girls like girls like boys do, nothing new

Quand on est né-moldu à notre époque, on apprend à vivre avec la discrimination. J’ai jamais vraiment eu de problème avec ça. Après avoir été abandonnée par ma famille, et rejetée par le monde sorcier, j’ai appris qu’il fallait arrêter de se soucier de l’opinion des autres. Certaines personnes peuvent voir ça comme du défaitisme, ou un manque de motivation. Moi, j’aime me dire que ce n’est que de l’eau coulant le long du dos d’un canard. Je la sens passer, mais elle ne me laisse aucune trace. Plus tard, j’ai aussi découvert qu’on aller me pointer du doigt parce que mon coeur a choisi d’aimer les femmes, et non les hommes. Il fallait croire que s’il y avait un dieu dans ce monde, il avait mit un point d’honneur à faire de ma vie une série de complications.

Depuis mon arrivée ici; cependant, je n’avais pas encore eu de problèmes. Les sorciers et sorcières dans le Domaine n’étaient pas racistes, puisqu’ils se battaient tous pour la même cause que moi, peu importe la nature de leur sang. En quelque sorte, ils m’acceptaient. En réalité, ils ne me connaissaient pas vraiment. Cela faisait presque un mois que j’étais arrivée, et je n’avais toujours pas vraiment lié d’amitié. J’étais passée plus ou moins inaperçu, comme je m’y attendais. Les personnes dont je voulais l’attention, je n’osais pas leur parler. Je me contentais pour le moment de me concentrer sur mes cours, et de comprendre ce que je faisais ici.

J’avais une pause cet après-midi, et j’avais décidé de la passer à l’extérieur, dans le jardin du domaine, près de la fontaine. Près de l’eau, je me sentais en sécurité, paisible, comme chez moi. Je sors un livre de métamorphose de mon sac et commence à lire sans vraiment me soucier de mon entourage. Une voix plus forte que les autres s’élève près de moi, et j’aperçois cette fille que je trouve superbe. J’avais appris que son nom était Lion, et qu’elle était une élémage de feu. Malgré nos éléments opposés; je n’arrivais pas à m’arrêter de l’admirer. Elle était probablement pas intéressée par le genre opposé, comme à peu près toutes les filles sur lesquelles j’ai posé mes yeux ma vie entière, mais ce n’était pas un crime de jeter un coup d’oeil de temps en temps. Le temps d’une fraction de second, elle tourne la tête vers moi, et embarrassée, je mets mon nez dans mon livre, rougissant à peine. Elle ne me remarque même pas Je laisse échapper un soupire de soulagement.

Cependant, il se trouve que j’ai un public. Ce groupe de garçons assis sur le rebord de la fontaine se lève d’un seul coup pour se diriger vers moi. Je fais une tentative de rester accrochée à mon livre afin de les ignorer mais celui qui semblait être le “chef” de la bande se plante devant moi.

“ Eh, dis-donc, t’es mignonne toi.” Dit-il avec un sourire qui ne m’inspire pas confiance. Je bredouille un merci et replonge le regard dans mon livre, essayant d’indiquer le mieux possible que je n’étais pas intéressée. “ Bah quoi, je t’intéresse pas ?” Continue le jeune homme, le regard à présent plus sombre. “Tu préfères les filles ? Me dis pas que t’es une broute-gazon !!” Je soupire et me redresse.

“ Ouais, j’suis lesbienne.” Je lâche d’un ton détaché. “ Donc fous-moi donc la paix.” L’atmosphère change. Le mec se rapproche pour s’asseoir à côté de moi, bien trop proche à mon goût. “C’est crade ça. Franchement, j’pourrais te donner une chance de te rattraper. J’suis un mec bien. Je te ferais changer d'avis.” Une goutte de sueur froide tombe le long de ma tempe. Je n’ai pas envie de m’énerver, ni de me battre. Si je garde mon calme, il finira par s’en aller. Il pose une main sur ma cuisse, je deviens livide. Je n’ai aps envie de causer une scène. Je me sens malade, et l’eau boue en moi comme une théière. Si personne n’intervient, deux options possibles. Option A; je refuse de me battre, et dieu sait ce qu’ils feront. Option B; je me bats, avec le risque de laisser mon élément prendre le dessus et de les noyer. “ Une fois de plus, fous-moi la paix.” Je hisse à travers mes dents serrées. Il monte sa main le long de ma cuisse. Mes doigts se referment sur ma baguette.

« Stupefix. » Un éclair sort de la baguette d’Aubépine qui était postée plus loin, à l’ombre de la porte de sa brigade, un livre à la main. Le chef de bande se retrouve immobilisé par le sort qui l’a frappé dans le dos. Les autres se retournent. Sans personne pour leur dire quoi faire, ils ont l’air un peu perdu. Elle les plaindrait bien mais… Plus loin, un pion se déplace sur un échiquier, informant Sycomore que c’est à son tour de jouer. Un mouvement sans importance, un coup dans l’eau qui ne dévoile rien mais ne fait rien avancer non plus. Pas tant qu’elle n’aura pas révélé sa stratégie ou que son jumeau ne l’aura pas prise de vitesse. Puis, finalement, un autre, un peu moins à la ramasse que les autres, vient l’entourer elle. Aubépine ferme son livre, tranquillement, le range et fait disparaitre son sac dans sa chambre avant de se lever. Cela n’a pris que les quelques secondes. Elle les fixe, du haut de son mètre 55 (54 et demi), eux qui la dépassent tous d’une tête. Elle est seule, pour ainsi dire, sa brigade n’est pas loin, elle fait 35 kilos toute mouillée et pourtant elle ne cille pas. Elle n’a pas peur d’eux, pas peur de leur violence, elle a connu pire, ce ne sont que des enfants, même pas la moitié des hommes qu’ils se croient être. L’Elite, et elle l’a appris très jeune, ne donne aucun véritable privilège. Que des obligations. Alors, inconsciente de son maintien de danseuse, elle reste silencieuse. Eux pas.

