité, ceux qui les roulent dans un sucre de bonnes choses. Et ceux qui s’en méfient et les utilisent peu. Cendre est de ceux-là. Moi aussi quand je ne dois pas enseigner. Et, pourtant, même avec toutes ses précautions, elle dévoile beaucoup par ses approximations.

    Leur place.

    Comme si les étoiles se devaient de suivre la place fixée par les hommes qui les regardent. Comme si elles se devaient de tracer les bonnes constellations imaginaires alors qu’en réalité, les changements de profondeurs rendent cet aplat parfaitement stupide. Comme s’il n’y avait que les boules de lumière que nous pouvons voir de la terre. Pour autant, je ne la contredis pas. Je ne veux pas mêler la pensée provoquée avec des sentiments inutiles comme la honte ou la gêne. Il n’y a aucun mot qui soit « bon », aucun qui ne soit « mauvais », aucun être ou créature qui soit « dangereuse ». Aucune pensée qui ne soit véritablement « stupide ».

    J’attrape l’emplâtre dans ma main nue pour tâter la chaleur. C’est un peu limite. Je le malaxe, doucement, concentré, alors que mon interlocutrice me livre –enfin- le fond de sa pensée. Ce n’est pas une victoire, c’est une preuve de confiance, fragile, que je savoure en silence, réfléchissant à mon tour à ce que je vais répondre.

    « Les centaures sont des oracles. La divination, l’astronomie et autres secrets font partie intégrante de leur culture. Ils n’agissent donc pas dans le même sens que nous, leur monde est différent du nôtre, leur appréhension du temps aussi. Ils ont un recul plus grand sur les causes et les conséquences qui jalonnent notre existence. Et, comme leurs objectifs ne sont pas les notre, il est impossible, pour un humain, de prédire, déduire ou projeter les raisons d’être ou d’agir des centaures. Et cet état de fait est d’autant plus vrai ici où les… » j’ai une légère hésitation, pour chercher le mot le moins maladroit « je dirais les lettres de leur réalité ne sont pas celles que nous avons l’habitude d’observer, tandis que nous gardons la structure et les pensées qui nous sont familières. » Je lui fais confiance. Elle est bien assez intelligente pour faire elle-même le lien avec les étoiles que j’ai mentionnées un peu avant. Elle doit avoir compris, à présent, que si j’ai l’air de sauter sans cesse du coq à l’âne, ce n’est jamais erratique, jamais au hasard.

    « Qui sont ces loups. Que représentent-ils ? Sont-ils important ? A quel niveau ? Parce qu’ils sont ? Parce qu’ils seront un grain de sable ? Parce qu’ils ont été ? A moins que leur intervention n’ait été qu’une façon de nous forcer nous à nous arrêter et à les soigner ? Est-ce que nous contrarions leurs plans ou au contraire en faisons-nous partie ? Y-a-t-il ou non manipulation ? Toutes ces questions peuvent se poser à partir du moment où les centaures sont concernés. Sont-elles vraiment importantes, au final ? Pour moi, la véritable question est surtout, est-ce que je peux, moi, laisser ces deux animaux en piteux état seuls dans la forêt alors que j’ai les compétences et le temps pour les soigner. Et, pour moi, la réponse est non. C’est ce qui fait ce que je suis. J’avais un choix, j’ai pris un parti. J’ignore s’il est « bon » ou pas. S’il est « dangereux » ou non. J’ai décidé que les conséquences ne m’appartenaient pas. Je suis, je fais. Ils sont, ils font. Et le monde se construit ainsi, autour de choix plus ou moins aveugles qui s’opposent, se complètent, se détruisent et construisent. »
    Re: Chasse et Cueillette
    Lun 9 Mar - 19:39
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    Elle écoute Odysseus, mais dans sa tête, d'autres voix se mêlent. Il y a celle de sa mère, le souvenir brumeux d'un agacement dont elle l'accablait quotidiennement. « Arrêtes donc de demander pourquoi et bouges toi, empotée. » Son frère la réconfortait en lui disant qu'elle était encore trop jeune pour comprendre les volontés des grands. Mais elle n'était pourtant pas trop jeune pour avoir besoin de motiver ses actes par des buts. Elle se fichait bien duquel d'ailleurs, que ce soit pour faire plaisir à papa ou pour permettre au voisin de finir sa maquette du monument moldu de l'autre bout du monde. Cendre n'avait aucun jugement de valeur et n'aurait pas refusé d'agir en connaissance de cause. Elle voulait juste savoir. Donner du relief à son geste, en faire une petite pièce de puzzle qu'elle pourrait emboîter sur le tableau des grands. Mais elle accumulait les pièces, elle en avait des tas sans savoir à quel dessein ils pouvaient bien appartenir. Autant de morceaux que d'initiatives, des initiatives fades et inutiles de ses yeux de petite fille, qui lui donnaient la sensation d'être sans être.

