Après de longues heures passées dans les livres et les devoirs, Arcturus était venu complètement à bout de ses ressources estudiantines, quittant la bibliothèque pour aller se chercher un café avant de se caller dans le rebord d’une grande fenêtre, prenant une lente gorgée, le regard égaré sur le domaine s’étendant loin devant, jusqu’à ces murs jusqu’alors infranchissables.

Il ne peut que se demander quand viendra le temps de sortir, de faire autre chose qu’apprendre, que se former pour mieux être utile à la résistance. S’il n’existe pas quelque part ailleurs un endroit semblable à ici, mais dans le but de les défaire, eux. Des jeunes formé à mieux servir Vous-Savez-Qui. Des jeunes qui aspirent à devenir Mangemorts et se hisser dans le système en place. Possible, mais c’est désagréable de se l’imaginer.

Comment peut-on avoir cette conception du monde, privilégier les gens qui se sont contenté de naître à ce que certains jugent être « la bonne place ». Comment peut-on en arriver à un monde où la majorité est franchement opprimé ? Oh, l’oppression n’est pas une invention de Vous-Savez-Qui, mais le monde semble avoir prit un nouveau tournant d’inégalité avec le mage noir.

Arcturus soupire. Quand le blond regarde derrière lui, sa famille entièrement dévorée par la guerre, pour une résistance infructueuse, il ne peut que noter l’ironie de sa situation, ainsi projeter dans ce qui pourrait être un des mouvements les plus prometteurs de la résistance. Il était longtemps resté isolé, puis il était arrivé ici. Dans un endroit où il ne pouvait pas ne pas s’attacher aux gens, dédié à servir dans une spécialisation qui allait le forcer à faire des choix parfois difficiles, à se détacher partiellement des gens qui effectueraient des opérations à sa demande.

Parfois, il n’était pas certain d’être réellement à sa place. Fait pour ça. Mais quelqu’un quelque part avait dû voir autre chose à travers lui. Pour l’inviter ici, pour le poser au milieu des officiers. Le temps saurait peut-être répondre à tout ça. Ou non.

Peut-être resterait-il avec ses questions éternellement.

Ça le fait soupirer encore, avaler une lente gorgée de café chaud généreusement dosé en lait.

Il avait passé une bonne heure dans la volière aux hippogriffes à faire tout le travail ingrat qu'il convient d'effectuer pour que "ses Altesses" se sentent bien, qu'elles aient envie de revenir et avec un peu de chance faire la course avec un sorcier volant sur un balai. Une heure à récurer des sabots, lisser des plumes, regarnir les mangeoires et les nids, appliquer de l'anti-parasites sur le bois... Cette activité avait laissé des brins de paille dans ses cheveux et des taches sur ses vêtements. Mais Cormoran n'était jamais plus heureux que lorsqu'il côtoyait des créatures magiques. Il n'était donc pas surprenant de voir, en plus des saletés qui avaient adhéré à ses habits et ses cheveux, un sourire sur son visage.

Mais tout cela lui avait donné soif. Il se dirigea vers le bâtiment principal, espérant croiser un elfe de maison ou trouver les portes de la réserve ouvertes, et voulant profiter de ce détour loin du bâtiment Occamy pour chercher un livre dans la bibliothèque. Lorsqu'il était caché parmi les moldus, il avait souvent recours aux potions, faute d'occasions de se servir de sa baguette hors de son appartement. La potion de force lui avait permis d'acquérir sa baguette de contrebande, et il avait abusé du philtre de paix au point d'en développer une accoutumance. Son exil forcé avait au moins eu le mérite de le rendre meilleur dans ce domaine. Mais à présent, il disposait d'une bibliothèque remplie d'informations pour l'aider à préparer les mélanges dont il avait eu l'idée, mais n'avait jamais osé expérimenter par peur des dégâts sur son appartement et du risque de se faire repérer par les moldus, ou pire encore...

