“You wanna* !”

Il y a des jours où j’ai des chansons dans la tête. Aujourd’hui c’est, désolé les camarades qui n’ont pas vécu assez longtemps planqués comme des Moldus, l’hymne immortel de notre déesse mélodique à tous -Britney Spears. Je ne sais pas pourquoi, non. C’est juste comme ça.
Je le chante donc en me baladant en ce charmant dimanche ensoleillé. Il n’y a pas grand-monde pour m’entendre demander si je veux être canon et avoir une Bugatti, de toute façon. J’ai l’impression d’être le seul idiot à traîner près du lac.
Ou pas.
Que fait donc ce grand nordique photogénique près de l’eau ? Veut-il de la compagnie ? J’espère que la réponse est oui parce que qu’il le veuille ou pas, je suis lancé. A moi les nouvelles rencontres ! A moi les blonds immenses taillée comme des armoires traditionnelles néerlandaises !

“SALUT !”

Moi, moi, regarde moi. Tiens j’agite le bras, je suis là, au sommet de la pente et de l’autre côté de ce petit parapet tout mignon. Ca va, je suis assez visible comme ça ?

“BEAU TEMPS POUR ETRE AU CALME HEIN ?”

Ou pour avoir été au calme. Oups.
Bon, maintenant que je suis lancé, je ne vais pas le laisser là tout seul, non ? Je n’ai qu’à m’approcher de l’eau. J’aime bien ça en plus, la flotte. Ca doit être quelque chose qui arrive quand on vit toute son enfance près de canaux. Bref on s’en fiche, en avant moi. Je pose la main sur le parapet. Je saute par dessus. J’ai les pieds qui touchent le sol de l’autre côté. Et oh non, ça glisse un peu ? Ca glisse carrément. Oups. Encore. Je crois que je vais rejoindre un peu plus vite que prévu Boucles d’Or.

* - "Tu veux !"

La pierre vole au-dessus de l’eau calme, l’effleure, la trouble à quelques reprises, de plus en plus régulièrement avant de se fondre dedans. Arcturus déloge une autre pierre du bout de la botte avant de la récupérer pour lui faire subir le même sort, songeur.

Les cours ont commencé. La matière s’empile dans son crâne, s’emmêle insidieusement pour mieux lui rappeler que ça n’a jamais été son fort, d’accumuler la théorie. Il profite d’une pause après avoir passé du temps le nez dans ses notes et livres pour revoir un peu ce qu’il a fait dans la semaine, avancé aussi quelques parchemins à remettre en essayant d’être un minimum lisible.

Fichtre. Il pensait être débarrassé de tout ça, quand même.

Visiblement pas.

Il tressaille quand il entend quelqu’un crier, se tourne à demi, cherchant l’origine de la salutation avant de lever les yeux vers un jeune homme… Merde, il l’a déjà vu, mais il sait plus c’est qui. Il doute de l’avoir déjà su tout court, en fait. Il hésite, lève la main pour le saluer, parce que crier, c’est…

Ses lèvres se pincent un peu pour ne pas rire. On repassera sur le calme, pour le coup. Ce type est tout sauf… Propice au calme.

- C’était un beau temps, ouais…

Il ne lui en veut pas. Il fait une pause, est venu au calme, aux abords du lac, plus par réflexe qu’autre chose. Ça ne veut pas dire que ça le gêne d’être rejoint. Parlant de rejoindre.

Arcturus agrandit les yeux quand il voit l’autre homme bondir par-dessus le parapet, il aurait presque pu le prévenir s’il avait su qu’il ferait ça, mais c’est déjà trop tard et il glisse. Vite. Il va finir dans la flotte si Arcturus ne fait rien et par réflexe, il essaie de le récupérer quand il glisse à son niveau, mais il se prend les jambes… Probablement dans celle de l’autre.

Et ils finissent en un tas informe de bras et de jambes, à moitié dans la flotte, c’est plutôt vaseux, juste, là, histoire d’être chanceux et tout.

