Il était tard. Tard et le ciel commençait à s’assombrir. Sitelle se demanda si le temps était contrôlé ici, ou s’ils laissaient la nature faire. Il avait une préférence pour cette dernière option et il observa la cours et la fontaine, tout en revenant à son bâtiment. Il avait une chambre qui s’était adaptée à lui et il avait eu la bonne surprise de voir que même la douche avait pu se changer en une immense douche à l’italienne avec une chaise pour être à l’aise. Sitelle commençait à aimer cet endroit. Il avait envie aussi de demander un lit plus grand, mais à cet instant, son habitude lui torturait les méninges. La veille, son arrivée l’avait secouée et le jour était passé rapidement. Avec ses rencontres, maintenant que le calme revenait, il lui manquait son petit tube. L’odeur douce qui glisse dans ses narines, la chaleur, la volupté de la fumée. La flamme qui annonce le moment serein.

Depuis tout petit, lorsqu’il avait trop mal, sa grand-mère lui en donnait dans des pâtisseries, dans le dos de ses parents. Il adorait sa grand-mère aussi pour cela. Faire les choses détournées, sourire et préparer dans son dos de quoi se faire des petits plaisirs. Sa première fois avec la Dame, comme il l’appelait, c’était lorsqu’il eut 14 ans. Un jour où il rentrait de l’école, blessé d’avoir subit encore les moqueries. Rageur de voir que celle qu’il regardait se faire embêter et, même s’il la vengeait secrètement, il lui restait cette amertume. Alors que ce soit pour enlever cette sensation dans sa gorge, pour la dénouer ou pour le consoler, sa grand-mère lui en avait roulé un. La flamme avait vacillé au bout de sa baguette, et quelques moments plus tard, Sitelle avait eu du mal à apprécier le goût un peu étrange de cette plante qu’il n’avait jamais fumé. Sous les conseils avisés de sa grand-mère, il promit de ne jamais trop en fumer. Consommation récréative, insistait-elle. Ce que Sitelle suivit scrupuleusement. Au fur et à mesure des années, il prit cette habitude, le soir, avant de s’endormir, de fumer sa Dame. Puis il ajouta une consommation de plus pour l’aider à réfléchir. Paradoxalement, cela ne l’aidait pas du tout. Mais une fois les effets passés, Sitelle avait la sensation d’avoir deux cents pourcents d’intelligence en plus, et c’était souvent dans ces moments là qu’il avait les meilleures idées.

Des rumeurs. C’était ce qu’il avait entendu. La première : que Cloporte aurait de quoi le fournir. La seconde, que ce n’était pas vraiment grave au final et qu’il valait quand même mieux éviter un instructeur du nom de « Lancelot » à ce sujet.

Sitelle parcouru le couloir plusieurs fois, à la recherche d’un indice pour savoir où trouver ce membre de sa brigade. Il finit par se rendre dans la salle commune. Ce fut à cet instant qu’il l’aperçu parfaitement, étant presque à même hauteur en étant assis sur son fauteuil. Sitelle se redressa un peu sur ses accoudoirs, tira un peu sur sa chemise et fit un signe de sa main gantée, vers le petit être qui était dans le couloir.

- Cloporte ? demanda-t-il en le fixant, trouvant que le nom de code était particulièrement adapté à celui-ci, même s’il n’était pas sûr qu’il s’agisse d’ironie ou non.

Il était tard. Par la fenêtre, Cloporte pouvait voir le ciel s'assombrir. Il plissa les yeux. Il voyait mieux quand il plissait les yeux, et ça lui donnait un air mystérieux. Ce qui était parfait, car il était temps de s'occuper des affaires courantes. Il attrapa un livre sur une étagère, apparemment au hasard, un roman de Gilderoy Lockhart. Il attrapa également un petit sac en forme de besace qu'il se passa à l'épaule. Et il sortit de sa chambre.

