Savoir demander de l'aider [Odysseus]

Cela faisait maintenant onze jours que le Suisse était arrivé à Rementor. Il avait eu l'occasion de se familiariser avec les lieux, le programme, il avait pu rencontrer plein de nouveau sorcier venant d'univers divers et varier et surtout, avec les cours, il avait pu vaguement estimer son niveau dans les différentes branches magiques.

Bon, le jeune homme savait qu'il était arrivé plus tard que la majorité des autres élèves et il avait par conséquent beaucoup de travail à rattraper. Cependant, il ne voulait pas se cacher derrière cela pour excuser ses lacunes et il en avait quelques-unes... La principale étant, la confection d'artéfact... C'était pourtant une branche fascinante, comme toutes les branches qu'il étudiait ici d'ailleurs. Au début de chaque cours, son coeur s’emballait un peu et tous les matins, il se réveillait avant son réveil par pure impatience de commencer une journée chez les sorciers.
Les enseignants observateurs avaient sans doute remarqué que le jeune homme était des plus attentif en cours et prenait des notes sur tout alors qu'il ne baissait presque jamais les yeux sur ses carnets. Chez les moldus, cela lui avait même valu quelques remontages de brettelles de la part de ses enseignants qui pensaient qu'il ne prenait pas de note... Mais ce n'était pas ça, loin de là. Le garçon ayant étudié les potions avec sa mère depuis tout petit, fait sa spécialisation en chimie et son travail de fin d'étude dans cette même branche, il avait vite dû apprendre à faire les choses telle que la prise de note sans quitter ses éprouvettes ou chaudron des yeux, ne serait-ce qu'une seconde... D'où cette manie déstabilisante pour certain de suivre les cours théoriques sans quitter des yeux ni le tableau noir ou l'enseignant.

Mais tout assidu que Lynx était en cours et les livres qu'il engloutissait par étagères entières à la bibliothèque du domaine, cela ne changeait pas le fait qu'il manquait terriblement de pratique et cela ne pardonnait pas avec les Artéfacts. Voilà pourquoi, en ce beau lundi de la dernière semaine d’août, quand la fin du cours d'Odysseus prit fin, au lieu de se précipiter pour aller combler sa faim, il resta en classe. Ses affaires retournées dans son sac en bandoulière, par-dessus une chemise bleue sombre, il s'avança, un sourire doux sur les lèvres et les yeux remplis de cette petite lueur laissant transparaître une légère gène avant d'aller demander quelque chose :

Professeur Odysseus, excusez-moi de vous déranger, mais il faudrait que je vous demande quelque chose. Je sais que je viens d'arriver quasiment sur le domaine, mais j'ai clairement du mal avec les artéfacts et je voulais savoir si vous pouviez m'aider...

Lynx attendait la réponse de l'enseignant toujours avec un sourire calme sur le visage, une main tenant à présent la lanière de son sac et l'autre tombant simplement le long de son corps à la posture droite.

Cours terminé, je laisse en silence les jeunes faire hurler les chaises et claquer leurs talons vers la liberté ou leur prochain enseignement. J’ignore ce qu’ils retiendront de ce que je tente de leur inculquer. Quelque part je m’en moque un peu. S’ils peuvent apprendre rien qu’à respecter la matière. Si mes mots, maladroits, imprécis, arrivent sauver une vie rien qu’un instant, rien quu’ne seconde, alors tous mes efforts seront récompensés. Mais je sais que peu d’entre eux ne verront l’utopie pour laquelle ils se préparent et que ma matière n’est pas celle qui leur sera la plus utile sur un champ de bataille. Créer demande une liberté d’esprit que le monde actuel n’offre pas.

Il me faut un peu de temps, alors que je suis en train de ranger les affaires dans les armoires, pour me rendre compte qu’un jeune est resté. Lynx. Hêtre et crin de licorne. Pureté et sagesse pour un jeune homme arrivé un peu en retard. Il a cette faculté étrange de ne pas regarder sa feuille lorsqu’il écrit. Je ne lui ai jamais rien dit sur le sujet. Qui suis-je pour juger. Chacun fait comme il le souhaite, en fonction de ses capacités personnelles. Au vu du nombre de plumes à papotte que j’ai remarqué dans les environs, il n’est de toute façon pas le seul.

