Quand le chat est là, les souris se planquent. [PV Aubépine]

Le crépuscule tombait doucement sur le Domaine, ramenant lentement Vyāsa vers les bâtiments. Quelques fins de journées par semaine, il avait pris l’habitude de partir en quête de nourriture pour les hippogriffes. Petits mammifères divers qui proliféraient partout sur le domaine et qu’il attrapait, principalement avec l’aide d’Achir qui ne rechignait guère à quitter son bras pour s’occuper de cette tâche, lui et son regard affûté.

Il avait d’abord pensé à poser des pièges avant de se raviser. Il y avait trop de risque qu’il attrape des créatures qu’il ne voulait pas piéger, pire, un animagus un peu trop imprudent. À défaut de bien connaître les enrôlés, il savait déjà que certains avaient la faculté de prendre une forme animale et il aurait été proprement horrifiant que d’en trouver un mort dans un piège.

Alors Achir faisait bien l’affaire et avec ce qu’il lui rapportait, il y avait de quoi offrir quelques offrandes aux hippogriffes. Vyāsa avait pris l’habitude de passer régulièrement les voir, s’occuper d’eux. Ils n’étaient pas là par hasard et vu les créatures, ils finiraient probablement par s’en servir lors de missions quelconques. Autant s’en faire des partenaires et qu’ils soient familiers avec les sorciers du domaine. Il veillerait à faire en sorte que ce soit un minimum possible avec les enrôlés, lorsque les cours seraient commencés. Pour sa part, il était vite devenu un visage familier pour les hippogriffes qui cherchaient volontiers son contact après quelques politesses d’usages.

Ce soir, en particulier, la chasse avait été bonne. L’instructeur prit le temps de suspendre les prises hors de porté des petits prédateurs, mais aussi des hippogriffes avant de ressortir, son regard tombant sur un chat aux marques singulières qu’il avait déjà remarqué dans les alentours. Il referma la porte derrière lui, silencieusement, pour ne pas le perturber, se contentant d’attendre quelques minutes pour voir ce que l’animal ferait.

Crépuscule. C’était l’heure de la chasse et une montée d’énergie et d’impatience prenait toujours la jeune femme a ces moments spéciaux où nuit et jour se faisaient la guerre. Profitant de ce que les cours n’avaient pas commencé, elle se planqua dans un coin pour se transformer. Si l’opération était devenue moins douloureuse avec les années de pratique, elle ne contrôlait pas encore totalement l’animal en elle qui avait cette fâcheuse tendance à ressortir aux moments les moins opportuns. Soudain, les herbes devinrent grandes, les couleurs changèrent, un monde d’odeur frappa son cerveau. C’était fou tout ce qui bougeait dans les environs. Elle remua le bout de la queue, s’aplatissant pour ne pas être vue. Maigre au point de sentir ses côtes contre son pelage aux couleurs de l’automne, elle se fondait sans aucun problème dans la nature environnante. Son frère n’était pas encore là. Il ne tarderait pas. La chasse était un rituel qu’ils partageaient, leurs deux formes partageant les mêmes proies qu’ils offraient ensuite au hippogriffes. Après tout, les elfes leur faisaient bien assez (bien trop) à manger.

Elle bondit. Le rongeur sursauta, détalant sur le côté. Elle s’en amusa, les pupilles dilatées et claqua la langue d’excitation. Se ramassant sur elle-même, son arrière train remuant pendant qu’elle calculait le saut, elle bondit devant l’animal qui couina sa peur. Elle adorait l’adrénaline et le félin en elle s’amusait comme un petit fou. Ils jouèrent encore un moment, s’amusant à épuiser la proie avant de lui asséner le coup de dent final, à la base de la nuque, la tuant instantanément. Si elle ne pouvait pas s’empêcher de pimenter le processus de chasse, elle ne blessait pas l’animal pour le laisser agoniser des heures. Cela frustrait la petite chose sauvage en elle, certes – sa race de chat était à peine domestiquée – mais il y avait des limites qu’elle refusait de franchir. Tuer oui. Torturer sans autre raison que le plaisir personnel, non.

Prenant le mulot dans sa gueule, elle s’approcha prudemment de l’enclos des hippogriffes. Son odorat l’informa de la présence d’autres proies. Son estomac grogna, elle l’ignora et regarda autour d’elle un moment avant de lever la tête.

