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Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Mar 21 Juil - 15:12
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Dimanche 22 septembre 2019 - 8h

Elle venait de passer deux semaines au domaine et commençait à rencontrer des résidents, discuter avec eux, apprendre à les connaître et les cerner. Pour autant, elle était encore loin de pouvoir dire qu'elle s'était fait des amis. L'amitié, pour Écume, était un pacte sacré qui nécessitait une dose non négligeable de temps, de confiance et qui, parfois, allait même jusqu'à réclamer un acte d'allégeance comme preuve de son dévouement. Deux semaines lui avait tout juste suffit à commencer à prendre ses marques, s'habituer à la vie ici et au rythme effréné des cours. Elle ébauchait une esquisse mentale retraçant toutes les informations qu'elle ingérait ici : les lieux, les leçons, les règles, les brigadiers, les instructeurs. Chaque détail venait s'amonceler au tableau en une chorégraphie picturale. L'observation était le mode opératoire de predilection d'Écume et elle avait besoin de disposer d'un ensemble de données suffisamment conséquent pour commencer à se sentir en sécurité. C'était encore loin d'être le cas, alors d'ici à envisager des amitiés... Non, il ne s'agissait encore que d'une perspective lointaine aux contour incertains comme les oasis dans les déserts dont on ne peut savoir à l'avance s'il s'agit ou non de mirages.

Ce matin là ne faisait pas exception : Écume s'était levée tôt. Elle dormait peu en général, mais ici elle se levait plus tôt encore qu'en Afrique car un matin sur deux elle se devait de pratiquer une activité physique au petit matin. C'était la règle. Et ce rituel l'avait habituée à se réveiller aux premières lueurs les autres jours. Mais quand bien même il n'y eut pas eu le sport, ce sont les camarades de chambre de la Sud-africaine qui l'aurait tirée de son sommeil par leur propre levé puisqu'elle ne dormait jamais que d'un œil et ouvrait le second au moindre bruit.

Ce matin là, elle n'avait rien de prévu, rien d'autre que la liste infinie des exercices que leurs instructeurs leur donnaient à pratiquer mais elle n'avait vraiment pas la force de s'y mettre, encore. Toute cette agitation saugrenue depuis quinze jours, ce cycle sempiternel qui semblait ne jamais varier endormissait ses sens. Et elle n'aimait pas ça ! Elle avait besoin d'actions, de nouveautés, de défis. Or, il n'y avait rien de tel ici et elle sentit la vague de la nostalgie inonder son âme tandis que les visages de ses camarades, ses professeures et protégées d'avant revenaient en défilé à sa mémoire. C'était cruel combien elles lui manquaient toutes. Elles étaient si loin désormais. Inatteignables. Et elle ne pouvait s’empêcher d'espérer que tout irait bien pour elles.

Après s'être étirée en une danse lente, sensuelle et féline, Écume s'était levée et avait pris sa douche. Si elle avait croisé des camarades, elle leur avait sourit de manière aimable mais sans un mot. Elle avait vêtit l'un de ses shorts court en tissu clair et un débardeur bleu nuit qui flottait sur son torse maigre. Elle avait passé son pendentif d'ivoire et lassé ses sandales aux lanières de tissu blanc. Elle était ensuite sortit du bâtiment Selkie et avait résolument tourné le dos à la battisse principale pour rejoindre et longer la prairie. Avant de se promener dans la foret le temps de se réveiller et de cueillir un petit déjeuner frugal puis de rejoindre le lac et de s'asseoir à son bord, à proximité de la jetée les pieds dénudés et immergés.
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Ven 24 Juil - 4:08
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L'aube n'avait plus l'attrait d'avant. Elle ne la passait plus près des serres à lire aux plantes, dans ce rituel qu'ils avaient tous les deux, qui était sa bouffée d'oxygène. Le bal lui avait volé ça comme il lui avait volé son frère. Elle ne pouvait pourtant pas regretter son choix. Elle savait que si tout recommençait, elle ferait le même. L'obéissance aux autorités était ancrée en elle. C'était facile quand on ne risquait que sa peau. Facile de juger quand on ne faisait rien. Elle sentit la colère monter en elle, mâtinée de tristesse et de jalousie.  Allons chasser, fit le chat en elle. Elle soupira, s'avançant tranquillement à travers la prairie, l'ourlet de sa longue jupe en laine frôlant l'herbe abreuvée de rosée. Elle sera son châle sur ses épaules, le préférant à un manteau qui boudinait ses bras trop gros. Elle irait faire un peu de sport dans la soirée, pour perdre tous les kilos qu'elle prenait en se gavant de sucreries. Au moins, Sycomore ne l'obligeait plus à avaler les montagnes de nourriture qu'il faisait pour elle. La dispute avait au moins eu cet effet.

