Il fait nuit. Dans la pénombre du dortoir, ses yeux d’humains fixent un plafond aux ombres changeantes. L’odeur est celle caractéristique de ces moments où les diurnes sont profondément endormis. Il n’y a plus de proies à chasser, à part celles qui se servent du couvert de la nuit pour survivre. Les prédateurs nocturnes s’en chargent. Elles sont le territoire de Frère et elle ne veut pas marcher sur ses plates-bandes. Elle s’étire, baille. Elle sait pourquoi elle est réveillée. Elle sait ce qu’elle doit faire pour se rendormir. Elle s’étire, puis se transforme.

Les draps sont encore chauds sous mes pattes. On a pas le temps. Il faut fouiller, retrouver la tanière de frère, vérifier que tout va bien. D’abord, les odeurs habituelles du dortoir. Les humains qui doivent être là sont là. Pas d’intrus. Je saute en bas du lit et vais renifler sous la porte de l’autre là, avec son odeur d’herbe et Trop de Pattes. Il sent le vide, il n’est pas là. On est fâchés contre lui. Je ne sais pas bien pourquoi mais je suis d’accord. On fait demi-tour et on passe sous une fenêtre entre-ouverte. J’aplatis mes oreilles pour bien passer, ce qui fait que pendant une seconde, je n’entends pas très bien. C’est long une seconde alors je fais attention à bien renifler ce qu’il se passe dehors. Avec mes yeux de chat, je vois comme l’humaine en plein jour, sauf le rouge. La place est déserte. Il fait froid. J’ébouriffe mon poil. C’est mieux. La pierre sous les coussinets est pas agréable. Je cours jusqu’à l’autre terrier de pierre hors du sol. La fenêtre y est ouverte aussi. Je sais que c’est Frère qui fait ça. Je ne le sens pas. Il doit être parti chasser. Pour une fois. Au moins il ne nous fait pas à manger. L’humaine aime pas quand il fait ça au lieu de dormir. C’est un animal bizarre, Frère. Il ne dort pas assez. Alors que c’est très important, de dormir. Je saute sur son lit. Ca sent lui. Et plus moi. C’est pour ça qu’il ne dort pas, je suis sûr. Il ne doit plus savoir que le lit est sûr. J’inspecte. Je ne vais pas donner de fausses informations. Je me glisse sous le lit. La poussière me fait éternuer, s’accroche à mes moustaches. J’aime pas. Faudra que je me lave. Mais il n’y a rien d’autre. Je fais le tour du lit, je grimpe dessus et pétris les couvertures méthodiquement. Rien de dangereux. Je renifle bien. Bon. Ca va. Je me secoue pour enlever la poussière de sous le lit sur ma fourrure, lave mes moustaches et phéromone l’oreiller. C’est bon. Il peut dormir.

Me relevant, je vois autre chose. Une porte entre-ouverte. Je le sens. C’est l’homme aux bêtes qui est là. Curieux, je descends de l’antre de Frère et vais, doucement, bas sur le sol, invisible, passer ma tête. Y a personne. Encore quelqu’un qui dort pas. C’est nul. Faut DORMIR. Souvent et longtemps. Je renifle. Ca sent la tanière. Je visite sous le lit, puis les meubles puis saute sur le lit, plein de poussière, pour vérifier. Si, après mon pétrissage, je sens rien, c’est que c’est bon, je peux phéromoner l’oreiller et il peut dormir. C’est vrai quoi. Faut tout faire soi-même ici.

Il est tard, mais Vyāsa n’en a rien à faire. La fatigue est une part de son quotidien qu’il a choisi pour mieux se laisser le temps de mettre le nez dans les bouquins. Si ses cernes le trahissent et que son humeur se révèle plus orageuse encore qu’à l’accoutumé, ça ne lui importe que peu. Les enrôlés pourraient avoir un autre avis sur la question, mais ils n’ont pas voix au chapitre et l’homme profite de la tranquillité nocturne pour aller se chercher une pleine tasse de café et quelques biscuits avant de revenir dans sa chambre. Il fronce les sourcils en trouvant la porte entrouverte, visiblement une maladresse de sa part, et la referme une fois à l’intérieur. Il n’a toutefois guère le temps de s’installer et de retrouver à sa lecture, puisqu’un certain félin semble en avoir profité pour se faufiler dans son intimité. Vyāsa fronce un peu les sourcils, plisse les yeux sur l’intru avant d’avancer lentement pour poser son assiette et sa tasse sur la table de chevet encombrée.