Des proies suspendues ! S’émerveilla l’animal qui eut immédiatement envie de jouer à attraper cette chose incongrue, juste pour le défi. Elle claqua des mâchoires. Le mulot tomba. Elle le ramassa pour aller sagement le poser à l’endroit où elle posait toujours ses proies. Il y avait déjà un petit oiseau et un campagnol. Cela suffirait pour ce soir. Et c’est alors seulement qu’elle se rendit compte qu’elle était observée par un humain. Une espèce de…bah d’humain qui n’était pas son frère, ni un instructeur de sa brigade, ni…enfin il ne lui disait rien mais comme elle en voyait surtout les chaussures, cela ne voulait pas dire grand-chose. Il avait une odeur de fauve, un peu, enfin d’animal, de plein d’animaux qu’il devait avoir touché. Et de proie. Un peu. Prudente, elle fit le gros dos, sans cracher, les oreilles et les moustaches en avant.

Le félin ne semblait pas remarquer l’homme, approchant de ce dernier comme de l’enclos, proie entre les crocs. Vyāsa resta immobile, observateur, comme il avait l’habitude de l’être quand un animal, fantastique ou non, l’intriguait. Sans rien pour les troubler, il serait bien capable de rester là un long moment, quand bien même il ne s’agissait que d’un chat. Enfin, il se le demandait, alors que l’animal déposait un mulot aux côtés d’un petit oiseau et d’un campagnol qu’il n’avait pas remarqué sur le coup, non sans avoir jeté un regard fort intéressé aux proies que l’instructeur avait suspendu plus tôt.

Pourquoi un chat chasserait de la sorte pour laisser ensuite ses proies a porté des hippogriffes ? S’il s’était agi d’un chat domestique, rapportant sa proie à son maître, il ne se serait pas posé de question, mais il en était autre chose dans ce cas-ci. Plus d’un Felis silvestris catus habitait les environs du Domaine et ils étaient tous d’habile chasseur qui attrapaient des proies pour mieux les dévorer. Celui-ci, d’ailleurs, au vu de son physique et de ses tâches, devait être un de ces hybrides résultant d’un croisement avec Prionailurus bengalensis. Il avait quelques fois eu l’occasion d’en observer des spécimens sauvages… Et il lui semblait fort peu probable de trouver un tel animal ici, quand bien même il y aurait toute une ribambelle de chats plus ou moins retourné à l’état sauvage.

Le spécimen devant Vyāsa sembla enfin le remarquer, sans pour autant fuir. L’animal était méfiant, mais attentif, dans une posture peu amicale, mais pas encore au stade de lui cracher dessus. Lentement, l’homme plia les genoux pour s’accroupir et être un peu plus à la hauteur de l’hybride.

- Je ne doute pas que les hippogriffes apprécient vos offrandes. Vous avez l’instinct pour les chasser, mais pas assez pour les boulotter ? Vous pouvez vous détendre, je ne vais rien vous faire. Je suis l’instructeur en utilisation et soin aux bêtes et créatures, Vyāsa.

L’homme observe le chat, hausse légèrement un sourcil. Oh, il pourrait très bien être un idiot qui discute avec un simple chat, mais il en doute fortement.

Elle marcha en crabe. D’abord vers ses proies puis, se calmant graduellement, vers l’inconnu. Bon. Il s’était baissé et parlait d’une voix qui n’était pas menaçante. Le cerveau félin laissa passer les sons pour que l’humaine en lui les analyse. Pas une menace, du moins pas une menace immédiate. Elle s’assit, bien droite, queue enroulée autour de ses pattes. Sur son poitrail, une tâche un peu difforme rappelait le pendentif qu’elle portait sous forme humaine. Ses yeux, noisette, étaient un peu foncés pour les standards de la race et elle était définitivement sous nourrie, chose dont elle n’avait pas conscience. Pas rassurée pour autant, elle continua à observer autour d’elle autant que l’humain non loin et à renifler les odeurs apportées par le vent. Les proies étaient pour les oiseaux/chevaux, pas pour des humains. A moins qu’ils ne donnent en échange une des proies-en-l’air amusantes. Elle cilla rapidement, hésita, tout son langage corporel, si important pour les félins montrant une indécision entre méfiance et curiosité. Vyasa. Professeur de soins aux bêtes. Bon. Elle se remit sur ses quatre pattes, poil redescendu et avança prudemment le nez. Moustaches et oreilles en avant. Queue droite. Prête à bondir hors de portée voire à griffer au moindre geste suspect. Que faire. Devait-elle s’avouer animagus ? Les instructeurs le savaient-ils ? Etait-ce secret ? Elle était d’une nature moins méfiante que son frère et avait plus tendance à laisser passer des indices à ceux qu’on leur avait imposé comme supérieurs hiérarchiques. Qu’on sache qu’elle se transformait en chat, à quoi bon ? Et en même temps c’était ce qui leur avait permis de fuir la Russie de Yaroslava et de s’introduire discrètement sur l’île celte. Un bruit soudain la fit sursauter et sauter de côté, toujours en protégeant ses proies. A elle.

