Ça fait sept jours.

Faudrait penser à s’occuper du bureau.

Demain.

Aujourd'hui, c’est préparation mentale à aller s’occuper du bureau demain et commencer à vraiment travailler, parce que juin sera là dès qu’il aura le dos tourné.

Sept jours pour accepter la mort, puis la vie. Pour accepter son échec envers Elle, puis ses échecs envers trop de gens. Pour accepter sa tâche, puis toutes les petites que ça inclus et qui vont lui briser les couilles pour un temps indéterminable. Interminable.

Wesh, t’es mort. Mais t’as accepté de revenir pour te battre. Sauf que pour te battre, on t’offre une classe et une bande de pseudo-prodiges dégénérés à instruire. C’est drôle, hein ?

Ouais. Mort de rire. Mort tout court. Qu’ils aillent se faire foutre.

Putain de bordel de merde, il y a des gens qui ont vraiment un humour merdique. Ce n’est pas drôle. C’est de la chiasse de dragon en boîte. Qu’ils ramènent Voldy, histoire de le buter à coup de manuel, voir même de lui partager l’humour. Il y sera peut-être sensible. Ou pas.

Oh, puis merde alors. Juste merde.

C’est la dernière journée. Celle ou c’est juste merde et remerde et après faudra reprendre le dessus et arrêter d’être con.

Oui, bon, il ne faut pas trop espérer, ce n'est pas demain la veille que la connerie aura désertée ce corps-là, mais faudra quand même trouver les lambeaux de professionnalisme qui habitent encore Vyāsa afin de les mettre à contribution.

Vyāsa.

Vy-aa-sa.

Parce que les vrais noms sont bannis, sont secrets. Parce que pour buter Vous-savez-qui, faut devenir des On-sait-pas-qui. Et peut-être finir en On-sait-pas-quoi.

Peu importe, au final.

Il ne sait pas trop pourquoi c’est Vyāsa et pas autre chose. Parce que quand il a fallu sortir de quoi, c’est la première chose qui lui est venu à l’esprit et que de toute façon, trop souvent, la première idée est la bonne et qu’on a retourné la moitié de l’univers avant d’y retourner, avec des montagnes de temps bouffé pour rien.

Bordel. Les dragons lui manquent.

Il est sur les nerfs.

Chez-lui, ça lui manque.

Em’ lui manque.

Les gosses lui manquent.

Allez Vyāsa. Sois adulte. Sois fort. Tu portes un putain de projet de rébellion. Tu peux tout faire changer. En bien. C’est une chance inestimé, inestimable.

Et en réponse, Vyāsa botte un caillou qui vole loin, très loin, propulsé par des émotions : colère, amertume, anxiété, inquiétude, lassitude, tristesse.

Vyāsa est un adulte. Vyāsa est fort. Vyāsa est capable.

Mais il est emporté, caractériel, entêté, brute, susceptible, mordant. Et juste là, il a besoin de tout ça pour monter la marche et passer un peu à autre chose. Faut lui laisser le temps, le laisser renâcler, rager, lutter et râler un coup. Quand il aura fini de bouffer la marche et de s’y niquer les dents, il grimpera dessus, parce qu’à défaut d’être bonne pâte, il n’est pas un parfait abruti et inadapté.

Juste que là, tout l’emmerde, et que comme pour le lui rappeler, qu’il est coincé là, faut qu’il arrive devant un mur, réalise qu’il marche depuis un bon moment et le fixe avec son meilleur regard noir. Celui qui mettait un peu mal à l’aise Archibald avant qu’il soit plus grand que lui et qu’il comprenne que Vyāsa était toujours qu’un pas d’écaille pas capable de grand-chose, même s’il filait de bonnes gratouilles et de la bouffe.

Et comme le mur est plus grand que Vyāsa et qu’il n’en a rien à foutre de lui du moment qu’il n’essaie pas de l’escalader, eh bien il ne se passe rien et le sorcier marmonne un juron avant de se laisser tomber dans l’herbe pour regarder le ciel, des fois qu’une réponse s’y trouverait. À la place, il y a quelques piafs que l’homme suit du regard en essayant de se vider la tête avant qu’elle explose.

Oui, parce que si elle explose, il se sera fait chier sept jours pour être remord et que ça serait quand même sacrément débile.

Gabh transna ort fhéin à ce putain de mur. Et à tout ce putain de Domain, tant que j'y suis.

Je bats des ailes, tente une nouvelle fois de prendre mon élan et d'aller plus haut plus rapidement que le sort... mais rien n'y fait. Toujours, le mur s'élève au-dessus de moi, peu importe comment je tente de le dépasser. Oh et rien ne fonctionne pour passer au travers non plus, j'ai déjà essayé. Ce qui fait boom ne fait qu'endommager la pelouse, et même mes sorts de transmutation et de métamorphoses qui ne me laissent normalement jamais tomber n'ont rien donné. Je n'ai aucune foutue idée de qui a pu enchanter un mur de la sorte, et ouais d'accord il est doué, mais cic maith sa tóin atá de dlíth air.