Arrivant sur les bords du lac, alors qu'elle se dirigeait vers sa nouvelle tanière, elle remarqua une silhouette fine. Celle d'une enrôlée qui était arrivé peu de temps auparavant, dans le dernier lot. Elle se redressa alors, remettant bien en place le masque poli et souriant qui était le sien. Sans qu'elle ne s'en rende compte, elle avait reprit son maintien élégant de danseuse et caché sa peine tout au fond de sa poitrine. Elle ne la sentait même plus.

"Bonjour."

Le mot était tout autant poli qu'une façon comme une autre d'annoncer son arrivée avant d'être trop proche. Le Bal avait rendu plus d'un habitant du Domaine nerveux. Elle n'avait pas envie de se prendre un sort pour rien. Ecume avait les pieds dans l'eau et semblait bien dévêtue pour un mois de septembre. Ils étaient en automne depuis peu et le matin était jeune encore. Elle n'était pas frileuse. Etonnant pour une femme de sa carna...de son origine.

"Ecume c'est bien cela ? Ca va ? Tu t'en sors ? Si tu as besoin d'explications sur un cours que tu n'as pas pu suivre, n'hésite pas à me demander."

Elle s'approcha un peu plus, levant les bras pour montrer qu'elle n'avait pas sorti sa baguette. Celle-ci pendait à sa ceinture, le pompon qui la décorait se balançant au gré du vent.

"Je m'excuse de te déranger. Je viens souvent par ici pour lire avant le début des cours. Souhaites-tu discuter un moment ou préfères-tu que je passe mon chemin ? J'ai du thé chaud."

Au fond, la zouwu saurait se satisfaire des deux possibilités. Tant qu'on ne l'envoyait pas au diable vauvert, et, quand bien même, elle ignorait profondément l'avis des autres sur ce qu'elle pouvait faire ou ne pas faire. Avant, cela avait pu l'atteindre. Les rumeurs sur sa relation "malsaine" avec son frère, tout particulièrement, quand c'étaient ceux qui avaient ce genre de pensée qui étaient malsains. Elle n'avait jamais éprouvé autre chose qu'une affection fraternelle pour son double d'âme et certainement rien de sexuel. Elle était dégoûtée rien que d'y penser. Il était beau, son jumeau, oui, mais c'était son FRERE. Le tabou de l'inceste était bien intégré.

Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Ven 24 Juil - 21:16
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Écume rêvassait en repassant des souvenirs de sa vie d'avant. Elle n'était plus vraiment au domaine à contempler la surface de l'eau onduler à ses chevilles, elle était de nouveau là-bas, avec elles. Elle riait intérieurement en revoyant Nihira danser quand elle parvenait à maîtriser un sort ou une recette de potion, ou bien qu'elle souhaitait simplement communiquer son énergie à ses camarades. Elle retrouvait sa paix intérieure en se rappelant les heures passées assise auprès de Moundrani à l'écouter narrer ses leçons-contes aux jeunes recrues ou à discuter de l'avenir avec elle. Elle s'enflammait de nouveau à l'évocation de Tsétou et des missions qu'elles avaient entreprises ensemble. Elle revoyait son regard malicieux, ses boucles brunes sauvages, les pendentifs or et ocre qu'elle portait aux oreilles et les nombreux anneaux qui enserrait son cou, sa vitalité et son inventivité à toute épreuve, sa folle insouciance qui faisait enrager Écume, terrifiée à l'idée de perdre son amie, à l'idée qu'elles soient démasquées et mettent en danger le réseau. C'est tout à ces rêveries, qu'elle fut ramenée de force à sa réalité par un doux et mélodieux "Bonjour". Elle prit un temps face à l'eau, comme pour reprendre conscience d'où elle se trouvait avant de se tourner vers son interlocutrice matinale. Pour sûr, elle ne s'était pas attendue à se faire accoster de si bonne heure.

"Salut !", répondit-elle entre politesse et surprise, presque comme on pose une question. La première de toute étant, bien évidemment "qui est-tu ?", mais également "que fais-tu là ? A cette heure ?". Questions d'autant plus a propos que la jeune femme, à peine ses salutations terminées, l’inondait des siennes. Le lac lui-même ne se serait pas permis d'être aussi submersif.

