13-5-19-19-1-7-5 XJYZ (Soumaworo)

Elle avait passé de longues heures à bibliothèque pour déchiffrer ce code. Elle savait qu'elle avait perdu beaucoup de temps à parcourir les épais volumes sur ces sujets qu'elle affectionnait tant avant de vraiment se plonger dans le coeur de l'énigme qu'elle avait découverte. La bibliothèque semblait bien l'aimer, et le petit bureau qu'elle utilisait toujours était niché dans un coin isolé de la salle et souvent recouvert d'ouvrages. Elle aurait pu être plus rapide, oui, mais pour une rare fois, Cassiopeia s'était surtout amusée. Le challenge qui avait été posé devant elle, même involontairement, l'avait happée. Au début, elle avait simplement remarqué que le décor de la salle de cours du Professeur Soumaworo était à la fois particulier et familier, un concept qui l'avait fait froncer les sourcils. Elle ne savait pas vraiment dire pourquoi, mais chaque fois qu'elle relevait la tête pour observer la salle, un nouveau détail la frappait, lui faisait pencher la tête et perdre le fil du cours avant qu'elle ne se force à se reconcentrer.

Il lui avait fallu un long moment avant de se décider à revenir seule dans la salle pour pouvoir l'observer à loisir. Elle ne l'aurait pas fait, en temps normal - elle considérait ces lieux comme privés, utilisés uniquement lors des classes, et se retrouver là alors qu'elle ne devait pas y être... Il y avait quelque chose d'interdit qui l'avait fait se déplacer doucement, ce jour-là, sursauter encore plus que d'habitude malgré la prudence qu'elle avait placé derrière chacun de ses gestes. Comme elle n'était pas entièrement certaine d'avoir raison et qu'un code se cachait bel et bien dans la salle, elle avait pris avec elle un simple carnet à dessin et reproduit le plus fidèlement possible ce qu'elle voyait. Elle n'était pas la plus douée, mais ses compositions étaient souvent tout du moins nettes et jolies; les cours de dessin qu'elle avait eu dans son enfance lui revenant facilement en mémoire. Puis, la bibliothèque.

L'exercice n'était pas simple. Elle voulait réussir, par curiosité, par amusement maintenant. Elle souhaitait aussi bien faire, ne pas décevoir. Quelqu'un d'autre avant elle avait sans doute déjà déchiffré le code, bien entendu, mais elle s'appliqua tout de même sans chercher l'aide de ses camarades. Enfin, après ces longues heures de réflexion, elle fut satisfaite. La bonne clé, la bonne combinaison, le bon code, suivant des étapes méticuleuses. Elle pouvait s'être trompée, bien entendu, et ce fût la raison qui la poussa à se rapprocher du bureau de l'Instructeur de moyens de communication à la fin d'un des cours, alors que les enrôlés se dispersaient, à la fois hésitante et déterminée.

Cela se traduisit par un léger raclement de gorge, mais des yeux qui refusaient de viser le sol. "Excusez-moi, professeur...?" Elle demanda doucement, pour attirer son attention, se forçant à garder son visage neutre et empêcher sa posture de se recroqueviller dans sa coquille alors qu'elle lui tendait une feuille soigneusement pliée où elle avait noté le résultat du code, mais aussi les étapes pour arriver à cette traduction. "Je pense que... Enfin, je ne sais pas si c'était volontaire, et je suis désolée de vous importuner si-, si ce n'était pas le cas, mais je pense avoir... Trouvé quelque chose. Dans la salle."

Spoiler:

Professeur....
Il ne s'habituait toujours pas à ce titre. On lui avait donné bien d'autres titres, prestigieux et parfois obséquieux, au cours de sa carrière de diplomate. Cependant, "professeur" lui semblait usurpé. A ses yeux, un professeur est quelqu'un qui stimule la curiosité de ses élèves, un modèle, un exemple à suivre. Ce n'était certainement pas un ancien espion à la carrière écourtée par une corne de rhinocéros dans la colonne vertébrale.

Il lui fallut quelques courts instants avant de réaliser que l'enrôlée qui lui tendait une feuille de papier s'adressait bien à lui. Elle bredouillait qu'elle l'avait trouvée dans la salle de cours. Il haussa un sourcil, circonspect. S'agissait-il là d'un message qu'on lui avait laissé? Un mot d'injures, un portrait peu flatteur dessiné à la hâte sur du papier ? Il secoua la tête. Les plaisanteries puériles étaient à leur place dans une école pour adolescents, mais certainement pas à Rementor, où l'on apprenait à se défendre au nom d'une cause perdue. Il déplia le papier, dubitatif.