« Qu’est-ce qui vous amène, maître chat ? » qu’il questionne en s’assoyant non loin de l’animal sur le lit. « Ne devriez-vous pas être dans votre lit afin de pouvoir mener à bien vos activités de demain ?

Et même d’aujourd’hui, vu l’heure, mais il ne se reprend, se contentant d’observer calmement le félin, en attendant vraisemblablement une réponse. Oh, l’homme ne doute guère que la bête ne soit animagus et donc parfaitement enclin à le comprendre, ce qui rend sa présence dans sa chambre d’autant plus curieuse. Techniquement, ils se connaissent, même si Vyāsa ne sait pas de qui il s’agit exactement. Autant dire que personne ne tente de mettre les pieds ici, en général.

Ah. Il rentre. Je lève la tête, arrête de patouiller le lit, le regarde fixement. Il a une tasse qui sent bon. Je me lèche les babines et, au passage, enlève la poussière de mes moustaches. Il s’assoit. Ca déséquilibre le matelas mais je suis un chat, moi, je me laisse pas tromper aussi facilement et je corrige en changeant de position. Voilà, hop , facile, essaie encore. Je le regarde toujours. Il a l’air fatigué. Je ne comprends pas pourquoi les humains ne veulent jamais dormir quand ils sont fatigués. Dormir c’est important. Ca fait les bons chasseurs. Et c’est agréable. Il fait ses bruits d’humain que l’on comprend. Ben tiens. L’homme-aux-bêtes à assez de mauvaise foi pour faire un vrai chat. En réponse, j’avance mes pattes de devant et m’étire longuement en baillant. Je ramène mes pattes de derrière. Je suis plus prêt de l’humain sauf que s’il croit que je vais lui faire un câlin, il est plus bête qu’un lapin. Je vérifie que j’ai bien son attention, me met en boule, me concentre et…

Saute sur l’oreiller. Là, je le patouille un peu, juste pour dire, m’allonge en boule, le bout des pattes de devant bien rangé sous mon torse, la queue doucement autour de mes pattes arrières, et je le fixe. C’est clair, je pense. Je dormirais quand tu dormiras, et c’est l’heure, d’abord. Sans compter, ce qu’on ne dit pas parce que c’est pas intéressant (et trop compliqué) qu’on a déjà fait la moitié de la nuit, nous. On dort, quand le soleil se couche, on se réveille quand la lune est haute, on vérifie que tout va bien, qu’il n’y a pas de dangers sur ceux qu’on aime, on phéromone les oreillers pour prévenir et on retourne se coucher pour se lever à l’aube. En été ça fait pas beaucoup alors avant on aimait faire la sieste aux heures chaudes mais là, on peut plus. C’est pas grave, l’été se termine.

Il s’étire, baille. Foutu Felis catus × Prionailurus bengalensis.

Vyāsa le regarde faire, les yeux légèrement plissés. Il est si proche qu’il pourrait le toucher, mais ne s’y essais pas, soupirant quand l’animagus bondit sur son oreiller.

Et s’y installe confortablement avant de le regarder, lui. L’air de dire quelque chose que l’homme comprend sans trop de mal. Tout en n’ayant guère envie de céder aux volontés d’un enrôlé sous forme de boule de poil qui semble décidé à squatter sa chambre. Vyāsa attrape le livre qu’il disant, ainsi qu’un biscuit dans lequel il croque.

- Je ne peux que vous conseiller de repartir, car si l’envie de dormir me prend, nul doute que vous vous prendrez un coussin quand vous irez miauler devant la porte.

Le ton est ronchon, habituel chez le pakistanais comme il l’a bien démontré depuis le temps qu’il est là. Peu lui importe de vexer l’animal, après tout, c’est lui qui s’est infiltré chez lui. Ce qu’il n’aurait normalement pas dû faire, même si la porte avait peut-être été oublié entrouverte. Ce qui n’était absolument pas une invitation à rentrer ici.