Vêtue d'une jupe de laine, longue, complétée d'un châle épais, la jeune femme semblait gelée. Du moins, semblait-elle avoir craint de l'être ! Peut-être déversait-elle ses questions par peur que le froid la saisisse et lui dérobe toutes paroles avant qu'elle n'ait eu le loisir de les prononcer ? La température était pourtant encore bien supportable au goût d'Écume, accoutumée à être habillée de peu et chauffée nullement.

"Tu as froid ?" demanda-t-elle donc, prévenante, en guise de réponse avant de se lever pour lui présenter une main chaleureuse, au sens propre comme au figuré. "C'est bien mon nom, oui", ajouta-t-elle. Comment avait-elle pu le deviner ? Quelqu'un lui aurait parlé d'elle ? "Et le tiens ? Je ne crois pas le connaitre, désolée. Mais peut-être que je devrais ?"

La belle ingénue se montrait fort hospitalière. Lui proposant de l'aide pour des problèmes qu'elle n'avait même pas, ou en tous cas certainement pas évoqués et l'africaine n'avait pas pour habitude qu'on se montre si frontalement avenant. Mais elle mis ses réserves de côté et copia l'amabilité de sa visiteuse.

"C'est très gentil de proposer. Je crois que ça va pour le moment, mais je saurai m'en souvenir si besoin." Avant d'ajouter, rassurante : "Oh mais tu ne me déranges pas ! Je profitais du calme matinal pour souffler un peu de l'effervescence de la semaine."

D'un geste ample, elle désigna ensuite la zone du ponton auprès d'elle pour inviter la demoiselle à s'y installer. C'aurait été impoli de refuser. Par ailleurs, elle n'avait pas vraiment de motif pour le faire car Écume n'avait eu vent d'aucune des rumeurs qui pouvaient toucher la brunette et, quand bien même, elle y aurait prêté autant d'importance qu'au plan de table de la prochaine réception d’Annabelle. Peut-être, l'avait elle vue, collée à son frère durant les premiers temps qu'elle avait passé ici, peut-être même avait-elle remarqué le changement depuis le bal, mais elle n'avait pas trouvé l'événement particulièrement notable, ne préjugeant pas de leur relation. Bien sûr, il aurait été possible d'évoquer le simple plaisir de la solitude pour refuser son offre de compagnie, mais cela aurait paru un prétexte, au mieux brusque sinon grossier.

"Non, assieds-toi, je t'en prie. Qu'est-ce que tu lis ?"

Si l'enrôlée n'avait pas encore pris son déjeuner, ce n'était pas étonnant qu'elle ait froid. Et le thé, dont elle avait tenu à préciser la température, confirmait qu'elle avait anticipé un besoin de chaleur.

"J'ai des mûres pour accompagner, si tu aimes. Et une pomme."
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Dim 2 Aoû - 16:36
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La décontraction de la nouvelle enrôlée amena une nuance gentiment amusée sur le sourire poli qu'arborait la jeune femme. Sans se faire prier, elle déposa son châle sur l'herbe et s'assit dessus, ses deux pieds à l'opposé de son interlocutrice et soigneusement cachés sous sa jupe. Elle n'était plus au XIXeme et savait pouvoir montrer ses chevilles sans risquer de passer pour une fille de petite vertu mais ses complexes étaient plus fort que la raison et elle n'était pas à l'aise à l'idée de dévoiler ses jambes qu'elle trouvait hideuses. Sans se presser, elle attrapa son thermos chaud qu'elle posa entre elles-deux et le livre épais qu'elle trimbalait partout, décoré d'un marque-page tissé brodé d'une chouette aux yeux d'or. Elle n'était pas très avancé. L'Espagnol de Cerventes était plus difficile qu'elle ne l'avait anticipé, malgré les cours de Pluie et les quelques échanges dans cette langue avec Lancelot.

Devant la proposition de fruits, elle hésita. Elle ne pouvait pas refuser le rituel d'échange de denrées. Mûres ? Pomme ? Elle se décida finalement pour cette dernière, plus nourrissante et la coupa, comme toujours, en quarts, puis les quarts en deux, puis les morceaux en quatre puis encore à moitié. Elle posa les petits bouts dans un bol métamorphosé à partir de brins d'herbe, à portée de main pour un grignotage sain et surtout contrôlé. Quoi qu'il arrive, elle ne mangerait pas plus d'une pomme. Une autre hésitation, un haussement d'épaule et deux tasses de porcelaine vinrent entourer le thermos. Ce n'était pas parce que l'on mangeait dans la nature qu'il fallait être sauvage.