Ce qu'il y lut n'était pas ce qu'il avait attendu. Il s'agissait d'une démonstration de décodage d'un message qu'il connaissait bien. Il l'avait lui-même affiché dans la salle, parmi de nombreux autres. Celui-ci était l'un des plus visibles. Un motif semblable à ce que l'on pouvait observer dans l'architecture du Moyen Orient, composé de fleurs et de courbes schématisées. Mais un oeil attentif pouvait y voir des nombres, et quelques caractères qui formaient un court message. Et Cassiopeia semblait l'avoir décodé.

Voilà donc ce que "je pense avoir trouvé quelque chose dans la salle" signifiait en réalité!

Son visage s'éclaira, et il releva la tête vers l'enrôlée. Elle semblait timide, et prête à transplaner dans un trou de gerbille.
C'est vous qui avez décodé tout ça?
La question était rhétorique. Il reconnaissait son écriture et savait Cassiopeia capable d'y parvenir. De plus, il avait côtoyé assez de menteurs et d'hypocrites pour reconnaître la comédie lorsqu'il la voyait.
C'est l'un des codes les plus visibles, parmi ceux que j'ai dissimulé dans la décoration...
Il sourit, et ajouta:
Et pourtant, personne ne l'avait vu avant vous! Pas même ceux qui m'ont demandé ce que le motif représentait, signe qu'ils l'ont pourtant bien observé

La phrase cachée était, simplement: "celui qui lit ceci gagne un cookie". Mais il n'avait pas de cookie sur lui. Il allait lui falloir parler aux elfes de maison...

Comme d'habitude, de multiples émotions transparaissaient sur son visage, bien trop expressif, trop peu fermé, mais cachées cependant toujours par cette gêne qui refusait de disparaître. Une pointe d'inquiétude de s'être trompé et d'avoir mis son nez là où il ne fallait pas alors que l'Instructeur récupérait sa feuille et haussait un sourcil, une patience docile lorsque ses yeux cherchèrent à en comprendre le sens. Puis, bien plus rare et bien plus honnête, une pointe de fierté. Elle ne put retenir un sourire qui illumina toute la pièce pendant un très bref moment avant qu'il ne disparaisse. Il ne servait à rien d'être trop fier, elle n'avait somme toute fait que ce qu'on attendait d'elle, mais elle était la seule à avoir pour l'instant fourni cet effort et c'était là la raison de son sourire. De savoir, également, qu'elle avait fait quelque chose de bien. Que peut-être, par une infime chance qu'elle ne pensait pas posséder, elle n'était pas complètement étrangère à cet endroit.

Oh, bien entendu, elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle y avait sa place; elle savait que ce n'était pas le cas, un artifice temporaire, une attente. Mais en occupant cette place, elle n'était pas complètement inutile, et c'était bien suffisant pour elle. Elle replaça une mèche vagabonde derrière son oreille en un geste nerveux bien trop habituel, mais son attitude était tout de même plus détendue qu'avec ses camarades. Peut-être parce que converser avec une figure d'autorité avait été un apprentissage régulier, à la maison, bien moins que converser avec les autres. Même si, soyons honnête, décevoir les Instructeurs la terrifiait tout autant.

"Peut-être n'ont-ils pas osé par peur que leur curiosité soit mal placée?" Cassiopéa répondit doucement, toujours prête à fournir une explication lorsque les lacunes ou difficultés des autres Enrôlés étaient mentionnés, bien trop gentille pour penser qu'ils puissent ne s'être pas intéressés aux énigmes de Soumaworo. "Moi-même, je n'étais pas certaine que vous apprécierez des visites du lieu en dehors des heures de classes. Mais la façon dont le code était inscrit m'intéressait bien trop pour ne pas essayer de le résoudre." Elle avoua, comme s'il s'agissait là d'une faiblesse, avant que ses yeux parcourent à nouveau la salle.

D'autres, donc. Plus complexe, et qu'elle n'avait pas encore vu. Il n'y eu aucune trace d'ombre alors que cette pensée fit son chemin, aucun ego. Cassiopéa se savait imparfaite malgré les années de discipline pour corriger ce trait; le fait qu'elle n'ait pas tout découvert était donc une source de curiosité et d'envie supplémentaire plutôt qu'un coup à cette fierté qui existait si peu en elle. Une question lui vint, naturellement murmuré à l'air libre alors qu'elle contemplait toujours les murs et le décor; à nouveau, parler librement sans reprendre les trois-quarts de sa phrase ou l'abréger était plutôt rare pour la Selkie.