Sa voix est posée. Sa posture, gênée. Sa chemise, bleue sombre, noie ses yeux dans un reflet marin. C’est dommage. Je retiens un soupir. Ils veulent tellement être parfaits, ces petits. Si fort apprendre, savoir, engranger des connaissances comme le dragon de l’or. Et sur leur tas de notions inutiles, arriveront-ils, enfin, à se reposer ? Je ne le crois pas et cela m’attriste un peu. Enfin. Là n’est pas le sujet. Là n’est pas ma place. Je me retourne, posant mon regard que je sais éteint sur la raideur respectueuse du Zouwu.

« Bien sûr. Assied-toi. » ma main indique doucement un bureau dont la chaise n’a pas été repoussée et je m’adosse au mien, le haut de ma cuisse légèrement appuyée sur le sommet du meuble.

« Dit-moi ce qui te pose difficulté et ce que tu aimerais savoir. »

Depuis le début des cours, j’ai surtout fait étudier l’art des baguettes. La reconnaissance des bois, des cœurs, et l’ouverture qui permet de savoir qui va avec quoi, et comment s’harmonisent les éléments qui, de deux matières peuvent ne former qu’un seul artefact. On a l’impression que c’est hyper spécialisé – et ça l’est, sur un champ de bataille, le fait d’avoir ou non une arme peut sauver des vies – mais c’est aussi une base car ce que je leur enseigne, ils pourront l’adapter à d’autres situations, d’autres constructions, d’autres artefacts. Et même, pour certain, à la vie elle-même car qu’est ce que vivre si ce n’est pas réussir à harmoniser son âme avec celle du monde qui vous entoure ?

Le jeune homme fit un signe poli de la tête en guise de remerciement, puis s’assit là où son professeur le lui avait indiqué. L’homme en face de lui avait ce côté distingué et juste assez détendu pour ne pas paraître trop intimident pour ses élèves. Ce qui était une bonne chose, surtout que tout le monde n’était pas forcément aussi à l’aise que Lynx quand il s’agissait de demander de l’aide… Le Suisse était gêné certes, mais ce n’était pas le fait d’admettre qu’il avait besoin d’aide le problème, mais plutôt qu’il ne voulait pas importuner les gens.

Il prit une inspiration le temps de réfléchir une énième fois à la meilleure façon de présenter la chose, puis de sa voix toujours aussi calme, il expliqua :

Je pense que la meilleure façon de vous expliquer mon problème est d’expliquer qui je suis… Je ne sais pas exactement ce que les enseignants savent sur leurs élèves donc je vais essayer de donner une rapide vision d’ensemble… Il marqua une pause.
Je suis un né-moldu… J’ai été adopté par un couple de sorcier bébé, mais on vivait comme des moldus pour se protéger… Cette baguette que vous m’avez donnée… Ma baguette… Il serra affectueusement la poche où se trouvait l’objet si précieux. C’est ma première baguette… Avant ça, le peu d’entraînement que j’avais eu était avec celle de mes parents.

Il se redressa sur la chaise, cela lui faisait bizarre d’expliquer tout cela et surtout de devoir admettre que tout ce que ses parents avaient fait, même s’il en était infiniment reconnaissant, n’était pas suffisant pour le préparer à la vie de sorcier.

Mes parents adoptifs… Enfin pour moi ce sont simplement mes parents, m’ont éduqué du mieux qu’ils ont pu vis-à-vis de la magie… Et c’était surtout des connaissances théoriques… Les artéfacts magiques, ressentir les essences… Je peux me tromper, mais je ne crois pas que ce soit quelque chose de théorique… C’est quelque chose qui se vit, qui se ressent… Et je n’ai absolument pas l’habitude de cela…

Lynx se tut, attendant la réponse de professeur, espérant avoir été suffisamment clair et concis pour bien se faire comprendre. La magie était une merveille à ses yeux et cela le blessait de passer à côté de quelque chose d’aussi incroyable que les artéfacts.