Toutefois, loin de lui l’intention de prendre le félin pour simplement le sortir. Vu le caractère de l’animal, il pourrait sans doute se prendre un mieux un sale coup de griffes et ça ne le tente pas vraiment. Vyāsa prend une lente gorgée de café, le regard rivé sur la page de son livre qu’il parcourt avec attention. Ses lunettes glissent un peu sur son nez et il les repousse du doigt à leur place en fronçant un peu les sourcils.

- Avez-vous une idée du nombre d’inexactitudes qui truffent les livres sur les animaux fantastiques ? Je désespère quand je constate qu’il s’agit d’ouvrages avec lesquels on a enseigné cette matière aux jeunes sorciers.

Je sais qu’il a compris. Je sais qu’il a compris parce qu’il fait la tête et que ses miaulements d’humain ont le sens de celui qui a compris. Mais je ne bouge pas. Je suis un chat. Je n’obéis qu’à moi-même et parfois à l’humaine qui est moi, mais c’est bien parce qu’elle est moi. Je me lèche donc le haut de la patte droite. C’est comme ça que j’exprime toute mon indifférence face à ses menaces. Qu’il dorme. Il sera aussi confortable qu’un coussin et même peut-être plus chaud. En plus… je lève la tête, renifle vers lui. Mais oui. Je sens l’homme-aux-bêtes, je sens les « trop-gros » de l’étable, d’autres odeurs animales, le sucre de la croquette qu’il mange – les humains ont de drôles de notions de nourriture mais il faut avouer que, quand on ne peut pas chasser, les croquettes font l’affaire – et la poussière du truc avec les miaulements dessinés.

Par contre, et c’est une honte, il ne sent plus du tout notre marquage. Les poils de notre nuque se hérissent. C’est un scandale qu’il faut absolument résoudre. Doucement, sans menace, je me lève de l’oreiller et m’avance. L’autre parle de choses pas intéressantes sur des miaulements pas vrais qu’on aurait dessinés sur le truc qui sent la poussière. Aucun intérêt. C’est bien les humains ça, de faire des choses fausses. Les chats ne le font jamais. Même quand ils chassent, c’est de la RUSE et ça n’a rien à voir. Je fais semblant d’être intéressé. Oreilles en avant, moustaches de même, nez qui renifle. Je suis presque au niveau de son coude. Rien. Toujours pas d’odeur. Je vais devoir faire quelque chose. Je pose doucement deux pattes de velours sur le premier morceau d’humain qui passe et lâche un léger miaulement – les deux pattes sont nuls si on ne fait pas de bruit, c’est pour ça qu’eux miaulent tout le temps. L’idée c’est qu’il pense que je veux voir les inexactitudes là, dans son truc en papier, me fasse monter sur ses genoux et là je pourrais à la fois le phéromoner et le faire me gratouiller les oreilles ce qui reviendrait au même. Par contre, savoir des trucs sur d’autres bestioles qui sont même pas des proies, ça m’est bien égal.

Le chat ne bouge pas.

Et ça n’étonne pas vraiment Vyāsa non plus. Parce que c’est un chat et que les chats sont des créatures absolument horripilantes derrière leurs grands yeux et leur joli minois. Mais ce sont des démons, il ne te laisse pas abuser. Et celui-là cache un humain, en plus, alors autant dire que même s’il ne le montre pas, l’instructeur est loin de relâcher complètement sa garde.

Aussi, il l’observe du coin de l’œil dans l’animal se lève, affichant un air attentif, oreilles dressées vers l’avant, museau s’agitant pour mieux sentir. Pas de doute qu’il doit être plus qu’intéressant d’avoir un odorat de félin et le Pakistanais se demande un instant ce que ça doit être… Avant de tourner plus franchement la tête vers la créature quand elle vient poser les pattes sur son bras en émettant un miaulement. L’homme à le réflexe de repousser un peu son livre en se redressant et l’animal en profite pour venir s’installer sur ses genoux.

Bien sûr.

Il soupire légèrement.

- Eh bien ? Je n’aurais pas pensé que vous vous y intéresseriez.

Il est plus proche que jamais de l’animagus. Après une brève hésitation, il lève un peu la main pour effleurer le poil sur son dos, s’attendant presque à ce qu’il détale fissa de sur lui. Avec un miaulement plus ou moins indigné. Peut-être même un coup de griffe pour mieux faire passer le message, va savoir. Vyāsa ne craint guère les griffes et les crocs du félin, pas après s’être occupé de créatures autrement plus dangereuses. Ce qu’il ne dira pas à voix haute. Il ne faudrait pas vexer ce visiteur.