"Pour te répondre dans le désordre, on me nomme Aubépine. Je suis en intelligence comme toi, mais chez les Zouwu. J'oublie que nous n'avons que quelques noms à retenir par semaine tandis que vous devez assimiler l'entièreté du Domaine. J'aurais du me présenter. Mon erreur est impardonnable." Une nouvelle nuance modifia légèrement son sourire. Un soupçon d'auto-dérision. Pour autant, elle ne se moquait pas d'Ecume. Juste d'elle-même. "J'espère cependant que cela ne ternira pas nos futures relations." Elle versa le breuvage dans les deux tasses et tendit l'une à son invitée, anse vers elle, dans le plus pur respect des traditions. "Je n'ai pas spécialement froid, non, mais j'ai remarqué qu'on évitait bien des questions en s'habillant comme les usages le veulent pour la saison plutôt qu'en fonction de son propre ressenti et comme je n'avais pas envie d'attirer l'attention, j'ai fait ce choix. Enfin, je lis Don Quichotte, pour travailler mon espagnol et parce que je trouve le récit fascinant."

L'attrait d'une folie, d'une hallucination de vraie chevalerie jusqu'à l'amour courtois, le courage calme du vieux héros, la contagion de sa conviction la fascinait. Elle se demandait à quel point l'auteur avait mis de lui dans les différents personnages et ce que ce conte - au demeurant extrêment triste dans ses sujets - pouvait révéler de la pensée catalane (ou aragone, elle ne savait pas). Le masque reprit son apparence simplement polie. Neutre. Tranquille. Elle remit une mèche derrière son oreille.

"J'imagine que tout ce monde nouveau, tous ces cours et ces changements doivent être difficile à avaler d'un coup, oui. Nous sommes arrivés parmi les premiers, mon frère et moi aussi nous avons eu le temps d'assimiler au fur et à mesure. Si tu as des interrogations, n'hésite surtout pas à les exprimer. Je tenterai de t'aider au mieux de mes capacités."

Elle était sincère. Elle n'avait jamais débarqué au milieu de quoi que ce soit. N'avait jamais du s'adapter à un monde inconnu à part celui des moldus lors de leur arrivée en Irlande mais même alors, elle avait prit le temps de l'observation avant de se lancer. Il fallait un sacré courage pour ainsi sauter dans une communauté déjà créée...
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Mar 4 Aoû - 14:55
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Bercée par la fraîcheur de l'eau en surface qui caressait la peau ambrée de ses pieds en un va et vient lent et doux, Écume observait son invitée s'installer. Amusée par le soin qu'elle mettait dans chacun de ses gestes, sa précaution à ne pas salir ses vêtements, ne pas exposer ses orteils, installer méticuleusement ses affaires, découper la pomme. Leur aménager un cocon douillet. Autant de détails dont l'africaine n'était jamais parvenu à se soucier. Cependant, de son amusement, nul ne paraissait. Elle regardait la jeune femme avec attention, observant ses manières en silence, comme subjuguée mais n'affichant rien d'autre que de la douceur. Comme on essaye de comprendre avec bienveillance un nouveau monde qui s'offre à nos yeux. Aubépine prenait son temps et cela convenait très bien à Écume qui en disposait d'autant pour l'étudier.

Dans l'attente, elle commença à cueillir également quelques brins d'herbes à sa portée. Écume n'en arrachait pas les fibres. Elle pinçait le collet, au plus proche de la terre pour récolter les racines avec la plante. Elle séparait précautionneusement les feuilles de la tige, ses lèvres dessinant des mots inaudibles, puis creusait le sol pour y reloger sa locataire. Quand elle eu une récolte suffisante, elle se pencha entre ses genoux pour débarrasser ses mains de la terre, saisit sa baguette, cureta ses ongles d'un mouvement magique et tressa les fanes en une soucoupe dans laquelle elle déposa ses mûres. Si la vaisselle importait à son interlocutrice matinale, elle s'adapterait.

Elle accepta la tasse tendue, saisissant l'anse sans même réaliser qu'elle était tournée vers elle à dessin et porta la boisson à son visage pour en humer le parfum floral. Elle n'y goûta pas pour le moment mais l'odeur semblait la contenter. "Merci !" commenta-t-elle avec enthousiasme, posant le thé au creux de ses cuisses et picorant une mûre, puis deux et trois. Lentement. Attentive aux réponses de sa co-brigadière. Impassible.