Lorsqu'il arriva près de la bibliothèque, il fredonnait une chanson qu'il écoutait souvent, avant de rejoindre Rementor. Elle l'aidait à rassembler toute sa motivation lorsqu'il préférait rester au lit et s'isoler du monde. Cormoran avait détesté vivre parmi les moldus, qu'il trouvait tous plus ennuyeux les uns que les autres. Mais leur musique les rachetait presque à ses yeux. Particulièrement celle qu'ils truffaient de guitares saturées et de hurlements gutturaux.

Can't explaaaiiin why it's so hard to seee....

Cormoran chantait aussi bien qu'un chaudron rouillé. Mais ses connaissances moldues avaient complimenté ce qu'ils appelaient son "growl".

...so hard to see your siiiiiide...

Il passa près d'Arcturus, qui buvait un café, au moment où il s'y essayait, à un volume réduit pour ne pas surprendre ses compagnons d'infortune. L'odeur de la boisson chaude raviva sa soif. D'un mouvement, il se retourna.

Hey, euh...
Sa voix, qui ne s'était pas remise de ses râles gutturaux, lui fit défaut. Il toussa, faisant tomber quelques brindilles de ses cheveux, puis éclaircit sa voix et s'adressa à l'officier:

Désolé, j'ai encore oublié ton pseudonyme. J'ai du mal avec les étoiles. Mais sinon...tu as trouvé où ton café? Je m'en ferais bien un

Arcturus est tiré de ses pensées par une voix pas nécessairement très juste. Intrigué, il y jette un coup d’œil, n’ayant pas trop de mal à repérer le responsable, ni à le reconnaître. S’il n’est pas de sa brigade, Cormoran est facile à identifier, ne serait-ce parce qu’il est aussi grand que l’officier, ce qui n’est pas coutumier pour ce dernier. L’homme semblait dans sa « bulle musicale » aussi, le plus jeune des deux ne chercha pas à l’en tirer, de toute façon, il n’avait pas vraiment de motif en dehors de sa lassitude face au sens de ce foutu monde.

Ce n’était visiblement pas le cas de Cormoran, car sans crier garde, il se retourne vers Arcturus, l’aborde avec hésitation, la voix encore malmenée par ses exploits vocaux.

Ce n’est que là que le blond remarque l’état de son collègue. Que l’odeur du lieu de vie des hippogriffes lui monte au nez.

« Pas grave. C’est Arcturus. Je te montre. »

Arcturus se décolle de la vitre, café chaud dans la main, pour se diriger vers une petite table où les elfes ont laissé des cafetière et théière qui ne se vident jamais. Plusieurs sortes de thés et de tisane sont offert, il y a aussi du lait, de la crème, du sucre, afin que les sorciers tout occupés qu’ils sont à travailler dans la bibliothèque, ait de quoi réchauffer un peu leurs études et devoirs. Il y a même quelques biscuits et l’officier en prends un qui disparaît bientôt dans sa bouche. C’est bon.

« T’as de quoi faire, comme ça. »

Il a même l’embarras du choix.

« T’as été t’occuper des hippogriffes ? » qu’il questionne, se demandant probablement s’il ne s’agit pas d’un nouveau devoir de Vyāsa. Ça ne serait pas la première fois qu’il les enverrait s’occuper de ces créatures susceptibles.

Arcturus! Il aurait dû s'en souvenir: c'est de lui que Cassiopeia avait parlé, avec sa voix qui flanchait un peu alors qu'elle prononçait son nom. Sans doute pour la même raison que celles qui faisaient dire des grivoiseries à certaines enrôlées de sa brigade. D'ailleurs, certains des hommes de la brigade Occamy avaient été choqués d'entendre des femmes parler d'un homme comme eux-mêmes parlaient des femmes. Mais pas Cormoran. Il avait deux soeurs, il en avait entendu d'autres.

Il suivit l'officier jusqu'à un trésor de caféine et de théine. Il se demanda alors s'il ne l'avait pas dérangé en pleine réflexion. Après tout, Arcturus était appuyé seul contre la fenêtre, et il était arrivé et l'avait tiré de ses pensées en lui "growlant" à moitié une question. Des gros sabots, encore une fois. Dans ce genre de situations, Cormoran ne s'étonnait plus d'avoir écopé d'une forme animagus équine...