La priorité allait bien entendu aux clients réguliers de la Brigade. Il était important d'entretenir des relations de confiance et de proximité, ça rendait les deals dans la salle commune des Occamy non moins discret, mais beaucoup moins discutés. Il mettait cependant un point d'honneur à faire les choses le plus subtilement possible, pour ne pas perdre la main lorsqu'il serait temps, d'ici quelques minutes mine de rien, d'aller dans les autres salles communes pour s'occuper des clients de son répertoire qui avaient été placés ailleurs.

Ainsi, il aimait à déposer près d'un mug qui attendait une bouteille de Biéraubeurre fraîche, et repartir avec le mug, qui se trouvait être en argent serti et valoir exactement autant que le contenu de la bouteille de Biéraubeurre. Un paquet de cigarettes plein posé innocemment sur un paquet de cigarettes vide, et pourtant il n'en restait plus qu'un seul, de paquet, et Cloporte avait un jeu de cartes magnifique illustré dans sa besace, dont la seule vraie particularité était d'être rangé dans un paquet de cigarettes. Mais il avait le temps de corriger cela avant d'arriver chez les Zouwu.

Pour donner encore plus le change à ceux de ses camarades qui étaient assez naïfs pour ne pas repérer ce petit manège, il lisait tranquillement son livre tout en se baladant dans sa salle commune. Une fois sa tournée terminée, il se hissa sur une chaise et, perché debout dessus, déposa son livre sur la table attenante. Il se saisit d'une plume et y marqua toutes sortes d'annotations, grommelant sans arrêt que Lockhart était un bouffon qui n'avait jamais rencontré un vrai monstre de sa vie, et n'avait probablement qu'à peine discuté avec quelqu'un qui l'avait fait. Il raya un passage entier en grommelant qu'il était carrément tiré du livre "Animaux Fantastiques et où les trouver", ce qui était un comble quand on savait combien d'École de Magie - Poudlard, pour l'exemple et ne citer qu'elle - avait ce livre à leur cursus. C'était probablement là que Lockhart, marmonnait Cloporte, avait entendu parler de la créature pour la seule et unique fois. Dommage qu'il dormait en cours ce jour-là.

Personne ne dérangeait Cloporte pendant ce rituel, et aucun de ses clients - et presqu'aucun de ses camarades - n'était de toutes façon dupe : le livre était un livre de comptes, pas un roman, et les annotations et rayures étaient nulles autres qu'un compte-rendu des affaires rondement menées ce soir-là. Tout le monde savait que Cloporte, en tant que Demi-Gobelin, était notoirement plus malin et futé que n'importe lequel de ses camarades - après tout, il avait trouvé le moyen de monter son business sans se faire enquiquiner par Mr Le Directeur ou n'importe quel autre membre du corps enseignant -, mais ça ne voulait pas dire qu'il avait pour autant bonne mémoire. Même les Gobelins de Gringotts tenaient des registres, Cloporte ne différait pas sur ce point.

Une fois fini, il referma le livre violemment. Cela signifiait la fin des affaires pour cette soirée. Quelqu'un pouvait toujours lui glisser un bout de parchemin pour lui "recommander un livre" pendant qu'il maugréait sur celui qu'il lisait, mais personne ne l'avait fait cette fois. Et c'était maintenant trop tard, telles étaient les règles.

Il descendit à grand peine de sa chaise, étant généralement aussi raide et faible qu'un spaghetti non cuit, lança un accio sur le livre resté en hauteur, et sortit de la salle commune des Occamy pour se rendre dans celle des Selkie. Il rouvrit le livre en passant la porte pour vérifier qu'il avait bien tout ce qu'il lui fallait, et s'engageait enfin dans le couloir lorsqu'il entendit son nom. C'était inhabituelle, que quelqu'un remarque ouvertement sa présence et l'appelle à cette heure. Agacé, il ferma son livre dans un claquement et se tourna en direction de la voix.

Il s'agissait du petit nouveau qui avait été présenté par Mr Le Doyen, celui en fauteuil roulant. Cloporte haussa un sourcil et lui fit un signe de la main, indiquant qu'il avait compris le message. Il soupira intérieurement en espérant qu'il ne s'agisse pas de boulot. Mais c'était un nouveau, et si c'était du boulot, il ne connaissait pas encore la procédure. On ne fidélisait pas la clientèle en lui crachant à la figure. Ça, pensa aussi amèrement que brièvement Cloporte, était un traitement qui lui était réservé à lui. Autrefois. C'était fini. Il afficha un grand sourire et se dirigea vers son camarade, livre toujours clos et une main en avant pour serrer celle qui était gantée.