Il lève le bras, pousse le livre. Je monte sur ses pattes arrière. Ce n’est pas très stable ces deux boules de muscles avec une sorte de fente au milieu. J’aimerais me rapprocher du tronc où il y a l’air d’avoir une sorte de coussin moins trompeur mais l’humaine veut pas. Je ne comprends pas les images qu’elle me lance. J’ai envie de désobéir. Je sens la gêne monter. Bon. Je m’assied là où je suis alors. Me lèche le torse. La gêne reflue. C’est mieux. Pas stable toujours. J’aurais bien envie de pétrir pour que ce soit comme j’aime. J’hésite quand la main approche de mon poil. Tu en as mis du temps. Je me tends pour toucher ses doigts de la tête. S’il gratouille derrière les oreilles, ça sera agréable et il aura mon odeur sur ses doigts et il pourra la mettre ailleurs sur son corps quand il se lèchera du bout des doigts. Les humains font ça. Sans même lécher avant. Ils sont étranges. Tant que ça va dans mon sens, c’est pas grave. Je ronronne un peu. Il pourra plus me chasser. C’est juste quand il parle. Il va croire que je suis d’accord à tous les coups. C’est pas plus mal fait l’humaine.

Vrai.

S’il croit que ses miaulements sont comme des ronronnements, alors il va pas oser me faire partir et je pourrais mieux le phéromoner. Pour une fois, elle a pas tort. Elle me donne des conseils, je les suis. Doucement, je lève une patte de velours et vient l’appuyer deux fois sur le bas du livre. Comme un ordre qui dirait, arrête de tergiverser et parle. Sauf que je le dis pas parce qu’il ne comprend rien. C’est un humain.

L’instructeur soupire à nouveau contre l’ouvrage devant lui. Laissant le félin faire comme il le désire sur ses genoux. Ce n’est probablement pas le meilleur endroit pour se poser, vu comment il semble travailler à chercher de la stabilité… Mais c’est lui qui voulait grimper sur Vyāsa. Alors faut vivre avec. Le chat accepte aussi les caresses du Pakistanais ce qui ne manque pas de le surprendre un instant… Avant qu’il ne caresse plus franchement la créature, ses doigts venant se perdre derrière les oreilles en pointes, là où les félins aiment généralement être gratté et celui-ci ne semble pas échapper à la règle vu le ronronnement qu’il émet. C’est étrangement encourageant et Vyāsa n’a plus vraiment besoin d’y porter attention pour offrir cette attention à l’animagus qui squatte son espace vital. L’instructeur ne peut qu’espérer finir par trouver de qui il s’agit, car la situation est… tout de même un peu particulière.  

Du moment que ce n’est pas Ortie qui est sur ses genoux, il pourrait probablement s’en remettre, juste ciel.

Le Catus familiaris vient appuyer ses pattes sur le bas de son livre, comme pour encourager Vyāsa à continuer sa lecture. Veut-il vraiment qu’il lui en partage le contenu ? L’instructeur en doute, quelque part. Peut-être aussi n’est-ce qu’une façon d’avoir son attention ?

« Je doute sincèrement de votre intérêt, là, tout de suite. Quoiqu’il en soit, ne lisez jamais ce livre, c’est un tissu de bêtises rébarbatives.

Il retourne le livre pour lui en montrer la couverture.

- Et si par malheur, vous l’avez déjà étudié, j’ai le regret de vous annoncer qu’il va sérieusement falloir revoir certaines choses. Soyez attentif en cours.  

Un peu plus et il pourrait y avoir tout un chapitre sur les nargoles, pour le plus grand déplaisir -/plaisir?- d’Ortie. Vyāsa préfère ne pas imaginer ça. Et surtout, ô grand surtout, ne jamais découvrir ce genre de continue dans un livre supposément un minimum sérieux.