« Dit donc toi, qu’est ce qui te prend ? L’est pas là ton frère que je sache. » Deux autres regardent autour d’eux, un peu inquiets. La réputation de violence de Sycomore n’est pas restée lettre morte et ils ne sont jamais bien loin l’un de l’autre. Elle sait d’ailleurs que si elle « oublie » de jouer plus de cinq minutes, il arrivera aussi sec. « Et vous êtes pas télépathe. » Il essaie de se rassurer. Au fond, il a moins de standing que son leader. Classique. Elle continue à le regarder.
« HEY ! Je te parle la consanguine ? T’es sourde ? Je te dis que ton amant de frère n’est pas là. »
« Vraiment ? » le mot seul de la jeune femme suffit à les faire douter. Ils regardent autour d’eux, inquiets.
« Vaudrait mieux filer. »
« Mais qu’est ce qu’on fait de Granit ? »
« J’sais pas tu veux vraiment te retrouver devant Lancelot fâché ? Ou pire devant Monsieur le Directeur ? On dit qu’il a transformé un élève en fauteuil et que depuis celui-ci mord.»

Un bruit sourd se fait alors entendre quelque part dans le domaine et la bande s’éparpille comme les étourneaux qu’ils sont. Granit n’a toujours pas bougé. Il aurait eu du mal à faire autrement. Depuis le temps, Stupefix est devenu l’un des sorts les plus utilisés et les plus puissants de la jeune femme qui n’est pas du genre à apprécier la violence mais pas non plus à la laisser faire. Elle s’avance vers la « victime » de la bande d’imbéciles. Une snidget qu’elle a déjà vue à l’infirmerie, une élève en médicomagie donc. Avec un joli pseudonyme. Pluie. C’est poétique et elle apprécie. Par contre, heureusement qu’il n’est pas prévu pour elle d’aller sur le front… « Vous n’auriez pas dû leur répondre, vous leur avez donné ce qu’ils voulaient. » fait-elle donc de sa voix calme, posée, indifférente et du bout de son anglais rendu parfait par la pâte de fruit qu’on leur a fait manger à l’arrivée. Ses tournures de phrases, soutenues, révèlent le vouvoiement étouffé par le « you », elle sait clairement ce qu’elle fait. Elle soupire, pose ses yeux sérieux sur la jeune femme. « Il ne vous a pas fait mal ? Nous pouvons aller à l’infirmerie les dénoncer si vous le désirez. Je serais témoin. » Elle préférerait que cela en reste là, n’ayant pas vraiment envie de mettre un abruti en danger sous prétexte qu’il est con. On a passé l’âge de miauler pour appeler la meute, approuve le chat en elle sachant ce qu’elle pense au plus profond d’elle-même et qu’elle ne veut pas s’avouer.

Alors que je m’apprêtes à perdre contrôle, la voix d’une autre jeune femme s’élève, et Granit s’arrête net, comme figé dans le temps. Il ne me faut que peu de temps pour réaliser qu’il était sous l’emprise du stupéfix qu’avait jeté une petite brune qui s’acheminait à présent vers nous. Le groupe de machos s’affairent à riposter, l’un d’entre eux s’approchant de la petite brune, les deux autres spéculant. Je dois admettre que je ne sais pas qui est cette fille, mais un élan de gratitude me submerge quand je la regarde. Elle n’a pas l’air particulièrement aimable ni amicale en cette situation, pourtant quelque chose en elle m’inspire de la bonté.

Deux des sbires de Granit redoublent en insultes, mais heureusement pour moi, je ne suis plus au centre de l’attention, ce qui me permet de me recentrer, et de calmement sortir ma baguette de ma poche. Ils disent quelque chose à propose de son frère que je ne comprends pas vraiment, et je me lève, baguette à la main, alors qu’un seul mot de la part de ma sauveuse les fait douter, puis s’en aller. Seul reste l’autre imbécile, immobile sur le banc, toujours sous l’emprise du sortilège.

Je remets ma baguette dans la poche de mon veston, alors que l’autre se dirige vers moi. “ Je n’avais pas prévu de répondre.” Je dis, un peu embarrassée de mon erreur. “ Je voulais les ignorer, mais ils se sont fait très… Insistants.” Je soupire et passe une main dans mes cheveux en bataille. “ Merci d’être intervenue. Et désolée d’avoir l’air si passive. “ Ma voix est calme, douce, sereine. Le danger semblait maintenant loin, et je retrouvais ma paisibilité. “ Je voulais intervenir, mais je suis encore en train de m’adapter à ma nouvelle vie, et mon élément est un peu dérangé alors… Quand je m’énerve, ça peut mal se terminer. Alors j’essaie d’éviter les conflits jusqu’à la fin de mon mois de méditation. “ Je lui explique. La relation qu’un élémage entretient avec son élément est en constante évolution. Parfois, l’élément essaie de prendre le dessus, mais il faut savoir le maîtriser. Lorsque je me retrouve en dehors ma zone de confort, mon élément réagit de façon à me protéger, cependant il n’a pas toujours raison. Ainsi, je méditais tous les jours depuis mon arrivée afin de calmer la pluie diluvienne qui se déversait en moi. D’ici une semaine ou deux, je devrai retrouver ma maîtrise habituelle.

“ Non, il ne m’a pas fait mal. Je vais bien. Merci. “ Je réponds avec un sourire sincère. “ Tu peux le laisser partir. “ En Espagne, même si le vouvoiement existe, il est rare de l’emprunter avec quelqu’un de son âge. Et même si je pouvais discerner le vouvoiement dans la formulation des phrases de la jeune fille en face de moi, je souhaitais la mettre plus à l’aise, et être plus détendue. “ Pas besoin de dénoncer qui que ce soit, je n’ai pas envie qu’ils me fassent perdre encore plus de mon temps. Et puis, je pense qu’ils ont compris leur leçon.” Je souris à nouveau, essayant de briser l’expression sérieuse de la brune, et voulant dé-dramatiser la situation. “ Moi je m’en fiche, je suis habituée à la discrimination. Ca ne me fait plus peur. C’est pour ça que je suis là. Je m’appelle Pluie, au fait. Et toi ? “