" Sitelle, correct ? Ravi de te rencontrer plus formellement ! "

Approchant son fauteuil qui roulait tout seul, Sitelle tendit également sa main gantée lorsqu’il arriva à son niveau, presque littéralement, et la lui serra.

- Ravi également. À vrai dire, j’aimerai si tu as quelques minutes à m’accorder, qu’on puisse discuter tranquillement à l’endroit de ton choix. J’aimerai te faire part d’une demande et connaître tes process.

Sa grand-mère lui avait inculqué les choses. D’abord approcher et demande à connaitre les règles du jeu, puis les apprendre pour pouvoir les détourner au besoin. Les suivre scrupuleusement pour ne jamais être pris au dépourvu et toujours anticiper, ne jamais se laisser marcher sur les pieds et enfin, ne jamais dire oui à un service en échange, si on ne sait pas de quoi il s’agit.

Il étudia la personne en face de lui. Souriant, un bouquin à la main, au moins un signe qui mettait Sitelle à l’aise. Une personne avec un livre est rarement une personne stupide.

Il posa simplement ses mains au niveau de ses jambes, et interrogea du regard celui qui se trouvait devant lui. Il était fort possible qu’il lui dise de revenir demain ou un autre jour, mais Sitelle comptait bien tenter de faire ce qu’il pouvait pour avoir sa dame verte pour ce soir. Il n’avait pas perdu cette habitude et ne pas pouvoir le faire, l’idée de ne pas pouvoir, le contrariait assez. Néanmoins, il gardait un visage plutôt neutre, voir amical et il espérait que sa bonne figure donnerait à Cloporte l’envie de lui accorder sa demande.

Prêt à le suivre ou à continuer d’insister un peu, Sitelle se tenait bien droit dans son fauteuil.

Le fauteuil de Sitelle s'approcha très exactement par magie, comme il était naturel, et les deux... enfin... Cloporte était la moitié d'un homme et Sitelle était clairement diminué aussi - il pouvait le regarder dans les yeux sans se tordre le cou. Du coup, corrigea Cloporte dans sa tête, à eux deux il n'y avait finalement qu'un seul homme complet qui se rencontra dans ce couloir et se serra la main.

Cloporte soupira intérieurement, une nouvelle fois, en écoutant la requête. Il s'agissait bien de boulot. Il ne se dépara pas de son sourire, toutefois, car au moins le petit nouveau feignant voulait savoir comment fonctionnaient les affaires en temps normal.

Des yeux, il avisa un placard non loin. Une rumeur sur ce placard courait, non pas sur l'ardoise, mais parmi les Elfes du Domaine. Cloporte étant demi-Gobelin, ils oubliaient parfois qu'il était Sorcier et ne disparaissaient pas dès qu'il apparaissait, ni ne fermaient leurs bouches. Enfin, pas toujours. Et si cette rumeur était vraie, il n'était pas surprenant qu'elle n'ait pas finie sur l'ardoise...

L'endroit serait souillé, en un sens, mais propre comme un sou neuf au sens qui comptait. Et ils seraient tranquilles : la seule personne susceptible de les déranger dans ce spacieux espace clos était en train d'attendre sa propre commande chez les Zouwu. Et sa complice le saurait, donc ne viendrait pas l'y attendre. C'était parfait.

" J'ai toujours quelques minutes à accorder à qui veut émettre une requête que je serais à même de satisfaire. "

Il fit un geste du bras vers le placard et s'y dirigea sans se presser, comptant bien sur l'autre moitié d'humain pour suivre le mouvement à sa manière. Il ouvrit la porte et en indiqua l'intérieur d'un autre geste du bras.