C’est pas bien de douter. Ca veut dire qu’on croit qu’on dit pas ce qu’on veut dire et ça, c’est un truc d’humain. Malgré les caresses, on est vaguement vexés alors on se lèche la patte et on tire avec les dents sur les griffes pour les nettoyer et rappeler qu’on est un CHAT et que donc je dis pas de bêtises d’humains sur les livres plein de miaulements dessinés qui disent aussi des bêtises. C’est à peine si je jette un œil sur le titre. Assez longtemps cependant pour que l’humaine en moi traduise. Bah. On se souvient plus des titres de nos études d’il y a plus loin qu’hier. Les bêtes, il y en a pas de beaucoup de sortes et je sais mieux les classer que les deux pattes. Les proies, les qui-se-mangent-mais-trop-gros, les gros-qui-servent-à-rien, les autres-chats, les dangereux, les humains. Je pose la patte propre, pétrit un peu le muscle, sans trop piquer pour pas faire mal et donne un coup de tête au livre.

S’il est nul, pourquoi tu le regardes ? Mange le ? Ignore le ? Joue avec, à la rigueur, si tu aimes jouer avec…ça. Ca bouge pas beaucoup, tu devrais pas avoir de mal à l’attraper si on te le lance. L’humaine m’explique qu’on joue pas comme ça chez les siens, sauf que j’écoute pas, ça m’intéresse pas. Je suis plus occupé du fait que j’ai sommeil. Ou faim. Ou les deux. Et soif aussi. Je devrais rentrer. J’ai accompli ma mission, il a des phéromones sur lui, il est bien à moi, donc les lapins aussi, tout va bien. Je me glisse vers l’avant, saute vers le sol, m’assied et le regarde à nouveau. C’est pour lui demander s’il a autre chose à dire ou si je peux m’en aller. Je sais pas s’il va comprendre. L’Homme-Aux-Bêtes est moins stupide que l’humain moyen, il comprend un peu le chat. Pas comme Bavarde évidemment, elle, elle triche. Ca quand même il devrait piger. Je cligne tout doucement des yeux pour le rassurer. Y a pas de danger, c’est pas pour ça que je suis descendu. Et puis, d’un coup, une idée. Je remonte sur le lit, puis sur une étagère et je commence à phéromoner très fort un livre que l’humaine aime bien. Sur les félins, évidemment. De toute façon, il sait déjà qu’on n’est pas qu’un chat.

Le chat se toilette un peu, te pétris même un peu. Pas particulièrement agréable, mais Vyāsa laisse faire, parcourant une autre page du regard. C’est stupidement difficile de trouver un livre sur ta matière qui soit… À jour et sans trop de bêtises. Comme si la monté au pouvoir du Croque-Mitaine avait dévoré l’envie d’étudier. On ne compte plus le nombre de jeunes sorciers qui n’ont jamais fréquenté d’école de magie -une aberration, bon sang !-, défavorisé par le nouveau système en place quand il ne pas tout bonnement rejeter, ou pire, traqué et éliminé.

L’homme ne peut pas ne pas penser au fait qu’il l’a échappé belle, finissant ses études de justesse avant que l’école où il a fait ses études ne tombe aux mains des mangemorts et soit complètement remanié. Pas qu’il n’aurait pas ou la fréquenter, au moins en tant que sang mêlé, mais il n’avait pas manqué d’entendre une foule d’histoire au sujet de ce qu’était à présent l’enseignement desservi aux jeunes sorciers, ceux qui feraient le monde de demain.

Ses enfants en faisaient partie et si Vyāsa ne pouvait qu’espérer qu’ils aient eu assez de bonnes valeurs pour ne pas se faire noyé par les mauvaises influences qui pullulaient autour d’eux, il ne se faisait pas non plus d’illusions. Il œuvrait pour la résistance et un jour viendrait peut-être où cette même résistance serait confronter par son propre sang.

Il n’aimait pas penser à ça.

Son attention revient sur le chat qui vient de bondir au sol. L’instructeur le regarde un instant, puis le suit du regard alors qu’il grimpe à nouveau sur le lit, puis sur une étagère. Le Pakistanais pose le livre qu’il consultait jusqu’alors, puis se lève pour regarder quel livre intéresse l’animagi en ce moment même. Un sourire en coin étire ses lèvres alors qu’il identifie l’ouvrage.

« J’imagine que c’est tout à fait approprié. » qu’il commente, sans chercher à en empêcher le félin. « Il est plutôt juste, en effet. »

Vyāsa s’étire, soupire.