Elle ne l’avait pas prévu mais elle l’avait fait. Aubépine retint un soupir. Ne rien dire n’aurait probablement pas été plus efficace si elle voulait être parfaitement honnête. Des harceleurs, elle en avait vu au Collège et ils arrivaient toujours plus ou moins à leurs fins. Elle n’avait cependant – Merlin soit loué – jamais été leur cible. Son sang, son rang, ses notes et son frère se chargeaient d’intimider toute velléité de confrontation. Et puis elle ne se faisait pas remarquer, à l’époque. Pour cela, son passage dans le monde moldu irlandais l’avait beaucoup changée. Elle avait appris à se faire entendre. Indispensable, pour une journaliste. La fille se justifie. Typique. Elle parle de son élément, ce qui l’est beaucoup moins. Elle avait entendu dire que certaines personnes avaient en elle un élément comme elle avait un chat. Elle semblait en avoir trouvé une. Une information intéressante qu’elle nota dans la case de son esprit qui gardait des fiches sur tout le monde. Mois de méditation. C’est noté. Elle ne dit toujours rien, polie, souriante en surface, neutre à l’intérieur, attendant, puis, d’un coup, devant le sourire de la snidget, son regard devint bien plus froid. Elle le darda sur Granit, coincé dans une position inconfortable et ridicule et que ses muscles devaient commencer à ennuyer sérieusement.

« Oh non. Je ne vais pas le relâcher de sitôt. Il ne s’en tirera pas à si bon compte. » Une nuit à moitié penché dehors si personne ne pense à le rentrer lui apprendrait les bonnes manières. Et tant pis si cela donnait du travail à l’infirmerie. Elle secoua la tête et revint au moment présent. Les présentations avaient commencé, le sourire de façade revint, aimable, poli, presque lumineux. « Aubépine. » Oublié Granit et son inconfort. Elle tendit la main, inconsciente de la formalité de son salut, juste habituée à agir de la sorte. « Nous ne devons pas permettre que s’instaure ici quelque discrimination que ce soit, positive ou négative, sur qui que ce soit. Les brimades ne sont pas plus intelligentes quand elles viennent du camp des gentils et nous sommes en huis clos aussi il est évident que de telles tendances vont apparaître. » Ses études lui revenaient logiquement, lui faisant apparaître comme parfaitement évidentes des notions qui ne l’étaient pas pour tous. « Surtout quand on leur dit et leur répète qu’ils sont l’Elite et toutes ces sortes de stupidités. Il est bon de rappeler de temps à autre à ces messieurs qu’ici, ils ne sont plus les rois des bacs à sable qu’ils étaient en bas. Tu aurais dû utiliser ton pouvoir. » Même au risque de les blesser. Après tout, ils étaient en guerre et les autres aussi, en face, avaient des capacités inconnues ou surpuissantes. Et parfois même plus d’une. On disait que le Seigneur des Ténèbres était Occlumens ET Legilimens ET Animagus ET Métamorphomage ET Nirimage… « Du coup, vous disiez que vous étiez venue dans cet endroit hors du monde parce que vous ne craigniez plus la discrimination qu’on y subit ? »

Cela lui paraissait étrange, comme raisonnement. Elle devait avoir compris de travers. Avoir raté une étape. Cela lui arrivait parfois. Sycomore disait qu’elle sautait trop vite aux conclusions. Elle lui répondait en général que le ressenti était tout autre chose que les chiffres purs et que les êtres humains obéissaient à leurs propres règles qu’il fallait comprendre et intégrer avant de vouloir les bouger sur l’échiquier. Ils ne seraient jamais d’accord sur ce point. Trop différents et trop semblables à la fois.

La brune, dont le nom est Aubépine, semble vouloir donner à Granit une véritable leçon de vie. Je ne compte pas vraiment l’en empêcher. Nous sommes tous ici parce que nous ne tolérons pas la discrimination envers les sorciers au sang moldu, alors pourquoi tolérer une quelconque autre forme de discrimination ? Cela ne faisait aucun sens.

Je n’arrive pas vraiment à la cerner. Son sourire n’a pas l’air sincère, mais elle est polie. Parfois, sa façade tombe, mais pas assez longtemps pour savoir qui elle est vraiment. Je suis perplexe, je ne sais pas vraiment comment agir en face d’une personne dont l’attitude est changeante. Tout le monde s’adapte, mais il est difficile de s’adapter quand les facteurs ne font que changer. Je suis un peu mal à l’aise, je ne sais pas trop quoi faire pour paraître aimable, amicale.

“Je comprends.” Je réponds lorsqu’elle exprime que la discrimination ne doit pas être tolérée ici. “Peut-être que j’aurais dut utiliser mon pouvoir, tu as raison. Seulement, la dernière fois que j’ai perdu le contrôle sur mon élément, j’ai presque noyé quelqu’un. Je ne peux pas prendre le risque de tuer quelqu’un ici. Et puis, afin de vraiment pouvoir reprendre mon élément en mains, je ne dois pas faire de rechute. Ca veut dire pas d'exceptions, sauf si je suis réellement en danger de mort.” Je soupire un peu et pose le regard sur le jeune homme immobile. “Cependant, si cela arrive à nouveau avant que mon mois de méditation se termine, j’utiliserai ma baguette. Après tout, je suis une sorcière avant d’être une aquamage.”

J’écoute la question de la brune, et je me rends compte que ce que j’ai dit pouvait porter à confusion. C’est ça le truc, c’est qu’à force de rester seule et de ne pas beaucoup communiquer avec les autres, j’en oublie qu’il faut exprimer ses pensées correctement pour ne pas mener à la confusion. “Ce que je veux dire par là, c’est qu’au lieu de me laisser guider par la peur de cette discrimination, j’ai décidé de la combattre. C’est pour ça que je suis là, parce que ce n’est plus la peur qui me dit quoi faire.” J’hausse les épaules, nonchalante. “Et du coup, si ça m’arrive ici, ça me passe un peu au dessus de la tête. Je ne suis pas en danger de mort parce que j’aime les filles ici. Alors qu’en Espagne, dans ma maison, je suis en danger de mort parce que je suis une née moldu. C’est une question de perspective. Granit ne m’impressionne pas le moins du monde.”