Chat méfiant.

Vyāsa l’observe sans faire le moindre geste qui pourrait effaroucher l’animal. Pas de doute qu’il tient à ses proies et l’instructeur est loin d’avoir l’intention de les lui subtiliser. Les hippogriffes finiront bien par le faire d’eux-mêmes, surtout si l’homme traîne trop longtemps aux abords de la barrière : Ils finiront par venir voir.

Felis silvestris catus x Prionailurus bengalensis s’assoit après avoir entendu Vyāsa parler, mais ne baisse pas sa garde. De son côté, l’humain continue d’observer, note des choses dans un coin de son esprit. Pelage, yeux, la silhouette trop efflanquée, quand bien même les chats le sont souvent. C’est d’autant plus curieux qu’il ne mange pas ses proies dans ces conditions et ça lui fait légèrement froncer les sourcils.

Un chat ne se laisserait pas avoir faim. Il y a une multitude de petits mammifères et d’oiseaux à boulotter au domaine, les chats sont bien nourris, ou mauvais chasseurs. Celui-là est visiblement un habile chasseur, même qu’il est généreux, laissant ses proies aux hippogriffes pourtant capable d’aborder de bien plus grosses créatures pour se nourrir.

Filer sa bouffe et se laisser avoir faim, c’est une histoire d’humain.

L’homme n’insiste pas pour autant, laissant l’animal avancer le museau pour le sentir, tout juste il avance un peu le dessus de la main pour mieux le laisser faire, peut-être initier le contact, qui sait. Sauf qu’un bruit fait sursauter l’animal qui bondit sur le côté, semblant toujours tenir à ses proies. Le regard de Vy se lève vers un jeune hippogriffe intrigué qui vient étirer le cou par-dessus la barrière pour le sentir, frotter le bec dans ses cheveux, voir ce qu’il fabrique exactement, cet humain qu’il reconnaît comme étant celui qui vient tous les jours depuis un moment. Qui change la paille des box, donne de la nourriture, offre des caresses et des coups de brosse pour retirer un peu la saleté qu’ils ont du mal à atteindre.

- Si tu tiens à tes proies, petit chat, méfis-toi. Il risque bien de les trouver et de les croquer d’une minute à l’autre. Moi, je ne les toucherai pas en tout cas.

Il fait rien. J’ai gagné ! La voix de l’humaine en moi me dit que non et que je dois rester sur mes gardes. Elle n’y connait rien. Mais il est humain aussi alors je l’écoute elle, elle connait mieux les humains que moi. N’empêche que je garde mes proies. Et là, le bruit. Je protège. Et je vois l’hippogriffe. Il est gros. J’ébouriffe mes poils. Comme ça je suis moins moins gros que lui. Non mais oh. L’humain il parle, il fait ses miaulements d’humains, j’écoute. Il dit que le gros il va manger mes proies. Mais c’est MES proies ! Et puis j’ai faim un peu. Sauf que je vais pas les manger puisqu’on a dit que je les mangeait pas puisqu’ils étaient en cadeau. J’en ai les fesses qui tombent sur le sol, un peu comme un vulgaire chien. Je me lèche les poils pour les aplatir et réfléchir à la situation. Ce n’est pas un moment normal dans la vie d’un chat, j’en suis sûr. Et ce n’est pas vraiment drôle. Je ne veux pas qu’on me les prenne mes proies. C’est MES proies. C’est moi qui décide.

L’humaine en moi dit que si je les donne à la meute, alors on me les a pas prises.

Elle a presque raison.

Presque parce que c’est moi qui ait raison.