"Certains codes peuvent-ils être purement magique dans la façon dont il s'affiche, ou pensez-vous que les méthodes développés pour résoudre des codes moldus peuvent tout de même s'appliquer?" Presque surprise elle-même, elle ramena son regard vers l'Instructeur, secouant légèrement la tête. "Non pas que je vous demande un indice ou-, je me demandais juste si certains codes pourraient être plus complexes à déchiffrer pour les enrôlés né-moldus-, même si bien entendu, ils ont les mêmes connaissances magiques et je... Enfin, je pensais surtout aux techniques d'apprentissage."

Comme souvent, la phrase s'emmêla quelque peu sans qu'elle ne parvienne à stopper ses mots, et elle esquissa une grimace gênée devant cette question à rallonge qui en disait bien trop peu sur ce pourquoi elle l'avait posé.

Cette jeune femme affichait tour à tour une myriade d'émotions sur son visage. Soumaworo jugea qu'elle ferait une piètre espionne, mais une excellente analyste. Mais de quelle "curiosité mal placée" parlait-elle? S'il avait voulu que les enrôlés ne sachent pas quelque chose, il ne l'aurait pas affiché dans la salle de classe. Il ne l'aurait pas affiché tout court. Il l'aurait gardé pour lui. Il n'était pas occlumens, mais pouvait se défendre face à un legilimens. En tout cas, il l'espérait...

Si je ne voulais pas de visite, je me serais mieux caché, ne vous en faites pas

Cassiopeia semblait faire partie de ses personnes qui étaient leurs propres ennemies jurées, tant elles paraissaient remettre en question chacune de leurs propres paroles. Il lui fit un sourire qu'il espéra rassurant.

Et cette salle de classe est un des lieux où la curiosité n'est jamais mal placée. Sauf si l'on sort du sujet des cours, bien entendu. Mais je suppose que vous l'aviez compris.

Il se leva, et fit lentement le tour de son bureau. Assis face à l'enrôlée, il se sentait trop comme un professeur, quelqu'un qui n'a pas à se lever lorsque d'autres entrent dans la salle, mais qui exige de ses élèves qu'ils se lèvent lorsque lui fait son entrée. S'il se tenait debout face à Cassiopeia, il était un égal. Son statut d'instructeur lui collait à la peau comme une sorte de crasse couverte de sable, inconfortable et désagréable. Il lui fallait faire avec, mais cela ne lui était pas facile pour autant...

La question de l'enrôlée dirigea ses pensées vers quelque chose qu'il maîtrisait mieux. Les messages codés, la dissimulation par la magie ou par des moyens plus profanes. La manière dont la simple logique pouvait se mêler à la magie pour créer certains codes.

Je n'ai pas pensé à cela en affichant mes messages sur les murs de la salle. J'avoue n'avoir côtoyé que peu de personnes nées de moldus avant d'arriver ici.

Il avança dans la salle, s'éloignant de Cassiopeia de quelques pas, juste le temps d'examiner rapidement ses messages cachés. Avait-il été trop exigeant avec les enrôlés en mettant trop de complexité dans ses "petits mots surprise"? Il avait toujours pensé que la curiosité poussait à se dépasser, à affronter des défis toujours plus complexes et donc à devenir meilleur.

C'est donc fièrement qu'il se retourna vers Cassiopeia.

Certains codes sont sans magie, comme celui que vous avez trouvé. D'autres nécessitent un peu de magie pour se révéler tels quels. Mais d'autres mêlent logique, arithmancie, et d'autres formes de magie. Et c'est avec ces énigmes...

Son sourire s'élargit.

...que l'on s'amuse le plus! N'avez vous jamais tenté ce type d'expériences? Quand vous étiez écolière, n'avez vous jamais envoyé de petits mots en classe en les faisant passer pour des listes d'ingrédients de potions, par exemple?

Elle était toujours aussi impressionnée de pouvoir parler aux Instructeurs, même si cette phrase lui semblait bien naïve - bien entendu qu'il était permis de parler aux instructeurs, ce n'était pas la première fois qu'elle posait une question, notamment pendant les heures de cours, qu'elle demandait un éclaircissement, même si elle essayait au maximum de se faire la plus petite possible. C'était les conversations dans ce genre de situations qui rendait les choses plus complexes, un contexte informel et l'absence de ses camarades pour créer un écran entre son interlocuteur et elle. Même s'il fallait bien l'admettre, elle ressentait la même gêne lorsqu'elle devait s'adresser aux dits camarades.