J’ignorais si ce que je disais faisait beaucoup de sens. Mes pensées sont rapides, et difficiles à expliquer. Ce que j’espérais que l’autre jeune fille retienne de mon monologue, ce que je n’avais plus peur des personnes qui s’opposaient à moi. J’étais prête à me battre. Seulement je ne voulais pas faire de victime parmis nos rangs à peine un mois après mon arrivée. “Et toi, ça te dérange, si j’aime les filles ? Je ne veux pas te mettre mal à l’aise.” Je demande, curieuse de sa réponse. “Dans tous les cas, merci encore d’être intervenu. C’est très courageux de ta part de l’avoir fait sans même savoir de quoi il s’agissait.”

J’aimerai bien en savoir un peu plus sur Aubépine, mais j’ai un peu peur d’avoir l’air trop curieuse. Je ne sais pas trop comment demander, alors je passe ma main dans ma nuque, un peu embarrassée. Si il se trouvait qu’elle aussi ne voulait rien avoir à faire avec elle parce qu’elle était gay, ses chances de se faire une nouvelle amie étaient nulles.

Après tout, oui. Cinq ans dans le monde moldu n’avaient pas réussi à entamer l’amour d’Aubépine pour la magie et son utilité. Elle lançait ses sorts comme on tend le bras pour attraper quelque chose, naturellement, sans y penser. Sycomore était différent, il aimait utiliser ses doigts, sentir la matière. Et, ici, elle l’avait remarqué, beaucoup étaient comme lui, comme si être des êtres magiques était honteux ou bizarre. Elle, cela avait été l’inverse. Il lui avait fallu du temps pour comprendre vraiment le fonctionnement d’internet ou voir l’utilité d’un téléphone portable quand on avait un patronus fort élégant soit dit en passant. Elle ne comprenait pas les hésitations, la peur de blesser l’autre. Ils étaient en guerre et l’ennemi n’aurait pas ce genre de délicatesse. Alors certes, elle n’attaquerait pas autrui sans raison, ni par pure mesquinerie mais de là à prévenir avant de jeter un sort de défense, il y avait un gouffre. Qu’ils le repoussent s’ils étaient si puissants. Elle jeta un nouveau regard, neutre et poli, à Granit. L’imbécile. Puis reporta son attention sur la jeune femme qui explicitait sa pensé. Elle hocha la tête. Maintenant, elle comprenait mieux oui. Elle ne pu s’empêcher de lever un sourcil à la question cependant.

« Ca m’est bien égal. » L’homosexualité était une phase, lui avait-on dit. Utile quand on apprenait à connaître son corps, à se connaitre. Au mieux c’était une mode –elle avait fini par bien connaître Internet et donc ses dérives – ou bien un acte de rébellion pour se sentir différent ou plus fort ou plus tolérant ou elle ne savait quoi. Que les gens fassent ce qu’ils veulent, qu’ils se mentent à eux-même, qu’ils mentent aux autres, qu’est-ce que ça pouvait lui faire à elle ? A part si la jeune femme tentait de la séduire. Elle haussa les épaules avant de se demander si Sycomore serait capable de mettre son point dans la figure d’une fille comme il le faisait sur les garçons qui lui faisaient les yeux doux. L’expérience était presque tentante. Le serait si la personne en face d’elle n’était faite de chair et de sang et ne risquait d’être inutilement blessée dans le processus. « Et de rien. Il se trouve que j’étais là. » Autant dire qu’elle n’aurait pas non plus traversé le monde pour sauver une inconnue. Elle avait encore du mal avec le concept de communauté, habituée qu’elle avait été, dès l’enfance, à ne voir et ne penser qu’à son frère. Mais elle était slave et son peuple n’était rien sinon solidaire à (trop) grande échelle.

« Tu parles espagnol donc ? C’est une langue difficile à acquérir ? » Un sujet de conversation comme un autre, tenta-t-elle de se convaincre comme si les quelques mots qu’elle avait pu trouver à gauche à droite ne l’avaient pas poursuivi une bonne partie du mois de juin. Elle avait commencé à étudier seule cette langue, mais n’étant pas habituée aux langues latines à part pour le français et le latin, elle se trouvait bloquée à la prononciation. Elle aurait tout aussi bien pu partir sur l’élémagie…d’eau si elle avait bien compris les sous-entendus de la jeune femme mais elle préférait rester sur un thème léger. Les gens parlaient toujours facilement de leur pays natal. Etre déraciné était une souffrance pour tout le monde. « Je suis allée en Andalousie une fois. A Grenade, pour un séminaire, mais il était en anglais et j’ai à peine pu voir la ville. »

Elle avait aimé l’ambiance, la chaleur. Elle avait détesté la légèreté de ses camarades de cours qui pensaient bien plus à visiter les bars qu’à retirer ce qu’ils pouvaient des cours dispensés par les organisateurs. « L’université est très belle, l’une des plus ancienne je crois, fondée par Charles Quint en 1534 mais véritablement créée en esprit par Yousuf 1 en…je ne sais plus, au 14ème siècle je crois ? »

Cela lui était égal. Parfait. Je n’avais pas vraiment besoin de me soucier de cela en sa présence. Bien sûr je n’avais aucune idée de son monologue personnel, sinon la discussion aurait pris une tournure bien différente. La jeune fille en face de moi semble être un livre fermé. Il est difficile pour moi de la lire, et je n’arrive pas à savoir si elle fait la conversation avec moi par politesse, ou parce qu’elle est réellement en train d’essayer d’apprendre à me connaître. Je lui donne des informations sur moi, histoire qu’elle sache à quoi s’attendre, mais elle ne me donne pas plus d’informations sur elle. C’est étrange. Mais je n’en fait pas tout un paquet. “Oui, l’espagnol est ma langue maternelle. Ca n’a pas été très difficile pour moi de l’apprendre puisque je suis née là bas. Du coup, c’est simple pour moi, mais j’imagine que si tu ne connais pas de langue latine, ca doit être plus difficile. Tu viens d’où toi ?” Je ne suis pas très douée avec les accents, contrairement à Aubépine. Dans ma vie, je n’avais jamais vraiment appris de langue étrangère. J’avais des bases pour certains dialectes Africains après mon voyage là bas, mais cela s’arrêtait là. J’avais été très contente que la pâte de fruit ramène tout le monde à la même langue, sinon cela aurait été fort compliqué.