Je retourne vers le tas et j’attrape l’oiseau par le cou et je le traine parce qu’il est lourd et je le pose sur les chaussures du type qui a miaulé pour qu’il le donne au gros. Et je me recule avant qu’on me touche, et je m’assieds, et je claque la langue vers le gros, pas parce que je veux le chasser mais parce que je donne ma chasse. J’ai le torse bombé, je suis fier de mes proies. Et la queue autour de mes pattes, parce que je suis élégante aussi. Je me lèche la babine. Ca sent bon la proie et les chaussures en peau de grosse proie. Je me demande si je peux attraper le gros oiseau. Il a l’air gros quand même. Il me regarde. Doucement, je baisse les paupières, puis je les rouvre, l’air détendu, les oreilles en avant. C’est pour lui dire bonjour. L’équivalent félin de la révérence. Faut être poli avec le gros oiseau. On est deux à être d’accord pour ça. Je regarde l’humain. Alors, tu lui donnes ma proie oui ou non ?

Le chat semble plongé dans une profonde réflexion sous couvert de toilettage pendant que l’homme frotte doucement la jonction entre le plumage et le bec de l’hippogriffe qui s’attarde à ses attentions de bonne grâce. Ce n’est pas un geste anodin, Vyāsa sait fort bien que s’il ne détournait pas l’attention de la créature, elle ne tarderait pas à remarquer les prises du chat et d’y mettre le bec avant que le petit prédateur ne se soit décidé sur la marche à suivre.

Parce qu’il ne fait nul doute que ce Felis silvestris catus n’est en rien ce qu’il prétend être. Il le prouve d’autant plus en allant chercher cet oiseau pour le traîner et le laisser sur les chaussures de l’instructeur avant de se reculer pour le regarder, attendant visiblement quelque chose. Chat fier, torse bombé, queue soigneusement enroulée autour de ses pattes. Ça tire un sourire en coin au Pakistanais, surtout alors qu’il assiste à l’échange de politesse entre les deux créatures.

- Je vois. Je vais faire ça pour toi.

L’homme attrape sans la moindre répugnance l’oiseau mort, peu importe s’il se retrouve avec un peu de sang sur les doigts, puis se redresse. L’hippogriffe renâcle et recule dans le mouvement avant de voir ce que tient l’humain et de réclamer d’un cri. Vyāsa n’hésite pas, le lui lançant. Oh, les hippogriffes sont capables d’être délicats, mais il ne tient guère à ce que celui-là lui pince les doigts dans son empressement à se saisir de la nourriture. La proie est saisie et disparaît en une fraction de seconde.

Le regard du quadragénaire revient sur le chat près de lui.

- Le cadeau est visiblement apprécié. Que ferez-vous des deux autres prises ?

T’es impatient, l’humain. Je m’approche de lui et je donne un coup de patte sans griffe aux chaussures pour lui apprendre la patience. Non mais oh. C’est mes proies et c’est moi qui décide et je décide de…euh…ben de les donner hein. Mais une par une et comme je veux d’abord. Je retourne vers la pile, attrape un des deux rongeurs restant dans ma gueule, la soulève parce que celle là je peux et le repose sur les chaussures avec un miaulement. C’est toi qu’est lent maintenant et je me fiche que t’ai pas eu le temps de baisser ta patte pour le prendre. Je te l’ai mis dessus, la patte alors tu sors tes griffes et… quoi c’est pas des pattes qui prennent celle d’en bas ? Les humains, vous êtes vraiment pas bien construits. On dirait des proies. Et puis zut, j’attends pas et je mets l’autre proie sur l’autre pied, là, voilà j’ai changé de patte, contente ? Puis je me recule d’un bond, toujours pour éviter d’être touché. Oh, il est pas bête l’autre, il a bien vu qu’on était pas que chat mais tant qu’on reste comme ça il peut pas savoir QUI on est et c’est le plus important. Qu’il cherche parmi les humains lequel on pourrait être, il nous trouvera jamais, on est trop forts. Y a que l’hippogiffe qui peut savoir mais on le nourrit alors hein, BON.

Pendant qu’il s’occupe de mes proies, un mouvement attire mon attention vers le haut. Y a toujours les proies qui se balancent. Ca me donne tellement envie de jouer maintenant que j’ai terminé ce que je dois faire. Je m’assied en dessous, lève la tête, claque des mâchoires, remue la queue. Petit à petit, je calcule. Ca bouge mais je suis plus fort. Je mets mes pattes arrières sous moi, je bouge un peu pour équilibrer, et je SAUUUUUUUUUUUUUUUTE !