L'idée qu'Aubépine envisageait de retenir les noms de l'ensemble des enrôlés l'émerveillait. Clairement, elle ne comptait pas se donner autant de mal. Cette déférence à l'égard du bien-être de l'autre, de tous les autres, fascinait Écume. Comment pouvait-on déborder à ce point d'énergie qu'on en consacre autant à autrui ? L'africaine ne pouvait pas imaginer qu'il puisse exister un niveau de considération pour soi-même aussi suffisamment bas que sa sève soit toute entière dédiée à son prochain. Se désapprouver autant, c'était se condamner. Manquer trop férocement de ressource, de volonté, pour survivre aux affres de la vie. C'est pourquoi elle sourit quand la fleur se fustigea. "Tu n'y es pour rien. Je l'ai sans doute déjà entendu et j'aurai pu le retenir. Tu ne pouvais pas deviner." Pouvait-elle sincèrement imaginer qu'elle puisse lui reprocher de ne pas s'être présenter et en garder de profonds griefs ? Elle plaisantait. Forcément. Écume préféra ne rien répondre tant la réponse lui semblait évidente.

En revanche, la raison qui poussait Aubépine à se couvrir l'amusa. "Pourtant tu te retrouves à répondre et moi non. Peut-être que ce qui crée l'interrogation c'est la différence plus que l'usage, non ? Et, dans ce cas, tu ne pourras jamais y échapper totalement. Personnellement, je préfère alors opter pour mon confort. Au pire, je n'ai qu'à laisser sans réponse les questions futiles", ne put-elle s'empêcher de répondre. "Ou les balayer rapidement", ajouta la femme dans un sourire mutin.

Son regard se posa sur l'épais roman qu'Aubépine venait de lui nommer, perplexe. Comment pouvait-on lire ou ouvrage si imposant ? Dans une langue inconnue qui plus est ! Écume ne rétorqua qu'un sourire poli, préférant ne pas développer un sujet qui ne suscitait rien d'autre que de l'incrédulité chez elle. D'autant que l'évocation du livre semblait, à l'inverse, émouvoir son interlocutrice. Autant choisir de poursuivre la conversation dans deux langues étrangères, ce serait tout aussi efficace !

Quand les mots d'Aubépine décrivirent avec justesse la solitude que l'on ressent à déferler seule sur une terre nouvelle dont on ne connaissait rien, son sourire se teint de nostalgie et son regard s'assombrit. Un instant. Presque imperceptiblement. Comme un automate, les apparences prirent le relais, trouvant un prétexte à conversation. "Tu dis que ton frère est ici aussi ? Ce doit être rassurant d'avoir quelqu'un qu'on connait. Qu'on aime. Non ?" Enfin c'est ce qu'elle imaginait. Avoir une personne à qui confier ses doutes, ses peurs. Pouvoir tomber le masque permanent de la confiance, de la force. "Tu as beaucoup de chance. Et merci", conclut-elle dans un sourire attendrie. "Je m'en souviendrais si besoin."
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Mer 12 Aoû - 3:28
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Elle sourit doucement en réponse. Dans son monde d'avant, manquer aux usages n'apportait pas des questions mais des coups et du danger. S'adapter, ne pas faire de vague, renvoyer l'image parfaite qu'on lui demandait, c'était survivre un autre jour. C'était éviter une rouste à son frère. C'était écouter et surprendre parfois ce qui ne nous était pas adressé. Et si, ici, en effet, les us variaient d'un enrôlé à l'autre, elle cultivait son aura de jeune fille de sang pur bien comme il faut. Elle refusait de risquer de la perdre alors que ça lui serait utile en mission. Mais tout cela, elle préférait ne pas l'avouer à haute voix à une fille qu'elle ne connaissait que très peu. Si Ecume assumait facilement de balayer une question, Aubépine, par ses sourires et ses silences, savait parfaitement faire semblant de ne pas les entendre. Elle attrapa un petit bout de pomme et le fit rouler dans ses doigts, pensivement. Le lac, sa vie fourmillante sous une surface calme ne la fascinait pas. Elle préférait les serres et les plantes rassurantes qui y poussaient. Plantes qu'elle pourrait très bien ne plus jamais côtoyer selon comment se passerait sa prochaine rencontre avec Lancelot. Elle sentit son sourire s'attrister et décida de donner une autre raison à la mélancolie qui la saisissait.

"C'est une grande chance d'avoir mon jumeau avec moi, même si beaucoup ici insistent sur la faiblesse que notre lien représente. Toute arme est à double tranchant, ne penses-tu pas ? Il est à la fois bon d'avoir avec soi quelqu'un que l'on aime et sur qui l'on peut compter mais, en même temps, c'est une vulnérabilité. Je pense que les gens se dévoilent plus par leur réaction à l'annonce de mon lien que moi à simplement dire ce qui est. Tu as des frères et soeurs ?"