“Je ne crois pas être allée à Grenade dans le passé, mais j’en ai entendu beaucoup de bien. J’ai grandi à Almeria personnellement, une très belle ville. Enfin, c’était une très belle ville. Les choses ont changé maintenant, les rues du monde sorcier sont presque toujours désertes, personne n’ose trop s’aventurer seul dehors, encore moins les né moldus comme moi.” Je soupire un peu. “Moi je n’ai pas beaucoup voyagé. Enfin, je suis allé en Afrique pendant plusieurs années pour apprendre l’élémagie, j’ai passé la plupart de mon temps au Kenya, dans la forêt tropicale. A part ça, je n’ai pas vraiment vu beaucoup de paysages.” J’explique en rangeant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. “J’ai entendu les autres gars parler de ton frère. Il fait si peur que ça que la pensée seule qu’il puisse arriver les aient fait déguerpir ? “ Je demande franchement. Ma timidité commence à s’effacer un peu, et cela me rappelle que je ne suis pas si mauvaise en sociabilisation. Certes je ne fais pas les premiers pas, et des fois je suis bizarre, mais je ne m’en sors pas trop mal aujourd’hui. Je suis fière de moi.

« Des pays slaves. » répondit-elle tranquillement, consciente qu’à part la Russie, la myriade de petits pays autrefois agglomérés dans l’URSS et à présent à nouveau confondus en une masse informe sous la domination de Yaroslava ne dirait rien à personne. De toute façon, plus elle restait vague, mieux c’était. Ils étaient peut-être en sécurité ici mais un jour, ils sortiraient et certains ne reviendraient pas et ceux-là, même avec la meilleure volonté du monde, pouvaient faire fuiter des informations. Elle n’avait pas permis à son frère de survivre en étant légère ou imprudente. Grandir sous le même toit que l’ennemi, cela donnait des réflexes. Et prendre des nouvelles, cela donnait des idées. « Je ne connais pas Almeria. » C’était la seconde fois que la jeune femme mentionnait sa naissance. Née de moldue, voleuse de magie d’après le pouvoir en place. Aubépine ne savait pas vraiment s’il y avait du vrai dans les rumeurs disant que la pureté du sang avait une incidence sur le pouvoir brut et le don pour l’utiliser. Mais au final, si une méritocratie se mettait en place, il serait facile de le savoir. Sans pré-triage, les gens les plus doués se retrouveraient naturellement aux postes les plus élevés. Si la pureté du sang y était pour quelque chose, les statistiques le montreraient alors bien facilement. Seule la corruption d’un système politique gangrené depuis des siècles avait faussé ces résultats et rendu la conclusion au mieux bancale. Elle réfléchit. Elle avait quelque chose à demander, ce qui ne lui était pas habituel (elle était plutôt de ceux qui proposait d’habitude), surtout auprès d’une fille qu’elle connaissait finalement peu et ne savait pas comment s’y prendre.

« Mon frère est surtout protecteur avec moi. Il a déjà eu des échanges de coups avec Granit quand celui-ci avait décidé de m’enseigner la « danse horizontale » pour reprendre son expression. Mais surtout, s’il n’est pas plus fort, ni plus puissant qu’un autre, Sycomore est un stratège. Il tape où ça fait mal, pour détruire, non pour prévenir. Ce sont des techniques d’intimidation qui fonctionnent bien sur les esprits grégaires. Contre des intellectuels ou des personnalités plus affirmées, j’aurais probablement dû trouver autre chose. » Et cela ne l’ennuyait pas le moins du monde. Elle ne montrait aucun remord, aucune gêne à parler des mesquineries de son jumeau. Il la protégeait. Elle faisait de même. C’était agréable la plupart du temps. Gênant lorsqu’elle n’était pas certaine d’être dérangée par l’admiration ou l’admirateur en question. Un soupirant soupire. Elle sourit un peu.

« Dit. Je ne veux pas que tu te sentes obligée, évidemment. Je n’ai pas réagi pour cela et je comprendrais que tu refuses, je ne t’en voudrais absolument pas mais… » elle jeta un coup d’œil vers le bâtiment, vérifiant qu’aucune oreille indiscrète ne traînait dans les environs. « Tu m’enseignerais l’espagnol ? J’essaie d’apprendre seule mais j’y arriverais mieux avec une native. »

Des pays slaves. Une réponse un peu trop vague à mon goût, mais je m’en contentais. Après tout, je n’étais pas vraiment un as en géographie, et si c’était pour avoir l’air bête à ne pas connaître son pays, il valait mieux que je ne demande pas plus d’information. J’étais bien plus détendue à présent, et j’en oublie même le Granit figé dans mon dos, toujours sur le banc. Son sort m’importait peu à présent, et vu ce que me disait Aubépine à propos de son frère, il ne risquait pas non plus d’aller se plaindre à la direction, de peur de s’attirer les mauvaises grâces du frérot. Cela devait être pratique, d’un côté, d’avoir quelqu’un sur qui compter. Malheureusement, je ne pouvais pas dire que j’avais ce genre de personne dans ma vie. Je dois toujours surveiller mes arrières seule, et si je me retrouve dans le pétrin, je ne peux compter que sur moi-même.

Je ne sais pas si il y a de la vérité dans le fait que la magie des sang-purs soit plus puissante non plus, mais les personnes qui sont dans le Domaine sont l’élite, il paraît. Et il y a un très bon mélange de sangs ici, ce qui, à mon avis, prouve parfaitement qu’il importe peu le sang qui coule dans nos veines. La magie nous choisi, elle nous trouve, et elle grandit avec nous. C’est tout ce que j’ai besoin de savoir. “Je vois.” Je réponds après son explication. “J’avais une soeur, quand j’étais petite. Une grande soeur. Je ne l’ai pas vue depuis peu après mes 5 ans.” Je dis avec un air détaché. Cela ne me fait presque plus mal. Si j’avais fait la paix avec la perte de mes parents, et leur décision de m’abandonner, faire le deuil pour ma soeur avait été bien plus difficile. Nous étions si proche, et je ne pouvais pas oublier ses larmes le jour où mes parents m’avaient déposée à l’orphelinat. Elle n’avait pas choisit tout ça.