Et je rate de au moins tout ça, retombant sur mes pattes. Pas assez. Attendez un peu, j’vais vous attraper. Zallez voir !

Vyāsa écope d’un coup de patte sur le soulier pour la peine. Il évite de ricaner, histoire de ne pas vexer sa félinité, alors qu’elle lui rapporte une nouvelle proie, juste sur la chaussure, avant de lui miauler dessus. Vachement convaincant. Il n’a pas le temps de se pencher pour la récupérer qu’il a l’autre rongeur sur l’autre pied.

Bon. Il prend les deux alors que le chat s’esquive un peu, toujours peu désireux d’être touché. L’instructeur n’a aucun mal a attiré l’attention du jeune hippogriffe sur ces amuse-gueules qui les engloutit en deux temps trois mouvements avant de se laisser à nouveau caresser. Vyāsa voit le chat se ramasser sur lui-même, n’ayant guère de mal à comprendre ce qui peut l’attirer de la sorte et il ricane quand il se loupe. Tant pis pour le félin s’il se vexe.

L’homme récupère un couteau à cran d’arrêt dans sa poche avant d’attraper une des prises suspendues, soit un lapin. Il va chercher l’articulation d’une patte arrière, la sectionne avant de ranger le couteau et d’attraper de la ficelle pour attacher la patte de lapin et la suspendre davantage à porté du félin. La brise la rend d’autant plus attrayante qu’elle balance davantage que le reste, plus légère. Satisfait, Vyāsa se recule pour s’asseoir sur le bord de la clôture.

- Rien que pour vous, si ça vous intéresse.

Il n’a pas envie de lui céder plus gros. Il ne faut pas déconner et puis cet animagus -il ne doute pas que c’en est un, à ce stade- ne mange pas ses propres proies, il ne voit pas en quoi il offrirait un sort différent aux siennes. Quoique. Par pur esprit de contradiction ?

C’est pas drôle humain ! J’suis vexé, j’ai mes oreilles en arrière pendant que l’autre rit. En vrai je sais bien que c’est trop haut pour moi mais je suis digne et si je joue parfois, j’aime pas qu’on se moque, non mais oh. Le pire c’est que l’humaine dedans rit aussi alors je me lèche pour ne donner une contenance. Enfin j’aimerais bien sauf qu’il sort une fausse griffe et casse la corde. Je lui crache dessus ! Hey ! Je te l’ai pas donnée celle-là, c’est ma proie, rend la moi. Je vais vers lui, pas contente, pas hérissée non plus parce que là je ne joue plus mais que l’humaine tente de me calmer. Tu vois pas qu’il nous prend notre repas ? Quelle importance qu’on ait pas eu l’intentioon de la manger ? Qu’est ce qu’il en sait des intentions ? Non, il n’est pas intelligent, c’est un HUMAIN. Vous les humains, vous êtes bêtes. Vous faites des tas de bruit de proie, vous savez pas vous mettre contre le vent et vous comprenez pas ce qui est vraiment important comme dormir au soleil, boire dos à un obstacle ou encore enterrer ses besoins. En plus il CASSE la proie. Quelle idée ça, de casser la proie. J’voulais l’autre bout d’abord. Je crache sur la patte. Je feule sur l’homme plus loin. Je tente de continuer à me laver mais le mouvement de la proie et son odeur me donne trop envie. Je saute, je l’attrape cette fois mais elle est trop bien attachée. Du coup, je saute sur le clôture, je fais le tour, j’inspecte, je passe en dessous, je reviens, je renifle la patte qui a l’odeur des chaussures et de l’homme et de la griffe. Je donne un coup de patte dedans sans griffe puis m’en désintéresse. J’en ai marre de jouer. Je vais sous l’homme et lui miaule dessus. Ca me gratte sous le menton.

Il a un sale caractère, ce chat.

Ses oreilles partent vers l’arrière quand il entend Vyāsa rire. Il se lèche pour mieux jouer les félins agacés, mais digne. Le magizoologiste ne bronche pas en se faisant cracher dessus. Qu’est-ce qu’un chat mécontent face à un hippogriffe ou un dragon contrarié ? S’il veut vraiment prendre la tête de l’instructeur, qu’il reprenne forme humaine cet animagus, ça sera marrant.