Même si son inconfort restait visible, les bras enroulés autour de son torse, le léger tic qui lui faisait se mordre la lèvre et le fait qu'elle ne regardait pas complètement Soumaworo dans les yeux, elle écoutait attentivement chaque mort prononcé par l'homme. Elle hochait doucement la tête pour signifiait qu'elle comprenait, souriant même très légèrement alors qu'il tentait de la rassurer et s'enthousiasmait sur les différentes formes de code à leur disposition. C'était cet enthousiasme qu'elle appréciait tant, cette facilité qu'avait l'homme à converser avec elle et à s'émerveiller de sa discipline. Les mots étaient fluides, rapides, et bien qu'elle parlait peu, elle n'avait aucun mal à suivre la discussion.

De façon bien plus discrète, elle aurait aimé montrer son appréciation de la même façon - c'était, elle supposait, ce qu'elle essayait de faire maintenant, bien qu'un peu maladroite.

"Je... Je pense qu'ils ont beaucoup à nous apprendre sur les différents systèmes de code, mais aussi les diverses-, les inventions utilisées pour cacher un message de façon non-magique. J'ai lu quelques livres sur le sujet, et je pense que certains sorciers auraient été déroutés face à ces-, mécanismes." Se concentrer sur ses mots, sa voix, essayer de ne pas trop hachurer la phrase, de ne pas se dire qu'elle était futile, inutile, qu'elle aurait mieux fait de ne pas la prononcer.

Elle continua, toujours aussi doucement. "J'aime particulièrement l'idée de... De cacher un message à l'intérieur d'un-, d'un boîtier codé, et de ne permettre l'ouverture que si le premier système a été élucidé. Comme un... Codex, je crois que c'est le mot."

La question suivante la surprend un peu, notamment parce que la première réponse qui lui vient en tête, celle qui implique le fait qu'elle ait passé la plupart de sa vie sans camarade de classes, avec de simples tuteurs, n'aurait pas été la vérité exacte. Elle se souvient d'un garçon moldu à la librairie de Galway, de mots échangés parce que la libraire était du genre sévère et qui n'étaient pas vraiment des codes, pas vraiment important non plus. Elle ne connaissait pas son nom, ne lui avait pas demandé, d'ailleurs. Tout ce dont elle se souvenait, c'est qu'il étudiait la médecine, et qu'il prenait très sérieusement la composition des différentes barres chocolatées et boissons mis à disposition pour les étudiants dans le coin plus tranquille de l'imposante bibliothèque.

Mais ce n'était pas exactement la même situation, et elle chassa la pensée de son esprit.

"Je-, malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de prendre de cours magiques avec d'autres élèves." Elle avoua, un peu gênée comme toujours lorsqu'elle devait mentionner cet aspect de son passé. Elle savait bien qu'il n'y avait aucune honte à avoir bénéficié de tuteurs, et que ses connaissances étaient... Et bien, ce qu'elles étaient, comportant des lacunes qu'elle devait forcément améliorer sans pour autant être complètement ignare. Ou du moins, elle espérait bien que ce n'était pas le cas. "Et les quelques camarades moldus que j'ai eu n'était pas vraiment... Enfin, ce n'est pas intéressant. Je comprends ce que vous voulez dire. Votre code est l'un des premiers qui me permet de rencontrer son créateur, et le déchiffrer était... Je pense qu'amusant et intéressant sont adéquats, oui."

Ainsi, les moldus auraient des choses à apprendre aux sorciers au sujet de la cryptographie? Voilà qui était surprenant.

Il faudra que vous me donniez les références de ces livres! Je suis curieux de voir ce que les moldus font pour nous dérouter.

Si sa remarque avait été prononcée sur le ton de la plaisanterie, quelques secondes de réflexion furent suffisantes pour qu'il comprenne qu'il tenait peut-être une mine d'informations qui pourraient leur donner un avantage. Les partisans du Mage Noir ne veulent rien avoir à faire de près ou de loin avec la société des moldus. Ils ne seront pas capables de déchiffrer un message qui utilise un code typiquement moldu. Cela ne serait pas la première fois qu'un excès d'arrogance coûtait la victoire à un camp. De plus, ces méthodes étaient peut-être perfectibles, grâce à la magie...