Un sourire se dessine sur mes lèvres lorsqu’Aubépine me demande si je peux lui donner des cours d’Espagnol. C’était tout à fait inattendu, il fallait que je l’avoue, mais cela pouvait être une bonne idée. Après tout, je n’avais pas encore d’amis, et peut-être était-ce là une occasion de s’en faire une. Peut-être que l’animagus voudra en rester à des cours formels, mais dans tous les cas c’était mieux que de rester toujours seule dans ma chambre. “Avec plaisir. Je n’ai jamais enseigné avant, mais je devrais pouvoir m’en sortir. Il va cependant falloir que j’évalue ton niveau, avant tout autre chose, pour savoir quoi t’apprendre.” J’étais un peu excitée. Et quand je dis ça, ça veut juste dire que je me tiens plus droite que d’habitude, et que j’ai l’air un peu moins nonchalante. Après tout je suis toujours une personne calme de nature, alors ça ne se remarque pas nécessairement quand je suis excitée à l’idée de faire quelque chose. “Tu voudrais commencer quand ?”

Elle hocha la tête, notant simplement la nouvelle information. Une sœur perdue, d’accord. Etant née de moldu elle était probablement morte. Aubépine décida de ne rien dire. Elle n’aurait pas su quoi. Elle avait toujours eu son frère évidemment mais elle n’était pas étrangère à cette sensation de disparition subite. Il y avait eu leur gouvernante, dont ils n’avaient plus entendu parler depuis le jour de leur entrée à l’école magique. Et sa professeure de danse, une demi-vélane de sang mêlé qui avait, elle aussi, disparu de la circulation le jour de ses seize ans. Depuis, la jeune femme ne s’était plus vraiment attaché à personne. Elle avait des contacts, des connaissances, des listes de noms avec lesquels travailler les cours ou faire semblant de rire. Des collègues et des camarades. Autant de masques qui perfectionnaient le sien. Et puis il y avait eu leur fuite et le besoin de se faire oublier de tous et de toutes. Cette fois c’étaient eux qui avaient disparu. Peut-être certaines de ces personnes qu’elle avait côtoyé adolescente la pensaient décédées elle aussi. Elle repensa aux nombreuses admiratrices de son frère, trop occupé à surveiller des ombres pour s’apercevoir de son charme. Aussi peut-être, juste peut-être la sœur n’était-elle pas morte. Peut-être, juste peut-être arriverait-elle ici. Après tout, on avait vu plus bizarre. A guetter donc, une amitié soudaine avec une enrôlée plus âgée qui ressemblerait à la snidget.

Changement de sujet vers un autre bien plus intéressant, l’Espagnol. Avec une majuscule. Ce serait son secret, quelque chose qu’elle ferait sans son frère puisque cette tête de bourrique ne « voulait pas s’éparpiller » et continuait à grogner d’un air jaloux, comme s’il ne s’agissait pas de l’une des langues les plus parlées actuellement. Alors certes, ce n’était pas une langue d’avenir comme l’arabe ou le chinois mais s’en était une du passé. Et il ne fallait pas oublier son passé.

« Quand tu le voudrais. J’ai commencé avec un livre de contes et de comptines que j’ai trouvé dans la bibliothèque mais même avec un dictionnaire, j’ai un peu de mal et je n’ai pas vraiment de guide de conversation. » Jusqu’ici, ils avaient toujours appris ensemble, discutant mal l’un avec l’autre, mélangeant les langues pour passer les mots qu’ils n’avaient pas retenus. « Je parle couramment français et de ce que j’ai vu, la grammaire est assez semblable non ? Les prépositions mises à part.» Elle avait craint de retrouver des déclinaisons comme en russe ou en latin mais, jusqu’ici, il ne lui semblait pas en voir. Après, cela ne faisait finalement pas un mois qu’elle était dessus, à ses heures perdues, c’est-à-dire souvent pendant les repas qu’elle sautait ou le soir dans la salle commune, après la chasse. « En échange, si tu as des soucis dans un cours où je suis à l’aise, je pourrais peut-être t’aider, si tu le souhaites. » Ou pour stupefixer les gens si cela devenait utile parce que les noyer, à la réflexion, c’était peut-être vaguement extrême. Quoi que diablement dissuasif.

Je hoche la tête de façon répétitive lorsqu’elle m’explique comme elle a commencé à travailler la langue. Si je devais choisir d’apprendre une nouvelle langue, je choisirais probablement de commencer par l’oral, mais à l’évidence, Aubépine n’avait pas put faire ça puisqu’elle n’avait personne avec qui faire la conversation. Et POOF ! Me voilà. “S’il s’agit de conversation, je ferais très bien l’affaire. Même si je ne suis pas sûre d’être la personne la plus intéressante avec laquelle discuter.”

Je souris en entendant qu’elle connaît le Français. Cela allait être utile pour sûr, car les deux langues ont les même racines. “Oui, la grammaire est très semblable, et beaucoup de vocabulaire sonne similaire aussi. Du coup, si tu connais le Français, je pense qu’il ne sera pas trop difficile pour toi de comprendre l’Espagnol une fois les bases acquises. Après c’est beaucoup de conjugaisons à apprendre, mais tu dois être habituée à ça, avec le Français.” Bon, je ne savais pas parler Français, mais on en avait apprit un peu à l’orphelinat, et j’en sais assez pour pouvoir donner mon avis dessus.

Je hoche la tête. “Sûrement le cours d’extraction d’information. Il semblerait que je sois trop… “gentille” pour ce cours, parfois. J’ai besoin qu’on m’apprenne à être plus ferme, plus imposante. Sinon c’est certain, je ne vais jamais réussir les exams.” Je ris un peu. Ce n’était pas si mal de faire la connaissance de quelqu’un de nouveau. J’étais un peu réticente à l’idée au début, par peur d’être blessée, ou de perdre à nouveau quelqu’un, mais finalement, je crois que cela me convenait plutôt bien. Après tout je n’avais pas besoin de m’attacher directement, et de faire de tous ceux que je rencontre mes meilleurs amis. Il faut que je prenne les choses à mon rythme, mais peut-être que rester renfermée sur moi-même n’est pas la meilleure façon d’aller mieux. “ Alors ça me va. On peut commencer dès demain si tu le souhaites. Ou même aujourd’hui. J’ai pas grand chose à faire du reste de ma journée. Et ça serait plus simple de prevoir le premier cours si tu me montres déjà ce que tu sais.”