Génial! Merci beaucoup, ça va me faire du bien

Ignorant superbement les thés et tisanes, il se servit un café avec du lait. Effectivement, il avait de quoi faire. Arcturus devina qu'il ressortait de l'étable des hippogriffes. Pourtant, les brindilles dans ses cheveux auraient pu venir de la prairie, de la forêt même, voire d'un sort perdu. Il connaissait au moins un sort qui emplissait une chevelure de brins de paille, même si son utilité était plus que discutable.

Oui, comment tu sais?
Il n'attendit pas d'obtenir une réponse à sa question. Il haussa les sourcils, leva un index triomphant et entr'ouvrit sa bouche comme pour prononcer un "oh!" qu'il garda pour lui.
C'est mes fringues, c'est ça? Elles sentent l'emplumé! Argh! J'avais pourtant nettoyé tout ça

Il lança un nouveau "récurvite" sur lui-même. Les brindilles et autres touffes de foin disparurent de ses cheveux. Une tache particulièrement voyante s'effaça de ses vêtements. Quant à l'odeur de la volière, elle diminua mais ne disparut pas complètement. Il lui faudrait peut-être avoir recours au sort que lui avait jeté Pivoine, le jour où il avait senti la lavande...

Je dis "emplumé" , mais c'est pas méchant! Je les aime bien, ses Altesses. Du coup, je me porte volontaire pour m'en occuper dès que je peux

Il saisit deux biscuits entre son pouce et son index. Il en laissa tomber un, mais le fit léviter avant qu'il ne touche le sol. Parfois, il se montrait maladroit. Et parfois, il démontrait une certaine dextérité dans sa maladresse.

C'est reposant, en fait, expliqua-t-il alors qu'il ramassait son biscuit qui flottait à quelques centimètres du sol. Quand on passe sa journée à apprendre à se battre contre les Bouffeurs de Morts...

Il avait repris l'injure française "mange tes morts" et l'avait adaptée à leur ennemi. Ainsi, les Mangemort étaient devenus les Bouffeurs de Morts. En français, la différence était inaudible, mais pas en anglais. Au lieu de se repaître de la Faucheuse elle-même, leurs ennemis se nourrissaient à présent de viande avariée. C'était une victoire dérisoire, mais il saisissait la moindre occasion de manquer de respect à ceux qui lui avaient pris ses soeurs.

...on est bien content de côtoyer des créatures avec un peu de bon sens

Il engloutit le biscuit qu'il avait ramassé. Il prit le temps de tremper le second dans son café, et fut déçu du résultat.

Cormoran se fait lui aussi un café pendant que Arcturus mange un second biscuit avant de ne plus se laisser tenter à nouveau. L’Occamy semble se questionner sur la déduction de l’officier avant d’y répondre de lui-même. Une réponse qui à le mérite d’avoir du vrai. Entre la paille et l’odeur, on ne pourrait vraiment s’y tromper. Et puis le norvégien considère que Cormoran aime bien ces grandes bêtes ailées. Un sort plus tard, c’est pourtant déjà bien moins marqué, même si une effluve légère continue de monter au nez du blond.

”Un peu. Mais ce n’est pas grave.”

C’est une odeur certes, mais pas mauvaise pour autant. Même si le sort n’a pas manqué de faire du bien à ses cheveux et ses vêtements, à présent débarrassé de la plupart de leurs saletés. Cormoran se sent le besoin de se justifier sur le terme employé “les emplumés” et ça tire un léger rire à Arcturus.