" Après toi. "

Il attendit que son client entre, jeta un dernier coup d'œil dans le couloir pour vérifier qu'il était vide - et deux Occamys, des clients qui sortaient juste de la salle commune, faisaient très fort semblant que c'était le cas et qu'ils n'avaient rien vu - puis, satisfait, ferma la porte devant lui. Il était temps de causer affaires.

Sitelle considéra le sorcier en face de lui, et l’endroit qu’il lui désignait. Un placard. Pourquoi pas. Après tout, les plus petits endroits pouvaient receler de grands espaces. Puisque les murs eux-mêmes s’adaptaient à se caractéristiques, il ne doutait pas qu’il devait y avoir en quelques endroits des choses insoupçonnées. Sitelle étudia le placard et y laissa son fauteuil prendre place sans mal.

- Y a-t-il besoin de se protéger d’oreilles indiscrète ou est-ce que cet endroit est prévu pour ?

Non pas qu’il imagine des personnes venir tendre l’oreille et écouter à la porte fermée comme des adolescents, mais quand même, on était sûr de rien. Un petit sort ou une petite rune pour être tranquille n’était jamais de trop…
Il se doutait que Cloporte allait sans doute faire ce qu’il était nécessaire, mais Sitelle se demandait surtout : si je peux utiliser cet endroit plus tard pour être tranquille et rester hors de portée de ces humains imbu d’eux-mêmes, autant connaître les caractéristiques de ce lieu magique.

Il patienta donc quelques secondes, sachant que Cloporte s’occuperait des détails qui feraient en sorte que son business ne souffre d’aucune manière, puis il demanda, droit au but, direct : à quoi cela sert de tourner autour du pot…

- Je voudrai du cannabis, pur, sans rien d'autre.. J’aimerai en récupérer pour pouvoir être tranquille au moins toute la semaine, soit environ 300g. Je souhaiterai donc savoir ce que je dois faire pour cela.

300g, ce n’était pas énorme. De quoi se faire une dame verte par jour environ, et pas trop chargée. Après tout, il n’était pas non plus accro ou addicte, c’était plutôt une sorte d’habitude. Et quand elles ont la peau aussi dure que l’avait sa grand-mère, on ne s’en débarrasse pas comme ça. Surtout mêlée aux souvenirs.
Comme toute chose, il devait y avoir des règles, un coût et des conditions. Pour les règles, il lui suffirait de les écouter. Pour les conditions, de s’adapter et quand au coût, sachant qu’ils n’avaient tous presque plus rien en arrivant, cela devait donc se faire avec des choses ou des actions ici, venant d’ici, pour ici. Dans tous les cas, Sitelle n’ayant aucun attachement, aucune allégeance envers personne, pour le moment, il était en parfaite position pour pouvoir entendre, juger et étudier n’importe quelle demande.

Cloporte leva un sourcil, étudiant la question. Il ne lui était même pas venu à l'idée qu'ils aient besoin d'un endroit particulièrement discret au niveau sonore, surtout si près de sa salle commune. Le demi-machin feignant dans son fauteuil soulevait un point des plus intéressants. Cependant, le placard n'avait pas non plus été choisi au hasard, et la réponse était aisée.

" Disons que si certaines rumeurs ne sont toujours que des rumeurs, et non des faits établis, c'est que cet endroit est insonorisé. Je n'en dirai pas plus. "

Ardoise était un client après tout. Il n'allait pas exposer tous ses secrets au premier venu, fusse-t-il un client lui aussi - ce qui n'était pas gagné. Cloporte se contenta donc de fermer la porte derrière eux et d'activer un Lumos pour illuminer les lieux et observer le sorcier. Il était encore nouveau dans tout ce qui était "politesse", et il n'était pas bien sûr de savoir s'il devait commencer le dialogue en expliquant que ce n'était pas ainsi qu'il procédait d'habitude, ou s'il devait attendre que l'autre expose la demande qu'il avait déjà mentionnée et qui était, à ses yeux, plus importante que le processus normal. Heureusement, Sitelle trancha en ouvrant la bouche.