Arcturus crache un peu d’eau, légèrement halluciné.

- … Merde, ça devient une habitude, qu’il marmonne dans sa barbe, avant de chercher à se démêler de l’autre type. - Rien de cassé ?

À croire qu’il est incapable de rester sur ses foutues jambes !

Combien de temps depuis la dernière fois que j’ai fait du toboggan ? Six ans, quelque chose comme ça, non ?
Cinq ans. C’était une après-midi dans un vieux parc avec… Je ne sais plus son nom, je sais qu’elle avait les cheveux blonds et très bouclés. On était trop grands pour les jeux mais on y a quand même été. Et j’ai fait du toboggan.
Mais c’est bien, je peux remettre le compteur à zéro maintenant, parce que je glisse comme un imbécile dans la boue. Mon pied part en avant, mes fesses touchent le sol, je prends de la vitesse.

- AAAAAAH !

J’ai pas mieux à exprimer là. Confusément, je crois qu’il essaie de m’arrêter dans ma glissade… Mais le grand nordique se fait emporter par moi. C’était pas voulu. J’aurais pas dû agiter mes jambes en l’air mais c’est trop tard maintenant.
J’ai la tête dans l’eau. L’arrière du crâne dedans, plus précisément, et les fesses aussi, et mon mollet gauche je crois. Le droit est… J’ouvre les yeux pour essayer de comprendre dans quelle position on a fini. Il est dessus, ma jambe droite bloque son bras, je suis agrippé à son cou. Magnifique.
J’agite les sourcils de manière comique, faussement séduisante. Y’a rien de mieux à faire.

- Non, rien de cassé. Ca te prend souvent de finir sur des inconnus ?

Mes bras, je les reprend. Et ma jambe aussi, je la fiche dans l’eau avec l’autre sans cérémonie pour lui laisser de la place s’il veut se lever.

- Tu aurais au moins pu me payer le resto. Et me demander mon nom… C’est Ar- Moineau.

Je ne vais pas tendre la main parce qu’elle est pleine de vase maintenant, on va se contenter d’une agitation des doigts pour dire bonjour. Et d’un nouveau coup d’oeil autour. On a réussi à trouver le coin le plus vaseux ou c’est moi qui me fait des idées ?

- Je voulais pas te forcer à me suivre dans l’eau. Désolé.

Arcturus regarde l’autre gars sous lui… Et reste un peu con devant ses paroles. Halluciné. Il se redresse vite, passe proche de glisser et de retourner poster son cul dans la flotte. Eh merde !

« Pas vraiment dans mes habitudes, non. »

C’est peut-être plutôt les autres qui finissent sur lui, s’il pense à Cassiopeia. Ça lui donne envie de sourire un instant, mais à la place, il regarde l’autre gars… Il est en train de le draguer là ? Nah, il a l’air de déconner, même qu’il passe proche de balancer son vrai prénom. Arctu grimace un peu. Ça aurait tellement pu lui arriver, mais il a rapidement pris le bon pli de ne pas donner sa véritable identité. Même si quelque part, ça lui fait quelque chose. Comme si on l’en privait. Parfois, il a juste envie de le dire. Qui il est. Que les gens qu’il apprécie l’appel par son vrai nom. Comme si on ne pouvait pas vraiment être vrai tout en se cachant derrière un pseudonyme. C’est peut-être pas faux et peut-être qu’ils sont tous devenus d’autres personnes en mettant les pieds ici. En prenant la décision de quitter un pan de leur existence pour se retrouver dans ce domaine.

- Ça va être dur de t’inviter dans un resto, là. Et pas de soucis, c’est con, mais je finis invariablement dans ce lac, ces temps-ci.

Et parce qu’il ne s’est toujours pas nommé, il le fait, un peu à retard.

- Moi c’est Arcturus.

