Ca fait déjà presque une semaine. Ce soir, on a rendez-vous à 19h. J’ai souri quand il a proposé qu’on se retrouve devant le bâtiment principal, j’ai promis de venir.

Ensuite j’ai eu un peu de mal à me concentrer pour le dernier cours, mais même moi je saurais pas dire si c’est parce que je suis crevée ou à cause du rendez-vous.

A la fin du cours de Soumaworo à 18h30, une fois n’est pas coutume, je suis donc dans les premiers dehors, et sans aller jusqu’à dire que je me précipite vers le bâtiment Selkie, je trottine bien. J’ai clairement un truc super important à faire genre là tout de suite : prendre une douche.

Et si les trois douches du dortoir sont prises avant que j’arrive, j’aurai pas le temps.

Je pose le sac, les parchemins, les bouquins, tout le bazar dans mon coffre. Je pose, oui, et délicatement avec ça. J’ai pas été éduquée à balancer les trucs, encore moins le matériel scolaire. Et puis y a pas de quoi, franchement.

Un quart d’heure plus tard, me voilà propre, habillée de même, une tresse battant le dos, à contempler d’un œil critique une Pivoine décidément bien terne dans le miroir. Je suis fatiguée. Je dors pas assez. Mes insomnies redoublent tellement que j’en suis réduite à grappiller du sommeil pendant les pauses.

J’ai peur de dormir quand tout le monde dort maintenant.

"Qu’est-ce que t’en penses, toi ?" je murmure à la gravure informe dans le bois de Choupette.

Je sais pas si le pire c’est d’avoir posé la question, de pas savoir à quoi elle se rapporte exactement, ou d’avoir, pendant une fraction de seconde, attendu une réponse. Une paire de tapotements agacés sur les joues plus tard, la Pivoine du miroir a pas vraiment repris de couleurs, mais au moins elle a l’air agacé. C’est bien. C’est mieux. Après un bon coup d’anticernes, elle a toujours les sourcils froncés. On est d’accord elle et moi, ça fait pas fini. Ca se termine avec un haussement d’épaules blasé, accompagné de son bruit de bouche et de sa grimace, et je me lance dans un pomponnage léger, naturel mais un peu plus couvrant. Rapidement, le miroir a meilleure mine. Je souris. Elle sourit. Elle est jolie, quand elle fait un effort, la Pivoine du miroir.

Et maintenant, elle est en retard.

Ca tombe bien, j’ai pas promis d’être à l’heure. J’ai tapé dans les cinq minutes réglementaires pour le maquillage. A vrai dire j’ai même pensé m’en accorder dix ou quinze, parce qu’on me siffle pas… mais les cinq minutes de la Copine qui se Fait Belle, c’est très bien. Ca suffit. Le temps de ranger mes affaires, de sortir…

19h05 pétantes, je retrouve donc Ardoise devant le bâtiment principal. Y a pas foule. Les cours de sport ont commencé pour ceux qui en ont, les autres sont à la bibliothèque, dans les dortoirs, ailleurs. Je souris, je m’approche.

"J’ai été un peu longue, ça va ?"

Quoi, m’excuser ? J’ai la main sur son bras, je me hisse déjà pour lui glisser un baiser au coin des lèvres, il va pas se plaindre en plus.