Quelle importance, l’intérêt de la discussion ? Aubépine leva un sourcil. Elle n’avait pas une bonne estime d’elle-même, c’était certain mais la jeune femme devant elle se dénigrait ouvertement. C’était dommage. Elle accrocha un sourire poli sur son joli masque et répondit ce qu’elle pensait qu’il fallait répondre à une telle affirmation. « Aucune importance, je n’aurais pas le vocabulaire pour une conversation profonde avant plusieurs mois. » Il était inutile – elle le savait bien – d’insister sur la valeur intrinsèque de la conversation de la jeune femme. Soit c’était de la fausse modestie et elle cherchait les compliments, auquel cas Aubépine ne les lui donnerait pas, soit elle était sincère et rien ne pourrait la convaincre. C’était comme quand son frère lui disait qu’elle n’était pas grosse et qu’elle était jolie. Sauf que dans son cas, bien évidemment, Sycomore mentait. Bref. Derrière son air poli, elle secoua mentalement la tête pour en chasser son jumeau et son agacement à savoir que cette langue serait la seconde qu’elle apprendrait sans lui. Après la langue des signes.

« Mon professeur de français disait que la conjugaison était la science des ânes. Il suffisait d’apprendre et d’appliquer, contrairement aux déclinaisons qui, elles, sont plus délicates à acquérir. » Le français étant l’une de ses quatre langues maternelles, elle l’avait intégré très jeune, mélangeant alors les langages jusqu’à ce que la séparation se fasse correctement dans sa tête. Depuis, elle n’avait jamais trouvé très compliqué de saisir un langage. A part le Mandarin qui, elle devait bien l’avouer, lui causait quelques belles migraines. Nouveau sourire et hochement de tête.« Je suis plus douée pour garder les informations, les coder et les transmettre que les extraire mais ensemble, nous devrions arriver à quelque chose je pense. Je peux en tout cas parfaitement jouer le rôle de la personne que tu bouscules mais tu dois me promettre de me dire quand m’arrêter. Je suis parfois un peu brutale, semble-t-il. » Avec l’exemple qu’elle avait eu, il y avait de quoi. Quand on Lui résistait, on pouvait résister à tout, elle en était persuadée. « On a un examen lundi avec nos deux spécialités, ce sera l’occasion de faire le point sur ce que nous savons et nous pourrions commencer juste après. Pour l’espagnol… Estoy a su disposición, profesor. » Les mots étaient juste, l’accent nettement moins, l’on sentait le français derrière, les s pas assez chuintant, les mots accentués avec indifférence…

Je n’avais en effet pas une très bonne estime de moi. Beaucoup de ce sentiment était à cause du fait que pendant des années j’avais dû me cacher car j’étais une sorcière, et différente de moldus… Et après cela, il m’avait fallu me cacher parce que j’étais une sorcière née de parents moldus. Comme quoi parfois, tous les côtés sont contre nous. La seule fierté que j’avais réside dans le fait que je sois une élémage, et cela a souvent été la raison qui m’a poussée à rester en vie. Cela faisait trop longtemps que je n’avais pas vraiment eu d’amis ou de personne à qui parler pour que je sache qu’il n’est pas forcément bien vu de se rabaisser en public. Mais petit ç petit, je finirai bien par comprendre - les autres veulent que les personnes à qui elles font face renvoie de la confiance en soi et du charisme. Je n’ai aucun des deux. C’est mal barré.

“Il est vrai qu’il ne suffit souvent que d’apprendre et d’appliquer, cependant…” Je souris un peu. “Tout comme en français, l’espagnol est une langue avec beaucoup d’irrégularités qu’il te faudra apprendre, mais tout cela viendra avec le temps, et beaucoup de personnes natives font encore ces mêmes erreurs, si cela peut te rassurer.” Bien souvent, j’avais observé que les personnes parlant espagnol alors que cela n’était pas leur langue natale avaient tendance à mieux parler que les natifs. Sûrement parce qu’ils étaient plus appliqués dans leur apprentissage; et que la peur de ne pas être compris fait de n’importe qui un perfectionniste.

Je hoche la tête. “Ca me convient. Moi c’est plutôt l’inverse, j’ai beaucoup de mal à être brutale, que ce soit physiquement ou psychologiquement. J’ai vraiment besoin de techniques pour réussir à avoir l’air menaçante si j’en ai besoin.” Ouais, il y avait du boulot. Heureusement que j’étais Médic, parce que j’avais vraiment l’air d’une brebis égarée parfois. Mais j’ai du potentiel, je le sais. En situation de danger; j’avais déjà réussi à m’en sortir, et à intimider. Cependant, il fallait que je puisse apprendre à le faire sur commande, sinon j’allais pas passer mes exams.

“Oui, ça sera un bon point de départ.” Je souris. Bon, l’accent d’Aubépine me fait grincer des dents, mais même si on sentait les influences latines derrière, cela donnait à l’animagus l’avantage de déjà savoir modifier les sons qu’elle pouvait produire. Avec quelques rectifications bien avisées, je suis sûre que je pourrai la faire passer pour une native. “Que penses-tu de demain après-midi, à la bibliothèque?” Je demande en espagnol, lentement pour qu’elle puisse saisir chaque mots, mais aussi pour savoir si elle serait capable de comprendre ma phrase. Le vocabulaire était assez simple, et certains morts aux racines latines pouvaient lui rappeler le français. Même si elle ne comprenait que demain, après-midi et bibliothèque, avec son sens de déduction, elle pourrait comprendre le sens de la phrase.