La jeune femme lui révéla ensuite qu'elle n'avait pas fréquenté d'école magique. Etait-elle née de moldus? Cela expliquerait sa connaissance de leur société. Mais elle semblait connaître également parfaitement le monde des sorciers, bien trop pour avoir grandi parmi des moldus.

Quand j'étais plus jeune, c'était un de mes passe-temps favoris! J'ai été puni de nombreuses fois pour avoir envoyé des mots en classe. Au début, je me contentais de transformer le morceau de parchemin en un petit oiseau pour qu'il vole jusqu'à son destinataire. Puis j'ai donné des mots de passe à mes complices et j'ai protégé mes bêtises en les transformant en charabia. Ils n'avaient plus qu'à utiliser le mot de passe pour révéler le texte.

Il réalisa alors qu'il venait de raconter à une élève à quel point il avait été un étudiant dissipé. Cela n'était plus qu'une question de temps avant que les autres enrôlés ne l'apprenne, et tous n'avaient pas la gentillesse de Cassiopeia. A coup sûr, il allait rencontrer des difficultés pour se faire respecter. Décidément, quel piètre professeur il faisait!

Il ferma les yeux, soupira, et sourit à nouveau.

Comme vous pouvez le constater, je ne suis pas un exemple à suivre! Mais vous avez eu l'occasion d'étudier de nombreux codes?

S'il était le premier créateur de code qu'elle rencontrait, cela signifiait qu'elle en avait étudié d'autres. Mais parlait-elle de jeux publiés dans les journaux à côté des mots croisés ou de travaux plus complexes?

Comme toujours, Cassiopeia resta silencieuse jusqu'à ce que le professeur ait fini, ce même sourire doux et attentif au visage. Les mots se bousculèrent sur ses lèvres, la jeune femme se forçant à ordonner ses pensées avant de parler. Comme toujours, la moitié de ce qu'elle pensait ne franchirait donc pas ses lèvres, par timidité, par peur de dire quelque chose d'idiot. Étrangement, les moldus et sorciers possédaient une approche assez semblables des codes et mots cachés, et ils agissaient de façon bien plus similaires que l'un ou l'autre n'aurait pu l'imaginer. Les Mangemorts et Sang-Purs extrémistes auraient sans doute fait une syncope s'ils avaient pris le temps d'étudier un tant soit peu ces points communs. Les mots étaient au centre des deux cultures, de par les sorts, de par l'importance qu'accordait tout être humain à la parole, au sens, à la communication. La magie qui entourait ces codes était un outil, bien souvent, pour révéler le message caché en son centre, tout comme les mécanismes moldus l’étaient.

Tout en réfléchissant à cela, elle se rendit compte que sa propre connaissance des moyens magiques dont le professeur raffolait sans doute n'était pas au niveau d'une telle conversation, pas si elle voulait la tenir dans la durée en tous cas, et elle se promit de demander à la Bibliothèque lorsqu'elle y retournerait.

"J'ai réussi à en retrouver certains à la bibliothèque, mais... Je pense que le rayon concernant les pratiques né-moldues doit pouvoir être étoffée. Je pourrais vous les ramener, si-, si vous le souhaitez." Elle avoua avec un petit hochement de tête. Elle avait remarqué que certains ouvrages s'étaient ajoutés à la collection depuis qu'elle les avait demandés, sans avoir pu en faire part à qui que ce soit, comme si la pièce avait une vie propre. Cela ne l'étonnait pas trop, au vu de la réaction des meubles du Domaine depuis que les Enrôlés y logeaient. Cassiopeia se força à ne pas se perdre dans ses pensées, à se reconcentrer sur cette conversation qui l'intéressait beaucoup. Son sourire, toujours poli, se fit plus amusé à la remarque et l'expression contrite de l'Instructeur.

"Mon... Mon père pensait que l’ingéniosité ne devait pas être punie, du moment que les conséquences du méfait n'étaient pas trop graves pour autrui." Plus qu'une ode à la ruse, il avait surtout enseigné à sa fille que certaines règles n'étaient pas justes, et que ces dernières se devaient d'être contournées. Si elle réussissait à ne pas se faire prendre, c'était encore mieux; très peu de personne saurait entendre raison face à l'injustice dans le système qui les entourait. Penser à son père était encore trop vif dans son esprit, mais elle réussit à continuer sans que sa voix ne trahisse la tristesse qu'elle ressentait encore.