”Je n’irai pas leur dire que tu as dit ça, t’inquiètes pas. Et j’ai cru comprendre que tu aimes bien les animaux. Les hippogriffes sont franchement intéressants. ”

L’officier n’est pas assez rapide pour tenter de rattraper le biscuit, mais Cormoran parvient à y arriver en faisant usage de la magie. Ça tire un petit sourire au blond qui s’attendait plutôt à voir le biscuit se briser au sol, avant que les paroles ne lui fassent hausser un sourcil, légèrement perplexe face à l’expression de Cormoran, même s’il comprend de qui il parle. Arcturus comprend aussi que les créatures, toutes potentiellement redoutables soient-elles, apportent tout de même un peu de paix à Cormoran et nul doute que ça doit être salutaire pour son moral. Chacun trouve sa façon bien à lui de pouvoir souffler après les longues journées auprès des instructeurs à chercher invariablement à faire une meilleure personne d’eux, ou plutôt, un meilleur soldat. Si la vie ici a quelque chose de particulier, de presque paisible, il n’en demeure pas moins que l’objectif qui se joue entre ces mots consiste en la formation de futur soldats apte à tenir tête aux partisans du Seigneur des Ténèbres.

Voilà une tâche aussi ardue que pesante.

”Je comprends. Je ne crache pas non plus sur une occasion de sortir, d’aller me poser près du lac ou de nager après une longue journée.”

La température ne t’inquiète même pas. Même si Rementor devait se révéler doué d'hivers glacés, en tant qu’animagus phoque, l’eau ne manquerait pas pour autant d’être agréable.

Ah ça pour être intéressants, ils le sont!

Cormoran pourrait passer sa journée à parler des hippogriffes, ou de n'importe quelle autre créature qui l'intéressait. Et elles étaient nombreuses! Celles qui volaient, c'était en général ses préférées. Depuis que le virus du quidditch s'était emparé de lui, il enviait ces animaux qui pouvaient voler à toute vitesse sans risquer de tomber de leur balai. Mais, dans l'immédiat, il s'abstint de se lancer dans une série d'anecdotes sur les hippogriffes. Il ne connaissait pas bien Arcturus, mais était certain qu'il ne méritait pas de mourir d'ennui.

Le Snidget blond mentionne le lac, et l'idée d'aller nager dedans. En fin de journée qui plus est, à l'heure où le Soleil, si peu amène en cette saison, chauffe le moins l'eau qui devient alors très froide. Cormoran n'y tremperait pas un orteil à moins de disposer de sa fourrure équine. Et encore, il se dépêcherait de sortir, de s'ébrouer et de courir partout pour accélérer le séchage de ses poils. Jusqu'ici, les températures étaient suffisamment clémente pour que cette méthode ne soit pas synonyme d'hypothermie assurée.

Nager? Ouais, mais on se gèle pas un peu les...ah, tu viens peut-être d'un pays où il fait plus froid que chez moi!

Il se souvenait des plaintes des élèves de Beauxbâtons dès qu'un malheureux nuage venait décorer le ciel bleu. L'école se situait en France, mais à plus de mille kilomètres au sud de l'endroit où il avait grandi. Cette simple distance, pas si grande si l'on comparait avec des pays plus vastes, suffisait à lui donner l'impression de venir de contrées polaires tandis que les autres vivaient dans un pays tropical. Peut-être que dans un pays aux latitudes plus nordiques l'eau du lac paraîtrait tiède?

En tout cas, pour moi, le lac est bien trop froid pour que j'aille y nager! Je préfère courir, sur deux pattes ou sur quatre c'est pareil.

Il ne précisa pas quelle était sa forme animagus. Il avait entendu suffisamment de gens faire des blagues à ce sujet pour supposer qu'Arcturus la connaissait. En attendant, il était heureux de disposer d'un café chaud pour chasser l'idée de l'eau froide du lac.

Mais sinon, t'as jamais croisé de trucs bizarre en nageant dans le lac? J'ai entendu dire qu'il y avait des sirènes. Et j'ai vu plein de grenouilles bizarres. J'en ai écrasé une, une fois où je m'étais transformé, je m'en suis voulu toute la journée!

Certains avaient un crapaud comme animal domestique. Cormoran ne l'avait jamais compris. Les batraciens n'avaient ni intelligence ni faculté de s'attacher à un humain. Avoir un crapaud domestique, c'était comme avoir un galet de compagnie. Cependant, cela n'était nullement une excuse pour les écraser. On n'écrasait pas une créature simplement parce qu'elle n'était pas assez intéressante. Sinon, on ne valait pas mieux qu'un Bouffeur de ses Morts...