Felis silvestris catus x Prionailurus bengalensis s’approche à nouveau, crache sur la patte de lapin, sur Vyāsa qui affiche un petit rictus. Parce que ça ne rate pas. Et que le petit félin se retrouve à bondir vers la patte, sans parvenir à la décrocher. Bientôt, il est aussi sur la clôture, à inspecter l’œuvre de l’humain.

Puis s’en battre les couilles. Bien entendu. C’est typique.

L’homme roule légèrement des yeux, avant de baisser les yeux vers l’animal qui lui miaule dessus, posté sous lui. Il le fixe quelques secondes, plisse les yeux avant de descendre lentement pour s’accroupir. Oh, il se méfie, il ne compte pas se prendre une gamelle de la part du chat à nouveau vexé pour va savoir quelle connerie.

- Je n’ai pas l’expertise pour comprendre les miaulements. Que voulez-vous, maintenant ?

Bordel. Il reste bien parce que c’est un animagus sous forme de chat, parce que l’humain, il l’aurait envoyé chier depuis un sacré bout de temps. Son amour pour les bestioles finirait par le perdre.

Ah raté. C’était son amour pour Em’ qui l’avait perdu. Et probablement un peu sa stupidité, tant qu’on y est.

Il descend, je le regarde au cas où c’est une feinte parce qu’il a quand même l’air de se regrouper sur lui-même. C’est pas très stable cette position. L’humaine dedans est pas inquiète alors je l’écoute un peu parce qu’elle a beau ne pas connaître grand-chose, les humains elle sait mieux que moi. Elle devrait jouer plus. Je trouve qu’elle est trop, trop. Trop humaine alors que je sais moi qu’elle est un chat dedans puisqu’elle est moi et que je suis elle. Logique de chat. L’humain parle. Il dit qu’il comprend pas. Non mais j’ai compris que tu ne comprenais pas, je suis pas idiot moi, puisque je suis un chat. Mais c’est pas grave parce que même si tu te moques, j’ai un truc imparable pour que ça ne soit pas offensant. Je profite qu’il soit baissé à mon niveau, qu’il parle et tout, donc il est moins attentif, je m’avance prudemment. Encore. Encore. Et là, POF, je lui phéromone le genou ! Comme ça, il est A MOI le donneur de bouts de proies qui se balance et le caresseur de gros oiseaux et tout ! A moi, a moi, A MOI ! du coup, s’il se re-moque, je serais pas vexé. On ne se vexe pas entre gens de la même famille. Je suis tout fier de mon coup, j’ai bondi juste hors de portée, je le regarde, j’ai les oreilles et les moustaches en avant, je renifle et je sens bien où je l’ai marqué, c’est bon. Alors oui, il a les pattes avant qui sentent l’oiseau moche et grand mais on aime bien les oiseaux, on a un camarade de chasse qui vole même s’il est pas là aujourd’hui. Oh. Et puis zut. Je prends mon élan, et je SAUTE sur le genou en question, avec les griffes pour pas tomber mais pas pour faire mal et je phéromone le coude aussi. Ca fait deux bouts de l’humain à moi. Et je re-miaule. Pour le dresser. Parce que je veux toujours mes gratouilles sous le menton et qu’il va bien falloir qu’il comprenne.

Le chat s’approche alors que Vyāsa parle, petit à petit, toujours méfiant, comme s’il risquait d’une seconde à l’autre de s’en prendre à lui. Contre l’instructeur, ça ne sert pas vraiment, mais pas de doute que ça vaille mieux qu’un abus de confiance qui finisse en animagus crevé. Et bon, le monde n’est pas toujours si sympa avec les chats, alors encore heureux qu’ils aient de bons réflexes. En attendant, le petit félin se rapproche encore… Avant de se frotter contre le genou de l’homme qui hausse les sourcils, interdit.

Oh. Il sait très bien ce qu’il est en train de faire, ce terrible animal !

Et sitôt son méfait commis, il bondit hors de portée, même si Vyāsa ne comptait pas l’attraper pour autant. Il semble terriblement fier de son coup après avoir rétabli de la distance, ce qui ne l’empêche pas de bondir sur les genoux du pakistanais pour faire subir le même sort à son coude avant de lui miauler dessus.

- Le genou et le coude ?! Putain, je ne m’appartiens plus ! Vous êtes chaboliques.