?Kanabiss. Songea Cloporte, Restagr tadrf tardek. Gobelorffuhk fehrast. Ofek, gobelrukas, sor ofek. Gobelrukfehras mah re wissak, Elf ar golberuk goffeh. Gobelrukre reas... ?Rast Maggelruk ar...  ?Dess Wissar feh Maggel. !Gobelrumak grahg stagrar... Wissar raorghurk kutrhumk ak... Gobelrukas pisskafd mah pis... Ofek kafd wissruk stagras. !HAH... Ofek wissruk ofek.

Cloporte ricana doucement pendant quelques secondes avant de se racler la gorge et de reprendre son sérieux.

" Désolé. Je réfléchissais... à ta situation, ta demande, et ta proposition. Pour cette fois, ce sera gratuit. Ne t'y habitues pas ! C'est juste parce que tu es un nouveau client et que je me sens d'humeur généreuse. Quant à la démarche à suivre... "

Cloporte lui expliqua son procédé dans les moindres détails, et nota la demande dans le livre sous ses yeux, pour bien qu'il comprenne.

" C'est compris ? Ça signifie que tu auras ce que tu désires demain soir. Il faudra que tu m'indique dans quel récipient tu le veux pour que je l'échange contre un vide et que personne ne se rende compte de rien. Si tu n'as pas deux récipients identiques, indique-moi celui que tu veux utiliser, et j'en trouverais un pareil. "

Elf kafdr akak poshstag stadik. Kalark rossart.

" Est-ce que ces termes te conviennent pour l'instant ? "

Il fallait lui donner l'opportunité de refuser ou d'émettre une objection. Et puis, il faudrait fixer le prix pour les fois suivantes, parce que s'il en voulait pour la semaine, il en voudrait pour la suivante aussi. Ce genre de chose ne ratait pas.[/color]

Sitelle fut d’abord ravi de constater que l’endroit était apparemment insonorisé de lui-même et il ne manquerai pas de faire quelques tests plus tard.
Pour la suite de la démarche et les règles, rien de bien compliqué à suivre. Sitelle songea qu’il lui recommanderai les contes de la fée verte lorsqu’il voudrait avoir sa demande et Cloporte saurait ainsi ce qu’il en était. D’ailleurs Sitelle appréciait véritablement ce livre. Mais qui sait si Cloporte le lirait effectivement un jour.
Il attendit patiemment la réponse qui le rendit à demi perplexe. Non pas que lui offrir la première fois était inhabituel, c’était au contraire une bonne manière de fidéliser les clients. Si cela était effectivement le cas, il y avait alors peut-être un moyen caché d’avoir aussi ce produit, sinon il ne s’embêterai pas à faire ce genre de cadeau. Mais le temps de trouver cet autre moyen potentiel, Sitelle était bien content d’apprendre qu’il allait avoir sa dame verte dès demain.

Sitelle avait hoché la tête plusieurs fois au cours de son discours. Pour le récipient, c’était assez simple et ce qu’il lui vint à l’esprit était simplement une boite en fer quelconque qu’il demanderai à un elfe du domaine. Pourquoi s’embêter avec des choses trop loufoques quand ce qu’il voulait devait être contenu dans une boite. Autant que cela soit donc une boite dès le départ.

- Je n’en ai pas encore sur moi, mais je demanderai une boite en fer, toute simple, comme un pilulier. Quant aux termes de ce que tu m’as expliqué…

Sitelle haussa un sourcil, content néanmoins que la chose soit faisable.

- Pour le process j’en conviens parfaitement. Mais j’aimerai connaître le prix de ma demande pour préparer à l’avance de quoi payer la prochaine fois.

Il y avait une chose que Sitelle avait appris de sa grand-mère : toujours connaître les petites lignes avant de signer quoi que ce soit.

Le demi-Sorcier avait hoché la tête pendant tout le temps que Cloporte parlait. Il avait l'air de déjà savoir quel code il utiliserait pour sa demande. Cloporte avait donc raison : c'était un client qui serait régulier. Qui reviendrait encore et encore et encore et encore et encore pour avoir ce qu'il voulait. Voilà qui pouvait être un atout de poids. Les paies régulières l'étaient toujours.

