Nouvelle insomnie. Encore. Toujours. Plus les cours avançaient et plus elles devenaient oppressantes, prégnantes et gênantes. Alors, oui, à un moment, son corps s’avouait vaincu et il était bien obligé de dormir. Cela le prenait d’ailleurs dès qu’un cours devenait un peu trop soporifique, allez, au pif, celui de Vyasa  et celui d’Ishtar qui avait la bonne idée , premièrement de se situer le mercredi après midi donc en milieu de semaine avec une soirée sportive que Sycomore faisait sans entrain et deuxièmement avec la présence d’une bonne âme pour le secouer si jamais l’information était absolument capitale. Il pouvait qui plus est finir sa nuit , le mercredi soir étant une nuit qu’il faisait la plupart du temps en avance et dans son intégralité pour espérer survivre à la fin de semaine. Quoi qu’il en soit , on était vendredi. Il avait profité d’une fin de cours à 16 heures et de l’absence de sport imposé le soir pour faire une sieste, se décalant un peu plus. Maintenant , il était 2 heures, il s’était réveillé vers 23 heures et il ne trouverait probablement pas le sommeil de la nuit. Il avait donc profité de sa première heure d’insomnie pour faire un ménage rapide des parties communes et de la kitchenette avant d’aller chercher un de ses livres de cuisines pour y chercher une recette intéressante. Aubépine avait encore maigri à vue d’oeil , il ne pouvait pas blâmer les elfes de maison pour ça (pour cause, ils ne lui répondraient de toute façon pas), c’était donc à lui prendre la responsabilité de nourrir (forcer) sa soeur afin qu’elle reprenne la moitié de ce qu’elle a déjà perdu. Syc avait d’abord pensé une tarte salée mais  elle risquerait de se reprocher d’avoir manger cela. Il avait alors refermé le livre en se disant qu’au vu de ce qu’il avait taxé dans le cellier , il aurait de quoi faire des pelmenis, des raviolis russes, pour une dizaine de personnes, que cela occuperait la nuit et que son cher double d’âme n’oserait pas lui refuser un mélange de ravioles végétarienne, au fromage et au boeuf.

Sycomore avait alors retroussé ses manches de chemises, laissant apparaître des avants bras parsemés de quelques cicatrices de brûlures éparses et autres marques de colère d’une certaines personnes prompte à utiliser sa baguette ou ses poings pour se faire obéir. Il avait crée d’un coup de baguette sa bulle insonorisée, choisissant une morceau long , énergique et solennel, les pelmenis les valaient bien. C’est donc tout naturellement que Syc avait sorti son vinyle du messie d’Haendel. Il l’avait mis dès les débuts, passant un tablier noir par dessus sa tenue et sortant avec soin chacun de ses ustensiles. Il avait soupesé la farine, le sel , préparé l’eau  pour la pâte, mélangeant le tout dans un grand saladier , commençant juste à malaxer lorsque les premières notes de l’Halleluïa retentirent. “Parfaite coïncidence” se murmure Sycomore avec un sourire en coin . Il s’essuie nerveusement le visage d’un mouvement de bras, déposant un peu de farine au dessus de ses sourcils et sur ses joues barbues, malaxant énergiquement sa pâte, l’étirant, en rythme, sa main s’échappant de la boule pour se prendre pour un chef d’orchestre d’un coeur imaginaire, mimant de sa bouche les paroles du coeur qu’il connaît par coeur , montant son index au fur et à mesure que les voix des chanteurs montent dans les aiguës. Puis il farine son plan de travail, sort la pâte et l’aplatit avec la même énergie à l’aide d’un large rouleau à pâtisseries.

Peu importe ce qu’il peut bien faire, qui est encore debout à deux heures du matin, hein ?

Bande son

Les choeurs montent de plus en plus dans les aiguës, jusqu’à l’apogée des coeurs et la pâte est parfaitement pétrie, prête à former les petits ravioles. Doucement, Sycomore prélève  un peu du pâton dans le creux de sa paume et le roule à l’aide de son index , avec plus de tendresse et d’attention qu’il n’en a jamais montré à personne. Par chance, il a pensé à prendre dans sa malle à trésors les moules à raviolis achetés il y a quelques années lors de sa découverte de l’existence des magasins moldus uniquement consacrés. Il se souvient être ressorti de l’endroit deux heures plus tard et son poids en livre et en matériel. Aubépine avait probablement levé les yeux au ciel quand il l’avait fixé avec un air de défi. «Tu vas voir, tu vas grossir, tu n’auras pas le choix.» Bon, d’accord, elle n’avait pas grossis depuis. Mais elle avait potentiellement moins maigri que ce qu’elle aurait du et n’était pas morte d’inanition donc il avait à moitié .

Brusquement, il sursaute. On est rentré et il n’a rien entendu. Pour cause , la musique est tellement forte , la faute au crescendo qu’il peine à entendre ce que le prof lui rencontre. Non sans blague, il avait une chance sur deux, cinquante pourcent de chance de tomber sur lui et pas Morrigan. Et on peut encore plus diluer en comptant les enrolés. Puis, merde, il es deux heures du matins, qui peut être débout à deux heures mat ? Surtout quand on est «censé» être un instructeur consciencieux et qu’on a cours le lendemain dans six heures, cours qu’il faut préparer. Cela a tellement surpris Sycomore que la boule de pate qu’il tenait lui a échappé. Une petite séquence de jonglage plus tard , quelques secondes et presque autant de jurons marmonnés plus tard, elle est miraculeusement sauvée, à quelques centimètres du sol. Le jeune homme s’empresse de la poser dans le moule presse avant de s’essuyer les mains et d’aller baisser la musique. D’un voix monocorde, il déclare:

«Article 5. Il n’y a pas de couvre-feu.»

Comme quoi, avoir retenu le règlement au mot près aura finalement servi à quelque chose. Les yeux plissés, il cherche à voir en Vyasa si celui ci tente le moindre reproche ou si, finalement, ce n’était juste un constat factuel d’une déduction de bac à sable.  Selon ses réactions et le personnage , c’est la seconde option qui s’impose. Et puis quoi, qu’est ce que ça peut lui faire alors ? Il faut forcément être moldu ou avoir une paire de sein pour que cela semble évident ou plausible qu’on apprécie faire la bonne cuisine dans les règles. Sycomore claque de la langue et retourne à ses ravioles qu’il prépare avant de s’attaquer à la préparation de la farce. L’absence de musique lui permet de garder un oeil (une oreille plutôt) sur les faits et gestes de Vyasa.  Et de l’entendre ouvrir et fouiller dans le frigo. Il hausse la voix .

«Premier étage gauche. Parmentier d’Aubergine.Viande de boeuf haché. Faire réchauffer 6 minutes au four. Second étage droite. Polenta aux champignons et à la citrouille. Végétarien. 3 minutes à la poele»

D’habitude proposé avec son lapin en papillotte mais un malotru avait mangé le lapin sans son accompagnement éhontément délaissé. De toute façon, il n’avait aucune idées des convictions de Vyasa et , de son savoir, ce genre d’interdit portait sur la viande. Il n’avait effectivement jamais entendu quelqu’un refuser un plat sous pretexte que «désolé, ma religion interdit les brocolis.»