Elle n’était pas inquiète. Son but premier était de comprendre, plus que d’être comprise. De pouvoir suivre une conversation en Espagnol, de ne plus dépendre de lui lorsque sa langue maternelle lui échappait. Pouvoir le taquiner dessus, savoir ce qu’elle disait, comment et pourquoi. Et puis c’était quand même la troisième langue la plus parlée. L’apprendre permettrait d’ajouter encore une corde à son arc. La parler cependant…comme son frère refusait de l’apprendre aussi – ce qu’il pouvait être borné quand il était bêtement jaloux celui-là – et bien elle ne pourrait pas la rajouter dans le manège à langue qu’ils partageaient tous les deux. Comme la langue des signes, ce serait un code pour elle seule et donc beaucoup moins urgent.

« Il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne font pas d’erreurs. » annonça-t-elle tranquillement, sûre d’arriver, à terme, à dompter cette langue latine comme elle l’avait fait du Français, du Russe, comme elle le ferait du Mandarin. Elle avait bien réussi à comprendre l’arabe malgré l’absence de voyelles. Non, vraiment, elle ne se faisait aucun souci. Elle ne comprenait même pas pourquoi il aurait fallu qu’elle s’en fasse. Probablement Pluie avait-elle peur que sa camarade l’accuse d’être un mauvais professeur. Bah. Au pire elle en changerait. Elle n’était pas si obtuse que ça. La conversation dériva un moment sur les cours d’extraction et elle n’avait aucun mal à imaginer Pluie trop sensible. « Evidemment, tu es en médic c’est ça ? » en tout cas elle n’était ni en Intelligence, ni en Officier et semblait trop civilisée pour être en Infanterie. « Peut-être que ta technique personnelle ne passe pas par l’intimidation ? Après tout, nous avons tous nos forces et nos faiblesses alors une méthode unique ne pourra pas fonctionner sur tout le monde. » Le problème était plutôt d’ordre moral et/ou éthique à son sens. Pour extraire des informations, il fallait être capable de faire souffrir l’autre, de l’abîmer, physiquement et/ou psychiquement. Aubépine savait déjà que cela ne la dérangeait pas outre mesure. Elle connaissait ses priorités et savait mettre ses sentiments de côté quand il le fallait. Pour la Cause, pour leur objectif, pour son frère. Le problème principal des médics, c’était leur empathie, indispensable à leur spécialité. Son problème principal à elle était son horreur de la violence physique qui était sale, bruyante et désagréable, au mieux. « En tant que soigneuse, tu devrais avoir accès à des produits pour déstabiliser ou faire souffrir ton adversaire, non ? On m’a dit une fois que tout médicament pouvait aussi tuer, que l’on utilisait des poisons pour soigner, tu pourrais peut-être penser à creuser de ce côté si la peur n’est pas ta méthode de prédilection ? » Elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille et laissa échapper un léger soupir. « Je ne suis pas – et de loin – une experte sur le sujet comme je te l’ai dit mais si tu as des doutes, je te conseille vivement d’en parler directement avec Morrigan. Nous l’avons déjà eu plusieurs fois et je peux t’assurer qu’elle ne te regardera pas de haut si tu lui parles de tes doutes. Au contraire, elle serait du genre à t’en vouloir de les taire. » Vient ensuite l’espanol. Biblioteca n’est pas un mot compliqué, clairement. Il ramène sur les lèvres de la sang-pur un léger sourire amusé et pensif. Elle sait où elle est, maintenant. Merci Professeur. Manana…demain ? Tarde…tard ? Donc demain tard…dans l’après-midi ou la soirée, à la bibliothèque ? Elle hoche la tête. « C’est entendu. Apporte aussi ce que tu voudrais que l’on travaille ensemble ? »

Ma technique ne passerait pas par l’intimidation ? C’était une idée qui ne m’était jamais venu à l’espirt. Y avait-il donc d’autres façons d’acquérir ce que l’on voulait ? Pas uniquement la peur. Mon cerveau est en marche rapide, et je me demande de quelle autre manière je pourrais utiliser mes compétences pour extraire des informations. Peut-être que je pourrai être comme ces médecins sadiques qui font des injections en guise de torture ? Y penser me glace le sang. Je me vois mal dans la peau d’une tortionnaire, peu importe les circonstances. J’espère que le cours ne me fera pas passer le cap de la personne qui fait du mal aux autres. Toute ma vie, j’avais fait tout mon possible pour ne pas blesser.

Mais nous sommes en guerre. Et parfois, il est nécessaire de lever la baguette. Et si nous ne levons pas la baguette en premier, ils le feront. Je ne peux plus tomber dans le piège de la légitime défense, cela m’a trop coûté dans le passé. J’ai déjà finit dans leurs griffes, je sais de quoi ils sont capables, je connais les cicatrices qu’ils laissent. Il n’est plus simplement question de se défendre, il faut les battre.

Je débats dans ma tête un moment avant d’être tirée de mes pensées par Aubépine. “Désolée. C’est encore difficile pour moi d’accepter de faire souffrir d’autres personnes. Je sais qu’il faut que je m’y fasse. Nous sommes en guerre, après tout.” Je passe une main dans ma nuque, dégageant mes cheveux épais sur le côté pour laisser respirer la peau. Il fait chaud. “Je ne lui ai encore jamais parlé. C’est difficile pour moi de faire le premier pas vers les autres. Mais j’essaierai.” Je réponds, honnête. Peut-être trop honnête, le genre de truc que je devrai sûrement garder pour moi. Peu importe, ce qui est fait, est fait. Je ne sais pas vraiment mentir, en tous cas pas à des gens en qui je suis sensée avoir confiance. C’est différent quand il s’agit d’ennemis. “Merci du conseil.”

Je hoche la tête, et la récompense d’un sourire. Elle avait compris. Je me fiche de savoir si elle a tout saisit d’un coup, ou si elle a dut décortiquer la phrase dans sa tête, ce n’est pas vraiment important. “Ca me va.” Je jette un coup d’oeil derrière moi, regardant de haut le corps stupefixé de Granit. “J’espère qu’il sera là au moins quelques heures. Tu vas en parler à quelqu’un ?” Je demande, histoire de savoir si je dois me préparer à être contactée à propos de l’incident.