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Une gorgée de nicotine en guise de morphine | Turaco & Cendre
Ven 24 Juil - 23:57
Cendre
Cendre
135
Cendre
25 ans
Infanterie
Sang mêlé
Nirimage
Infanterie
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Il n'y a ni cri ni sursaut. Ce réveil, il n'a rien de brutal, en apparence. Ce sont deux paupières qui s'ouvrent sur des yeux aveugles, et le souffle qui se prend dans le silence étiré du dortoir endormi gorge son palpitant chamboulé d'oxygène. Les ténèbres l'accueillent, impénétrables, ce sont des ombres mouvantes qui essaient de l'ancrer dans la réalité tandis que, dans sa tête, des bribes de rêves l'assaillent. 

Des éclairs fugaces d'images, de sons et de saveurs fusent dans son esprit comme des Avadas au milieu d'un bal. Des nuances de gris dessinent un paysage ravagé par la guerre. L'air est saturé de cris et sa bouche d'un atroce mélange de sang et de cendres. Contre son cou se presse une petite tête crasseuse d'un blond qui n'en a plus que le nom ; agrippé à sa taille, deux bras tavelés refusent de la lâcher malgré la cape noire qui tire de toute ses forces pour les détacher. Il y a une douleur qui vrille ses côtes à chacun de ses gestes, mais elle n'est rien face à l'angoisse qui la possède encore à l'idée que ces petits bras lâchent prise, la lâchent, elle. Le môme s'accroche à elle avec l'énergie du désespoir, et il y a ces yeux qui ne la lâchent pas, le bleu écarquillé de terreur qui s'agrippe plus fort encore que ces doigts maigrichons qui glissent. Ces yeux s'agrippent si fort à elle, la supplient avec tant de ferveur que quand le crâne de serpent l'emporte, ces yeux griffent son âme et en emportent des lambeaux. 

Il n'y a ni cri, ni sursaut. Ce réveil, il n'a rien de brutal, en apparence. Ce sont deux paupières qui s'ouvrent sur l'obscurité aveugle, et il y a ce regard qui lui revient comme la dernière image d'un cauchemar particulièrement violent. Le temps s'étire, et le bleu qui la transperce sitôt éveillée l'accable lentement, vicieusement, d'une indignation saisissante, d'une colère révoltante, contre la guerre, contre les rêves et ces instants que son cerveau s'approprie encore, et encore.
Une seconde passe, et dans le silence, ça la submerge. Elle voudrait hurler, elle voudrait frapper, alors elle saisit son oreiller, et elle le projette, aussi fort que possible, à l'autre bout de la pièce. 

Un bruit étouffé accueille cette vaine mais nécessaire tentative de se défouler, c'est un bruit absurde, un "pouf" étourdi qui s'accorde si bien avec l'absurdité de ses émotions que Cendre en a une pensée amère. 

D'un coup de pied d'une rageur contrôlée, l'occamy repousse les draps. Elle a à la fois chaud et froid, son corps transpire d'une chair de poule qui la hérisse, et sur ses papille persiste le goût métallique de l'hémoglobine cendreuse. Faisant basculer ses jambes sur le côté du matelas, elle se redresse et dessine un chemin dans les ténèbres jusque la salle d'eau où, à tâtons, elle trouve puis tourne le robinet. L'eau qui en jaillit est glaciale. Elle s'en asperge le visage avant d'en prendre plusieurs lampées qui ne calment même pas l'ire qui la fait bouillir.
De l'air, voilà ce dont elle a besoin, et une gorgée de nicotine en guise de morphine.

Pieds nus sur la roche, ses phalanges farfouillent dans une veste à la recherche d'un paquet cartonné, précieux désiré. Deux, voilà tout ce qui lui reste du reste du monde, deux malheureuses clopes qu'elle a l’irrépressible besoin de consumer. Brûler, détruire, encore et encore. 
Elle fourre le paquet déchiqueté dans sa poche et file sans un bruit à l'extérieur de son dortoir, traverse la salle commune, descend au rez de chaussé. Il n'y a pas un bruit, sinon celui de ses foulées sur le sol, et les nuages qui essaient de suivre sa progression à travers les fenêtres trop grandes. Enfin, la porte, bientôt, l'extérieur.

Le battant s'ouvre avec force, un craquement résonne confondu dans le fracas d'un choc, puis c'est la douleur qui éveille en sursaut les fantômes du domaine. Un nez se casse, et le sang gicle.


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