    C'est cette même sensation qui la saisit lors du discours de l'instructeur. Celle d'être un grain de sable au milieu de l'océan. Être un grain de sable ne la dérange pas, mais elle veut savoir de quel affluent elle provient, quel courant la porte, pourquoi est-ce qu'il la projette dans cette direction. Pourquoi ?
    Pourquoi ?
    Pourquoi ?

    La divination ne lui a jamais plu. Si la part rationnelle de son esprit peine même à comprendre comment il puisse être possible de prédire l'avenir, la part primaire de son être, celle qui régit ses craintes et son instinct, s'en méfie comme de la peste. La divination résumerait sa vie par « c'est comme ça et c'est pas autrement. »

    Si, ça peut être autrement. Ça peut si on m'explique.

    Elle ne supporte pas l'idée que son existence soit entre les mains d'une force qui ne la laisse pas décider. Qui ne lui donne pas toutes les règles, et qui la regarder avancer, reculer, tourner, comme si elle était un animal coincé dans un labyrinthe sans sortie, que l'on manipule pour passer le temps. Elle ne supporte pas l'idée d'être inutile, de n'avoir aucun impact ni sur sa vie, ni sur celles des autres. Alors elle est en désaccord avec Odysseus, sur un point.

    « Les conséquences nous appartiennent toujours. »

    Elle a blessé, elle a vaincu, elle a tué. Elle a agit en connaissance de cause, pour une Cause, ça ne veut pas dire que la Cause endosse la responsabilité de ses actes. Elle seule en est responsable. Les conséquences lui appartiennent.

    Un éclair fend le ciel, un flash blanc grondant et grognant qui illumine brièvement la clairière. Illumine le loup blessé, illumine l’instructeur encore dégoulinant qui malaxe la préparation, qu'elle a choisit de ne pas sécher.

    Elle poursuit néanmoins. Parce qu'elle a l'impression d'être virulente, et qu'elle n'aime pas dire "non" pour le plaisir de dire non. Justifier, c'est le meilleur moyen de convaincre. Au, au mieux, d'expliciter qu'elle n'est pas juste frustrée et bornée.


    « Toutes les décisions que tu prends, tu les prends en connaissance de cause. Tu as choisi d'essayer de le soigner en sachant que  tu pourrais l'aider. En sachant aussi que tu pourrais empirer son cas. S'il y a des conséquences à plus long terme, qu'elles t'importent ou pas, elles existent, elles découleront de ton acte. Tu en es responsable, à hauteur que ton geste influe sur une répercussion. »

    Plus le temps passe, plus les facteurs s'accumulent. Parfois il y en a tant qu'il n'est plus possible de déterminer s'il y a pu y avoir un événement déclencheur, ou quinze, trente, cent. C'est la faute de tout le monde ou de personne. Cendre part sur le principe que c'est quand même sa faute, au moins en partie. Déléguer la responsabilité à un dessein plus grand, c'est juste décaper sa conscience.

    Le plus vieux loup s'agite dans son sommeil. Ses pattes battent l'air au rythme de foulées anesthésiées, ses songes sont secoués d'une traque trépidante. L'imagination se préoccupe peu des aptitudes, son esprit n'a que faire des rhumatismes qui raidissent ses mouvements, qui accompagnent chacun de ses pas d'une douleur incurable, la maladie de la vieillesse qui prépare la chair à la faux de la Mort inflexible. Dans ses rêves l'animal dispose de la vigueur de son jeune âge, il savoure une ultime fois l'exaltation d'une chasse menée en pleine possession de ses capacités.
    Cendre lui jette un regard, quand elle l’entend. Son regard part aussitôt sur le second prédateur, qui la préoccupe davantage. Il serait préférable qu’il ne rêve pas, où il pourrait bien effectuer des mouvements regrettables avant même que le vétérinaire de fortune n’ai appliqué la pommade. Avant même qu'il n'ai décidé de faire le pas qui le sépare de sa position, qu'il ne décide d'appliquer ce soin.


    Re: Chasse et Cueillette
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