« Je me vois très mal me coucher avec vous ici. Je vous racompagne ? »

Evidemment que c’est approprié. Les chats savent d’instinct ce qui est bien ou pas, ce qu’il faut faire ou pas, comment il faut le faire et ils y ajoutent la grâce innée de leur espèce, pas comme les chiens, ces gros balourds incapables de finesse. Je termine de phéromoner puis redescend alors que l’homme s’étire. Par mimétisme, je fais de même et je baille. Il est l’heure de la deuxième nuit déjà. J’ai la flemme. Je vais aller dormir chez Frère, comme ça je ne passerais pas par dehors. Seulement l’humaine, elle, est curieuse. De quoi donc, hein, on l’a vu le titre du truc à mots. C’est bon. On peut le trouver plus tard, non ?

Non. Du moins il faut le croire car nous sautons un peu plus loin et je me sens partir plus loin. Mais ! C’est mon moment ! C’est pas juste.

Aubépine remet en place une mèche de cheveux échappée de la tresse lâche qu’elle fait pour dormir et qui descend le long de son épaule jusqu’à la salière au-dessus de sa clavicule droite. Comme souvent à cette heure, elle porte un T-shirt de son frère, quinze fois trop grand et trop large qui lui descend jusqu’à mi-cuisse. Le reste est couvert d’un leggin noir, bien opaque. Elle est pieds nus et, à sa cheville, l’on peut voir un bracelet de billes noires et blanches dans un ordre qui semble aléatoire. Autour de son cou, un pendentif de chat et de chouette qui se poursuivent. Elle porte également une curieuse broche sur le torse, dont la couleur dorée tranche un peu avec le vert passé de son haut dont le dos s’orne de l’Homme de Leonard de Vinci et de la reprographie de quelques calculs manuscrits du Maestro, dessins à la clef.

« Je trouverais mon chemin, Instructeur, je vous remercie. Pourrais-je vous demander de bien vouloir me prêter l’ouvrage fautif lorsque vous l’aurez terminé ? Je suis curieuse de voir si je saurais en découvrir toutes les erreurs. »

Et puis, qui savait, peut-être celles-ci contenaient un message ? C’était évidemment peu probable mais la jeune femme ne disait jamais non à un petit puzzle mental. Cela lui tenait compagnie lorsque les cours se répétaient trop ou devenaient trop rébarbatif. Ou aux heures des repas qu’elle ratait parfois…

Evidemment, son ton était calme et poli, comme toujours en cours, avec le sourire aimable de la jeune femme bien élevée et sans montrer la moindre gêne d’être là, à cette heure-là, à cet endroit-là. Elle était encore assez chat pour trouver normal d’entrer partout et ne pas voir l’utilité de se justifier.

Le félin s’étire comme l’instructeur et si ce dernier pense un instant à aller ouvrir la porte à l’animagus, il n’en est finalement rien. En un instant, une jeune femme qu’il n’a aucun souci à reconnaître remplace le chat au centre de la pièce. Il ne lui connaissait pas de telles capacités, mais les acceptes avec un sourcil haussé, amusé de la voir lui répondre ainsi. Ça a un côté… Tellement cérémonieux dans un contexte pour le moins surréaliste. La magie et le surréaliste vont pourtant de concert et le sorcier n’en est pas plus que cela étonné, plutôt satisfait de pouvoir mettre un visage sorcier sur le félin qu’il a déjà plusieurs fois croisé ou aperçu de loin. Même ce que porte en ce moment la Zouwu ne parvient pas à l’étonner. Même si quelque part, ça ne fait que mettre un peu plus en avant l’état pour le moins fragile de son corps trop menu.

« Je dois même en avoir un second exemplaire qui traîne dans mon bureau. Je vous le prêterai sans souci. Je suis curieux d’avoir vos commentaires à son sujet, si vous avez envie de me les partager. »

Vyāsa considère la jeune personne devant lui comme studieuse et appliqué. Il ne doute pas qu’elle trouvera d’elle-même nombre d’erreurs, mais ne manque pas de s’intéresser à la façon dont elle abordera le livre au contenu erroné.