Pour le récipient, il choisit une boîte en fer. "Toute simple", comme il le disait lui-même. Comment un Sorcier pouvait-il manquer à ce point d'imagination ou de sens du théâtre ? Cloporte n'en revenait pas. Ça lui coupait presque l'envie de faire affaire avec demi-truc. Mais bon. Entre demi-trucs, ils devaient bien s'entraider. Et puis, cela serait un challenge intéressant pour Cloporte aussi. Pour que l'échange se déroule sans problème, il fallait que le paiement tienne dans un pilulier.

Elf kardak kyht neva, sanutar fehmah kyht. Nikkon kafdr akak, Wissar rossart. ?Dor nik...

Le demi-Sorcier voulait savoir ce qu'il en était justement de la paie. C'était le point sensible, toujours le point sensible. Il fallait que le Sorcier soit capable de payer, mais tout juste. Il ne fallait pas qu'il se fasse des idées sur les disponibilités ou la facilité de l'affaire de Cloporte. Et il fallait que ce soit quelque chose soit que Cloporte lui-même voulait, soit qui puisse circuler à nouveau. Et pour savoir ce qu'il en était, il y avait une question importante à poser. Simple, mais essentielle.

" Ça dépend. Tu as quoi ? Tu sais faire quoi ? Qu'est-ce que tu peux payer toutes les semaines ? Je ne vais pas te demander l'impossible, ça ne ferait qu'interrompre nos affaires. Alors dis-moi ce que tu peux payer. Dis-moi pourquoi il faudrait que je te fournisse la semaine prochaine. Je vaux 300g de cannabis, mais quelle est ta valeur à toi, demi-Sorcier ? "

Après tout, il y avait des gens capables de dessiner, de peindre même. Des qui pouvaient tailler le bois. Les instruments à vent se revendaient. Les dessins dulk aussi. Voire, parfois, comme en attestait son sac pendant cet échange, les jeux de cartes bien illustrés. Cloporte lui-même faisait quelques collections. Pourquoi se priver ?

Sitelle haussa un sourcil. Evidemment qu’il s’attendait à ce qu’il demande un paiement mais jusqu’alors, il avait songé que le fournisseur avait des prérequis définis pour un tel service. Mais non. Il demandait à Sitelle ce qu’il avait en guise de paiement à proposer. Sachant qu’ils étaient ici coupés du monde, il ne serait donc pas possible de fournir de l’argent, si tant est que cela aurait eu un intérêt, ce qui n’était pas le cas…

En tout cas il y avait une volonté affichée de faire des affaires. Sitelle ne connaissait pas encore assez Cloporte pour savoir ce qu’il aimait, hormis qu’il aimait faire des affaires et que pour lui, le monde extérieur et ici n’était pas si imperméable. Il répondit d’un ton calme et sérieux, qui se voulait parfaitement clair et conciliant.

- Je doute que tu ne valles que 300g de cannabis, tout comme ma valeur est bien différente de celle que je ferai en paiement. Je ne peux pas te répondre immédiatement, et puisque tu me laisse donc une semaine de consommation, je te proposerai le paiement en même temps que ma prochaine demande. Si tu ne l’acceptes pas, je te propose de laisser telle quelle la boite. Et je saurai que je devrai trouver autre chose. Dans ce cas-là, je te demanderai seulement une direction vers laquelle vont les paiements que tu acceptes.

Mais il ne doutait pas qu’il accepterait. Il se savait pertinemment intelligent et il ne ferait pas l’affront de trouver quelque chose qui n’aille pas.

- Est-ce que l’on se dit donc à demain soir, pour récupérer ma dame verte ?

Il était sincèrement soulagé d’avoir pu trouver de quoi s’en procurer et qu’en plus, les affaires n’aient pas l’air si compliquées à se faire. Il ne manquait plus qu’à réfléchir au paiement.

Pour le coup, il esquissa un sourire et tendit de nouveau sa main gantée pour seller ce premier accord.