La bouderie de Sycomore lui faisait du mal. Elle avait eu raison de faire ce qu'elle avait fait, elle en était persuadée et que son frère refuse de le voir, apeuré par le totalitarisme dont Monsieur le Directeur semblait avoir fait preuve l'ennuyait plus encore que la bouderie elle-même. C'était la première fois qu'ils étaient en désaccord sur quelque chose d'important. La première fois que la pièce était déséquilibrée. Et elle ne savait pas comment réagir. Personne ne le lui avait enseigné.

Peut-être Ecume pourrait-elle, au détour d'une anecdote sur sa famille lui donner les clefs sur comment les tous-seuls géraient les conflits fraternels. Et puis il y avait le problème Asphodèle qui, non seulement les connaissait d'avant mais en plus semblait accaparer toute l'attention de son double-d'âme. C'était dangereux. Ne voyaient-ils pas ces deux idiots, qu'à trop se fréquenter il y avait un risque de formation de clan russe ? A se demander à quoi pensait son frère à la tête trop pleine. Peut-être avait-il un plan. Certainement. Elle devait lui faire confiance. Elle reposa le bout de pomme intouché et pris une gorgée de thé, laissant le liquide brûlant lui éclaircir les idées.
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Jeu 13 Aoû - 1:21
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Une faiblesse. Écume était happée par sa solitude. Plongée dans bourbe de sa mélancolie. Se laissant emporter à mesure que les jours passaient loin des siens. Lentement mais sûrement. Le niveau avait dû monter bien haut à présent, pour l'aveugler à ce point. La vigueur du manque l'en aurait fait oublier le tranchant des attaches. Aimer rongeait la lucidité. En temps de guerre, il s'agissait d'une défaillance intolérable que l'on choisissait de s'imposer. Et pourtant. Même en sachant cela, elle aurait payé cher pour retrouver la ferveur de Tsétou, la sagesse de Moundrani, le cran de Néka ou la bienveillance de Hassna. Pour chasser le vide qui se frayait de nouvelles galeries dans son cœur.

Ici même, d'ailleurs, elle avait vu de nombreuses poupées qui ne survivraient sans doute pas en mission sans protection. Elle ne comprenait pas les raisons de leur enrôlement mais s'était tout de suite faite à l'idée de devoir les sauver en cas de besoin. Du moins, l'avait-elle envisagé avant le bal. Maintenant elle n'avait plu aucune certitude sur le domaine. Cependant, cela ne changeait en rien le fond du sujet. Les attaches, il y en avait partout. Elles nous tombaient dessus sans demander la permission. Ça ne servait à rien de prétendre les éviter. Il fallait apprendre à s'en accommoder.

D'ailleurs, elle n'avait jamais eu à se plaindre de ses partenaires. Elle plaçait en elles toute sa confiance. Chaque soldate de son réseau, Écume compris, se serait démenée pour sauver la vie d'une des leurs. Elles étaient toutes bien trop précieuses pour se permettre de les perdre au combat. C'était comme ça. Et c'était parfait ainsi. C'est cette solidarité infaillible qui la gorgeait suffisamment en force pour réaliser ses missions. Savoir que l'on comptait sur elle et qu'elles étaient toutes mobilisée en retour. Avoir quelqu'un pour qui se battre.

Écume secoua donc lentement la tête à la réponse d'Aubépine. "Désolée mais je ne crois pas, non." Toutes situation avait son revers. Normalement, elle aurait été d'accord. Mais pas dans ce cas. "Je pense qu'en tant de guerre, avoir quelqu'un dont on est proche c'est une force. Une motivation. Surtout si c'est quelqu'une de fort en qui tu as toute confiance et qui peut te protéger. Je pense que ça apporte bien plus que ça ne coûte", expliqua-t-elle donc. "Les gens sont étranges de juger votre lien à ton frère et toi. Qu'est-ce qu'ils croient ?" Demanda-t-elle avec le plus grand calme. "Qu'ils sont à l'abri de toute attache ? C'est impossible je pense. Même s'ils ne connaissent personne en arrivant, ils vont se créer des liens ici et devront combattre avec ce fardeau." Voilà ce qu'elle en pensait. Et la remarque d'Aubépine sur les réactions des autres et ce que cela trahissait d'eux lui semblait fort pertinente. "Tu as eu droits à des réactions disparates ?" s’enquit-elle.