Toutefois, il est tard et la journée qui s’en vient ne laissera aucun répit aux petites nuits. Aussi, l’instructeur s’approche de la porte, sachant l’enrôlée assez fine pour comprendre qu’ils ne feront pas causette à cette heure-ci. Et il n’est nullement embarrassé d’avoir eu… Aubépine sur les genoux en train de réclamer caresses et attention. Les animagus sont particuliers et il n’est pas sans le savoir, si d’autres se méprennent à leur sujet.

« Je vous souhaite une bonne fin de nuit, mademoiselle. Vous permettrez que je vous ouvre la porte? »

"Cela me parait être un échange honnête. Je passerais le prendre à une heure et dans une tenue plus appropriée." Elle a assez du chat en elle, encore, pour dire les choses posément, comme si elle était chez elle, Princesse d'un Château où elle n'a pas à demander, simplement à être. Ce n'est pas une attitude qu'elle prend consciemment car si elle n'a pas de difficulté à montrer son éducation désuète, elle essaie au maximum de ne pas antagoniser ses camarades. Là, c'est différent. C'est l'homme aux bêtes et il doit savoir que les chats ne demandent pas. L'instructeur semble l'accepter, tout du moins car il clôt la rencontre en proposant de la raccompagner jusqu'à la porte. Le sourire de la jeune femme, toujours poli, se teinte d'un léger amusement alors qu'elle lui fait une profonde révérence bien étrange quand on voit le jeu de jambe habituellement caché par la jupe. Souple, elle se relève et salue une dernière fois, de la tête.

"De même, Instructeur et oui, je vous remercie. Je vais me glisser à l'extérieur sans bruit."

L'on se retransforme et c'est avec plaisir que je me lèche la patte et vais me frotter aux jambes de l'humain ronchon qui m'appartient à présent pour un bon moment. Les autres chats sauront. M'écartant, je le laisse ouvrir la porte et me glisse, silencieux, dans les ombres. Non loin, je m'arrête, vérifiant qu'il clot bien son terrier avec le bois, me lèche derrière les oreilles et écoute les bruits du dortoir. Frère n'est probablement pas dans son lit. Il ne l'est jamais. Oiseau de nuit jusqu'au bout des plumes. Je passe sous les paillasses des endormis, silencieux, puis saute sur le matelas.

Bonne chasse, que je lance à la lune avant de me rouler en boule sur une couverture. Elle a l'odeur de la sécurité et de la nuit. Je ferme les yeux. Et m'endort.

Vyāsa ne s’offusque pas un instant des paroles de la jeune sorcière. C’est une façon d’être qui ne le gêne guère, voir lui correspond plutôt bien, sans fadaise et tour de jambe à ne plus en finir.

« J’aurai le livre sur moi. »

Et il doit presque se retenir pour ne pas aller le chercher dès lors, ce bouquin, mais vu l’heure et les secondes qui s’arrachent à son temps de sommeil restreint, nul doute qu’il aurait avantage d’attendre au lendemain. C’est d’ailleurs ce qu’il fera. La révérence d’Aubépine arrache une légère expression dubitative au pakistanais, déjà peu familier avec ce type de comportement, mais qu’importe, lui ne fait pas la révérence, laissant plutôt la jeune femme se transformer à nouveau et venir passer contre ses jambes. Les animagus sont définitivement des êtres particuliers et si leurs manies ne le gêne guère, il ne manque pas de cerner l’image particulière d’Aubépine venant se frotter contre lui, ni plus ni moins.

L’homme s’avance lentement, ouvre la porte pour laisser l’animal sortir.

« Une bonne fin de nuit. »

Vyāsa se garde bien de prononcer son pseudo, refermant la porte derrière le chat avant de longuement s’étirer pour finalement émettre un soupire las. S’il éprouve une certaine satisfaction à l’idée d’enfin savoir qui se cache sous la fourrure du chat, le sommeil se fait trop appelant pour être ignoré plus longtemps et il revient vers ton lit pour s’y laisser tomber, les bougies s’éteignant d’elles-mêmes alors que le sorcier ferme les yeux pour se laisser aller dans les limbes d’un sommeil lourd accompagné du crépitement des flammes dans l’âtre.

Par-delà les murs ensorceler, on perçoit le souffle lourd des dragons, le raclement de griffes sur le sol, le craquement du cuir qui s’étire dans un mouvement ensommeillé, accompagnant le sorcier dans ses songes.