Je bats rageusement des ailes, jurant à la pelle sous forme de petits sifflements d'oiseau, puis fait un piqué vers le sol. Dès que mes pattes touchent la terre, je change ma petite forme de mésange pour ma forme humaine... tout en continuant à jurer.

"Aiteann ráicleach! Fucking, bloody a thóin mór!"

J'ai envie de frapper le mur de pierre de mes poings, de hurler, de trouver un coupable pour toute cette foutue situation de merde et... Fuck! Je ferme les yeux, enragée contre moi même maintenant que des larmes ont voulu couler. J'inspire profondément et serre les poings pour tenter de me calmer. Céder à mes émotions ne servira à rien, surtout pas à sortir d'ici, comprendre ce qui s'est passé ou encore avoir des nouvelles de l'extérieur. Personne n'a ces foutues réponses, néanmoins. J'ai demandé, pourtant, même aux elfes de maison, mais personne ne sait et tout le monde se fou de ce que je souhaite.

Le fait est qu'elle est encore là-bas. Qu'elle est seule. Et que si elle est toujours vivante, personne d'autre que moi ne sait ou elle est. Le fait est également que j'ai horreur d'être enfermé, que je n'arrive pas à comprendre ce que je fou ici non plus. Le fait est que... que merde, il y a à peine quelques jours, j'étais dans une cellule avec mon sang tachant le sol. Que mes journées étaient rythmées par les séances d'Endoloris, que je croyais devenir complètement folle...

Est-ce que c'est possible que je le sois devenu? Que toute cette histoire de Domaine ne soit qu'un produit de mon imagination? Je ne serais pas la première à avoir cédé à la folie pour échapper à mon corps sous l'effet de ce sortilège.

Je balance alors mon poing contre la roche et la douleur me fait jurer de nouveau. Lorsque je ramène ma main à moi, le sang sur mes jointures me semble bien réel. Si lui et la douleur ne sont qu'une illusion de mon esprit... c'est plus efficace que de l'acide pour halluciner. Alors non, je ne rêve pas, mais ça n'arrange rien au reste. Alors comment, avec tout ça, est-ce que je peux être ok et me préparer à "donner des cours" à de jeunes rebelles? Comment, hein? Parce que non, merde, je suis pas ok! Je ne suis pas ok, je ne suis pas ok, je ne suis pas ok...

Je referme ma main valide sur celle blessée, me mords la lèvre et me retourne finalement pour m'éloigner de ce damné mur magique. Et là, à quelques mètres à peine, assis sous un arbre à me regarder se trouve un homme au nom qui m'échappe. Je l'ai déjà vu, hier, lorsque je suis arrivée. J'ai son nom dans mon cahier aussi, mais c'est tout. L'envie de hurler revient rapidement et la colère prend toute la place sur mes traits pour cacher la honte qu'il m'ait vue aussi... aussi... en détresse. Bon sang que je déteste ce mot.

"Qu'est-ce que tu r'gardes?"

Ouais, amabilité et politesse peuvent aller se faire voir chez les trolls pour ce que j'en ai à foutre. Je veux simplement sortir d'ici ou me dire que tout ce qui m'est arrivé récemment n'est qu'une vaste plaisanterie de mauvais goût.

Traduction:

Des oiseaux.

Son regard s’y accroche, suit le vol habile des petites créatures, quelques battements d’ailes avant de s’abandonner au ciel, qu’il commence à les échapper, puis d’autres battements. Et ainsi de suite, comme un ballet aérien, c’est peut-être même le but, qui sait. Vyāsa soupire. Il se sent vidé. Peut-être simplement vide. Le méli-mélo désagréable de ses émotions reste en fond, mais sans prise décente pour l’entraîner encore. Pour le moment, du moins. Un des oiseaux semble s’élancer vers le mur, se fait couper le chemin, une fois, deux fois. Il semble s’acharner et ça fait froncer les sourcils du magizoologiste, mais ses questionnements s’évaporent rapidement lorsque l’animal rejoint la terre pour se dévoiler sous les traits d’une femme.

Il l’a vu la veille. Brièvement. Boudica. C’est son deuxième jour, donc. Une animagus -il ne l’oubliera pas-.

Et visiblement, elle a quelques points en commun avec lui.

Oh, il ne comprend rien à ce qu’elle dit, mais le ton, sa gestuelle… Il ne doute pas un instant qu’elle est en train d’invectiver ce mur qui la coupe de sa liberté, voir tout le domaine.

Vyāsa se redresse lentement pour s’asseoir, l’observant en silence. Il ne se sent pas de l’interrompre, il ne se sent pas non plus de partir. Probablement qu’elle le repérera vite s’il bouge, de toute façon, alors il reste.

Son poing rencontre le mur. Elle semble avoir un sacré direct, mais contre cet adversaire-là, c’est comme donner un coup dans l’eau, en plus douloureux. Sa main valide se referme sur celle blessée et elle se retourne pour te voir. Si un instant, il discerne son malaise de le voir là, spectateur importun, la colère vient rapidement flamber dans son regard. Ses mots sont vifs, abrupts. La voir lui apporter sa propre médecine ne fait pas broncher le Pakistanais.