Il le fixe encore quelques secondes, fini par approcher les doigts. C’est un chat méfiant et Vyāsa est un humain qui n’a aucune envie de se retrouver avec des trous dans les doigts.

- Si vous me mordez, je vous laisse là.

Vyāsa effleure l’épaule des doigts, remonte contre sa gorge, grattant du bout des doigts avant d’atteindre le coin de la mâchoire. L’animal aurait tout l’intérêt du monde à manger une ou deux de ses proies à l’occasion, mais sa fourrure est douce et agréable sous les doigts.

Ben non, je vais pas le mordre, pas s’il gratouille comme il faut, je ne suis pas idiot, il n’est pas une proie. Ma queue bat un peu quand il me touche l’épaule et met son odeur sur moi mais ça me gratte trop et j’ai la flemme de le faire moi. Ses doigts sont mieux que mes griffes pour ce genre de travaux, alors puisqu’il est à moi, autant l’utiliser. Je laisse échapper quelques vibrations de bien être pendant qu’il s’exécute. Comme prévu, il n’est pas mauvais. Normal. Je ne possède pas des mauvais. Je lui phéromone les doigts en passant, le guide derrière mes oreilles, les yeux mi-clos mais toujours aux aguets. S’il tente quoi que ce soit je me faufile !

Il ne tente rien.

J’suis presque déçu. Du coup, quand j’en ai marre, je lui donne un petit coup de tête dans le torse et saute à terre. Je fais quelques pas loin de lui, tourne la tête pour le regarder, me lèche la patte avant droite, cligne doucement des yeux, et puis, sans préavis, je bondis, attrape la patte de lapin, la fait glisser du nœud et m’enfuit en courant, mon trophée dans la gueule pour aller le donner a..a… oh et puis l’humaine trouvera hein, c’est pas mes oignons. Si je peux pas la manger, je vois pas pourquoi je perdrais du temps dessus. Il est tard. On est hors de vue et je sens qu’elle veut revenir. Bon. J’suis fatiguée moi alors j’y vois pas d’inconvénients. On retourne là-où-est-la-baguette et elle sort.

Aubépine regarde la patte de lapin qui se retrouve à ses pieds. Lissant sa jupe, elle se penche, gracieusement, et la ramasse. Peut-être Lancelot en aurait-il l’usage pour ses plantes ? On dit que cela porte bonheur mais garder comme trophée un morceau d’être vivant n’est pas dans ses habitudes, c’est quelque chose que le Chat ferait. Se redressant, elle glisse l’objet dans sa poche puis remet correctement ses cheveux. Il est temps de retourner dans la salle commune et de sociabiliser. Il faudrait, un jour, quand même, qu’elle ait une vraie discussion avec ce professeur. « Amwa ! » Mais oui le chat. Oui. Il est à toi.

Le chat ronronne, comme quoi Vyāsa ne s’y prend pas comme un pied. Il coopère aussi longtemps que le félin le désire, le laissant guider ses doigts derrière ses oreilles. C’est probablement un peu bizarre de se dire qu’il a un sorcier -ou une sorcière- sur les genoux et qu’il lui caresse l’arrière des oreilles, mais tant pis. Ce n’est pas désagréable et l’animagus se lasse après un temps correct, de l’avis de Vyāsa. L’instructeur regarde l’animal bondir au sol, s’éloigner un peu avant de le regarder. Il hausse un sourcil, fait mine de se redresser lentement -c’est que la position n’est pas très agréable-, mais le bond du chat l’interrompt et il regarde l’animal filer, patte de lapin à la gueule avec un sourire gouailleur aux coins des lippes. Il se relève enfin, s’étirant lentement alors que l’animal est déjà loin, puis soupire.

- C’est ça. Bon vent, le chat, qu’il marmonne, avant de caresser l’hippogriffe qui est revenu à la charge.

Il ne s’éternise pas dehors plus longtemps. Il ne cracherait pas sur une douche, un morceau à manger, un café et ses livres. Mine de rien, les cours approchent vite et il faudra avoir de la matière à présenter aux enrôlés. Ce n’est guère l’enthousiasme qui le motive -il se demande même ce qui le motive tout court-, mais parvient tout de même à se faire une idée de ce qui viendra dans sa classe. En espérant que les gamins ne seront pas tous une bande de parfaits empotés.

Il demande à voir.

Et peut-être retrouver cet animagus, qui sait.