Et il sort de l’eau, surveillant un peu où il met les pieds pour ne pas finir à nouveau dans la flotte, parce que fichtre, elle est froide et il y a un petit vent qui… Il fouille sa baguette magique, histoire de sécher ses fringues un coup, prêt à faire la pareille pour Moineau, au besoin.

- J’ai pas été assez rapide pour te dire de faire attention, c’est vraiment traître, ici.

Il lui lance un petit sourire en coin, fini par tendre le bras pour l’aider à sortir de là maintenant qu’il est stable.

- Oh. C’est vrai.

Il n’y a pas de restaurants ici. J’ai presque envie de lui dire que je prends aussi les repas en tête-à-tête au milieu des autres, mais Mr Scandinavie semble déjà assez perdu avec mes blagues idiotes. On ne va pas mettre en surchauffe son cerveau en continuant à flirter. Ce serait méchant, même si ça m’amuserait bien.
Je me contente donc de noter son nom. Arcturus, l’Ours. Ca lui va bien. Est-ce que les noms qu’on prend sont toujours un reflet de nous ? Et si oui, qu’est-ce que ça veut dire sur moi que je sois Moineau, hein ?
Pas la peine de répondre à la question. Je sais très bien ce que ça veut dire.

Bref. Il sort de l’eau, je me relève sur mes pieds avec l’aide d’Arcturus et je passe la main sur ma nuque, dans mes cheveux. Ils sont trempés, vaseux, bons pour un lavage. Je sais pas faire le tour avec la magie… Un regard sur le nordique, un autre sur le lac. Lavage.

- Bof, t’en fais pas pour moi.

J’ai l’air de préparer un coup bizarre ? Je suis en train de le faire.

- J’ai l’habitude de l’eau et de la boue.

Voilà. C’est tout comme information. J’ai une pulsion ridicule à assouvir maintenant.
Je saute donc dans le lac. Je fais même l’effort de prendre un peu d’élan pour dépasser la bande de vase et je me balance là dedans comme le ferait un Golden Retriever, en hurlant de joie. Quand je ressors la tête de l’eau, j’ai les cheveux qui me tombent sur le visage et mes vêtements qui essaient de me tracter vers le fond mais je résiste sans problème. Je me permets même de faire un peu de brasse avant de daigner expliquer l’idée à l’autre enrôlé.

- Elle est bonne !

Et puis ça me rince les cheveux, et puis… C’est un lac, c’est tout. Quitte à y être tombé, autant en profiter un peu.

Arcturus reste un instant interdit quand l’autre homme refuse son aide et range lentement sa baguette en l’observant… Et il peut presque lire le cheminement de penser de Moineau avant qu’il ne saute tout simplement dans le lac.

C’est définitivement un drôle d’oiseau, mais un oiseau amusant. Pas besoin de tergiverser longtemps avant qu’il ne se décide. Arcturus vire ses souliers qu’il ne compte pas tremper à nouveau, fait de même avec son haut avant de bondir à la suite de l’autre enrôlé.

Autant être débile à deux que tout seul.

Et il a beau dire qu’elle est bonne, le Moineau, elle n’en reste pas moins froide, cette eau. Mais ça va, suffit de bouger un peu et puis il a connu vachement plus froid chez lui. Rien pour décourager l’animal caché derrière ses yeux bleus qui en profiterait bien pour s’ébattre un peu dans le lac, mais qu’Arcturus retient fermement. Il ne sait pas encore si faire savoir aux autres qu’il est un animagus est une bonne idée. Il l’a dit à Cassiopeia, mais c’est bien parce qu’elle le lui avait dit avant pour elle et qu’il avait envie de lui rendre la pareille.

Il n’a rien à rendre du genre à Moineau qu’il rejoint sans mal à la nage. C’est un peu son élément, la flotte, après tout. Il en profite même pour arroser un peu l’autre homme, l’air de rien.

- On dira que c’était prévu, qu’il propose avec un bout de sourire complice sur les lèvres.