- Je regardais les oiseaux. Enfin. Des oiseaux et un animagus, faut croire.

Il se lève lentement, les gestes un peu lourds, observe un instant cette saleté de mur.

- J’ai essayé aussi. À dos d’hippogriffe. Et d’autres trucs. Je crois que ça aussi, c’est mort.

Trait d’humour sombre et pas si drôle qui étire un vague sourire sans joie sur ses lèvres. Mort. Mort. Mort. Eux comme l’idée de franchir ce mur, pour l’instant. Viendra bien un moment où faudra mettre le nez dehors pour se battre.

L'autre se prend mon ton et mes mots sans sourciller. Il reste calme, m'explique simplement ce qu'il faisait et se relève paisiblement. C'est quelque chose de rare, les gens ayant plutôt tendance à s'offusquer, prendre peur ou simplement répliquer sur le même ton que moi lorsque je suis dans cet état. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est définitivement une drôle, mais efficace façon de rapidement me désarçonner - et me pacifier.

J'inspire un bon coup et me retourne de nouveau vers le mur pour tenter de contenir... absolument tout ce qui menace toujours d'exploser dans ma poitrine. La douleur dans ma main me fait serrer les dents, mais c'est la honte et la colère qui l'emporte. J'ai envie de partir, de laisser ce collègue dont le nom m'échappe toujours à son observation des oiseaux et aller noyer mes problèmes plus loin. Je ne veux pas que lui ou qui que ce soit me voit ainsi, je ne veux pas partager ce pourquoi j'ai tellement envie de pleurer et de hurler, je ne veux pas non plus déverser mon trop-plein sous forme de colère contre lui qui n'a rien demandé... Mais lui semble pour l'instant vouloir faire la conversation.

Il a tenté de survoler le mur à dos d’hippogriffe, donc? Ce doit donc surement être lui l'instructeur en utilisation et soin des bêtes et créatures magiques. Quoi qu'il en soit, l'information selon laquelle il partage ma frustration de cet enfermement reste intéressante. Si je souhaite survivre ici, peu importe ce qui m’attend, je vais avoir besoin d'alliés. Allié est un terme un peu fort pour l'instant, je l'admets, mais de savoir que certaines personnes partagent ma situation et au moins une partie de mes convictions, serait un bon départ. Du peu que j'ai pu voir jusque là, cet homme est le premier à pouvoir prétendre se rapprocher de cette description.

Je souffle donc lentement par le nez, levant les yeux vers le sommet du mur, frustrant de par son apparence trompeuse, puis réussie à me maîtriser suffisamment pour ne pas parler sur un ton trop brusque ou froid lorsque je lui réponds.

"J'ai également tenté la métamorphose directement sur lui, mais sans résultat. Oh et les explosions ne donne rien."

J'hésite à sa blague qui n'en était pas tout à fait une, lui lançant un regard de biais. Il semble particulièrement... triste? choqué? perdu? ... mais cela n'entache en rien la lueur sauvage qui semble briller au fond de ses yeux noisette. Cela ne me déplaît pas.

"Mort est un terme tout relatif ici, apparemment."

Plus son regard traîne sur le mur, plus il a l’impression d’être a l’étroit dans ce domaine à la con. Ce qui rend d’autant plus stupide le fait de rester planter à son pied, à se laisser impressionner de sa grandeur. Vyāsa laisse tomber un petit soupire, l’écoutant lui faire part de ses propres tentatives sur un ton plus maîtrisé. Visiblement, elle fait un effort devant son calme et l’homme a une idée de l’énergie que ça lui demande, alors il apprécie.

« L’enfoiré qui l’a enchanté a fait un sacré beau boulot, on va lui donner ça. »

Il passe une main dans ses cheveux, y fout davantage le bazar alors que son regard noisette suit le mur qui s’éloigne d’un bord comme de l’autre. Son attention revient rapidement sur la femme à ses côtés.

« De toute évidence. » Il y a des miettes de ricanements dans sa réponse, avant qu’il enchaîne, plus sérieux. « Nous finirons bien par sortir. Qu’importe notre presse en ce moment, ça passe complètement au-dessus de ceux qui peuvent décider. »

Chaîne de commandement à la con. Vyāsa n’arrive pas à croire qu’il y ait que le directeur à la tête de tout ce bordel. Faut pas déconner.

L’instructeur laisse passer un long soupire.

« C’est vaint pour le moment. On devrait rentrer. Vous voulez un café ? Un thé ? Une trousse de premier soin ? »

D’un petit mouvement, il désigne sa main blessée, sans rien rajouter sur le sujet. Ça la regarde bien si elle veut se défaire les poings sur de la pierre. Après, il veut bien continuer de lui faire la discussion, à chère collègue, pour autant qu’elle soit dans les bonnes dispositions pour se faire. Il peut aussi l’abandonner à sa colère devant le mur du domaine. À la base, il ne voulait pas vraiment finir ici. Juste, ce coup de ras-le-bol. Oh, il n’est pas complètement disparu parce qu’il est tombé sur Boudica, mais il se sent plus lasse qu’autre chose, maintenant, malgré son envie de mouvement.