Pour ce qui est de sa famille, Écume eut du mal à choisir si elle souhaitait répondre ou non. Elle ne voulait surtout pas risquer de s’empêtrer dans une suite de questions douloureuses. En disant la vérité, qu'elle en avait eu mais que c'était terminé, Aubépine risquait de chercher à comprendre. Ou de se confondre en excuses. Ce qui ne serait pas mieux parce qu'alors il faudrait la rassurer. Elle pouvait dire qu'elle en avait toujours, mais alors il faudrait détailler leur nombre, leur nom. Raviver des souvenirs enfouis. Impossible. Et si elle disait qu’elle n’en avait jamais eu, alors son interlocutrice réagirait sûrement. Qu'elle trouve ça dommage ou bénéfique. Et il faudrait de nouveau approfondir. Bien entendu, elle avait aussi l’alternative d’ignorer la question, mais cela ne serait pas bien poli. Et Aubépine semblait tenir aux usages. Par ailleurs, Écume ne souhaitait pas particulièrement à se montrer brusque. Alors l'Africaine opta pour un repli stratégique. "Les miens n'ont pas eu la chance d'être enrôlés avec moi. Je les ai perdus en acceptant de venir ici. Ils appartiennent au passé maintenant. Il vaut sans doute mieux ne plus en parler."
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Lun 14 Sep - 15:20
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Il n’y avait pas à être désolé, chacun croyait ce qu’il voulait. Sycomore était une vulnérabilité car elle savait qu’on allait se servir de lui pour l’atteindre elle. Certes, elle avait cette chance de pouvoir supporter de le voir souffrir pour elle – et donc pour la Cause car Aubépine ne se faisait aucune illusion sur les allégeances des possibles bourreaux – mais cela n’empêcherait pas certains d’essayer, d’autant plus que leur passé n’était connu que d’une poignée d’esprits. Une poignée de trop appuya le prédateur en elle. Et elle n’était pas certaine de ne pas être d’accord. Mais que pouvait-elle faire. Tuer Asphodèle ? Stupide. Ils avaient besoin de tous les atouts possibles et il ne serait pas le seul de leur ancien collège à apparaitre dans leur vie. Doucement, elle tenta de rassurer son interlocutrice d’un sourire. Elle n’était pas de celles qui se vexent parce qu’on ne pensait pas comme elle, ou bien elle aurait passé sa vie à prendre la mouche.

« C’est évident. Et même j’irais un peu plus loin en disant qu’un des buts du Domaine est de nous forcer à forger ces liens. Les mangemorts viennent d’un microcosme, une société bien édifiée où tout le monde se connait depuis la naissance. Ils sont un groupe uni, au-delà d’un même idéal par une familiarité, un sens d’appartenance qui renforce à la fois leur coopération et leur communication. C’est ce qui nous manque. Aussi formés et intelligents que sont nos ainés et instructeurs, ils viennent de milieux différents, de cultures différentes et il est clair que la plupart ne se connaissaient pas avant d’arriver ici. Ils ne pouvaient pas coordonner leurs attaques et donc leurs tentatives ne pouvaient qu’échouer. »

Derrière sa voix posée, polie, neutre comme l’on converse de la pluie et du beau temps, la jeune slave pensait ce qu’elle disait. Ce monde, elle l’avait côtoyé et elle en connaissait la profonde unité, malgré les ambitions personnelles. C’était la force du Seigneur des Ténèbres. C’était aussi sa faiblesse car toute pièce avait deux faces. Pourtant, elle ne se liait vraiment à personne. Ses connaissances étaient ténues. Elle avait des sympathies pour beaucoup de gens, ne se confiait réellement à personne. Les gens meurent à la guerre. On s’attache, puis ils disparaissent, en silence, laissant un vide qui ne se referme jamais totalement. C’était une autre leçon de son enfance, et elle ne l’oubliait pas non plus. L’image de Lancelot inerte sur le sol lui revint. Ce n’était pas passé loin. Et elle n’avait rien fait pour le sauver. N’avait rien montré à l’annonce de sa mort. Avait continué à s’occuper de ses propres affaires. Elle hocha la tête à la question de la jeune femme sans élaborer plus avant. Il n’aurait pas été fair-play de révéler ce qu’elle savait sur autrui comme ça de but en blanc à une quasi étrangère. Qu’Ecume se fasse ses propres observations et, si elles devaient devenir plus proches toutes les deux, peut-être pourraient-elles ensuite faire un comparatif de leurs impressions.

Peut-être.