"C'est lui qui m'a... Qui m'a appris une grande partie de ce que je sais sur le sujet. Il est... Il 'était runiste." Elle se tut, consciente que ce n'était pas la question qui lui avait été posée, souriant à nouveau. "Nous avions une importante bibliothèque à la maison et j'ai surtout... Étudié de cette façon. Les codes d'Illenor, par exemple, ou les sorts de-, Unnowyng."

C'étaient les premiers noms sorciers qui lui venaient en tête, même s'il y en avait eu de nombreux autres, et que leurs traités magiques dataient sans doute un peu. Elle se sentit rougir, légèrement gênée à nouveau de garder la parole aussi longtemps.

Il sourit poliment, pesant chacun des mots de sa réponse. Il ne voulait pas que l'enrôlée ne s'imagine être obligée de lui apporter des livres simplement parce qu'ils pouvaient l'intéresser. Cependant, s'il refusait trop catégoriquement sa proposition, il risquait de donner la fausse impression que ces ouvrages n'étaient pas dignes d'intérêt. Il lui semblait qu'éviter de briser la fragile confiance de l'enrôlée était un peu comme de marcher sur des oeufs.

Les références suffiront, je ne voudrais pas vous envoyer faire les courses pour moi! Ceci dit, si d'aventure vous aviez déjà emprunté ces livres à la bibliothèque, je serais ravi que vous me les ameniez directement au lieu de les rendre! Je me chargerai bien entendu de les ramener ensuite, et veillerai à ce que vous ne soyiez pas ennuyée par des pénalités de retard

Voilà qui devrait faire l'affaire! Il n'avait, quant à lui, jamais eu de problème avec les livres qu'il empruntait. Mais il n'avait pas étudié le règlement concernant l'emprunt des livres pour les enrôlés. Il n'en avait pas - encore - eu l'utilité.

L'évocation du père de l'enrôlée et de sa manière de considérer l' "ingéniosité" le fit sourire. Ah, comme il aurait aimé que ses professeurs aient partagé ce point de vue! Quant à son propre père, il avait encouragé son "ingéniosité", mais uniquement dans le cadre de ses études du droit magique. La recherche de manières d'exploiter les lois à son avantage étaient la seule forme d'ingéniosité qu'il tolérait. Le reste, c'était une "perte de temps". S'il savait que ses "pertes de temps" avaient fait triompher quelques résistants face aux autorités qu'il était supposé représenter! Peut-être le savait-il, d'ailleurs. Soumaworo inspira, discrètement mais longuement, et expira tout aussi lentement. S'il pensait trop à ce que sa famille qui le croyait mort pensait de lui, cela risquait de se voir dans la couleur changeante de ses yeux...

Le père de l'enrôlée était donc runiste. "Etait". Elle avait hésité à employer le passé. Cela signifiait sans doute que le décès de son père était récent, ou qu'elle n'avait pas fait son deuil. Il avait connu cela avec la mort de Seyna. Il ignorait combien de temps il lui avait fallu pour arrêter de la chercher du regard dans leur maison, pour ne plus s'attendre à entendre sa voix, pour ne plus avoir l'impression de l'assassiner une seconde fois en parlant d'elle au passé. Et il avait dû faire tout cela sous l'étroite surveillance des agents de Nzinga. Cette fois, ce furent ses cheveux qui menaçaient de changer de forme. Il contrôla à nouveau sa respiration, qui l'aidait à maintenir la stabilité de son apparence.

Ce sont d'excellentes références. Cependant...
Il pesa à nouveau ses mots. Ses années de travail en tant que diplomate l'avaient, fort heureusement, rendu maître en la matière.
...il est important d'étudier les travaux les plus récents tout autant que les classiques. C'est ainsi que l'on garde une longueur d'avance sur l'ennemi. Pour commencer, je vous recommanderais....
Son index tapota son menton tandis qu'il réfléchissait à ce qu'il connaissait de plus proche d'Unnowyng ou d'Ilenor parmi les travaux modernes.
... il me semble qu'Al Hadji s'est inspiré de ce que faisait Unnowyng. Ce serait un bon point de départ! D'ailleurs, cela vous serait peut-être utile pour lire un autre message caché de cette salle. Qui sait?
Voilà qui allait encourager sa curiosité et son ingéniosité. Peut-être n'était-il pas si mauvais professeur que cela, après tout? Mais il fallait encore voir comment allait réagir Cassiopeia...