Cloporte haussa un sourcil en miroir du demi-sorcier. Il était curieux de savoir ce qu'on allait lui proposer, et fut tellement déçu qu'il fit un effort conscient pour maintenir ce sourcil en l'air et éviter de rouler ostensiblement des yeux. Intérieurement, cependant, ses globes n'en faisaient pas moins plusieurs tours sur eux-mêmes, comme un joueur de Quidditch frappé trop violemment.

Ce n'était pas tant le ton utilisé qui le gênait, par sa nature il avait toujours eu droit à ce genre de condescendance mielleuse chaque fois qu'on voulait lui parler poliment, et ça se remarquait d'autant plus en contraste avec le ton utilisé généralement à Rementor, et avec le ton utilisé avant qu'il ne rejoigne le Domaine, lequel était beaucoup plus empreint de violence.

Non, ce qui le gênait, c'était que cette andouille était incapable de comprendre une métaphore, et tout autant incapable de comprendre des instructions simples. Les sorciers n'étaient-ils pas sensés être doués d'une intelligence redoutable ? Ou bien était-ce juste que la différence entre humains et Gobelins était à ce point flagrante ?
Évidemment que chacun avait plus de valeur que ce qu'ils apportaient à l'échange, mais pas dans le cadre de l'échange ! C'était le principe même de l'échange ! Comment est-ce que ça pouvait ne pas être clair ? Et l'échange se fera discrètement, ce qui signifie que le contenu de la boîte sera vérifié après. Où est la discrétion si Cloporte doit faire machine arrière, demi-tour, et rééchanger les boîte ? Tout ça pour en plus renégocier un prix ? Cloporte venait tout juste de lui dire que la responsabilité de trouver un prix viable lui incombait. Le demi-sorcier avait faux sur toute la ligne !

Cloporte lança un regard noir à la main gantée et secoua la tête, l'air grave et énervé.

" Non. Il faut que je sache ce qu'il y a dans la boîte avant l'échange. Pas après. Dans mon expérience " Il se mordit légèrement l'intérieur de la joue pour cracher un peu de sang devant le demi-Sorcier " les surprises sont toujours mauvaises. Du coup, je les refuse tant que possible. Et ce que tu me proposes là, c'est une surprise. Je refuse. " Son regard se durcit. " Tu n'auras pas de dame, quelle que soit sa couleur, tant que je ne saurais pas ce que tu es disposé à payer. "

Il fit un pas en direction du demi-Sorcier, plaça les mains sur ses hanches, et lui lança un regard pénétrant.

" Je ne me répèterai pas une troisième fois : qu'est-ce que tu vaux, demi-Sorcier ? "

Sitelle haussa un sourcil. Ce petit homme se contredisait de réponse en réponse apparemment. Je t'offres puis je ne t'offres plus. Un véritable négociateur, un véritable dealer, aurait offert sans contrepartie la première dose, pariant sur l'envie d'en avoir plus, pour avoir ensuite le paiement. Ce n'était pas une surprise en soit donc. Mais non. Finalement, la gratuité du premier passage était sous conditions de savoir ce qu'il pourrait bien mettre dans la boite. Et bien soit.

- Je vois. répondit-il en s'empêchant de soupirer, gardant un regard sérieux et croisant les doigts sur ses jambes. Dans ce cas, puisque tu es bien au courant que nous arrivons ici avec rien du tout, je mettrai dans la boite une rune. Je suis doué en la matière, tu pourra la revendre à bon prix.

Et puis s'il n'en voulait pas tant pis, il trouverait quelqu'un d'autre pour passer ce deal à sa place. Et il avait déjà sa petite idée en tête.

Il observa Cloporte qui ne faisait rien dans son comportement ou son langage pour tenter même de se faire, à défaut d'apprécier, ne serait-ce que neutre. Cette formulation "qu'est-ce que tu vaux".. Il avait sérieusement dû être malmené dans sa vie pour ne juger les autres que de cette manière. Mais bref, il n'était pas à ni pour le plaindre, ni pour vouloir s'en faire un ami.

- Est-ce que tu acceptes ?

Il ne tendit pas la main, après tout, il était persuadé que Cloporte n'était pas de ce genre là. Plutôt sûrement à te faire signer quelque chose ou un équivalent...