La famille revint donc au cœur du sujet et fut bottée en touche. Pas dupe mais ne souhaitant pas insister, Aubépine porta un morceau de pomme à ses lèvres, le mâchant longuement pour en recueillir tous les gouts sucrés, alors que l’acidulé du fruit lui piquait légèrement la langue. Elle avait accepté sans savoir qu’on n’avait proposé l’aventure à son frère. Elle ne savait pas comment elle aurait réagi à son absence.

« Je ne sais pas si le silence est le meilleur hommage que l’on peut rendre à nos fantômes du passé mais je suppose que c’est à chacun de voir comment il se sent à ce propos. »

Elle acceptait donc de laisser tomber le sujet. Enfin…pas totalement.

« Et tes co-brigadiers ? Tu t’y fais ? »

Il y avait plusieurs façons d’avoir des frères et sœurs…
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
Ven 29 Jan - 19:08
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Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne Ecume_-_miniature_2
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Écume écoutait calmement. Aubépine était une source intéressante pour comprendre le domaine. Le pratiquant depuis plus longtemps, elle devait commencer à en percer les règles et enjeux. Laissant son visage impassible, le cerveau de la Selkie bondit à l'idée d'être forcée à créer des liens. Des vrais liens. Il pourrait assurément prétendre en tisser voire forger de réelles relations superficielles, factices ou d'intérêt. Mais cette illusion prendrait-elle sur les responsables du domaine ? Elle prenait depuis des années sur ses clients et supérieurs, il n'y avait pas de raison qu'il en soit autrement. N'était-ce pas en somme son plus grand talent ?

Au contraire de la Zouwu, elle n'était pas convaincue que l'unité manque à la Résistance. Du moins pas que ce manque représente un handicap en soi. Ils avaient d'autres atouts à mettre de leur côté. Leur nombre, s'ils arrivaient à recruter efficacement, la détermination nourrie par la soif de vengeance, la perspective d'un ordre nouveau.

La coordination des stratégies était un argument intéressant, du moins apte à susciter l'intérêt de l'africaine. Cependant, elle avait souvent opérer seule, par soucis de discrétion justement, et cela n'avait pas été un obstacle. Avec son réseau, elles organisaient des offensives de plus grande ampleur, qui demandaient une certaine unité, mais leurs bastion restaient maigres et, aux yeux d'Écume, la discipline fonctionnait tout aussi bien que la cohésion.

"Je comprends", répondit-elle, "et j'imagine qu'ils savent ce qu'ils font, ici au domaine", continua-t-elle prêchant le faux pour débusquer le vrai. "S'ils pensent qu'il est important que nous tissions des liens, ils doivent avoir leur raisons. Et ton explication me parait très plausible. Cela ne devrait pas me poser trop de difficultés, je suis plutôt bonne en ce qui concerne les relations humaines."

Elle bu une gorgée de thé pour conclure sa phrase et l'illustrer par ses bonnes manières, inculquées de force.

"Quel autre hommage peut-on rendre à un fantôme ?" Demanda-t-elle ensuite, intriguée. La Selkie n'était pas de ceux qui s'épanchent, et évoquer tout haut ce que son cœur saignait tout bas lui paraissait vivement incongru.

La question suivante était presque plus épineuse encore que celle de la famille, car elle avait annoncé son habileté sociale et devait maintenant la démontrer.

"Mes camarades de brigade sont plutôt gentil, oui. J'ai rencontré Pivoine dès mon arrivée qui m'a aimablement présenté les lieux." "Aimablement " était légèrement surfait mais nécessaire à l'illustration. "J'aime beaucoup Cassiopeia, Givre et Andromeda aussi." Toutes des femmes. Cette élan affectif n'étant pas forcément réel mais au moins avait elle retenu leur nom ! En outre, elle ne les détestait pas. "Et puis j'apprends à connaître les autres représentants de l'intelligence", ajouta-t-elle avec un sourire à l'adresse de la concernée.

En miroir de son interlocutrice, l'africaine se sustenta également. Cependant, pour que la copie ne soit pas évidente, elle porta son dévolu sur les mûres, en choisit une avec soin - à l'image de la délicatesse dont faisait preuve son modèle - et la déposa contre ses lèvres qui prirent le relai.

Aubépine mangeait avec grâce, et lenteur. Comme une jeune fille du monde. Comme si elle risquait d'être répudiée à oser montrer son appétit. C'était un spectacle intriguant à observer. D'autant plus cocasse qu'Écume, elle, savait combien les hommes aimaient que l'on partage leur gourmandise.
Re: Les pieds dans l'eau, pour fêter l'arrivée de l'automne
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